Texte intégral
Monsieur le Président du Sénat, cher Jean-Pierre,
Monsieur le Président de lARF,
Mesdames messieurs les Présidents et élus des Régions
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Je vous remercie de mavoir invitée à parler aujourdhui, et vous comprendrez que je suis particulièrement heureuse de mexprimer devant des conseillers régionaux.
Nous nous sommes déjà vus à plusieurs reprises, en quelques mois, notamment pour parler de logement. Et je sais à quel point la question du logement, et en particulier du logement des jeunes est un sujet qui vous préoccupe vos régions, sur lequel elles sont engagées et sur lequel la mobilisation de toutes les collectivités est indispensable pour lutter, face à la crise que nous connaissons.
Monsieur le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, la dit : les états généraux de la démocratie territoriale ont été un grand moment déchanges. Et je veux souligner à quel point il est agréable de travailler sous votre présidence au Sénat.
Lors de ce moment particulier, le président de la République a prononcé un discours important, qui donne le cap qui va être celui de notre travail commun pendant les cinq ans qui viennent.
Et le Premier ministre la rappelé : en matière de décentralisation, la méthode est décisive. Celle du gouvernement est simple : cest dagir avec et pour les territoires. Cest seulement à partir de votre expérience, de vos savoir-faire que nous pourrons dessiner la décentralisation de demain. Vos travaux, vos propositions, vos actions seront donc au coeur de laction publique.
Le Président de la République a souhaité placer son action sous le signe du redressement mais aussi sous celui de légalité des territoires. Ce beau mot, cest une volonté, qui va notamment sincarner dans la troisième étape de la décentralisation, et qui constitue aussi un nouveau pas dans la territorialisation des politiques publiques.
Je suis heureuse de pouvoir vous dire comment jenvisage pour cela une alliance nouvelle, une répartition des rôles plus clarifiée entre de lÉtat et des territoires, avec la région comme pivot, cest assez naturelle.
Comment larchitecture de la contractualisation à venir pourrait illustrer de manière très claire ce pacte nouveau.
Dans la tradition républicaine française, les politiques volontaristes de cohésion entre les territoires ont toujours été très grandes. Cest une façon dagir pour quaucune classe sociale, aucun groupe, aucune catégorie générationnelle, ne soit durablement mis à lécart de la production et de la redistribution de la richesse nationale.
Légalité des territoires est un support, un vecteur, un autre nom évident de légalité tout court.
Cest ainsi que laménagement des territoires a assuré, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la transition dune société paysanne vers la société industrielle, et le passage dune majorité de la population du rural vers lurbain.
Cest ensuite ainsi quont été accompagnés la modernisation de notre agriculture, les adaptations successives des bassins demplois aux évolutions scientifiques et techniques, la montée en puissance, plus récente, de la société de linformation, et bien entendu les évolutions démographiques et les changements dans les comportements de consommation.
Ces évolutions ne sont jamais allées delles-mêmes.
Nous avons pu maintenir notre cohésion nationale, sociale et démocratique depuis une cinquantaine dannées, en combinant trois grandes sortes doutils ou dinstruments :
- dabord, la redistribution fiscale aux collectivités et lappui aux grands opérateurs économiques ;
- ensuite, les transferts sociaux aux populations par le biais de lÉtat, les aides aux personnes, les revenus de transfert, les retraites ;
- et enfin, la politique, qui a été très marquante pour notre pays, de grands équipements et de grands réseaux.
Vous avez discuté ce matin des conditions dune nouvelle « croissance ». Nous le savons tous, et dans cette période de crise qui touche lensemble de lEurope et lensemble du monde, la donne a changé, cest uniquement en partant des territoires que nous pourrons aller vers ce que jappellerais plutôt « un nouveau modèle de développement ».
Chacun sent bien que les outils dont je viens de parler, pour maintenir ou reconquérir la cohésion et légalité, doivent être revisités. Les méthodes des années 1970 ne sont plus adaptées à un monde qui bouge, à un pays décentralisé où les élus locaux et les collectivités ont pris la place qui était la leur.
Je ne détaillerai pas la liste des changements que nous avons connus depuis un quart de siècle.
Certains ont été voulus et constituent autant de progrès réels : la construction européenne, la gouvernance des populations par elles-mêmes et la défiance de ce qui vient trop den haut, la volonté de nêtre plus enfermés dans des formes de consommation standardisées, la recherche de diversité, dans tous les temps de la vie
Dautres changements, voulus ou subis, se sont imposés à nous : louverture au monde, les mobilités professionnelles, les changements familiaux, laspiration à la propriété de son logement, désormais lusage autant que la propriété.
Dautres, enfin, touchent aux graves effets pervers désormais avérés de notre modèle antérieur : lextrême dépendance de notre appareil productif à des facteurs purement extérieurs, la fragilité de lemploi, lexplosion du coût des matières premières, les effets et les coûts sanitaires massifs des pollutions, linsécurité urbaine...
À la différence des mutations antérieures, laccumulation de ces facteurs bouleverse en profondeur notre géographie et la répartition des activités et des populations sur nos territoires.
Ils relancent des spirales où les inégalités au sein même des régions viennent à grandir alors que, jusquici, nous étions parvenus à les réduire.
Ils aggravent les fractures au sein même des régions, sur les territoires que vous connaissez bien.
Certains territoires sen sortent, dautres font face à des difficultés croissantes. Et leurs élus ont parfois à porter des responsabilités extrêmement lourdes et font face à des populations dans des situations de plus en plus difficiles.
Ces territoires subissent le maintien du chômage à un haut niveau dans certains quartiers, lémergence de poches de pauvreté réelle et importante dans le rural lointain, le surendettement des familles dans des zones périurbaines, par ailleurs parfois enclavées et privées daccès au service public.
Avec le sentiment fort, ici ou là, dêtre devenus invisibles aux yeux de lÉtat, ce qui fait parfois naître la tentation de lextrémisme. Cest aussi la leçon des dernières élections : nous souhaitons que le gouvernement travaille à mettre, pas seulement dans les discours mais dans les actes, cette notion dégalité des territoires.
Parce que la réponse ne peut plus être celle que nous avons entendu de fait ces dix dernières années : on aménagerait plus le territoire, on soccuperait en priorité des territoires les plus performants, qui allaient vont tirer en avant tout le pays, et on se contenterait pour tous les autres dune politique de compensations.
Nous devons, au contraire, définir ensemble des politiques qui concernent tous les territoires et toutes les populations.
Trois grands objectifs doivent être partagés pour ces politiques :
Le premier est de mettre chaque territoire en capacité dagir : cela signifie réparer, rattraper. Mais cela signifie avant tout anticiper, remettre de légalité des chances, reconstituer larmature des territoires, valoriser la culture de projet.
Cela a pour nom, dans la politique du gouvernement de Jean-Marc Ayrault : traitement des situations durgence en matière dhébergement, rénovation de lhabitat, mais aussi emplois davenir, réexamen de la géographie prioritaire, retour et modernisation des services publics avec une présence humaine renforcée sur les territoires et avec la reconnaissance que le contact humain est primordial dans la délivrance des services publics ; banque publique dinvestissement, maisons ou réseaux de santé, cartes scolaires de lenseignement supérieur, de la recherche.
Le second objectif est de penser les solidarités entre territoires dans un monde mobile : laménagement du territoire ne peut plus se faire segment par segment, il procède dune vision cohérente de la place de chacun dans le système, de sa relation aux autres territoires, et de ses frontières.
Cela a pour nom dans la politique du gouvernement : villes durables, politiques métropolitaines, construction équilibrée de logements, mixité sociale et parcours résidentiel, bon usage du foncier public, maîtrise du périurbain, aménagement numérique et réseaux.
Le troisième objectif est de valoriser les biens communs : je le constate et men réjouis, même sil reste quelques progrès à faire, la transition écologique est un cap majeur, qui nous a été donné à tous par le président de la République, qui a rappelé que lécologie nest pas lennemi de lemploi mais bien une chance sur laquelle la France doit sappuyer pour construire un modèle de développement du XXIe siècle.
Ce lexique commun de la politique du gouvernement se décline bien dans la feuille de route issue de la conférence environnementale.
Il a pour noms « rénovation énergétique des logements », « recyclage », « énergies décarbonées», « nouveaux usages et nouvelles politiques industrielles de lautomobile », « biomasse », « verdissement de lagriculture », « circuit court », « éco matériaux »
Ces trois objectifs forment un trait dunion puissant entre les actions que vous menez en propre dans vos régions, les priorités européennes pour la nouvelle génération de fonds structurels et nos politiques nationales.
Et cela dans un contexte où, chacun le sait, nous devons retrouver les marges daction budgétaire pour faire les investissements nécessaires massifs du premier tiers de notre XXIe siècle.
Autrement dit, rompre avec un processus massif dendettement afin de ne pas peser sur les générations futures.
Nous navons donc pas dautre choix que de mener une action résolue contre les gaspillages, de parvenir à une efficacité sociale plus grande de la dépense publique, à la définition claire des rôles, au partage des priorités, à la coopération et à la mutualisation plutôt quà la compétition.
Je sais que Marylise Lebranchu travaille avec vous à la redéfinition des compétences qui vont aller dans ce sens qui a été présenté par le président du Sénat et il lui reviendra de présenter larchitecture de ses propositions lors de la clôture de votre congrès.
Pour ce qui est de lurbanisme et de la planification territoriale, je confirme ce qua dit le président du Sénat.
Jai déjà dit combien la région doit jouer un rôle fondamental dans le pilotage stratégique de laménagement durable de ce pays. Vous êtes la bonne échelle pour élaborer des documents structurants nécessitant une cohérence spatiale mais aussi entre les différentes politiques thématiques.
Un certain nombre de ces documents sont déjà élaborés au niveau régional, mais sans avoir ni la même portée, ni la même opposabilité, et souvent sans bonne articulation avec dautres documents. Oui, le débat est ouvert, la question sera posée de lopposabilité des documents régionaux. Jai entendu les craintes en matière de tutelle mais on ne peut pas penser une stratégie cohérente si on refuse daborder cette question. Le travail autour des Scot et autour des schémas régionaux a montré quil était aussi utile pour les élus locaux, et en particulier pour les élus municipaux, davoir cette ligne directrice portée de manière plus collective.
Je crois profondément quinscrire une tradition plus lisible des stratégies régionales plutôt quun foisonnement désordonné sera plus utile au portage des politiques publiques.
Le débat aura lieu au premier semestre 2013, lors de la discussion sur le projet de loi qui traitera largement des sujets de logement et durbanisme. Et je souhaite quon puisse travailler sur les modalités dintégration de lensemble de ces plans et schémas dans un document dont la portée sera décisive pour les documents de portée géographique plus limitée.
Pour ce qui est du plan de rénovation énergétique de lhabitat, je voudrais saluer les régions qui ont souvent été à linitiative sur ces questions et qui ont porté, au travers doutils et de politiques, des démarches exemplaires de lutte contre le dérèglement climatique, defficacité énergétique, de création dopérateurs dédiés et pertinents.
Je souhaite que ces actions puissent être renforcées, accompagnées au mieux. Le plan de rénovation énergétique qui porte sur un million de logements par an, dont 500 000 logements rénovés, sappuiera sur le travail que vous avez déjà mené, verra des traductions régionales. Et il se déploiera de la manière la plus adaptée aux territoires puisquévidemment, la question de la rénovation thermique ne se pose pas de la même manière sur lensemble du territoire français, le climat nétant pas le même, les types dhabitat nétant pas les mêmes.
Votre expérience et votre connaissance du terrain fait que ce pari de la transition écologique se gagnera dans les faits si vous y êtes engagés, comme vous lêtes déjà aujourdhui.
Au-delà de ces questions qui concernent le logement et lurbanisme, je voudrais cependant marrêter sur lexercice de contractualisation à venir.
Non pas dans ses modalités concrètes, qui doivent nourrir une discussion approfondie avec tous les élus et feront lobjet darbitrages du Premier ministre.
Mais dans ses principes, tels quils découlent en particulier des indications données à ce sujet par le Président de la République.
Le renouvellement de lexercice doit répondre aux quatre objectifs suivants :
- Afficher une vision de long terme, et pas seulement des idées un peu générales au moment de la signature : il me semble nécessaire de contractualiser sur des priorités, et non pas seulement sur une simple approche budgétaire.
- Sadapter aux contextes régionaux et interrégionaux, en acceptant, je le dis avec simplicité mais solennité, une contractualisation différenciée et peut-être même, sans dissoudre les responsabilités, des modes de gouvernance différenciées
- Intégrer les priorités européennes en les articulant aux priorités nationales et régionales
- Identifier des espaces à enjeux sociaux, et économiques et écologiques particulièrement forts.
En clair : construire un partenariat durable, équilibré et adapté entre lÉtat et les régions.
Nous pourrions par exemple envisager :
Dune part, des contrats régionaux proprement dits, qui pourraient comporter des thématiques communes à toutes les régions, et des thématiques spécifiques à chacune, en fonction de vos besoins ou des politiques que vous souhaitez mener.
Dautre part, des contrats territoriaux : certains pouvant décliner les contrats régionaux, dautres sappliquant sur des territoires particuliers, je pense aux territoires de montagnes, aux littoraux, à des espaces ayant subi un choc particulier ou marqués par une très grande pauvreté.
Au fond, il sagirait, sur un nombre limité de territoires, dafficher clairement le souci dégalité, de solidarité et de cohésion.
Ces contrats territoriaux auraient évidemment vocation à réintégrer certains dispositifs qui sempilent aujourdhui sans quon en voie bien les avantages comparatifs.
La question pour certains services publics de la circonscription territoriale quest le département, se pose aussi dans lesprit présenté par le président de la République et qui consiste à respecter les missions des uns et des autres en pensant larticulation.
Lensemble de ces contrats devront répondre à un objectif qui les dépasse tous : prendre en charge prioritairement la rénovation des services publics ou au public, et laccès des populations à ces services. Trente ans après le début de la décentralisation, il est temps de réfléchir le lien entre lEtat et lensemble des collectivités locales, et en, particulier le lien entre lEtat et les régions.
Nous avons conservé, bon an mal an, des services déconcentrés ou des missions ; je pense par exemple à une mission aussi basique que celle de linstruction des permis de construire. Il est légitime de sinterroger sur leur pertinence aujourdhui, alors même que depuis 1982 celle-ci est pleinement décentralisée et confiée aux communes.
Mais pour dautres politiques, lÉtat peut parfois agir comme un concurrent et penser à la place des territoires. Il est absolument nécessaire de revisiter ces relations entre lÉtat et les régions.
On ne peut pas non plus croire que lÉtat se réduise à un rôle de prospectiviste, dobservateur ou dévaluateur.
Garant de la solidarité nationale, de légalité des territoires ; cest ça, le rôle régalien de lÉtat.
Il doit donc devenir, au quotidien, un animateur, un négociateur et aussi un intervenant, un acteur et un régulateur de premier rang. Sur les prérogatives qui sont les siennes, et seulement celles-ci.
Le président du Sénat a précisé ce que seraient les contours du Haut conseil des territoires, qui serait un lieu déchanges et de dialogue entre les différents niveaux de collectivités locales et lÉtat.
Cela indique donc de repenser le rôle de lÉtat. Et la mission que jai confiée à monsieur Thierry Wahl sur la proposition de création dun « Commissariat général à légalité des territoires » va dans ce sens.
Nous ne pourrons plus doublonner les régions. En revanche, nous ne pouvons accepter que lÉtat sexonère de sa responsabilité en matière dégalité des territoires et de son rôle de garant de légalité, dans un monde qui subit des crises et où les territoires sont parfois très meurtris.
Ce « Commissariat général à légalité des territoires », placé sous lautorité du Premier ministre, pourra disposer de capacités daction très différentes de ce qui existe aujourdhui et qui a été développé dans les années 1960 et 1970.
Mon propos nest surtout pas de me livrer à un énième mécano administratif dont les élus et, je dois dire également sans doute les fonctionnaires, ont largement soupé, mais au contraire de repenser le rôle de lÉtat et les collectivités locales, et tout particulièrement les régions. LÉtat assumera donc pleinement le renforcement de la décentralisation.
Mesdames messieurs,
On entend parfois dire que les nouvelles politiques ne seraient nécessitées que par la contrainte ou la menace de désordres supplémentaires.
Parce que la ressource deviendrait rare,
Parce que lÉtat, de toute façon, aurait perdu des moyens ou de sa superbe,
Parce que les menaces de catastrophes et les nuages saccumuleraient,
Parce quon naurait pas le choix,
Parce que la France serait en déclin.
Jentends tous ces discours chagrins mais je ne les partage pas.
Si nous devons bouger et réformer, si nous devons faire évoluer lorganisation de notre pays, cest aussi parce que loccasion nous est donnée de montrer que la politique sert vraiment à améliorer la vie au quotidien et aussi sur le long terme.
Parce que les aspirations, les qualifications de nos populations et la diversité de nos territoires ouvrent une grande variété de possibles.
Parce que trente ans après ce grand moment qua été la décentralisation, cette invention au quotidien sur les territoires, cette proximité de la démocratie, cette efficacité dans laction publique sont largement reconnues.
Je souhaite que notre mission commune et notre plaisir partagé à exercer des responsabilités soit lambition de ré-ouvrir, pour les années qui viennent et dans laction, la promesse de la démocratie et de légalité.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 23 octobre 2012
Monsieur le Président de lARF,
Mesdames messieurs les Présidents et élus des Régions
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Je vous remercie de mavoir invitée à parler aujourdhui, et vous comprendrez que je suis particulièrement heureuse de mexprimer devant des conseillers régionaux.
Nous nous sommes déjà vus à plusieurs reprises, en quelques mois, notamment pour parler de logement. Et je sais à quel point la question du logement, et en particulier du logement des jeunes est un sujet qui vous préoccupe vos régions, sur lequel elles sont engagées et sur lequel la mobilisation de toutes les collectivités est indispensable pour lutter, face à la crise que nous connaissons.
Monsieur le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, la dit : les états généraux de la démocratie territoriale ont été un grand moment déchanges. Et je veux souligner à quel point il est agréable de travailler sous votre présidence au Sénat.
Lors de ce moment particulier, le président de la République a prononcé un discours important, qui donne le cap qui va être celui de notre travail commun pendant les cinq ans qui viennent.
Et le Premier ministre la rappelé : en matière de décentralisation, la méthode est décisive. Celle du gouvernement est simple : cest dagir avec et pour les territoires. Cest seulement à partir de votre expérience, de vos savoir-faire que nous pourrons dessiner la décentralisation de demain. Vos travaux, vos propositions, vos actions seront donc au coeur de laction publique.
Le Président de la République a souhaité placer son action sous le signe du redressement mais aussi sous celui de légalité des territoires. Ce beau mot, cest une volonté, qui va notamment sincarner dans la troisième étape de la décentralisation, et qui constitue aussi un nouveau pas dans la territorialisation des politiques publiques.
Je suis heureuse de pouvoir vous dire comment jenvisage pour cela une alliance nouvelle, une répartition des rôles plus clarifiée entre de lÉtat et des territoires, avec la région comme pivot, cest assez naturelle.
Comment larchitecture de la contractualisation à venir pourrait illustrer de manière très claire ce pacte nouveau.
Dans la tradition républicaine française, les politiques volontaristes de cohésion entre les territoires ont toujours été très grandes. Cest une façon dagir pour quaucune classe sociale, aucun groupe, aucune catégorie générationnelle, ne soit durablement mis à lécart de la production et de la redistribution de la richesse nationale.
Légalité des territoires est un support, un vecteur, un autre nom évident de légalité tout court.
Cest ainsi que laménagement des territoires a assuré, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la transition dune société paysanne vers la société industrielle, et le passage dune majorité de la population du rural vers lurbain.
Cest ensuite ainsi quont été accompagnés la modernisation de notre agriculture, les adaptations successives des bassins demplois aux évolutions scientifiques et techniques, la montée en puissance, plus récente, de la société de linformation, et bien entendu les évolutions démographiques et les changements dans les comportements de consommation.
Ces évolutions ne sont jamais allées delles-mêmes.
Nous avons pu maintenir notre cohésion nationale, sociale et démocratique depuis une cinquantaine dannées, en combinant trois grandes sortes doutils ou dinstruments :
- dabord, la redistribution fiscale aux collectivités et lappui aux grands opérateurs économiques ;
- ensuite, les transferts sociaux aux populations par le biais de lÉtat, les aides aux personnes, les revenus de transfert, les retraites ;
- et enfin, la politique, qui a été très marquante pour notre pays, de grands équipements et de grands réseaux.
Vous avez discuté ce matin des conditions dune nouvelle « croissance ». Nous le savons tous, et dans cette période de crise qui touche lensemble de lEurope et lensemble du monde, la donne a changé, cest uniquement en partant des territoires que nous pourrons aller vers ce que jappellerais plutôt « un nouveau modèle de développement ».
Chacun sent bien que les outils dont je viens de parler, pour maintenir ou reconquérir la cohésion et légalité, doivent être revisités. Les méthodes des années 1970 ne sont plus adaptées à un monde qui bouge, à un pays décentralisé où les élus locaux et les collectivités ont pris la place qui était la leur.
Je ne détaillerai pas la liste des changements que nous avons connus depuis un quart de siècle.
Certains ont été voulus et constituent autant de progrès réels : la construction européenne, la gouvernance des populations par elles-mêmes et la défiance de ce qui vient trop den haut, la volonté de nêtre plus enfermés dans des formes de consommation standardisées, la recherche de diversité, dans tous les temps de la vie
Dautres changements, voulus ou subis, se sont imposés à nous : louverture au monde, les mobilités professionnelles, les changements familiaux, laspiration à la propriété de son logement, désormais lusage autant que la propriété.
Dautres, enfin, touchent aux graves effets pervers désormais avérés de notre modèle antérieur : lextrême dépendance de notre appareil productif à des facteurs purement extérieurs, la fragilité de lemploi, lexplosion du coût des matières premières, les effets et les coûts sanitaires massifs des pollutions, linsécurité urbaine...
À la différence des mutations antérieures, laccumulation de ces facteurs bouleverse en profondeur notre géographie et la répartition des activités et des populations sur nos territoires.
Ils relancent des spirales où les inégalités au sein même des régions viennent à grandir alors que, jusquici, nous étions parvenus à les réduire.
Ils aggravent les fractures au sein même des régions, sur les territoires que vous connaissez bien.
Certains territoires sen sortent, dautres font face à des difficultés croissantes. Et leurs élus ont parfois à porter des responsabilités extrêmement lourdes et font face à des populations dans des situations de plus en plus difficiles.
Ces territoires subissent le maintien du chômage à un haut niveau dans certains quartiers, lémergence de poches de pauvreté réelle et importante dans le rural lointain, le surendettement des familles dans des zones périurbaines, par ailleurs parfois enclavées et privées daccès au service public.
Avec le sentiment fort, ici ou là, dêtre devenus invisibles aux yeux de lÉtat, ce qui fait parfois naître la tentation de lextrémisme. Cest aussi la leçon des dernières élections : nous souhaitons que le gouvernement travaille à mettre, pas seulement dans les discours mais dans les actes, cette notion dégalité des territoires.
Parce que la réponse ne peut plus être celle que nous avons entendu de fait ces dix dernières années : on aménagerait plus le territoire, on soccuperait en priorité des territoires les plus performants, qui allaient vont tirer en avant tout le pays, et on se contenterait pour tous les autres dune politique de compensations.
Nous devons, au contraire, définir ensemble des politiques qui concernent tous les territoires et toutes les populations.
Trois grands objectifs doivent être partagés pour ces politiques :
Le premier est de mettre chaque territoire en capacité dagir : cela signifie réparer, rattraper. Mais cela signifie avant tout anticiper, remettre de légalité des chances, reconstituer larmature des territoires, valoriser la culture de projet.
Cela a pour nom, dans la politique du gouvernement de Jean-Marc Ayrault : traitement des situations durgence en matière dhébergement, rénovation de lhabitat, mais aussi emplois davenir, réexamen de la géographie prioritaire, retour et modernisation des services publics avec une présence humaine renforcée sur les territoires et avec la reconnaissance que le contact humain est primordial dans la délivrance des services publics ; banque publique dinvestissement, maisons ou réseaux de santé, cartes scolaires de lenseignement supérieur, de la recherche.
Le second objectif est de penser les solidarités entre territoires dans un monde mobile : laménagement du territoire ne peut plus se faire segment par segment, il procède dune vision cohérente de la place de chacun dans le système, de sa relation aux autres territoires, et de ses frontières.
Cela a pour nom dans la politique du gouvernement : villes durables, politiques métropolitaines, construction équilibrée de logements, mixité sociale et parcours résidentiel, bon usage du foncier public, maîtrise du périurbain, aménagement numérique et réseaux.
Le troisième objectif est de valoriser les biens communs : je le constate et men réjouis, même sil reste quelques progrès à faire, la transition écologique est un cap majeur, qui nous a été donné à tous par le président de la République, qui a rappelé que lécologie nest pas lennemi de lemploi mais bien une chance sur laquelle la France doit sappuyer pour construire un modèle de développement du XXIe siècle.
Ce lexique commun de la politique du gouvernement se décline bien dans la feuille de route issue de la conférence environnementale.
Il a pour noms « rénovation énergétique des logements », « recyclage », « énergies décarbonées», « nouveaux usages et nouvelles politiques industrielles de lautomobile », « biomasse », « verdissement de lagriculture », « circuit court », « éco matériaux »
Ces trois objectifs forment un trait dunion puissant entre les actions que vous menez en propre dans vos régions, les priorités européennes pour la nouvelle génération de fonds structurels et nos politiques nationales.
Et cela dans un contexte où, chacun le sait, nous devons retrouver les marges daction budgétaire pour faire les investissements nécessaires massifs du premier tiers de notre XXIe siècle.
Autrement dit, rompre avec un processus massif dendettement afin de ne pas peser sur les générations futures.
Nous navons donc pas dautre choix que de mener une action résolue contre les gaspillages, de parvenir à une efficacité sociale plus grande de la dépense publique, à la définition claire des rôles, au partage des priorités, à la coopération et à la mutualisation plutôt quà la compétition.
Je sais que Marylise Lebranchu travaille avec vous à la redéfinition des compétences qui vont aller dans ce sens qui a été présenté par le président du Sénat et il lui reviendra de présenter larchitecture de ses propositions lors de la clôture de votre congrès.
Pour ce qui est de lurbanisme et de la planification territoriale, je confirme ce qua dit le président du Sénat.
Jai déjà dit combien la région doit jouer un rôle fondamental dans le pilotage stratégique de laménagement durable de ce pays. Vous êtes la bonne échelle pour élaborer des documents structurants nécessitant une cohérence spatiale mais aussi entre les différentes politiques thématiques.
Un certain nombre de ces documents sont déjà élaborés au niveau régional, mais sans avoir ni la même portée, ni la même opposabilité, et souvent sans bonne articulation avec dautres documents. Oui, le débat est ouvert, la question sera posée de lopposabilité des documents régionaux. Jai entendu les craintes en matière de tutelle mais on ne peut pas penser une stratégie cohérente si on refuse daborder cette question. Le travail autour des Scot et autour des schémas régionaux a montré quil était aussi utile pour les élus locaux, et en particulier pour les élus municipaux, davoir cette ligne directrice portée de manière plus collective.
Je crois profondément quinscrire une tradition plus lisible des stratégies régionales plutôt quun foisonnement désordonné sera plus utile au portage des politiques publiques.
Le débat aura lieu au premier semestre 2013, lors de la discussion sur le projet de loi qui traitera largement des sujets de logement et durbanisme. Et je souhaite quon puisse travailler sur les modalités dintégration de lensemble de ces plans et schémas dans un document dont la portée sera décisive pour les documents de portée géographique plus limitée.
Pour ce qui est du plan de rénovation énergétique de lhabitat, je voudrais saluer les régions qui ont souvent été à linitiative sur ces questions et qui ont porté, au travers doutils et de politiques, des démarches exemplaires de lutte contre le dérèglement climatique, defficacité énergétique, de création dopérateurs dédiés et pertinents.
Je souhaite que ces actions puissent être renforcées, accompagnées au mieux. Le plan de rénovation énergétique qui porte sur un million de logements par an, dont 500 000 logements rénovés, sappuiera sur le travail que vous avez déjà mené, verra des traductions régionales. Et il se déploiera de la manière la plus adaptée aux territoires puisquévidemment, la question de la rénovation thermique ne se pose pas de la même manière sur lensemble du territoire français, le climat nétant pas le même, les types dhabitat nétant pas les mêmes.
Votre expérience et votre connaissance du terrain fait que ce pari de la transition écologique se gagnera dans les faits si vous y êtes engagés, comme vous lêtes déjà aujourdhui.
Au-delà de ces questions qui concernent le logement et lurbanisme, je voudrais cependant marrêter sur lexercice de contractualisation à venir.
Non pas dans ses modalités concrètes, qui doivent nourrir une discussion approfondie avec tous les élus et feront lobjet darbitrages du Premier ministre.
Mais dans ses principes, tels quils découlent en particulier des indications données à ce sujet par le Président de la République.
Le renouvellement de lexercice doit répondre aux quatre objectifs suivants :
- Afficher une vision de long terme, et pas seulement des idées un peu générales au moment de la signature : il me semble nécessaire de contractualiser sur des priorités, et non pas seulement sur une simple approche budgétaire.
- Sadapter aux contextes régionaux et interrégionaux, en acceptant, je le dis avec simplicité mais solennité, une contractualisation différenciée et peut-être même, sans dissoudre les responsabilités, des modes de gouvernance différenciées
- Intégrer les priorités européennes en les articulant aux priorités nationales et régionales
- Identifier des espaces à enjeux sociaux, et économiques et écologiques particulièrement forts.
En clair : construire un partenariat durable, équilibré et adapté entre lÉtat et les régions.
Nous pourrions par exemple envisager :
Dune part, des contrats régionaux proprement dits, qui pourraient comporter des thématiques communes à toutes les régions, et des thématiques spécifiques à chacune, en fonction de vos besoins ou des politiques que vous souhaitez mener.
Dautre part, des contrats territoriaux : certains pouvant décliner les contrats régionaux, dautres sappliquant sur des territoires particuliers, je pense aux territoires de montagnes, aux littoraux, à des espaces ayant subi un choc particulier ou marqués par une très grande pauvreté.
Au fond, il sagirait, sur un nombre limité de territoires, dafficher clairement le souci dégalité, de solidarité et de cohésion.
Ces contrats territoriaux auraient évidemment vocation à réintégrer certains dispositifs qui sempilent aujourdhui sans quon en voie bien les avantages comparatifs.
La question pour certains services publics de la circonscription territoriale quest le département, se pose aussi dans lesprit présenté par le président de la République et qui consiste à respecter les missions des uns et des autres en pensant larticulation.
Lensemble de ces contrats devront répondre à un objectif qui les dépasse tous : prendre en charge prioritairement la rénovation des services publics ou au public, et laccès des populations à ces services. Trente ans après le début de la décentralisation, il est temps de réfléchir le lien entre lEtat et lensemble des collectivités locales, et en, particulier le lien entre lEtat et les régions.
Nous avons conservé, bon an mal an, des services déconcentrés ou des missions ; je pense par exemple à une mission aussi basique que celle de linstruction des permis de construire. Il est légitime de sinterroger sur leur pertinence aujourdhui, alors même que depuis 1982 celle-ci est pleinement décentralisée et confiée aux communes.
Mais pour dautres politiques, lÉtat peut parfois agir comme un concurrent et penser à la place des territoires. Il est absolument nécessaire de revisiter ces relations entre lÉtat et les régions.
On ne peut pas non plus croire que lÉtat se réduise à un rôle de prospectiviste, dobservateur ou dévaluateur.
Garant de la solidarité nationale, de légalité des territoires ; cest ça, le rôle régalien de lÉtat.
Il doit donc devenir, au quotidien, un animateur, un négociateur et aussi un intervenant, un acteur et un régulateur de premier rang. Sur les prérogatives qui sont les siennes, et seulement celles-ci.
Le président du Sénat a précisé ce que seraient les contours du Haut conseil des territoires, qui serait un lieu déchanges et de dialogue entre les différents niveaux de collectivités locales et lÉtat.
Cela indique donc de repenser le rôle de lÉtat. Et la mission que jai confiée à monsieur Thierry Wahl sur la proposition de création dun « Commissariat général à légalité des territoires » va dans ce sens.
Nous ne pourrons plus doublonner les régions. En revanche, nous ne pouvons accepter que lÉtat sexonère de sa responsabilité en matière dégalité des territoires et de son rôle de garant de légalité, dans un monde qui subit des crises et où les territoires sont parfois très meurtris.
Ce « Commissariat général à légalité des territoires », placé sous lautorité du Premier ministre, pourra disposer de capacités daction très différentes de ce qui existe aujourdhui et qui a été développé dans les années 1960 et 1970.
Mon propos nest surtout pas de me livrer à un énième mécano administratif dont les élus et, je dois dire également sans doute les fonctionnaires, ont largement soupé, mais au contraire de repenser le rôle de lÉtat et les collectivités locales, et tout particulièrement les régions. LÉtat assumera donc pleinement le renforcement de la décentralisation.
Mesdames messieurs,
On entend parfois dire que les nouvelles politiques ne seraient nécessitées que par la contrainte ou la menace de désordres supplémentaires.
Parce que la ressource deviendrait rare,
Parce que lÉtat, de toute façon, aurait perdu des moyens ou de sa superbe,
Parce que les menaces de catastrophes et les nuages saccumuleraient,
Parce quon naurait pas le choix,
Parce que la France serait en déclin.
Jentends tous ces discours chagrins mais je ne les partage pas.
Si nous devons bouger et réformer, si nous devons faire évoluer lorganisation de notre pays, cest aussi parce que loccasion nous est donnée de montrer que la politique sert vraiment à améliorer la vie au quotidien et aussi sur le long terme.
Parce que les aspirations, les qualifications de nos populations et la diversité de nos territoires ouvrent une grande variété de possibles.
Parce que trente ans après ce grand moment qua été la décentralisation, cette invention au quotidien sur les territoires, cette proximité de la démocratie, cette efficacité dans laction publique sont largement reconnues.
Je souhaite que notre mission commune et notre plaisir partagé à exercer des responsabilités soit lambition de ré-ouvrir, pour les années qui viennent et dans laction, la promesse de la démocratie et de légalité.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 23 octobre 2012