Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les avancées de l'intercommunalité contenues dans le projet de loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, à Montpellier le 3 octobre 2013.

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Circonstance : 24e Convention nationale de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), à Montpellier (Hérault) le 3 octobre 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Présidentes, et les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Cher Daniel,
Je vous remercie, sincèrement, de m'avoir invitée à la 24ième convention nationale de l'intercommunalité. Je me souviens, très clairement, de nos premiers échanges, à Biarritz, il y a un an.
Un an déjà. Et en un an, nous avons, je crois, bien avancé.
Nous discernons précisément maintenant les voies et les moyens du renforcement de la construction intercommunale.
Nous envisageons plus sereinement les nouveaux outils qui doivent être ceux de l'intercommunalité ; celle que vous portez au quotidien et qui peut encore s'intensifier pour renforcer l'efficacité et la légitimité de l'action publique locale.
Je le sais, vous vous êtes exprimés sur le découpage en trois projets de loi, et sur son report, après les prochaines élections municipales. J'entends et comprends votre impatience. Mais reconnaissez que les élections municipales arrivent vite, et que les enjeux de ce texte méritent bien un débat parlementaire apaisé et constructif.
Un titre entier de ce texte est en effet consacré au renforcement de l'intégration communautaire. Il transpose ainsi aux communautés d'agglomération le régime de compétences des actuelles communautés urbaines, il renforce le bloc de compétences obligatoires des communautés de communes, il complète leur champ de compétences optionnelles.
C'est ce texte aussi qui comportait initialement la généralisation du PLU intercommunal.
En accord avec Cécile Duflot, cette dernière disposition a pu rejoindre le projet de loi pour l'accès au logement et pour un urbanisme rénové – ALUR. Je m'en réjouis car, je me suis souvent exprimée sur ce point, l'urgence justifie que l'on se saisisse rapidement de cet enjeu de notre siècle : la préservation des terres agricoles, la vision partagée du territoire, l'intelligence collective au service d'un aménagement équilibré et durable de notre pays.
N'écartons pas trop vite non plus les avancées sur l'intercommunalité qui sont d'ores et déjà discutées dans le premier texte, le projet de loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, que je défends pour le Gouvernement en deuxième lecture au Sénat.
D'abord parce que tant l'Assemblée nationale que le Sénat ont souhaité que plusieurs dispositions du 3ème projet de loi intègrent directement ce 1er texte.
C'est le cas par exemple, dans le texte de l'assemblée, pour les communautés de communes, de la détermination de l'intérêt communautaire à la majorité des 3/5ièmes du conseil de la communauté. Les communautés de communes disposeront ainsi du même régime que les communautés d'agglomération et les communautés urbaines.
C'est le cas par exemple avec la mise en place des autorités organisatrices de la mobilité urbaine, qui répondent à de fortes attentes des EPCI pour sécuriser, juridiquement, les modes de déplacements innovants et durables.
N'oublions pas les avancées de ce premier texte, aussi, avec les enrichissements que les parlementaires ont souhaité lui apporter.
Je pense notamment à l'introduction par le Sénat, de l'abaissement du seuil démographique de création des communautés urbaines.
Je pense aussi aux signaux forts envoyés par l'Assemblée nationale sur l'élection au suffrage universel direct, au-delà du seul fléchage, des conseillers communautaires dans les métropoles.
Cette initiative n'a pas été reprise par la commission des lois du Sénat. Elle pose en tout cas un débat salutaire, sain, constructif, quelles que soient les réponses qu'on y apporte, quand on mesure les compétences aujourd'hui assumées au niveau intercommunal, quand on sait que les intercommunalités lèvent l'impôt, quand on connaît le poids de leurs investissements.
N'oublions pas aussi l'enjeu pour les intercommunalités de l'équilibre de notre territoire.
Je rappelle à ce titre que les pôles métropolitains sont confortés dans le projet de loi.
Je rappelle surtout à quel point l'intercommunalité pourra tirer partie des nouveaux pôles d'aménagement et de coopération - dois-je les appeler pôles d'équilibre du territoire ? Ils changent si souvent de nom au fur et à mesure des débats, mais c'est bon signe ; cela témoigne de l'intérêt que l'on leur porte, fort à propos, même si pour ma part je suis convaincue que leur statut doit aussi leur permettre de porter des SCOT.
Leur création montre surtout à quel point la reconnaissance du fait urbain est mal entrée dans les débats : il faut oser le polycentrisme, il faut articuler les grandes agglomérations et le péri-urbain, les villes moyennes et les métropoles.
Toutes ces évolutions, le Gouvernement les a soutenues. Et au final, l'année 2013 ne sera pas, loin de là, une année blanche pour l'intercommunalité.
J'ai parlé des métropoles, je sais à quel point ce sujet fait débat, de prime abord, je sais aussi que vous en avez clairement posé les enjeux au cours des derniers mois. Nous sommes en fin de compte assez proche les uns des autres.
Le fait métropolitain recouvre en effet des réalités bien différentes, et, à Paris, à Aix-Marseille ou à Lyon, il ne se pose pas dans les mêmes termes qu'à Lille ou à Strasbourg, ou dans les autres métropoles de droit commun.
Pour ma part, la notion de « communauté métropolitaine » me convient bien, comme à vous je crois.
Mais au-delà des mots – et ils ont un sens – il y a aussi le droit.
Le droit, c'est la transformation automatique de ces grandes agglomérations en nouvelles métropoles. C'est votre position, c'est aussi celle du Gouvernement.
Le droit, c'est aussi la confiance que nous mettons dans la capacité de la métropole d'une part, du département et de la région d'autre part, à s'entendre pour organiser les transferts de compétences qu'ils estiment les plus appropriés aux réalités locales.
Je sais que ce n'est pas exactement ce que vous défendez, en prônant des transferts automatiques, mais je crois pour ma part à la société du contrat, c'est aussi ça la responsabilisation des élus.
Chacun sera aussi en mesure de rendre compte de ses décisions, au regard des attentes des usagers, et à l'aune, là encore, de l'intérêt général.
Je ne m'étendrai pas plus sur la question métropolitaine, car vous savez déjà ce que le Gouvernement propose pour le Grand Lyon, ce qu'il a défendu pour Aix-Marseille-Provence, là encore pour un motif d'intérêt national, et localement d'intérêt général évident. Car il s'agit de présider à l'avenir de près d'un million huit-cent-mille habitants, qui attendent tant des élus que du gouvernement qu'ils prennent leurs responsabilités.
Le Gouvernement l'a fait, avec une solution métropolitaine innovante, intégratrice et déconcentrée à l'extrême. Je fais confiance aux élus pour en tirer le meilleur parti au service de ces habitants.
Et puis il y a la métropole du Grand Paris.
Au lendemain de la suppression par le Sénat des dispositions relatives à la Métropole du Grand Paris, j'ai ouvert les portes de mon ministère à qui voulait venir discuter. Au fil des réunions, il est apparu qu'une majorité de parlementaires d'Ile de France s'accordait sur la timidité relative du premier projet et voulait aller plus loin dans une plus forte intégration, plus audacieuse.
Je n'avais qu'un objectif : ne pas laisser une page blanche pour notre région capitale. Je n'ai eu qu'une méthode : rapprocher sans cesse les positions éloignées, que dis-je?, rapprocher les contraires mêmes tant les solutions proposées alors pouvaient paraître dissemblables.
Les uns voulaient la fusion des départements, les autres voulaient la création d'une métropole « à la lyonnaise », d'autres voulaient une communauté urbaine, d'autre encore voulaient fusionner région et départements…
La solution que j'ai proposée par amendement à l'Assemblée Nationale nous est simple, elle est inspirée des métropoles de droit commun, et elle prend en compte les particularités de la région parisienne, notamment sa taille et sa densité.
Cette solution répond à 4 impératifs :
- Un périmètre clair et lisible : Paris et sa petite couronne
- Une efficacité pour le logement : la métropole concentre les compétences en la matière
- Un impératif de péréquation : la métropole, EPCI à fiscalité propre, permettra la mutualisation de la richesse fiscale, qui sera redistribuée sous forme de dotations territoriales et d'actions d'intérêt métropolitain au bénéfice de l'ensemble du territoire
- Enfin, et c'était une condition sine qua non : il importait à tous de ne pas créer une région à deux vitesses. C'est pour cette raison que les intercommunalités en grande couronne doivent atteindre une taille leur permettant de faire valoir leurs politiques et leurs projets dans le concert régional.
Une métropole forte dans une région équilibrée, une métropole organisée en territoires, qui exerceront les compétences classiques de chaque territoire, à l'exception des missions stratégiques pour le développement de la métropole : habitat, logement, aménagement et environnement.
Je sais que la question du statut des territoires vous occupe beaucoup.
Question sur leur statut juridique : vous avez souhaité leur conférer une personnalité morale. Ce n'est pas la position du gouvernement. Nous avons d'autres solutions pour leur faire gagner en reconnaissance institutionnelle sans bloquer la Métropole.
Question sur leur statut politique aussi : comment interviendront ces territoires dans les politiques de la métropole ? Quelles marges de manoeuvre auront-ils ? Ces questions sont les véritables enjeux car elles questionnent l'avenir démocratique de la métropole.
La solution qui a été adoptée à l'Assemblée Nationale est certainement perfectible mais la métropole du Grand Paris est une solution.
Comme partout ailleurs sur le territoire, l'intercommunalité est une solution contre les égoïsmes locaux pour des politiques publiques plus efficaces.
L'intercommunalité c'est bien, mais en Ile de France c'est mieux quand elle permet la péréquation, le développement de projets cohérents avec les besoins des citoyens d'un territoire.
Mesdames et Messieurs les élus communautaires, je le disais devant les Sénateurs hier, la Métropole du Grand Paris, c'est la plus importante opération de péréquation jamais réalisée en France, sans heurts, dans le respect des fonctions et des besoins de chaque territoire.
Je crois à la vertu d'un principe simple : ne perdons pas de vue les citoyens, ils sont bien au dessus des polémiques institutionnelles et des faux compromis de circonstances.
Ils attendent de la cohérence dans les transports, le logement, ou le redressement de l'économie.
Ne les trahissons pas, sortons de nos retranchements, de nos conservatismes.
Soyons fidèles à nos ambitions, n'est-ce pas le titre de votre congrès d'aujourd'hui ?
Ces ambitions, celles que nous avons pour Lyon, pour Marseille ou pour les grandes métropoles de notre pays, ne le refusez pas à la métropole du Grand Paris, c'est l'intérêt général – encore – des habitants de cette agglomération, et aussi de notre pays, qui nous le demande.
Pour lever toute ambigüité : un seul EPCI, au coeur de la région capitale, ancré sur des échelons déconcentrés, pleinement responsables des politiques de proximité.
Et quand nous y aurons répondu, nous serons encore plus légitimes pour valoriser ici ou là toutes les réussites accomplies au quotidien par les collectivités locales, par les intercommunalités et les communes qui les composent.
Ces réussites, vous les connaissez mieux que moi, ce sont celles que vous portez dans les intercommunalités de projets que vous défendez, que vous construisez, que vous valorisez.
C'est ici l'environnement et le développement durable de votre territoire. Vous avez ainsi pu étayer vos propositions à l'occasion de la conférence environnementale la semaine dernière ou la transition énergétique que vous concrétisez chaque jour.
C'est là les transports innovants et les mobilités durables – et vous pouvez vous féliciter des votes du Sénat sur la décentralisation et la dépénalisation du stationnement payant, ou l'introduction par l'Assemblée nationale, dans le texte en discussion, des schémas régionaux de l'intermodalité. Ils figuraient initialement dans le 3ième projet de loi et répondent bien aux attentes des autorités organisatrices des transports.
Je vois que nous sommes nombreux à partager cette volonté de transformer les schémas régionaux en volets thématiques et opérationnels partagés par tous les acteurs concernés par ces politiques. C'est en un sens aussi celle que l'Assemblée nationale a souhaité insuffler aux conférences territoriales de l'action publique, qu'elle a chargées de rationnaliser, dans le cadre des accords de gouvernance entre collectivités, le contenu et le nombre des schémas départementaux et régionaux.
Les CTAP, Daniel Delaveau en a très clairement synthétisé le sens et la portée. Je cite simplement ses propos, l'année dernière à Biarritz :
« Nous attendons beaucoup de la conférence régionale des exécutifs qui doit être repensée. C'est en son sein que pourra être établie la carte du qui fait quoi ? C'est sous son égide que devraient être élaborés les divers schémas de planification. Là où l'on en recense entre 15 et 20 aujourd'hui, nous devrions pouvoir les regrouper en 6 ou 7 grands thèmes, et nous entendre contractuellement sur des objectifs communs ».
On ne saurait mieux exprimer la marque que je souhaite donner à ces conférences. L'objectif du Gouvernement, c'est bien à la fois de simplifier et de prendre en compte la diversité des territoires. La simplification de ces politiques partagées n'est pas nécessairement la même en Rhône-Alpes ou en Limousin.
Laissons la loi mettre cet outil de simplification – je l'ai appelé le « pacte », l'assemblée nationale parle de « convention d'exercice concerté des compétences », laissons la loi mettre cet outil de simplification au service des collectivités.
La loi peut le faire grâce aux chefs de files qui sont la seule atténuation au principe de non tutelle d'une collectivité sur une autre.
Mais si le Parlement en vote le principe, laissons aussi les collectivités, dans le cadre des CTAP, le soin d'établir un règlement intérieur, une organisation, d'apprécier selon quelles modalités elles peuvent rationaliser leurs actions, fusionner les schémas existant lorsque c'est opportun, et au final améliorer le temps de réponse aux préoccupations des usagers et des entreprises.
C'est ça, une conférence territoriale de l'action publique. Je sais que vous partagez cet objectif : ces logiques, ce sont aussi celles que vous pratiquez quand vous mutualisez les services. C'est une recherche de l'équilibre optimal, en fonction des circonstances locales.
Vous avez déjà apporté la preuve que la mutualisation, cela fonctionne. Il y a trop d'exemples pour que je les cite tous. Mais voilà déjà une bonne réponse aux raccourcis, trop entendus ces dernières semaines, sur l'évolution de la dépense locale.
Je note d'ailleurs avec vous que la hausse – assez relative maintenant - de la dépense publique des communes et des intercommunalités ne s'explique pas à proprement parler par le développement de l'intercommunalité – je vous ferai grâce des développements habituels sur la maîtrise des normes.
Je remarque en revanche, et l'ADCF l'a démontré, que c'est là où les intercommunalités sont les plus développées que le taux d'administration est globalement le plus bas.
Le Parlement a aussi souhaité approfondir ces dynamiques d'optimisation, avec l'établissement d'un coefficient de mutualisation dans le 1ier projet de loi. Il viendra encourager l'aboutissement des démarches de mutualisation qui ont d'ailleurs franchi un grand pas ces dernières années.
Le Gouvernement sera toutefois attentif à ce que le dispositif retenu pour préciser son calcul et ses impacts soit approprié aux enjeux et aux besoins des communes et des intercommunalités. L'ADCF sera étroitement associée à ces travaux.
Sortons des dogmes, sortons des habitudes acquises, des près carrés et des postures défensives. Recherchons simplement à répondre aux attentes de nos concitoyens et à la préparation de l'avenir.
Je vous remercie.
Source http://www.action-publique.gouv.fr, le 4 octobre 2013