Déclaration de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, sur la mise en place des zones de sécurité prioritaires, les campements de Roms, la réforme de l'administration territoriale, notamment les sous-préfectures, et la politique de l'immigration, à Paris le 31 juillet 2012.

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Circonstance : Réunion des préfets à l'hôtel Beauvau, à Paris le 31 juillet 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les préfets,
C’est un plaisir pour moi de vous retrouver, aujourd’hui, pour cette réunion qui fait suite à celle du 5 juillet. Avant la traditionnelle coupure estivale, il me semblait nécessaire que nous nous arrêtions sur quelques sujets essentiels pour lesquels je souhaite vous préciser mes attentes. M. le Premier ministre nous rejoindra, à 11h30, et s’adressera alors à vous.
Je tiens, avant toute chose, à vous dire pourquoi j’ai souhaité nommer Didier LALLEMENT au poste de secrétaire général.
Avant cela, je veux rendre hommage à l’action de Michel BART à la tête du secrétariat général et, plus largement, au sein du Ministère de l’Intérieur. Je vais trahir un secret, qui n’en est pas un, en vous confirmant qu’il sera nommé conseiller d’Etat en service ordinaire, au conseil des ministres de demain.
Je tenais à ce que la nomination de Didier LALLEMENT ait lieu lors du conseil des ministres de mercredi dernier afin qu’il soit là aujourd’hui, comme secrétaire général.
J’ai choisi Didier LALLEMENT car je sais qu’il sera une force de proposition. J’attends de lui de l’imagination et de l’autorité. Ce que j’attends de lui, c’est ce que j’attends de vous. Il a du caractère ; il est donc comme moi ! Je ne doute pas qu’il vous surprendra, notamment par sa capacité d’écoute et de dialogue.
Aujourd’hui, je souhaite aborder avec vous différents points : la sécurité et notamment la mise en place des zones de sécurité prioritaire, l’organisation territoriale de l’Etat et, enfin, les questions d’immigration et de naturalisation, deux sujets qui ont leur spécificité.
Premier thème donc : la sécurité.
Au regard des indicateurs disponibles à ce jour, l’activité et les résultats des services sont, sur le premier semestre, globalement satisfaisants mais ils demeurent fragiles. Deux points appellent particulièrement mon attention :
• Tout d’abord, les cambriolages qui connaissent une hausse importante depuis plusieurs mois. Pour y remédier, dans les meilleurs délais, je vous engage à vous appuyer sur plusieurs leviers : les outils de la police technique et scientifique, l’analyse des données cartographiques dont les enseignements sont souvent déterminants et l’échange d’informations entre les services et notamment entre la police et la gendarmerie.
• Second point d’attention : les agressions contre les personnes et notamment l’explosion des vols de bijoux, commis le plus souvent avec violence. C’est pourquoi, je vous demande d’être particulièrement attentifs quant à l’identification des filières de recel et au contrôle des professionnels. C’est essentiellement dans ces circuits que se recyclent le produit de ces vols. Un vade macum technique va rapidement vous être adressé.
La lutte contre les trafics d’armes ou l’usage illicite d’armes légales doit rester également un axe de travail majeur. Je vous demande de veiller à la mise en oeuvre des mesures d’inscription au fichier des interdits d’acquisition ou de détention d’armes.
Dans les prochaines semaines et prochains mois, des chantiers structurants vont nécessiter votre engagement. Je veux, ici, les parcourir avec vous. J’aurai également l’occasion de le faire avec les commandants de groupement et les directeurs départementaux de la sécurité publique, le 19 septembre prochain.
Pour ce qui est de la mise en oeuvre des zones de sécurité prioritaire, j’ai signé, hier, une circulaire qui va vous être adressée. Entre 50 et 60 ZSP doivent être déployées, en l’espace d’un an, à compter de septembre. Dans un premier temps, 15 ZSP ont été prédéfinies, au niveau central, en fonction de critères objectifs de gravité : 9 sont en zone police, 5 en zone gendarmerie et une en zone commune à la police et à la gendarmerie. Les prochaines ZSP que vous serez amenés à proposer s’appuieront sur l’expérience acquise lors de cette première phase qui doit être engagée dès la rentrée.
A ce titre, les préfets concernés devront, très prochainement, en lien étroit avec les acteurs locaux, et l’autorité judiciaire, procéder aux ajustements nécessaires en termes de périmètres, d’objectifs et d’indicateurs. Au cours de la première quinzaine de septembre, je me déplacerai dans plusieurs de ces ZSP afin de lancer officiellement les travaux.
Vous tous devrez être personnellement mobilisés, tant dans les phases de conception, que de pilotage, de ces ZSP. Les cellules de coordination, que vous aurez à présider, servent cet objectif. Il s’agira d’organiser des rencontres régulières, de définir des objectifs concrets, de favoriser le partage des informations et de mesurer, au fur et à mesure, les résultats obtenus. Le rôle du SDIG est important : son activité doit être recentrée sur le recueil du renseignement opérationnel.
Bien entendu, le fonctionnement des ZSP devra respecter pleinement les prérogatives de la Justice. Ni la Garde des Sceaux, ni moi-même, ne cèderons à la facilité qui consiste à opposer Intérieur et Justice. Les conflits passés, surtout quand ils étaient de nature publique, ont fragilisé l’Etat de droit, ont fragilisé le cadre de travail des acteurs locaux ; il nous revient, aujourd’hui, de construire un cadre de travail apaisé. C’est le sens des rencontres régulières que j’aurai avec Christiane TAUBIRA ; c’est le sens également des conférences locales qu’il vous reviendra d’animer aux côtés des magistrats du Parquet.
Ces travaux conjoints intérieur /justice seront lancés, dans les 22 régions, autour de 4 thèmes : répondre à la délinquance des mineurs, améliorer la performance des services, moderniser et rationaliser les circuits de traitement de la délinquance, renforcer la transparence du fonctionnement pénal. A partir de ces travaux, un comité de pilotage associant Intérieur et Justice présentera ses conclusions au début de l’année 2013.
Deux autres chantiers sont en cours. Le premier concerne les ajustements dans la répartition territoriale des compétences entre police et gendarmerie. J’invite, d’ailleurs, ceux d’entre vous qui le souhaitent à m’adresser leurs propositions. Le Parlement sera également associé à cette réflexion. Le second chantier porte sur la réforme des données statistiques en matière de délinquance. Une première réflexion sur l’évolution des indicateurs de mesure et de pilotage est sur le point d’aboutir. J’ai adressé également au Premier ministre des propositions visant à renforcer, en lien avec le Parlement l’indépendance de l’ONDRP.
Je veux, d’autre part, aborder trois points d’actualité en matière de sécurité. Sécurité civile, tout d’abord. Je veux remercier et rendre hommage à celles et ceux qui sont intervenus pour les feux de forêts, que ce soit dans les Pyrénées-Orientales, où je me rendrai, vendredi prochain, ou en Ardèche, dans l’Hérault et en Corse.
Sécurité routière également. En cette période estivale qui réclame une vigilance particulière, je veux vous livrer ces chiffres : 1692 personnes sont mortes sur les routes, depuis le début de l’année, soit une baisse de 11,5 % par rapport à l’année dernière. Ces résultats ne peuvent que nous encourager à poursuivre fermement notre action en utilisant pleinement les prérogatives que confère le code de la route pour placer sous immobilisation administrative les véhicules utilisés par les auteurs des infractions les plus graves. Là aussi, il s’agit d’un message de fermeté. Les drames de ces derniers jours soulignent combien l’action doit être déterminée et combien l’Etat doit envoyer un message clair.
Ordre public, enfin, avec la question difficile et complexe des campements de Roms. En tant que ministre de l’Intérieur, je n’accepterai pas que se développent, notamment dans les grandes agglomérations, des zones échappant au droit. Je vous demande donc de faire appliquer les décisions de justice en procédant à l’évacuation des campements. Je vous demande de le faire en accord avec les élus concernés, et en liaison très étroite avec les associations qui prennent en charge les populations. Mais le message est clair : les décisions de justice doivent être appliquées. J’ai conscience de la complexité de ce phénomène qui prend sa source dans d’autres pays. Des mesures doivent d’ailleurs être prises dans ces pays où les Roms sont stigmatisées. Il est important que les décisions puissent être mises en oeuvre de façon à la fois ferme et digne même si je sais que les solutions d’intégration ne sont pas toujours évidentes.
Second sujet dont je veux vous parler, aujourd’hui : l’administration territoriale. Je l’ai dit à l’occasion de mes déplacements en préfecture ou en sous-préfecture : j’entends être le Ministre de l’Etat territorial, au sens plein du terme.
Le Premier ministre reviendra sur ce point car, à l’automne, un projet de loi ouvrant un nouvel acte de décentralisation sera présenté. Il s’appuiera notamment sur les conclusions des Etats généraux de la démocratie territoriale conduits par le Sénat. Ceux-ci se déclineront, d’ailleurs, dès septembre, en région, sous forme de réunions organisées à l’initiative des sénateurs et auxquelles je vous invite à participer, à leur invitation.
Je veux à cette occasion saluer la nomination de Serge MORVAN qui a pris, hier, ses fonctions à la tête de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). J’ai proposé cette nomination car je connais les capacités d’impulsion de Serge MORVAN. Grace à son parcours au sein de l’Etat et au sein des collectivités territoriales, il saura contribuer à construire cet équilibre entre, d’une part, des collectivités locales responsabilisées et renforcées et, d’autre part, un Etat affermi.
Il m’apparaît urgent de définir une stratégie de l’Etat territorial, ce qui implique des choix explicites pour dire ce que l’Etat doit continuer de faire.
Ne nous laissons pas, à cet égard, enfermer dans des débats qui voudraient nous faire choisir entre l’échelon régional et l’échelon départemental. Je crois fermement en l’importance d’un échelon régional véritablement stratégique qui définisse les axes de la territorialisation de l’action de l’Etat. Cela implique, d’ailleurs, un renouvellement des conditions du management régional. Je crois aussi que le ministère ne gagnera rien à se couler dans un modèle verticalisant ni à se fondre dans un dispositif horizontal qui nous ferait perdre notre identité. Les préfets doivent, pour cela, conserver cette faculté d’adaptation des politiques publiques au plan territorial, en lien avec les élus.
Des évolutions d’organisation seront certainement encore nécessaires. Elles doivent s’appuyer sur ces trois éléments – que défendra le ministère de l’intérieur –, à savoir : la redéfinition des missions, la préservation de l’interministérialité de l’organisation au plan départemental et des avancées nouvelles en termes de déconcentration.
S’agissant des sous–préfectures, je veux dire les choses de la manière la plus claire. Le réseau des sous-préfectures est essentiel pour le ministère de l’intérieur et l’impératif de cohésion sociale et territoriale doit primer. Pour autant, s’agissant des implantations, il est hors de question de s’en tenir à la facilité et au statu quo. Il y va de la pérennité même du réseau.
Comme je m’y étais engagé, je rencontre l’ensemble des organisations professionnelles. Elles me font part d’un dialogue social qui reste, le plus souvent, au plan local, insuffisant, inégal ou variable dans le temps. C’est donc là un axe d’amélioration auquel vous devez vous employer au quotidien car il s’inscrit dans la volonté du gouvernement de restaurer un climat de confiance vis-à-vis des fonctionnaires. Une confiance qui est une condition nécessaire pour mener efficacement des reformes.
Les deux derniers sujets que je veux aborder, aujourd’hui, tiennent aux questions spécifiques de l’immigration et de la naturalisation.
En matière d’immigration la politique menée vise un objectif de justice et de fermeté. Fermeté vis-à-vis de l’immigration irrégulière, ce qui implique une action résolue contre la fraude documentaire et les filières de travail clandestin. De même, un projet de loi sera proposé au Parlement avant la fin du mois d’octobre qui créera un régime spécifique de retenue administrative portant à douze heures le délai pour vérifier la situation d’un étranger. C’est essentiel pour l’efficacité de notre politique d’éloignement.
Justice également. Je vous invite, dans cette logique, à vous assurer de l’application effective de la circulaire du 31 mai 2012 concernant les étudiants étrangers. Elle doit être la référence lors de tout réexamen de situations individuelles traitées avant la publication de ce texte. Une circulaire est également en préparation visant à redéfinir les conditions d’admission exceptionnelle des étrangers en situation irrégulière dans une perspective de clarification des critères. Elle sera transmise à la rentrée, afin de tenir compte des nécessités de la concertation préalable avec un certain nombre d’interlocuteurs, et des risques pesant sur les conditions d’accueil et de travail en préfecture dans l’hypothèse d’une publication estivale.
A ce titre, je tiens à vous rappeler combien l’amélioration de l’accueil des étrangers en préfecture constitue une priorité. J’ai demandé à l’IGA de mener un état des lieux très précis et un plan d’action est en cours d’élaboration. Un questionnaire vous sera adressé dans les tout prochains jours. Je souhaite d’ailleurs me déplacer dans les préfectures pour rencontrer les agents et évoquer ces sujets avec eux.
Ces conditions d’accueil renouvelées doivent également valoir pour les démarches liées à la naturalisation. Depuis quelque temps, l’accès à la nationalité s’est complexifié, faisant chuter le nombre de naturalisations. Je veux inverser cette tendance afin de faire de la naturalisation le terme logique d’un parcours d’intégration réussi. Cela passe par des critères justes, des procédures claires et des intentions et conditions d’accueil dignes.
Dans cette perspective, des travaux ont été engagés. Une mission a été confiée à l’IGA afin de mesurer l’impact de la déconcentration du dispositif d’accès à la nationalité, en termes de procédures et de délais de traitement. Les critères d’accès à la nationalité font actuellement l’objet d’une révision afin d’évaluer leur pertinence. Enfin, l’entretien d’assimilation sera mieux encadré et l’évaluation des connaissances de l’histoire, de la culture et la société française ne se fera pas par questionnaire à choix multiples mais par le bais d’un dispositif permettant d’évaluer au mieux l’insertion des personnes dans la société française.
Il vous sera diffusé pour la fin de l’été, un support permettant de tenir valablement les entretiens d’assimilation. Ce support aura vocation à témoigner de la capacité à adhérer à la communauté nationale et aux valeurs de la République.
Mesdames et Messieurs les préfets,
Votre mission vous amène à être les représentants de l’Etat et du gouvernement. A l’issue de la phase d’échanges que nous allons avoir à présent, le Premier ministre s’exprimera devant vous. Je ne doute pas que son message sera celui de la nécessaire mobilisation au service des Français. La situation présente le réclame.
Je connais les difficultés de votre action qui est au coeur des attentes de nos concitoyens. Je sais, par ailleurs, combien l’institution préfectorale est essentielle pour la mise en oeuvre des grandes orientations que les Français ont appelées de leurs voeux. Aussi, vous trouverez toujours en moi un interlocuteur ouvert et disponible afin de remplir au mieux cette mission que nous avons en partage : celle de servir notre pays.
Source http://www.localtis.info, le 3 août 2012