Déclaration de M. François Lamy, ministre de la ville, sur la démarche visant à renforcer l'intercommunalité dans le cadre de la future réforme de la politique de la ville, à Paris le 27 mai 2013.

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Circonstance : 9ème journée des présidents d'agglomération, à l'Assemblée nationale le 27 mai 2013

Texte intégral

Monsieur le président, cher Daniel,
Monsieur le président de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH)
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'accueillir à cette 9ème journée des présidents et présidentes d'agglomération, et de m'avoir proposé de conclure votre journée de travail.
L'agglomération est une pratique de l'action publique partenariale que je connais bien. La recherche de l'intérêt général y prend une dimension nouvelle. Premier président de la Communauté d'agglomération du Plateau de Saclay, j'ai contribué à la transformation de la communauté de communes en communauté d'agglomération en 2003.
C'est donc naturellement que Ministre de la Ville, j'ai tenu immédiatement à développer des liens étroits avec votre association, dans le cadre de la préparation de la réforme de la Politique de la Ville.
Cette réforme, je voudrais tout d'abord la re-situer dans le contexte plus global qui nous rassemble aujourd'hui. En effet, la philosophie de cette réforme s'inscrit pleinement dans la marche engagée vers le renforcement de l'intercommunalité. Cette démarche touche en effet de nombreux autres domaines de la vie des collectivités, et par là même de la vie de nos concitoyens.
Je mesure le chemin parcouru depuis 20 ans en matière d'intercommunalité. Loin des balbutiements initiaux de la structure intercommunale qui était avant tout administrative, nous pensons collectivement aujourd'hui l'intercommunalité comme un véritable projet de développement solidaire et intégré de nos territoires.
Et c'est à l'aune de cette réalité, la seule qui doive motiver tant les réformes engagées par le Gouvernement que les débats légitimes des parlementaires et des élus, que j'ai engagé la réforme de la politique de la ville.
Une réforme dont l'ambition se veut à la mesure de la politique de la ville elle-même, dans ce qui a présidé à son existence, avec la volonté de territorialiser les politiques publiques là où les besoins sont les plus criants.
Une réforme qui prend la mesure de l'existence dans notre pays de fractures territoriales profondes, qui engendrent aujourd'hui des fractures sociales inacceptables, à l'intérieur des villes, entre les villes, entre les villes et les territoires périurbains, entre le périurbain et les territoires ruraux, entre l'hexagone et les outre-mer. Elle prend de fait tout son sens et toute sa part dans cette exigence républicaine d'égalité des territoires.
J'ai la conviction, avec l'ensemble des acteurs de la concertation qui ont été sur ce point unanimes, tout comme avec un grand nombre d'associations d'élus, que la réforme de la politique de la ville passe par un changement d'échelle. Nous savons pertinemment que pour résoudre le problème des quartiers en difficulté, nous devons les réintégrer dans le système urbain, les raccrocher à la dynamique de leur agglomération. Nous savons que, pour penser notamment les problématiques de peuplement, de mixité, de mobilité, et de développement économique, il faut une vision stratégique globale. C'est l'objectif que nous devrons assigner à chaque futur contrat de ville.
Ce que nous devons inventer aujourd'hui, ce sont des contrats uniques globaux qui entrainent tout un territoire dans un projet, un projet solidaire, partagé par tous et engagé avec tous, en faveur des habitants des quartiers populaires.
C'est pourquoi le Comité Interministériel des Villes du 19 février dernier a acté que ces contrats de ville seront conclus à l'échelle intercommunale. C'est à ce niveau, et avec lui, que nous pouvons penser la ville de demain, dans sa construction, dans son organisation fonctionnelle et sociale, dans les liens qu'elle doit créer au service de sa propre cohésion sociale et territoriale. Cette nécessité, portée par les précédentes générations de contrat, n'a que peu été entendue jusque-là : seuls 4 contrats urbains de cohésion sociale sur 10 associent aujourd'hui les EPCI. Et seuls 4% des CUCS sont portés par les EPCI eux-mêmes.
Aussi, dans le projet de loi que nous présenterons en Conseil des Ministres avant l'été, la compétence politique de la ville, aujourd'hui obligatoire et exclusive pour les communautés urbaines, le deviendra également pour les communautés d'agglomération. Pour les communautés de communes également, nous donnerons la possibilité de prendre la compétence politique de la ville dans le panier de compétences optionnelles dans lequel elles choisissent. Il faudra réfléchir à des dispositifs particuliers en Ile de France pour penser des périmètres qui ne soient pas des regroupements d'opportunités politiques ou qui se constituent par rejet d'une commune voisine, mais qui correspondent à de véritables bassins de vie. Dans les outre-mer également, la politique de la ville devra s'adapter aux spécificités locales.
Bien sur, j'entends l'inquiétude légitime de certains maires. Mais outre le fait que beaucoup d'entre eux siègent aussi dans les conseils communautaires, je veux aujourd'hui réaffirmer qu'il ne s'agit pas dans cette nouvelle étape de les destituer d'une politique qu'ils ont toujours su porter avec courage et détermination.
Au contraire, parce que cette politique est par essence partenariale, personne n'imagine que la politique de la ville de demain s'élaborera sans la commune, et encore moins contre la volonté de son maire.
Le projet de loi réaffirmera sur ce point que les maires seront co-signataires, avec les EPCI, des futurs contrats.
Et parce que cette politique est par essence transversale, un certain nombre de champs de la politique de la ville relèvent évidemment et directement des compétences des maires. Le travail préalable à la signature des futurs contrats devra clairement établir ce partage des rôles et des compétences en matière de politique de la ville. Cela fonctionne aujourd'hui dans les communautés urbaines, il n'y a pas de raison que cela ne soit pas non plus le cas ailleurs, demain. La montée en puissance et en responsabilité des EPCI sur cette politique doit se construire en complémentarité du maire, pour donner un nouvel élan à la politique de la ville. Si le maire pilote la politique de la ville sur sa commune, l'intercommunalité doit, quant à elle, animer et coordonner l'ensemble des politiques de cohésion sur son territoire. Dans la réforme que je porte, la commune et l'intercommunalité seront les deux faces d'une même réalité, à deux échelles différentes.
Le CIV et le projet de loi mettent d'ailleurs au coeur de cette contractualisation le trinôme maire/président de l'EPCI et Préfet :
- le maire qui reste donc la cheville ouvrière essentielle, expert de son territoire dans sa proximité, et dont la volonté politique est déterminante,
- le président de l'EPCI, garant de la solidarité et du développement harmonieux du bassin de vie, de l'espace « vécu » par l'habitant,
- et le Préfet dont le rôle de chef d'orchestre de l'État local doit être conforté en matière de politique de la ville.
Cette nouvelle étape doit ainsi conforter la politique de la ville comme méthodologie de l'action publique. Je l'ai dit : c'est la seule politique partenariale et contractuelle, qui démontre au quotidien que le décloisonnement des pratiques, l'échange d'expériences, sont des facteurs d'efficacité au service des habitants.
C'est également la seule politique publique qui pense le citoyen dans sa globalité, dans tous les aspects de sa vie quotidienne, qu'il s'agisse de santé, de sécurité, de logement, d'éducation, de formation, de culture d'emploi ou de mobilité.
L'enjeu est de taille et nécessitera la mobilisation de tous les acteurs. J'ai dans cet objectif signé des conventions avec plusieurs ministères, pour que demain, la politique de la ville ne vienne plus se substituer dans ces quartiers aux politiques de droit commun de l'Etat. Mais qu'elle vienne bien conforter un droit commun renforcé dans ces quartiers. Cette logique doit également être celle des collectivités : c'est le sens de la convention que j'ai signé le 13 février dernier avec l'Association des Régions de France, qui acte l'engagement des régions dans les futurs contrats, et les engage à consacrer a minima 10% des fonds structurels européens dans les quartiers de la politique de la ville, quand ils ne représentent aujourd'hui que 2% pour le FSE et 7% pour le FEDER.
Une convention est également en cours avec l'Association des Départements de France. Vous l'aurez compris, le pari de cette réforme est de donner un nouvel élan à la politique de la ville, qui accompagne et renforce la dynamique institutionnelle actuelle. Cette ambition est celle de l'ensemble des acteurs, et notamment des élus, qui font vivre au quotidien cette politique, qui croient en l'intelligence collective au service des territoires et de leurs habitants.
La politique de la ville ne peut plus se passer de l'intercommunalité. Et j'en suis convaincu, l'intercommunalité commettrait une erreur à ne pas se saisir pleinement de la politique de la ville. C'est ce que traduisent les engagements pris entre le ministère délégué à la ville et l'AdCF dans la convention cadre que nous allons signés aujourd'hui. L'acte peut paraître symbolique, il est en réalité lourd de sens. Il traduit un changement de perspective dans la conduite et la définition de nos politiques de cohésion sociale et urbaine.
Il traduit aussi l'exigence et la volonté de donner corps à la solidarité territoriale que porte intrinsèquement l'intercommunalité dans son existence. Le dernier engagement de la convention fixe d'ailleurs un cap à cette nouvelle étape : que d'ici la fin de cette nouvelle génération de contrats de ville, en 2020, les disparités de pouvoir d'achat entre communes soient réduites d'un tiers. Sur ce point, le projet de loi va proposer l'obligation d'instaurer une dotation de solidarité communautaire dans tous les EPCI qui bénéficieront d'un contrat de ville.
Je me félicite, et je nous félicite de l'aboutissement de notre convention, et plus largement de l'implication du mouvement intercommunal dans cette réforme de la politique de la ville. J'en remercie vivement Daniel Delaveau, et chacun d'entre vous qui en serez demain les artisans.
Merci à tous
source http://www.territoires.gouv.fr, le 29 mai 2013