Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les finances des départements et la modernisation de l'action publique, à Metz le 21 septembre 2012.

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Circonstance : 82e Congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF), à Metz (Moselle) les 19,20 et 21 septembre 2012

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Claudy,
Mesdames et messieurs les Présidentes, et les Présidents,
Je vous remercie très chaleureusement de m’avoir invitée au Congrès de l’Assemblée des départements de France ; je remercie particulièrement Patrick Weiten pour son accueil.
Déjà 82 congrès depuis la création de l’ADF ; c’est peu, s’agissant d’une institution républicaine par excellence, née avec la Révolution, confortée au tout début de la 3ème République, renforcée il y a déjà plus de 30 ans. C’est beaucoup, pour une collectivité plus que jamais ancrée dans la modernité, qui fait preuve de souplesse, de réactivité, bref qui démontre au quotidien sa modernité.
Au quotidien, parce que rares sont les politiques publiques qui ne passent pas, d’une manière ou d’une autre, par le concours du département : je pense à la protection maternelle et infantile et à la protection de l’enfance. Je pense à la jeunesse, c’est une priorité du Président de la République, qui ne peut se construire sans collège, sans transport scolaire, sans politiques culturelle et sportive. Je pense aux adultes, et en particulier à ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés, dans l’insertion sociale et professionnelle. Je pense aussi, nécessairement, à ceux qui vivent avec un handicap ou dans la dépendance et à leurs proches, qui les accompagnent.
Que seraient-ils sans cette collectivité de proximité, sans cet échelon incontournable de solidarités sociales et territoriales, qui plus est dans la période de crise que nous traversons ? Et que seraient beaucoup de communes sans l’appui du département ?
Je ne suis naturellement pas là pour vous dire ce que vous savez déjà. Je ne découvre pas davantage aujourd’hui à quel point le département est souvent là où la région n’a pas à aller, où la commune n’a pas les moyens de répondre à tous les besoins de ses habitants.
Parce qu’il équilibre les ressources de son territoire et qu’il mutualise de plus en plus les outils de l’action publique locale, le département est plus une source d’économies qu’une charge pour la Nation.
Porteur d’investissements et d’équipements nouveaux, il contribue directement à la croissance économique et à la compétitivité du pays. Son rôle est essentiel dans la couverture numérique du territoire (j’ai vu en arrivant l’expérimentation que vous menez avec Eutelsat). En développant l’attractivité du territoire, il participe à la croissance de demain. Il innove pour les EHPAD comme pour les routes, dans les collèges comme dans la protection de l’environnement. Il se projette toujours dans l’avenir.
Pourtant, je le sais, le département se sent menacé.
Je ne parle pas bien sûr d’une menace institutionnelle : le conseiller territorial sera bientôt supprimé, même s’il nous faut repenser le mode de scrutin département. Nous y travaillons avec Manuel Valls.
Je ne parle pas non plus de concurrence avec les autres niveaux de collectivité. Ni la région ni les métropoles n’absorberont ipso facto tout ou partie des compétences du conseil général, où que ce soit. Nous ne varierons pas sur ce point. Et je le redis avec toute la clarté nécessaire : la décentralisation ne se fera pas aux dépens des départements.
Les départements sont des partenaires indispensables de la rénovation de l’action publique.
Cette rénovation de l’action publique, que je conduis à la demande du Président de la République, ne se fera par ailleurs pas dans une logique verticale imposant depuis Paris un modèle standardisé de compétence pour l’Etat ou pour les collectivités. Les conférences territoriales des compétences que je veux voir organisées avec tous les acteurs locaux seront là pour y veiller.
Non, ce qui menace le département, vous le ressentez plus que jamais, c’est que leurs moyens ne sont plus à la hauteur des missions qui leurs ont été confiées.
On a longtemps cru que le département pouvait tout absorber. Ce n’est plus vrai. Ni la fiscalité, ni la réduction des investissements ne permettent plus aujourd’hui de surmonter l’effet de ciseaux auxquels vous faites face depuis quelques années.
La péréquation, indispensable, n’est bien sûr pas la seule solution : vous l’avez dit, une trentaine de départements sont d’ores et déjà en grandes difficultés. C’est bien un problème structurel que beaucoup de départements affrontent déjà et que tous, si rien n’est fait, y seront bientôt confrontés.
Je ne suis pas là pour faire des promesses inconsidérées : la réforme de la dépendance a trop souvent été annoncée. Elle se fera, c’est un engagement du Président de la République, mais dès à présent des mesures d’urgence s’imposent.
Dans l’immédiat, à chaque fois que la question se pose, c’est bien la préservation financière du département qui guide les choix du Gouvernement.
Ainsi, s’agissant des mineurs étrangers isolés, le Gouvernement sera très rapidement en mesure d’accompagner les plateformes d’accueil et d’évaluation, d’y prendre toute sa part, à la hauteur de ses responsabilités. Il s’agit là d’une mesure d’urgence dans l’attente de la clarification en cours du rôle respectif de l’Etat et des départements et de l’évolution nécessaire, sur ce point, des textes relatifs à la protection de l’enfance.
Ainsi encore, la compensation du transfert de l’allocation de parent isolé sera ajustée à hauteur de 35 millions d’euros supplémentaires, dès la fin de l’année pour corriger le droit à compensation injustement calculé.
Je le sais, il ne s’agit pas là de solutions à la hauteur des enjeux budgétaires des départements. D’autres réponses, structurelles, devront être trouvées.
C’est tout le financement des allocations individuelles de solidarité qu’il faudra en priorité repenser. Comment ? Est-ce par une fraction supplémentaire de CSG ? Je ne suis pas favorable à une journée supplémentaire de contribution de solidarité pour l’autonomie. Faut-il élargir son assiette aux actifs qui n’y sont pas soumis ? Est-ce encore par l’attribution d’une partie du produit des droits de succession ?
Je souhaite ouvrir un groupe de travail pour examiner toutes les pistes envisageables pour le financement de l’APA et de la PCH, y compris celles d’une meilleure compensation par la CNSA.
Toutes ces pistes restent ouvertes, et d’autres peut-être, mais je ne doute pas que vous ferez part de vos propositions, par exemple, à l’occasion de votre rencontre avec le Président de la République, dans les toutes prochaines semaines. Il m’a demandé de vous le confirmer.
Toutefois, dans un contexte de forte tension sur toutes les finances publiques, le financement rénové de ces allocations, est une réponse nécessaire mais non suffisante.
L’ADF a déjà beaucoup travaillé sur des solutions complémentaires et indispensables, qui portent par exemple sur la gouvernance des politiques de dépendance, sur le renforcement de son pilotage départemental, sur la coordination de la politique de prévention, notamment.
Ces exemples prouvent bien que c’est dans le cadre d’une rénovation de l’action publique, au sens large, que nous trouverons bien des réponses aux enjeux de notre siècle.
C’est toute l’ambition du ministère dont j’ai la charge : refonder la puissance publique, l’action publique, le service public. Mener de front, parce que c’est le même sujet, la réforme de l’Etat et la décentralisation avec le concours de toutes les fonctions publiques.
J’ai cette mission de mettre en oeuvre la volonté de la nouvelle majorité de restaurer la puissance publique. Nous n’y parviendrons qu’avec le concours des collectivités locales, avec votre concours. Notre politique tient en 3 lettres, 3 mots, lourds de sens chacun: Efficacité de l’Action Publique ! « L’efficacité de l’action publique » : c’est le pivot de l’action gouvernementale.
Je le dis ainsi parce qu’ouvrir le débat en ces termes, c’est déjà trouver la bonne voie, tant pour moderniser l’Etat que pour accompagner les collectivités dans leurs initiatives. Chacun en sortira renforcé.
Début octobre, le Premier ministre organisera un séminaire gouvernemental sur la modernisation de l’action publique. Il lancera ainsi le chantier de la redéfinition des missions de l’Etat ; il confortera, par là même, le rôle des collectivités. Nous aurons bien des débats, qui suivront ceux que le Sénat organise avec les Etats généraux de la démocratie territoriale.
Après une rupture du dialogue et de la confiance, nous engageons aujourd’hui la réparation, comme le 3 mars à Dijon, François Hollande, alors candidat, s’y était engagé.
Il nous faudra surtout nous doter des bons outils pour passer d’une consultation de forme, qui n’a trompé personne ces dernières années, à une réelle concertation (devrais-je dire négociation ?). Ce sera au Haut conseil des territoires d’y veiller.
Alors seulement les missions respectives de l’Etat et des collectivités pourront être clarifiées. Alors seulement, les politiques publiques y gagneront en efficacité. Alors seulement, les responsabilités des élus seront mieux identifiées. Alors seulement la clause générale de compétence pourra prendre tout son sens.
J’insiste sur ce point, parce que c’est cette disposition qui permet aujourd’hui aux départements de renforcer l’efficacité des compétences obligatoires que la loi leur a attribuées.
J’insiste sur ce point aussi parce que plus de visibilité c’est également plus de responsabilités devant les citoyens, plus de démocratie locale. Le corollaire c’est que le statut de l’élu sera rénové, et la limitation du cumul des mandats assumée.
Car au fond, c’est bien vers le citoyen que la rénovation de l’action publique doit être tournée, c’est bien à ses appels qu’il convient de répondre, dans les territoires urbains comme dans les territoires ruraux, afin qu’il ne cède pas à la tentation du populisme.
Cet enjeu, nous le mesurons tous. Nous n’avons d’autre choix que de nous entendre pour y répondre collectivement. C’est l’objet du pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités locales dans lequel nous devons nous engager.
Face au sentiment d’impuissance, nous allons restaurer la puissance publique.
Restaurer la puissance publique, c’est restaurer l’Etat républicain, dans toutes ses dimensions régaliennes, sur tous les territoires : le canton rural comme les quartiers.
Pour préparer l’action publique de demain, nous devons donc libérer le département de ses entraves. Il poursuivra sa marche dans l’histoire, il accompagnera dans l’avenir la jeunesse de notre pays.
Source http://www.departement.org, le 26 septembre 2012