Texte intégral
Pourquoi était-il si important que les portefeuilles de la Réforme de lÉtat et de la Fonction publique sortent du giron de Bercy ?
Il fallait sortir de la logique arithmétique qui prévalait. Le président de la République et le Premier ministre ont souhaité offrir un périmètre cohérent à ce ministère indépendant formé de trois piliers : la réforme de lÉtat, la décentralisation et la fonction publique.
La réforme de lÉtat et la décentralisation sont-elles pensées ensemble ?
Oui, il ny aura pas deux réformes, mais une grande réforme de laction publique. Lobjectif est de retrouver un État fort et des collectivités fortes avec une décentralisation aboutie au service des citoyens.
La page RGPP [la Révision générale des politiques publiques, instaurée sous le précédent quinquennat, ndlr] est-elle définitivement tournée ?
Oui. Et le Premier ministre va solliciter une évaluation des impacts de la RGPP sur le terrain. Un audit sera mené cet été par linspection générale de lAdministration (IGA). Ses conclusions seront connues à la rentrée.
Que reprochez-vous à la méthode RGPP ?
Pour moi, ce nétait pas une méthode, mais une posture politique. En définitive, il ny a pas eu danalyse de laction publique, de définition des missions puis de mise en uvre des adaptations. Le précédent pouvoir sest contenté dannoncer une réforme et de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Une étape indispensable a été occultée : la définition dun service public moderne. La RGPP sest limitée à une politique du chiffre.
Exposerez-vous votre méthode lors de la conférence sociale de juillet ?
Lors de la conférence du mois de juillet, nous dirons quelles sont les valeurs du service public et nous discuterons des missions qui relèvent de laction publique.
La décentralisation que le gouvernement veut engager va-t-elle saccompagner dune chasse aux doublons entre les services de lÉtat et les collectivités ?
Pour moi, il ny a pas de doublons. Il ny pas de fonctionnaires dÉtat et de fonctionnaires territoriaux qui font la même chose. En revanche, on néchappera pas à une définition claire de ce que lon veut en termes daction publique. Il y a des missions qui peuvent être exercées par des collectivités territoriales et dautres qui doivent rester des missions dÉtat. À lavenir, ce que feront les collectivités ne sera pas fait par lÉtat et lÉtat reste le garant de la cohérence et de la clarté de laction publique.
Quel regard portez-vous sur la réforme des services déconcentrés, la Réate ?
Le redressement de la France dépend aussi de lefficacité de laction publique. En attendant les résultats précis de laudit confié à lIGA, je constate déjà une désorientation des services de lÉtat. Lobjectif de la Réate était dorganiser et de rationaliser, mais cette réforme a aussi débouché sur une désorientation.
Quel est le calendrier du nouvel acte de décentralisation ?
La première étape sera labrogation du conseiller territorial. Ensuite, il faut passer au crible toutes les dispositions de la loi de 2010 sur les collectivités et voir ce qui ne rentre pas dans notre vision des choses. Nous avons engagé une concertation. Nos décisions doivent marquer le retour de la confiance entre lÉtat et les collectivités. La défiance crée le mépris, nous devions arrêter cette spirale et redonner espoir aux élus locaux et aux fonctionnaires territoriaux. Le texte sur la décentralisation sera donc prêt à lautomne, après les états généraux du Sénat, qui sachèveront en septembre. Je souhaite que ce projet de loi soit examiné à la fin de lannée.
Quelles seront les compétences transférées et à quelles collectivités ?
Un exemple : tout le monde est daccord pour affirmer que la compétence économie des régions soit renforcée. Les conseils régionaux auront ainsi une mission plus clairement définie. Nous comptons aussi sur la création de la banque publique dinvestissement, avec la possibilité donnée aux régions dentrer au capital de certaines entreprises innovantes ou en développement. Ce seront deux outils très importants. Nous aurons à cur détendre les compétences et de les clarifier.
Y aura-t-il des transferts de personnels ?
Cest possible et cest dailleurs aussi lobjet de la concertation engagée avec les associations délus et les syndicats.
Le gouvernement veut créer 65 000 à 70 000 postes en cinq ans dans léducation, la police et la justice, sans augmenter les effectifs de fonctionnaires. Quels ministères verront-ils leurs effectifs réduits ?
Des postes sont nécessaires dans certains secteurs, si possible à périmètre constant pour la fonction publique dÉtat. À nous de voir, de façon précise, si par exemple certains fonctionnaires dÉtat souhaitent volontairement être transférés à la fonction publique territoriale. Je crois par ailleurs que certains ministères ont des propositions à faire, en accord avec les syndicats. Attention, cela ne signifie pas la cogestion, mais nous allons faire les analyses ensemble. Y a-t-il trop de fonctionnaires dans les administrations centrales ? Pas assez dans les services déconcentrés ? Vaut-il mieux, sur tel ou tel poste, le confier aux collectivités territoriales ? Je suis certaine que lon trouvera ensemble des solutions. Mais sortons de la logique arithmétique. Quand on dit 12 000 postes par an dans léducation, ce nest pas précisément 12 000 chaque année, lengagement est de 60 000 postes sur le quinquennat.
Une fonction publique unique, au lieu de trois aujourdhui, est-elle dans vos projets ?
La fonction publique unique nest pas possible car les employeurs sont différents. Ce que je veux, cest faciliter la mobilité dune fonction publique à lautre. Aujourdhui les passerelles ne fonctionnent pas suffisamment bien, alors que les agents peuvent aspirer à changer de métier, faire évoluer leur carrière entre les fonctions publiques dÉtat, territoriale ou hospitalière. Le tout en restant dans la même ville par exemple.
Quels sont les obstacles ?
Les syndicats et les agents sont demandeurs, notamment pour la gestion des fins de carrière. Le statut en lui-même nest pas un obstacle, cest la manière dont on lapplique, cest plus une question pratique que de texte.
Le grand chantier que vous souhaitez lancer dans la fonction publique passera-t-il par une grande loi ?
Beaucoup de choses peuvent se faire par décret, mais si nous voulons une réforme ambitieuse, il faudra peut-être une loi.
La limitation des rémunérations imposée aux patrons des entreprises publiques pourrait-elle sétendre à certaines administrations ou établissements publics ?
La rémunération des hauts fonctionnaires natteint sans doute pas celle des dirigeants des entreprises publiques. Mais si je découvre quelques situations atypiques, elles seront corrigées.
Comptez-vous revenir sur le gel du point dindice ?
Ce gel a été vécu comme une stigmatisation et une culpabilisation des fonctionnaires. On a opposé les fonctionnaires aux salariés du privé et même les fonctionnaires entre eux. Il faut restaurer la confiance et retrouver ladhésion des agents aux valeurs du service public. Je ne vais pas leur dire quon va tout rattraper et ouvrir les vannes budgétaires, la situation ne le permet pas. Mais nous rétablirons une justice. Je parle autant du pouvoir dachat que du point dindice. Ce sera sur la table de la conférence sociale de juillet.
Le précédent gouvernement estime avoir au moins maintenu le pouvoir dachat des fonctionnaires
Si on veut mesurer le pouvoir dachat de façon objective, il faut tenir compte, à carrière égale et à âge égal, de lindice et du régime indemnitaire. Je pense quun certain nombre de fonctionnaires a subi une perte de pouvoir dachat. Les agents demandent quon arrête de les montrer du doigt. Durant cinq ans, ils ont été méprisés, traités comme sils étaient inutiles.
Faut-il mettre un coup darrêt à la politique des primes au mérite ?
Lexemple des magistrats et des policiers illustre que cette politique a été une énorme erreur. On a sombré dans la caricature. Personne nest contre les évaluations, mais les fonctionnaires ont déjà subi la stigmatisation, la culpabilisation et puis, par la culture du chiffre et des primes, les agents et les services ont été mis en concurrence. Cela doit cesser.
La Réate a mis en lumière les écarts importants de rémunérations entre ministères. Comptez-vous y remédier ?
Nul besoin de Réate pour constater quil existe des écarts entre les trois fonctions publiques En réalité, je trouve que dans la fonction publique, rien nest ordonné. Ni la définition de laction publique, ni la définition des services, ni la prise en compte de la qualité des fonctionnaires. On va essayer de mettre de lordre dans tout cela, sans brutalité, pas du jour au lendemain, mais avec détermination et ambition.
Propos recueillis par Bruno Botella et Laurent Fargues
source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 juillet 2012
Il fallait sortir de la logique arithmétique qui prévalait. Le président de la République et le Premier ministre ont souhaité offrir un périmètre cohérent à ce ministère indépendant formé de trois piliers : la réforme de lÉtat, la décentralisation et la fonction publique.
La réforme de lÉtat et la décentralisation sont-elles pensées ensemble ?
Oui, il ny aura pas deux réformes, mais une grande réforme de laction publique. Lobjectif est de retrouver un État fort et des collectivités fortes avec une décentralisation aboutie au service des citoyens.
La page RGPP [la Révision générale des politiques publiques, instaurée sous le précédent quinquennat, ndlr] est-elle définitivement tournée ?
Oui. Et le Premier ministre va solliciter une évaluation des impacts de la RGPP sur le terrain. Un audit sera mené cet été par linspection générale de lAdministration (IGA). Ses conclusions seront connues à la rentrée.
Que reprochez-vous à la méthode RGPP ?
Pour moi, ce nétait pas une méthode, mais une posture politique. En définitive, il ny a pas eu danalyse de laction publique, de définition des missions puis de mise en uvre des adaptations. Le précédent pouvoir sest contenté dannoncer une réforme et de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Une étape indispensable a été occultée : la définition dun service public moderne. La RGPP sest limitée à une politique du chiffre.
Exposerez-vous votre méthode lors de la conférence sociale de juillet ?
Lors de la conférence du mois de juillet, nous dirons quelles sont les valeurs du service public et nous discuterons des missions qui relèvent de laction publique.
La décentralisation que le gouvernement veut engager va-t-elle saccompagner dune chasse aux doublons entre les services de lÉtat et les collectivités ?
Pour moi, il ny a pas de doublons. Il ny pas de fonctionnaires dÉtat et de fonctionnaires territoriaux qui font la même chose. En revanche, on néchappera pas à une définition claire de ce que lon veut en termes daction publique. Il y a des missions qui peuvent être exercées par des collectivités territoriales et dautres qui doivent rester des missions dÉtat. À lavenir, ce que feront les collectivités ne sera pas fait par lÉtat et lÉtat reste le garant de la cohérence et de la clarté de laction publique.
Quel regard portez-vous sur la réforme des services déconcentrés, la Réate ?
Le redressement de la France dépend aussi de lefficacité de laction publique. En attendant les résultats précis de laudit confié à lIGA, je constate déjà une désorientation des services de lÉtat. Lobjectif de la Réate était dorganiser et de rationaliser, mais cette réforme a aussi débouché sur une désorientation.
Quel est le calendrier du nouvel acte de décentralisation ?
La première étape sera labrogation du conseiller territorial. Ensuite, il faut passer au crible toutes les dispositions de la loi de 2010 sur les collectivités et voir ce qui ne rentre pas dans notre vision des choses. Nous avons engagé une concertation. Nos décisions doivent marquer le retour de la confiance entre lÉtat et les collectivités. La défiance crée le mépris, nous devions arrêter cette spirale et redonner espoir aux élus locaux et aux fonctionnaires territoriaux. Le texte sur la décentralisation sera donc prêt à lautomne, après les états généraux du Sénat, qui sachèveront en septembre. Je souhaite que ce projet de loi soit examiné à la fin de lannée.
Quelles seront les compétences transférées et à quelles collectivités ?
Un exemple : tout le monde est daccord pour affirmer que la compétence économie des régions soit renforcée. Les conseils régionaux auront ainsi une mission plus clairement définie. Nous comptons aussi sur la création de la banque publique dinvestissement, avec la possibilité donnée aux régions dentrer au capital de certaines entreprises innovantes ou en développement. Ce seront deux outils très importants. Nous aurons à cur détendre les compétences et de les clarifier.
Y aura-t-il des transferts de personnels ?
Cest possible et cest dailleurs aussi lobjet de la concertation engagée avec les associations délus et les syndicats.
Le gouvernement veut créer 65 000 à 70 000 postes en cinq ans dans léducation, la police et la justice, sans augmenter les effectifs de fonctionnaires. Quels ministères verront-ils leurs effectifs réduits ?
Des postes sont nécessaires dans certains secteurs, si possible à périmètre constant pour la fonction publique dÉtat. À nous de voir, de façon précise, si par exemple certains fonctionnaires dÉtat souhaitent volontairement être transférés à la fonction publique territoriale. Je crois par ailleurs que certains ministères ont des propositions à faire, en accord avec les syndicats. Attention, cela ne signifie pas la cogestion, mais nous allons faire les analyses ensemble. Y a-t-il trop de fonctionnaires dans les administrations centrales ? Pas assez dans les services déconcentrés ? Vaut-il mieux, sur tel ou tel poste, le confier aux collectivités territoriales ? Je suis certaine que lon trouvera ensemble des solutions. Mais sortons de la logique arithmétique. Quand on dit 12 000 postes par an dans léducation, ce nest pas précisément 12 000 chaque année, lengagement est de 60 000 postes sur le quinquennat.
Une fonction publique unique, au lieu de trois aujourdhui, est-elle dans vos projets ?
La fonction publique unique nest pas possible car les employeurs sont différents. Ce que je veux, cest faciliter la mobilité dune fonction publique à lautre. Aujourdhui les passerelles ne fonctionnent pas suffisamment bien, alors que les agents peuvent aspirer à changer de métier, faire évoluer leur carrière entre les fonctions publiques dÉtat, territoriale ou hospitalière. Le tout en restant dans la même ville par exemple.
Quels sont les obstacles ?
Les syndicats et les agents sont demandeurs, notamment pour la gestion des fins de carrière. Le statut en lui-même nest pas un obstacle, cest la manière dont on lapplique, cest plus une question pratique que de texte.
Le grand chantier que vous souhaitez lancer dans la fonction publique passera-t-il par une grande loi ?
Beaucoup de choses peuvent se faire par décret, mais si nous voulons une réforme ambitieuse, il faudra peut-être une loi.
La limitation des rémunérations imposée aux patrons des entreprises publiques pourrait-elle sétendre à certaines administrations ou établissements publics ?
La rémunération des hauts fonctionnaires natteint sans doute pas celle des dirigeants des entreprises publiques. Mais si je découvre quelques situations atypiques, elles seront corrigées.
Comptez-vous revenir sur le gel du point dindice ?
Ce gel a été vécu comme une stigmatisation et une culpabilisation des fonctionnaires. On a opposé les fonctionnaires aux salariés du privé et même les fonctionnaires entre eux. Il faut restaurer la confiance et retrouver ladhésion des agents aux valeurs du service public. Je ne vais pas leur dire quon va tout rattraper et ouvrir les vannes budgétaires, la situation ne le permet pas. Mais nous rétablirons une justice. Je parle autant du pouvoir dachat que du point dindice. Ce sera sur la table de la conférence sociale de juillet.
Le précédent gouvernement estime avoir au moins maintenu le pouvoir dachat des fonctionnaires
Si on veut mesurer le pouvoir dachat de façon objective, il faut tenir compte, à carrière égale et à âge égal, de lindice et du régime indemnitaire. Je pense quun certain nombre de fonctionnaires a subi une perte de pouvoir dachat. Les agents demandent quon arrête de les montrer du doigt. Durant cinq ans, ils ont été méprisés, traités comme sils étaient inutiles.
Faut-il mettre un coup darrêt à la politique des primes au mérite ?
Lexemple des magistrats et des policiers illustre que cette politique a été une énorme erreur. On a sombré dans la caricature. Personne nest contre les évaluations, mais les fonctionnaires ont déjà subi la stigmatisation, la culpabilisation et puis, par la culture du chiffre et des primes, les agents et les services ont été mis en concurrence. Cela doit cesser.
La Réate a mis en lumière les écarts importants de rémunérations entre ministères. Comptez-vous y remédier ?
Nul besoin de Réate pour constater quil existe des écarts entre les trois fonctions publiques En réalité, je trouve que dans la fonction publique, rien nest ordonné. Ni la définition de laction publique, ni la définition des services, ni la prise en compte de la qualité des fonctionnaires. On va essayer de mettre de lordre dans tout cela, sans brutalité, pas du jour au lendemain, mais avec détermination et ambition.
Propos recueillis par Bruno Botella et Laurent Fargues
source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 juillet 2012