Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez que les Français vous croient, sur la réforme fiscale annoncée ? Sincèrement ?
BENOIT HAMON
Nous croient, ça dépend ce qu'ils mettent dedans
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les Français croient que les impôts ne vont pas augmenter ?
BENOIT HAMON
Ah ! Je pense qu'ils ne le croient pas forcément, mais pourtant c'est un des engagements que nous prenons. En clair qui est d'assurer la stabilité des prélèvements, de faire en sorte que le consentement à l'impôt que l'on accepte de payer, pour un service public, pour les écoles soit renforcé, or c'est ce consentement aujourd'hui, à l'impôt qui est remis en cause, à la fois parce que beaucoup de Français trouvent que l'impôt n'est pas assez simple et souvent qu'il est injuste. Alors évidemment, il y a toujours dans un contexte comme celui-là des opportunités
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup de Français ne comprennent pas où passent leur argent ?
BENOIT HAMON
Oui, et puis il y a toujours des opportunistes qui sont souvent les plus riches qui profitent du climat pour essayer d'en tirer quelques menus bénéfices, mais en règle générale, ce qui est, je crois, important de dire, et que le gouvernement comprend, connait comme réalité, c'est que la question de savoir à quoi vont mes impôts ? Est-ce qu'ils vont juste à réduire des déficits comme le demandent aujourd'hui l'union européenne ? Est-ce qu'ils vont à une priorité à l'Education nationale, là oui ! Mais à quoi vont-ils, pourquoi est-ce que j'en paie autant ? Pourquoi est-ce que d'autres en paient moins ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la question que nous nous posons tous ?
BENOIT HAMON
Et c'est tout l'enjeu de cette remise à plat, remis à plat, ça veut bien dire ce que ça veut dire. On remet à plat, on remet tout sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez tout remettre à plat, on est bien d'accord ? Absolument tout ?
BENOIT HAMON
On pose les termes, oui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Toute la fiscalité française ?
BENOIT HAMON
La fiscalité au sens où ce qui n'est pas suffisamment simple, suffisamment lisible, suffisamment juste doit être, en tout cas discuté. L'intérêt de la remise à plat voulu par Jean-Marc AYRAULT c'est qu'elle met tout le monde autour de la table, personne ne pourra dire qu'il n'était pas impliqué dans la discussion. Et tout le monde est autour de la table pour essayer de penser un système fiscal donc de prélèvement sur les Français qui soient le plus juste entre ce que paient les entreprises d'une part, les familles d'autre part. Et le plus juste entre ce qui sont les plus riches et ceux qui sont les plus pauvres. Voilà les principes du
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'objectif, c'est de mettre en place un système fiscal juste. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, il n'est pas juste.
BENOIT HAMON
Lisible et de surcroît
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lisible, juste.
BENOIT HAMON
Qui stimule la croissance et pas le contraire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui stimule la croissance. Deuxième engagement, les impôts n'augmenteront pas ? Là, vous vous engagez ce matin ?
BENOIT HAMON
Oui, mais le Premier ministre a rappelé dans les principes et je le redis pour que ce soit clair, la rappelait dans les principes, c'est que c'est la stabilité des prélèvements obligatoires. C'est qu'on veut que le montant des milliards d'euros prélevés sur les Français, entreprises ou ménages, que ce montant soit stable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le montant sera stable. Ça veut dire quoi ? Il va falloir tout remettre à plat, vous le dites. Ça veut dire par exemple une CSG progressive ? Vous y êtes favorable ou pas ?
BENOIT HAMON
Mais il y a plusieurs pistes, et je vais en prendre une d'entre elles. Non, mais la plus importante, qui est au-delà de la CSG progressive qui est effectivement une piste important, c'était, la question : est-ce qu'on fusionne l'impôt sur le revenu et la CSG ? De façon à la rendre d'ailleurs progressive, puisque l'impôt sur le revenu est lui-même progressif. Ça c'est un des grands sujets qui est sur la table, qui a été posé, mis sur la table par j'imagine plusieurs syndicats hier. Hypothèse sur laquelle le ministre du Budget, le Premier ministre lui-même, ont dit évidemment, on ne va pas écarter ce qui est un des principaux axes de réforme. Et on y ajouterait quoi, en tout cas ce qui est discuté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc oui à la fusion
BENOIT HAMON
Attendez ! Enfin le gouvernement travaille, moi, je ne vais pas dire oui, à la fusion aujourd'hui. Je dis tout le monde sait que c'est une des pistes qui est une des pistes qui permettrait de rendre l'impôt plus simple, voilà, il n'y aurait plus de la CSG d'un côté et de l'impôt sur le revenu
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que Michel SAPIN a dit ce matin : oui, la CSG, je suis favorable à une CSG progressive. C'est ce qu'il a dit ce matin.
BENOIT HAMON
C'est une des pistes qui sera en tout cas sur la table. J'ajoute qu'ont été discuté forcément la question du prélèvement à la source, qui a
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr ! Vous y êtes favorable vous ?
BENOIT HAMON
Ecoutez, ça suppose que du coup ce soit les employeurs qui collectent l'impôt ? Est-ce que c'est bien leur rôle de collecter l'impôt ? Moi, j'ai une vraie hésitation là-dessus. Ça aurait forcément des conséquences sur l'administration fiscale, parce qu'elle ne collecterait plus l'impôt, elle verrait sa surface considérablement diminuer. Et puis un impact psychologique qui n'est pas nul, dès lors que votre salaire est défalqué des impôts que vous devez, vous vous retrouvez avec un revenu net alors je sais bien qu'il y a un revenu net d'impôt, mais en général quand il est sur la feuille de salaire, il comprend les impôts que vous avez à payer. Donc qui serait diminué de tant
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'y êtes pas complètement favorable si je comprends bien ?
BENOIT HAMON
Non, je pense, je vais vous dire, Jean-Jacques BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement oui.
BENOIT HAMON
Moi, l'intérêt de la réforme, elle vient de démarrer hier, la remise à plat. Si le gouvernement commence à dire dès ce matin, chacun d'entre nous, voilà ce qu'on va faire, vous comprendrez bien qu'elle a peu d'intérêt cette concertation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors on va avancer, alors on va avancer, Benoît HAMON. La consultation a commencé, moi, je voudrais savoir en quoi des syndicats qui ne représentent qu'un Français ou un salarié sur dix, ou sur huit, sont légitimes pour parler de réformes fiscales, franchement ?
BENOIT HAMON
Qui voulez-vous mettre autour de la table ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je ne sais pas moi ! Je ne sais pas !
BENOIT HAMON
Il y a les syndicats
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas, des établissements de la fiscalité, je ne sais pas.
BENOIT HAMON
Il y aura demain dans un second temps, j'imagine les élus locaux. Parce que la fiscalité locale, ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a dans tous les cas, les représentants des partis politiques.
BENOIT HAMON
Les représentants des entreprises, des parlements. Vous avez là, au moins parmi, comment dire les formes de représentation des Français, qui sont les plus légitimes. Alors je veux bien qu'on remette tout à plat, y compris nos formes de représentation. Mais en attendant, les syndicats, ils ont leur mot à dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi ne pas inviter le Front national, l'extrême gauche ?
BENOIT HAMON
Parce qu'ils ont été pris, les partis qui sont représentés à l'Assemblée nationale qui ont un groupe politique, c'est-à-dire qui atteignent un seuil de représentativité suffisamment important pour qu'on puisse considérer qu'ils sont légitimes. Est-ce que, ça veut dire que personne, il y a des gens ou des Français qui ne seront pas entendus. Vous savez, aujourd'hui à travers la multiplication des conflits, des revendications, le dialogue il existe, partout, avec toutes les composantes et je pense qu'on a une bonne appréciation ce qu'est l'état du pays, au regard du nombre de, comment dire, on va dire de points de crispation qui sont pu naître ou éclore ici ou là et avec lesquels nous sommes entrés en discussion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Donc première mesure, enfin concertation qui va durer 6 mois, si j'ai bien compris. Des premières mesures annoncées pour 2015, c'est cela ?
BENOIT HAMON
Voilà !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec vraiment, vraiment, mais tout sur la table ?
BENOIT HAMON
Donc on prend le temps, mais on ne renvoie pas aux calendes grecques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord, tout sera mis sur la table, toute la fiscalité ?
BENOIT HAMON
Le principe d'une réforme fiscale, elle a déjà à nos yeux commencée, quand on commence à mettre en place, quand on a fait, pris des mesures qui sont l'alignement par exemple de la fiscalité sur le capital, aligner sur celle du travail, on augmente celle-ci. Quand on a rétabli l'ISF
JEAN-JACQUES BOURDIN
La fiscalité des entreprises
BENOIT HAMON
Il y a des Assises de la Fiscalité des Entreprises qui vont avoir lieu, elles seront un des moments de cette remise à plat de la fiscalité. Voilà, je ne vais pas moi, décider des sujets qui sont évacués et puis de quel droit le ferais-je ? Après le gouvernement prendra des options. Une fois qu'on aura entendu tout le monde on fera des choix et ces choix peut-être ne feront-ils pas plaisir à tout le monde, mais l'objectif c'est simple, lisible plus juste et stable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et stable, eh bien nous verrons. La réforme des retraites, vote bloqué ?
BENOIT HAMON
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ?
BENOIT HAMON
Parce que le gouvernement considère que sur cette réforme qu'il juge importante, il faut qu'elle soit adoptée, qu'elle permette de clarifier là aussi, le paysage politique
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez peur qu'elle ne soit pas adoptée, si le vote n'est pas bloqué Benoît HAMON ?
BENOIT HAMON
Non, le choix qui est fait, c'est d'engager une forme de vote, non pas de confiance, mais du gouvernement de demander non mais de demander
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est quoi un vote bloqué ?
BENOIT HAMON
Non, mais de demander le soutien à sa majorité à une réforme dans son ensemble.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vote bloqué, c'est-à-dire qu'on dit oui ou non, à toute la réforme, quels que soient les articles ? C'est ça le vote bloqué.
BENOIT HAMON
A toute la réforme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que vous aviez peur de l'article 4, peut-être, non ?
BENOIT HAMON
Sauf que si vous avez été attentif au débat hier
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment que j'étais attentif.
BENOIT HAMON
Madame TOURAINE a annoncé quoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a annoncé quoi ?
BENOIT HAMON
Deux mesures en direction des retraités modestes, la première, c'est qu'il y aura deux dates de revalorisation de ce qui est l'équivalent du minimum vieillesse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
787 euros
BENOIT HAMON
Voilà ! Ce qui est important, c'est qu'avant il n'y avait qu'une date de revalorisation, il y en aura deux. Ça veut dire qu'il y aura deux rendez-vous pour augmenter le minimum vieillesse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les retraites de moins de 787 euros, je le rappelle.
BENOIT HAMON
La deuxième mesure, oui, mais, ce qui était dans l'article 4, puisque vous évoquez l'article 4, c'était quoi ? Les petites pensions. Ce qui nous, nous intéresse aujourd'hui, au-delà de la réforme des retraites, dont je rappelle que pour ceux qui ont travaillé sur des métiers pénibles, elle sera, elle changera concrètement leur vie, parce que eux, pourront partir beaucoup plus tôt. Un, deux, trois ans plus tôt, que ça ne l'était prévu aujourd'hui. Donc je ferme cette parenthèse. Et ces petits retraités, c'était un des points qui était, en tout cas discuté par les parlementaires de la majorité, la ministre des Affaires sociales
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contestés plus que discutés.
BENOIT HAMON
Oui, moi, je dis discuté, parce que dans la majorité on discute. Ce qui n'empêche pas de critiquer, de contester et vous mettez le volume de décibels que vous voulez, mais non, mais moi, je n'ai pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, puisque ca a été repoussé à l'Assemblée.
BENOIT HAMON
Je l'entends bien mais donc du coup, il y a eu des propositions qui ont été faites, une revalorisation de l'aide à la complémentaire santé
JEAN-JACQUES BOURDIN
50 euros par an.
BENOIT HAMON
Oui, mais qui va faire, qui va être assez significatif sur la capacité à prendre une complémentaire santé. Et donc il y aura plus de personnes qui pourront bénéficier et de l'un et de l'autre, moi, je considère qu'il y a là, deux mesures qui en tout cas, entendent une partie des critiques qui venait de la gauche. Est-ce que ce sera
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une partie des critiques. Benoît HAMON si je gagne 900, 1000 euros, si j'ai 900, 1000 euros de retraite, je vais perdre avec cette revalorisation reportée entre 100 et 150 euros.
BENOIT HAMON
Mais là, vous avez deux dates de revalorisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, la première ne me concerne pas, en dessous de 787 euros. Et la seconde ça représente 50 euros
BENOIT HAMON
J'ai bien entendu ce que vous dites, la réponse du gouvernement
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais perdre encore de l'argent !
BENOIT HAMON
C'est que concrètement ceux qui sont au minimum vieillesse, eux bénéficieront de deux revalorisations et d'une augmentation des moyens
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que celui qui a 1000 euros de retraite, il peut aller se faire voir ? Mais c'est ça
BENOIT HAMON
Mais vous savez que ce n'est pas comme ça ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est comme ça, mais la réalité Benoît HAMON, elle est là ?
BENOIT HAMON
Mais ne faites pas la réalité, sur ce terrain-là, tout le monde dira que vous ne la connaissez pas plus que moi. Mais moi, je vais vous dire, monsieur BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Benoît HAMON, Benoît HAMON, combien ça rapporte ? Combien ça rapporte ?
BENOIT HAMON
Mais laissez-moi parler. Non, mais attendez, aujourd'hui, laissez-moi parler, moi, je vous dis, vous semblez totalement passer sous silence le bloc central de cette réforme, qui est quoi ? Combien de salariés vont bénéficier de la retraite à partir plus tôt et de petits salariés donc que vous évoquez ? Si vous ne l'évoquez pas, comment se fait-il que ceux qui aujourd'hui, veulent, comment dire discuter de cette réforme, considère que ceux qui ne va pas, mérite qu'on y passe 90 % du temps, et que là où il y a un progrès incontestable, pour combien de salariés, de Français ? Combien d'ouvriers français ? 20 %, pourquoi on ne discute pas de ces 20 % d'ouvriers français
JEAN-JACQUES BOURDIN
Benoît HAMON, on l'a présentée, on l'a discutée cette réforme des retraites, pendant des semaines et des semaines
BENOIT HAMON
Non, et pourquoi est-ce que moi, quand je vais sur le terrain, on ne m'en parle jamais ? Parce que ce point
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c'est votre faute. Parce que vous ne savez pas la présenter.
BENOIT HAMON
Oui, sans doute, sans doute. Sauf que là
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que vous ne savez pas vendre les mesures que vous préparez ?
BENOIT HAMON
Sauf que monsieur BOURDIN quand je veux vous en parler, vous ne voulez pas en parler et j'ai le droit de choisir aussi les sujets, sur lesquels je veux parler. Et moi, je pense que les ouvriers français, ça pèse, surtout ceux qui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où est l'actualité, où est l'actualité, pourquoi est-ce qu'il y a un vote bloqué à l'Assemblée nationale, pourquoi ?
BENOIT HAMON
Parce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que vous avez peur de ce report de la revalorisation
BENOIT HAMON
Mais non !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ne dites pas « mais non ! » Alors pourquoi un vote bloqué ?
BENOIT HAMON
Moi, je vous le dis, Jean-Jacques BOURDIN, je vous répète
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ?
BENOIT HAMON
Vous êtes là, vous faites les questions et les réponses. Moi, est-ce que j'ai la tête de quelqu'un qui a peur ? Non, je n'ai pas peur, pas plus en tant que membre du gouvernement, que de cette majorité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi je vous pose la question.
BENOIT HAMON
Et je revendique, ce que vous ne voulez pas discuter. Je revendique que cette mesure va permettre à 20 % des ouvriers français qui jusqu'ici portaient des charges pendant toute leur carrière, travaillaient la nuit, étaient aux 3-8, avaient des métiers pénibles, finissaient malades avant même leur date, leur départ à la retraite, en congés longue maladie, ceux-là nous allons leur permettre de partir plus tôt. Pourquoi ? Parce que nous avons un système qui va leur faire économiser du temps et gagner du temps de vie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je reviens sur ma question, pourquoi un vote bloqué ? A quoi ça sert ?
BENOIT HAMON
Je vous l'ai dit une fois, deux fois, donc je vais le répéter trois fois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez que les Français n'aiment pas, moi, je me souviens de 2010
BENOIT HAMON
Qu'est-ce qu'ils n'aiment pas les Français ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon ! Pardon !
BENOIT HAMON
Certains Français, il ne faut jamais dire les Français, ça ne veut rien dire. C'est les politiques qui font ça d'habitude.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Certains Français, en 2010, réforme des retraites, François FILLON la présente, que fait François FILLON sur la réforme des retraites ? Vote bloqué. Vous vous souvenez ?
BENOIT HAMON
Oui, mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce qu'avait dit François HOLLANDE et le Parti socialiste ? Qu'est-ce qu'ils avaient dit ?
BENOIT HAMON
Dites-le moi ! Dites-le moi !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous le dis, « le président méprise la démocratie, c'est le coup de force permanent. » Donc je dis la même chose, c'est le coup de force permanent ?
BENOIT HAMON
Ecoutez, vous pouvez le vivre comme ça, non mais, moi, je
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous contestez et vous faites exactement la même chose ?
BENOIT HAMON
Ce n'est pas le problème, je ne critique pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ou pas ?
BENOIT HAMON
Non, mais il y a une décision du gouvernement, qui est de faire en sorte que cette réforme passe et qu'elle soit adoptée. Elle est effectivement, aujourd'hui, elle fait l'objet de discussions. Il y a eu une initiative de la ministre encore hier soir, pour montrer la volonté du gouvernement de prendre en compte ceux qui sont au minimum vieillesse. Eh bien, je pense que ça doit être entendu. Mais j'entends ce que vous dites, tout le monde, on n'est jamais totalement à l'abri de ses propres contradictions mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Benoît HAMON.
BENOIT HAMON
Non, mais je pense que c'est une réforme importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors on va passer à autre chose. Les travailleurs détachés, parce que ça, ça concerne de nombreuses entreprises françaises. C'est quoi
BENOIT HAMON
Les travailleurs français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, les travailleurs français. C'est quoi un travailleur détaché, c'est un travailleur qui vient d'un autre pays de l'Union européenne, à travers une société d'intérim, par exemple et qui vient travailler sur le sol français, qui est payé comme d'autres travailleurs français, mais les charges sociales sont payées dans son pays d'origine.
BENOIT HAMON
Ca c'est quand la loi est appliquée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y a là une distorsion de concurrence, il y a là une concurrence déloyale ?
BENOIT HAMON
Quand cette directive est appliquée, parce qu'en plus, il y a la fraude à la directive.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, en plus, il y a la fraude à la directive
BENOIT HAMON
Qui elle représente probablement encore plus de salariés en France, que l'application de la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais que peut-on faire contre cela ?
BENOIT HAMON
Deux choses. La chose la plus importante à nos yeux, c'est de faire porter la responsabilité sur ce qu'on appelle le donneur d'ordre. Celui qui passe le marché, avec une entreprise de travail intérimaire chypriote ou portugaise, pour pouvoir avoir, bénéficier par exemple, dans le cadre d'une filiale qui peut être une société boîte aux lettres, qu'il a ouverte ici ou là, bénéficier de ces travailleurs-là, et qui au bout du compte, par une chaîne de sous-traitance amène à ce que vous vous retrouviez sur des marchés du bâtiment en France, voire même des transports, et notamment des transports routiers avec des salariés payés deux, trois, quatre, cinq euros de l'heure. C'est-à-dire qu'on peut concevoir que dans le cadre du marché européen, il y ait une liberté de circulation des travailleurs, mais quand on voit qu'aujourd'hui, un certain nombre d'entreprises ouvre des sociétés fictives en quelque sorte, dans d'autres pays, pour pouvoir payer les charges du pays dans laquelle se trouve la société fictive, et non pas les charges en France. Qu'elle utilise une chaîne de sociétés écrans pour qu'on ne puisse plus remonter à elle, au moment où le salarié payé à deux ou trois euros de l'heure est sur un chantier de grandes entreprises de bâtiment en France, peu importe où en France. Eh bien, quelles sont les victimes de cela ? Un, les entreprises françaises qui jouent le jeu de la loi et qui elles perdent les marchés. Et ça dans le bâtiment, elles sont nombreuses à nous le dire. Deux, les travailleurs français qui coexistent sur le même chantier, avec des salariés payés 4 fois moins qu'eux. Et qui comprennent qu'à la fin, soit leur propre entreprise demandera la baisse de leur salaire ou de leurs charges à eux
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca c'est le constat !
BENOIT HAMON
Soit de facto, leur entreprise perdra des marchés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que faites-vous ? Mais alors que pouvez-vous faire ?
BENOIT HAMON
La seule solution aujourd'hui, c'est d'obtenir le changement de la règle au niveau européen. Puisque c'est une règle européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment.
BENOIT HAMON
Sauf à ce qu'on dise : on sort de l'Europe, et patati et patata, ce qui évidemment n'arrivera pas avant 10 ans qui que ce soit
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais les pays de l'est n'en veulent pas, ni la Grande-Bretagne de ce changement.
BENOIT HAMON
Oui, mais ce moment-là, on ne fait rien ! Vous êtes d'accord ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais je
BENOIT HAMON
Je suis d'accord avec vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle initiative allez-vous prendre ?
BENOIT HAMON
Elle est double et nous la faisons porter sur deux axes. Un, l'obligation pour toute entreprise qui a un marché, de nous donner non pas une liste fixée de papier, de documents, mais tous les documents que nous souhaitons, pour qu'on puisse vérifier si oui ou non, on est bien en conformité avec la légalité. Ca c'est de la technique, c'est très important pour les inspecteurs du travail, mais c'est de la technique. Mais le point le plus important, c'est la responsabilité obligatoire du donneur d'ordre. Nous, nous demandons la responsabilité obligatoire de celui qui passe le marché, celui qui décide de faire appel à une société à l'étranger et de dire : emmener dans notre pays des travailleurs détachés, là où les Britanniques sont pour la responsabilité optionnelle. Vous avez compris qu'en clair, on sera, c'est l'option qui va être prise c'est que le donneur d'ordre ne sera pas responsable. La France veut que dans la directive ce soit la responsabilité obligatoire. Quel va être le compromis ? Nous, note compromis nous disons, c'est la position française. Il n'y a pas de raison, que systématiquement on soit obligé d'en arriver à des compromis qui sont des solutions radicalement opposées, à nos options. En l'occurrence la position lituanienne, la position britannique, etc. Et nous sommes rentrés dans cette discussion avec des soutiens, les Allemands qui sont aussi préoccupés des conséquences de cela. Ils ont eux, 300 000 travailleurs détachés, on en a 150 000, nous sommes les deux pays où il y a le plus de travailleurs détachés, et les deux pays dans lesquels il y a le plus de fraudes au travail détaché. Eh bien nous exigeons cela. Et c'est une grosse bataille en Europe, nos objectifs, je peux vous dire, j'ai encore discuté de cela avec Michel SAPIN, qui porte la parole de la France, c'est sur cette affaire, d'aller au bout. Parce que nous considérons qu'il y a là un enjeu pour nos PME mais aussi pour les travailleurs. Je l'ai dit, c'est du carburant pour faire voter aux extrêmes. Même si la réponse ce n'est évidemment pas de voter Marine LE PEN qui alors là, est à la remorque de ce sujet. Elle a complètement raté le coche, elle court après aujourd'hui. Je ne suis pas sûr qu'elle ait vraiment saisi les enjeux du débat. Sauf que quand elle entend « travailleur étranger » elle se lève. Mais le vrai enjeu pour la France, aujourd'hui et c'est la France qui mène ce combat-là, c'est d'éviter que sur des chantiers demain, on ait des travailleurs à 3 euros, des travailleurs à 12 euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Benoît HAMON j'ai trois questions, donc des réponses courtes. Pourquoi déposer plainte contre le groupe LECLERC ? Elle est déposée cette plainte ?
BENOIT HAMON
Parce que, oui, on l'a assigné pour déséquilibre significatif, ça veut dire quoi ? Ca veut dire que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pression sur les fournisseurs
BENOIT HAMON
En l'occurrence le point, c'est que dans un certain nombre de contraintes, nous constations que justement, si le groupe LECLERC était assigné pour déséquilibre significatif, il demandait la solidarité dans ce contrat-là aux fournisseurs. En clair, dans les négociations commerciales, je suis une PME, je veux que mes jouets soient distribués par LECLERC, je pouvais signifier, je pouvais signer un contrat avec eux, ou en tout cas, c'est notre interprétation, j'aurais dû être solidaire du groupe LECLERC si l'Etat lui faisait remarquer que les conditions de la négociation étaient à son avantage et pas l'avantage du fournisseur, donc dans une situation de rapport de force trop favorable ou d'abus de position dominante en clair.
BENOIT HAMON
C'est ce que nous avons voulu dénoncer. Notre objectif, il est quoi ? C'est de faire respecter ce qu'on appelle l'ordre public économique, dans une négociation commerciale où vous êtes une PME, vous avez besoin d'écouler votre marchandise, et où 40 % ou 50 % de votre chiffre dépend de l'accord avec une grande enseigne, si celle-ci vous oblige à des clauses qui sont des clauses parfois contre votre intérêt, eh bien, parfois, vous les signez, parce que, au bout du compte, le chiffre d'affaires importe trop, et le maintien des emplois aussi. Eh bien, ce rapport du fort au faible, nous avons voulu le rééquilibrer, il y a là une mesure, à mes yeux, logique, normale, et qui montre que le gouvernement est à l'égard des forts aussi ferme qu'il peut l'être à l'égard de tous les autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, dernière question, Benoît HAMON, qui n'a rien à voir, on va beaucoup en parler cette semaine, la loi sur la prostitution, est-il logique de pénaliser le client ?
BENOIT HAMON
Je crois que oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ?
BENOIT HAMON
Moi, j'y suis favorable, on sait très bien que l'argument de ceux qui sont contre disent, il y a des prostituées indépendantes, indépendantes des réseaux, c'est à peu près 10 à 15 %, sinon, les autres sont dans des réseaux, avec des situations absolument sordides, où aujourd'hui, nous nous retrouvons avec des femmes qui sont meurtries dans leur corps, dans leur tête, par la succession de passes, et tout ça, pour alimenter des réseaux de proxénétisme. Je pense que responsabiliser le client, en disant que l'achat d'un acte sexuel, l'achat d'un corps, le corps d'un autre, ça ne procède pas juste du libre consentement de celles qui se prostituent, sauf que croire ça, c'est raconter des histoires, et ces histoires-là, elles masquent quoi ? La réalité sordide aujourd'hui du fait que c'est une violence faite à des dizaines de milliers de femmes en Europe, et en France en particulier
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou d'hommes
BENOIT HAMON
Ou d'hommes, quelques-uns aussi, assez nombreux, mais essentiellement des femmes. J'observe que la totalité des clients, eux, ou en tout cas, 99 % sont des hommes, et donc que le fait de pénaliser le client, en tout cas, de le responsabiliser à travers cela, c'est aussi une manière de permettre à des femmes de sortir de la prostitution, ce qui me paraît être le plus important.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2013