Interview de M. Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, à RTL le 15 avril 2013, sur le changement de calendrier concernant le débat à l'Assemblée nationale sur la loi sur le mariage pour tous, les manifestations des opposants au projet de loi Taubira et la transparence de la vie publique.

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Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Le gouvernement a décidé d'accélérer la discussion de la loi sur le mariage pour tous, en présentant le texte dès mercredi à l'Assemblée nationale, il ne devait l'être initialement qu'à la fin du mois de mai, c'est panique à bord, Alain VIDALIES ?
ALAIN VIDALIES
Ce n'est pas du tout panique à bord, je pense qu'il faut comprendre une chose, c'est que jusqu'à vendredi et le vote au Sénat, nous ne savions pas d'abord si le texte allait être voté au Sénat ou pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, et il l'a été ?
ALAIN VIDALIES
Il l'a été de quelques voix, on peut dire cinq, six voix d'avance, même si les conditions étaient un vote à main levée. Et donc s'il n'avait pas été voté au Sénat, il fallait le réinscrire, il y avait une procédure avec la navette procédure parlementaire normale. A partir de vendredi, on sait une chose, il a été voté, et surtout, l'article 1 a été voté conforme au Sénat. L'article 1, c'est celui qui autorise le mariage et l'adoption. Et donc dès lors que cet article a été voté conforme, il ne sera plus dans la discussion, il faut comprendre ça…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, mais ça n'explique pas l'accélération du calendrier…
ALAIN VIDALIES
Si, parce que, on a…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si on ne tient pas compte…
ALAIN VIDALIES
Jean-Michel APHATIE, on a…
JEAN-MICHEL APHATIE
De la place des manifestations, c'est ça…
ALAIN VIDALIES
On a cette donnée, d'abord, ensuite, on a franchement un débat qui a eu lieu, 110 heures à l'Assemblée nationale, depuis six mois, on débat de cette question, 50 heures dans les médias ; on ne peut pas dire que le débat n'ait pas eu lieu dans la société. Et donc on a décidé – au vu de ces éléments et du fait qu'il y avait ces dérapages dans la rue, effectivement – d'avoir une mesure qui, de notre point de vue – est une mesure pour effectivement en terminer avec ce débat…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous voyez bien la frustration des opposants, ça peut justement entraîner de nouveaux dérapages, est-ce que vous ne serez pas responsable, Alain VIDALIES, de la radicalisation qu'on constate…
ALAIN VIDALIES
Jean-Michel APHATIE, est-ce que, avant vendredi, il y avait déjà eu des incidents avec des poursuites contre des ministres, des personnalités de droite ou de gauche, ou de droite comme madame JOUANNO, est-ce que, avant vendredi…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il y en aura davantage sans doute maintenant…
ALAIN VIDALIES
Non, mais est-ce que, avant vendredi… C'est parce que, il y avait ce dérapage, parce qu'il y avait des extrémistes qui avaient pris le pas dans ce mouvement, parce que la droite républicaine n'est pas au rendez-vous, on n'accepte pas, on n'accepte pas que le pouvoir est dans la rue, qu'on dise : on reviendra, quel est le seul message aujourd'hui qui serait un message normal dans une République normale, eh bien, ça serait que la droite dise, s'engage à abroger – si elle revient au pouvoir, quand elle aura la majorité – à abroger ce texte. Ça, ce serait un acte de civilisation politique, ce n'est pas logique d'entendre parler du prix du sang, de révolution… enfin, franchement !
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous redoutez la semaine qui arrive, parce qu'il y aura sans doute beaucoup de manifestations ?
ALAIN VIDALIES
Il y aura beaucoup de manifestations, en même temps, je pense qu'il vaut mieux qu'on ait ce moment, ce sera terminé en fin de semaine, on sait bien dans ces débats, forts, pour être apaisés, il n'y qu'à regarder ce qui se passait au moment du débat sur l'IVG… etc., c'était presque pire, puisqu'on parlait…
JEAN-MICHEL APHATIE
Des années 70…
ALAIN VIDALIES
Des camps nazis, de permis légal de tuer, c'était contre madame VEIL, bon, aujourd'hui, personne n'a remis ça en cause. Le débat sur le Pacs était aussi intensif, personne ne l'a remis en cause. Et donc je crois qu'aujourd'hui, franchement, il faut – c'est le message du gouvernement – de l'apaisement, du débat, de la confrontation, mais dans une démocratie, la confrontation même sévère, c'est au Parlement, ce n'est pas dans la rue.
JEAN-MICHEL APHATIE
Scandale CAHUZAC, vous avez des nouvelles de Jérôme CAHUZAC, qui a jusqu'à vendredi pour décider s'il revient ou pas au Parlement ?
ALAIN VIDALIES
Aucune nouvelle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de nouvelles, donc il peut revenir, c'est le droit ?
ALAIN VIDALIES
Il peut revenir, c'est le droit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous faites en sorte de pouvoir l'accueillir s'il le désire ?
ALAIN VIDALIES
On ne prend aucune mesure particulière, et dans tous les cas, j'espère, à l'heure où on parle, que la morale l'emportera, c'est-à-dire qu'il n'en reviendra pas. Il a commis un outrage à cette Assemblée, il a fait une déclaration que tout le monde, moi, qui vous parle, j'étais à un mètre de lui, je pense que cette image-là, d'un Jérôme CAHUZAC s'engageant aussi fortement face à l'Assemblée nationale, je la garderai toute ma vie, quand on connaît la suite de l'histoire. Et donc, et donc, je pense qu'il est impensable qu'il revienne, voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il dit : c'est la justice aujourd'hui qui s'occupe de mon cas, je paierai, je paie déjà, on ne va pas en plus me priver de ce que à quoi j'ai droit.
ALAIN VIDALIES
Il a rendez-vous avec ses juges, c'est la partie sur laquelle je partage son avis, il n'a plus rendez-vous avec l'Assemblée nationale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez fait votre déclaration de patrimoine, Alain VIDALIES ?
ALAIN VIDALIES
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
De bon coeur ?
ALAIN VIDALIES
Normalement, avec…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas beaucoup d'enthousiasme ?
ALAIN VIDALIES
Si, si. Pour une raison, il faut qu'on soit conscient aujourd'hui, mais à droite aussi, et il y a une forme de suspicion par rapport à ce que nous sommes les hommes politiques, quand je dis « une forme », c'est un euphémisme, aujourd'hui, nous devons rétablir la confiance, c'est quoi la déclaration de patrimoine ? C'est se dire : on va mettre en place un mécanisme qui permettra à chacun de contrôler, non pas le patrimoine des élus, ce n'est pas la chasse aux riches, ça n'a rien à voir…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais si, c'est ça…
ALAIN VIDALIES
C'est la…
JEAN-MICHEL APHATIE
De fait, c'est ça…
ALAIN VIDALIES
Il ne faut pas que ce soit ça, de fait, il faut que ce soit la transparence qui soit au rendez-vous…
JEAN-MICHEL APHATIE
On voit déjà des ministres qui disent…
ALAIN VIDALIES
Il n'y a qu'une seule question…
JEAN-MICHEL APHATIE
Michèle DELAUNAY qui dit : ah, vous savez, je m'excuse, j'ai un gros patrimoine…
ALAIN VIDALIES
Qu'elle donne…
JEAN-MICHEL APHATIE
Frédéric CUVILLIER qui dit : oh, je vais faire une conférence de presse pour expliquer, parce que j'ai un peu d'argent…
ALAIN VIDALIES
Monsieur APHATIE, qu'elle donne… que chacun donne des explications, qu'il le fasse…
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr que c'est la chasse aux riches, Alain VIDALIES…
ALAIN VIDALIES
Non, je veux dire, si on veut collectivement, il faut que ça serve aussi aux citoyens, c'est quoi l'idée ? C'est de se dire qu'il faut que vous, que tout le monde puisse contrôler la différence du patrimoine, entre l'entrée dans le mandat et à la sortie. Ah, évidemment, là, c'est le début ! Alors, il y a d'autres commentaires, mais le commentaire intéressant, le progrès démocratique, c'est ça, est-ce que, à la fin de mon mandat de ministre, on pourra voir ce qu'est devenu mon patrimoine. Ça, je veux dire, moi, j'ai confiance en ce que font les responsables politiques, mais les gens, ils ont de la suspicion, et donc notre problème, c'est de retrouver le chemin de la confiance. Et quand il y a la suspicion, on ne nous écoute plus, et si on veut être écouté, eh bien, il faut qu'on réponde à cette suspicion, et donc c'est la transparence.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Premier ministre qui était dans ce studio vendredi disait : peut-être même qu'on ira jusqu'à publier les feuilles d'imposition. Alors, est-ce que, on aura ça, à 17h, sur le site du gouvernement, les feuilles d'imposition des ministres ?
ALAIN VIDALIES
Non, ça n'y figurera pas, et ça ne figurera pas dans le projet de loi…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est arbitré ça ?
ALAIN VIDALIES
Pas définitivement, mais quasiment, il y a un problème juridique, je vais rapidement… la transparence, je me l'impose, le problème des tiers, supposons que vous ayez un élu qui paie une pension alimentaire, si vous le mettez en transparence, c'est l'autre personne dont vous allez donner les revenus ou l'assiette…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il y a des limites à la transparence ?
ALAIN VIDALIES
Voilà, et c'est le problème du secret fiscal, y compris parce qu'il y a des questions constitutionnelles.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le plus virulent contre la transparence des patrimoines, vous savez qui c'est, c'est Claude BARTOLONE – le président de l'Assemblée nationale – qui a des mots très durs sur ce projet. Pensez-vous que vous aurez une majorité à l'Assemblée pour voter le projet de loi, que vous allez présenter mercredi en Conseil des ministres ?
ALAIN VIDALIES
Ecoutez, le président du groupe majoritaire s'est engagé et a dit effectivement que ça correspondait à la volonté du groupe, c'est l'essentiel, mais avec Claude BARTOLONE, on va poursuivre…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et le président de l'Assemblée nationale…
ALAIN VIDALIES
On va poursuivre le débat avec Claude BARTOLONE…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un obstacle quand même, ce n'est pas rien que le président de l'Assemblée nationale dise : c'est une très mauvaise idée cette transparence des revenus.
ALAIN VIDALIES
Mais vous savez, il est président de l'Assemblée nationale, et je me dis que, comme en plus, c'est quelqu'un qui est proche politiquement, que je vais arriver à le convaincre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il y a du boulot, vous en convenez, Alain VIDALIES ?
ALAIN VIDALIES
Il y a du travail tous les jours, le travail, c'est retrouver la confiance de nos concitoyens d'abord, et si en plus, on peut convaincre le président de l'Assemblée nationale, ça sera encore mieux.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. Vous supprimez la réserve parlementaire des assemblées ?
ALAIN VIDALIES
Ce n'est pas quelque chose qui peut être fait unilatéralement…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est le gouvernement qui le décide…
ALAIN VIDALIES
Ce n'est pas le gouvernement qui va le décider, le gouvernement veut bien débattre et va débattre de cette question avec les assemblées, il y a une forme – c'est vrai – d'archaïsme, mais il ne faut pas qu'il y ait, de ce point de vue-là, une décision unilatérale, parce que, franchement, on fait beaucoup d'histoires sur quelque chose qui ne le mérite pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alain VIDALIES, un ministre qui a du boulot, était l'invité de RTL ce matin.
LAURENT BAZIN
Oui. Merci Alain VIDALIES !
JEAN-MICHEL APHATIE
On a tous du boulot…
LAURENT BAZIN
Au travail !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2013