Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les grandes orientations de la politique de l'aménagement du territoire et du logement, Nantes le 25 juin 2012.

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Circonstance : XXe congrès du Syndicat national des aménageurs lotisseurs (SNAL) à la Cité des Congrès de Nantes (Loire-Atlantique) le 25 juin 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie tout d’abord de bien vouloir excuser mon absence. J’avais souhaité être des vôtres mais un séminaire gouvernemental me retient à Paris.
C’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous par cette vidéo interposée.
Je tenais tout d’abord à vous féliciter pour ces initiatives que vous avez portées durant la campagne et qui ont largement contribué à mettre le logement sur l’agenda politique.
Avec huit autres fédérations professionnelles, vous avez activement défendu l’action commune des professionnels du logement sous la forme d’un appel intitulé : « je vote priorité logement ». Vous avez interpellé les candidats à l'élection présidentielle et aux élections législatives, et mis au point une série de recommandations dont j’ai pu prendre connaissance et je vous en remercie.
Je vous remercie en effet de votre exigence et de votre force de proposition. Je mesure la responsabilité qui est la mienne pour sortir ce pays de la crise du logement qu’il connaît depuis trop longtemps maintenant. Je sais que je n’y arriverai pas sans vous. Et c’est pour cette raison que je souhaitais être avec vous alors que vous vous interrogez sur ce thème « et maintenant ? Quelle politique du logement ? ».
En effet, l’ambition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault et de notre nouvelle majorité, est de concrétiser les engagements du président de la République : « bien se loger et vivre mieux ».
Pour réaliser l’effort de construction qui est devant nous afin de répondre à la diversité des besoins, je suis chargée d’un ministère de l’Égalité des territoires et du Logement.
I - Pourquoi un ministère de l’Égalité des territoires autant que du Logement ?
Un ministère qui cherche à favoriser l’égalité des territoires, c’est un ministère qui ne veut pas de territoires délaissés et qui favorise le « vivre mieux » quel que soit le type de territoire, qu’il s’agisse de quartiers en difficulté, dans des zones rurales, dans des zones denses et bien équipées ou en outre-mer.
1. C'est d'abord un ministère qui cherche à instaurer plus de justice dans les territoires.
Que l’on parle de démographie médicale, de présence de services publics, ou de précarité énergétique comme de coût des transports, tous les habitants de ce pays ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a d’ailleurs trop de gens dans ce pays qui ne sont pas logés du tout. C’est cette injustice, cette profonde iniquité, qui est insupportable. Le rôle de ce ministère n’est rien de moins que de réinstaller de la justice dans tous nos territoires, en ville comme à la campagne, à Paris comme en province, en métropole comme en outre-mer, et que chacun puisse vivre dans un environnement de qualité.
* En matière d’aménagement, puisque vous êtes des aménageurs, cela signifie d'abord favoriser la ville durable sur tous les types de territoires.
Le SNAL est un partenaire essentiel de l’aménagement durable puisque vous promouvez le développement d’opérations de qualité, notamment au travers des trophées de l’aménagement dont vous lancez aujourd’hui la deuxième édition. Vous militez par ailleurs pour une évolution des documents d’urbanisme, pour améliorer la constructibilité des terrains et limiter l’étalement urbain.
Bien évidemment, nous nous rejoindrons sur ce terrain de l’intercommunalité, d’une nouvelle conception de la densité, qui rimera aussi avec aménités.
Favoriser la ville durable, c’est la favoriser aussi bien dans les petites communes rurales que dans les agglomérations importantes, tant dans les agglomérations riches que dans les agglomérations où les besoins de rénovation urbaine sont encore aujourd'hui cruciaux.
C’est aussi assurer une mixité non seulement sociale, mais aussi intergénérationnelle et fonctionnelle, une certaine solidarité au travers de la présence d’équipements et d’espaces mutualisés, une offre de logements sociaux même dans les bourgs ruraux. C’est aussi assurer une certaine pérennité aux associations, qui jouent un rôle essentiel dans le « bien vivre ensemble ».
C’est notamment ce à quoi s’est attaché le club EcoQuartier, fort de 500 collectivités membres, en permettant aux collectivités porteuses de projets d’aménagement de participer à des conférences, des ateliers qui leur permettent d’échanger leurs savoir-faire, les difficultés rencontrées et les solutions trouvées.
* Plus de justice dans les territoires, cela signifie aussi favoriser une organisation de l’ingénierie au service des projets pour favoriser leur émergence quel que soit le territoire.
Pour réaliser de bons projets au service de tous, il faut une bonne ingénierie.
Aussi en cette période de rareté des deniers publics, nous devons, tous ensemble, organiser une offre d’ingénierie qui se complète et ne se concurrence pas avec celle issue de l’État, celle issue des collectivités, et, bien évidemment, celle des opérateurs privés, bien répartie sur le territoire. Nous devons assurer une assistance à la maîtrise d’ouvrage et une capacité de conception et de réalisation, qui soit disponible pour toutes les collectivités et coordonnée pour optimiser les moyens au service des territoires.
2. Nous voulons aussi un ministère qui cherche à établir plus de justice entre les territoires, pour plus de justice entre les habitants.
Dans cet objectif, j’agirai au niveau gouvernemental, pour que les différents systèmes de péréquation permettent effectivement de renforcer l’égalité entre citoyens, quel que soit leur lieu de résidence.
Il est en effet essentiel que la qualité des logements et des services publics locaux ne dépendent pas de la richesse de la collectivité ou de sa localisation géographique.
Au terme de ce quinquennat, je souhaite que nos concitoyens ne choisissent plus leur lieu de vie par défaut, compte tenu de la somme des contraintes qui pèsent sur eux, mais plutôt en tenant compte des opportunités qui leurs sont offertes. Faire l’égalité des territoires, c’est rendre à chacun la liberté de faire un premier choix.
3. Enfin, ce ministère de l'Égalité des territoires cherche à favoriser un développement économique harmonieux de ces territoires.
Pour obtenir des territoires agréables à vivre et porteurs d’avenir, je travaillerai, avec mes collègues ministres, pour une politique d’investissement dans les territoires, afin que les crédits du grand emprunt rendent crédibles les projets des Écocités, qui permettent de tester puis de diffuser de l’innovation à travers le développement des filières vertes dans les villes, et d'assurer demain la réindustrialisation et la pérennisation des emplois dans les territoires qui en ont le plus besoin.
II – Au coeur de mon action de ministre, il y a aussi le Logement, qui est une priorité nationale.
Comme je vous l’ai déjà indiqué, il s'agit d'une priorité du président de la République.
1. En effet, bien se loger, c’est la priorité n°1 pour vivre mieux.
Et bien se loger, c’est trouver un logement adapté à sa situation. C'est avoir le choix entre la location et l’accession, pouvoir trouver un logement quel que soit son âge, quels que soient ses moyens financiers, un logement dans son bassin de vie et d’emploi adapté à ses besoins. Nous devons répondre à toutes les demandes : celles des étudiants, des jeunes travailleurs, des familles monoparentales, des familles recomposées, des grandes familles, celles aussi des personnes à mobilité réduite ou des personnes âgées. La prise en compte du vieillissement est un sujet que nous devons mettre au coeur de nos priorités.
* Pour atteindre cet objectif je veillerai à favoriser d'abord une approche territorialisée.
Les besoins en logements doivent être évalués à un niveau fin, et les moyens ne doivent plus être distribués en fonction uniquement de grandes zones définies au niveau national. Être en même temps une ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, c’est bien prendre en compte cette approche territorialisée à chaque pas de la décision.
Ainsi, les porteurs de projets, privés ou publics, pourront affiner les besoins pour les décliner au niveau du périmètre de l’opération et les croiser avec une étude du marché local de l’immobilier, afin de connaître leur faisabilité. Et si nécessaire, comme c’est déjà le cas pour les aides de l’Anah, nous adapterons les paramètres pour répondre aux réalités locales.
* Je favoriserai aussi le développement des aménagements et des projets urbains.
Ce développement des projets passera notamment par une mobilisation du foncier public, pour permettre un meilleur équilibre des opérations et la production de logements à des coûts abordables. Nous annoncerons, dans les semaines à venir, comment nous mobiliserons ce gisement pour que l’État redevienne un partenaire des territoires à part entière.
J’attends que, de votre côté, ensemble, aménageurs, bailleurs sociaux, tous les partenaires de cette « union sacrée », vous mettiez vos compétences au service du développement d’opérations diversifiées et durables, offrant notamment des logements accessibles aux plus pauvres, à côté du logement pour les classes moyennes. Se loger tous, loger tous les habitants de ce pays, c'est une priorité de ce gouvernement.
* Bien se loger, c'est aussi assurer une production de logements qui soit véritablement au service de la population.
Pour répondre aux besoins de logements et de services, il est nécessaire de passer d’une concertation formelle, qui n’est bien souvent que de l’information/consultation, à une véritable concertation, qui soit plus proche d’une coproduction de certains aménagements avec les usagers.
Si ces pratiques se sont développées à l’occasion des projets de rénovation urbaine, il peut s’agir d’un exercice difficile lorsqu’il s’agit de projets nouveaux pour lesquels les habitants ne sont pas encore arrivés. Pourtant, une véritable participation des citoyens à un projet ou un aménagement urbain me semble le seul moyen d’assurer une cohérence entre l’offre et les besoins. Et la meilleure protection, également, contre la plupart des recours, par une plus grande acceptabilité.
Ce renforcement de la concertation en amont aura, évidemment, une nécessaire contrepartie : nous lutterons sans relâche contre les recours abusifs.
* Bien se loger, c'est enfin le développement de l’habitat participatif.
La production de logements collectifs est aujourd’hui presque exclusivement impulsée par les professionnels de la promotion immobilière et les opérateurs de logements sociaux.
Il existe pourtant un mode de production alternatif, fondé sur l’initiative des futurs habitants. On retrouve plusieurs concepts qui désignent ce mode. Ils diffèrent selon les projets, mais aussi selon les acteurs, et ils peuvent être regroupés sous la terminologie communément acceptée d’« habitat participatif ».
À titre individuel, l’habitat participatif vise, entre autres, à construire une idée différente du « vivre ensemble » urbain, à recréer du lien social, à mutualiser des services et des installations, à optimiser les coûts et la gestion des ressources, notamment pluviales et énergétiques.
À titre collectif, il s’inscrit dans les démarches de lutte contre l’étalement urbain et vise également à répondre à la fois aux défis de l’exclusion sociale et du dérèglement climatique. Que cela s’illustre dans des démarches d’autopromotion, de coopérative d’habitants ou d’habitat groupé, j’attends de vous que vous puissiez favoriser l’utilisation de certaines parcelles pour ce type d’habitat alternatif. N’ayons pas peur de ce que nous ne connaissons pas assez. Il y a là une piste à creuser.
2. Dernier élément essentiel : la mobilisation des acteurs autour du logement et d’une ville plus durable pour tous.
Vous estimez le déficit de logements entre 500 000 et 1 200 000 logements. Quel que soit le chiffre exact, le défi du logement, inscrit au programme présidentiel, est immense !
Et pour le relever et combler ce déficit, il faut mobiliser l’ensemble des acteurs, et je me félicite de voir que vous avez commencé à participer à cette mobilisation commune.
Les acteurs de l’offre de logement constituent une grande chaîne. Il faut que chacun des maillons de cette chaîne oeuvre pour le développement de l’offre de logements, et le rôle de votre maillon d’aménageurs privés est important.
Tous doivent également se mobiliser pour assurer un aménagement et un développement urbain durable, et donc organiser dans les opérations la gestion économe des ressources, lutter contre la précarité énergétique au travers d’une isolation thermique de qualité, aussi bien en rénovation urbaine que dans le neuf, et au travers de nouveaux systèmes de facturation progressive des services, qui tiennent compte de l’usage qui en est fait.
Faire une cause nationale du logement, c’est aussi favoriser la ville « incluante », en permettant une insertion des populations en difficulté au travers d’une participation à ces projets, d'un développement des TPE et de l’économie solidaire sur les territoires où l’économie traditionnelle peine parfois à se développer. C’est pourquoi je veillerai à développer ces actions avec l’ensemble des ministres en charge de ces sujets.
Et si, sur l’ensemble de ces sujets qui, comme vous l'avez compris, me tiennent particulièrement à coeur, le changement passe par la loi, alors nous ferons une loi. Cette loi, elle sera le fruit de ce travail de terrain que vous menez comme partenaires du logement, elle sera la traduction d’une volonté politique de changer les choses. Nous ferons en sorte de prendre en compte les aspirations de nos concitoyens, les constats d’échec ou les erreurs passées, les propositions portées par les uns et les autres, de sorte que les outils juridiques ou fiscaux que nous mettrons en place soient non seulement pérennes, mais surtout plus justes et plus efficaces pour atteindre les objectifs qui sont les nôtres : résoudre la crise du logement.
Je sais pouvoir compter sur vous tous et vous toutes pour m’accompagner dans cette démarche. J’en suis heureuse et j’en suis fière. Et surtout, je vous en remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 26 juin 2012