Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à France Info le 4 juin 2014, sur l'attitude de l'opposition à l'égard du président de la République, la nouvelle carte des régions, la disparition programmée des départements et les relations entre l'exécutif et sa majorité au Parlement.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

Jean-François ACHILLI
Alors changer de ton quand il s'agit du chef de l'Etat, c'est ce qu'a clamé hier Manuel VALLS dans l'hémicycle, provoquant le départ de l'UMP, l'autorité Jean-Marie Le GUEN de François HOLLANDE est-elle aujourd'hui affaiblie au point que son Premier ministre doive s'emporter comme ça devant les députés ?
Jean-Marie Le GUEN
Je pense qu'il y a un manque de civilité et de respect des institutions et quelque part de la démocratie dans notre société politique. Il est vrai qu'on a vu dans un mandat précédent, le président de la République tenir des propos à la fois agressifs et relativement vulgaires vis-à-vis d'un certain nombre de nos compatriotes et donc, à partir de là, certains aujourd'hui se croient tout permis dans un climat de « hollandebaching » d'une façon générale, mais sans recul sur le respect nécessaire des institutions. On a tout à fait le droit de critiquer le président de la République, d'ailleurs j'ai cru comprendre qu'on ne s'en privait pas, mais en tout état de cause, il faut qu'il y ait un minimum de respect et j'allais dire aussi, de bonne foi dans le débat politique.
Jean-François ACHILLI
Alors vous dites que ça ne tien pas à la personnalité de François HOLLANDE, c'est dans l'ère du temps, c'est ça ?
Jean-Marie Le GUEN
Oui…
Jean-François ACHILLI
Ah bon ?
Jean-Marie Le GUEN
…il y a une incivilité que l'on trouve, un manque de respect qui est en fait un manque de respect de soi-même, de ce qu'est la démocratie. Je pense qu'on peut dire des choses tout à fait critiques sans pour autant remettre en cause la personnalité du chef de l'Etat et sans employer des termes qui sont dévalorisant. Donc je pense que le respect est nécessaire. D'ailleurs c'est ce que nous demandons d'une façon générale dans la société, tous les Français sont d'accord pour dire qu'une certaine forme de…
Jean-François ACHILLI
Respect, c'est ça.
Jean-Marie Le GUEN
…une perte de civilité amène de la violence, des tensions et une perte de repères dans la société. Eh bien commençons au plus haut niveau et qu'un certain nombre de représentants de l'opposition se tiennent correctement vis-à-vis des institutions de la République.
Jean-François ACHILLI
Voilà pour le message. Jean-Marie Le GUEN, la réforme territoriale c'est Astérix le Gaulois cette affaire, la carte de régions de François HOLLANDE sème la zizanie, vous avez peur des bonnets rouges bretons c'est ça ? C'est pour ça que vous reculez ?
Jean-Marie Le GUEN
Non, nous n'avons pas peur de rien, nous voulons simplement réformer et quand on réforme, notamment en France, un certain nombre de gens ne sont jamais contents et à partir de là, il faudrait faire les réformes mais sans toucher à tel ou tel baronnie…
Jean-François ACHILLI
Mais regardez, Bretagne et Pays de Loire sont côte à côte, on dirait un vieux couple maintenant qu'ils ne se parlent plus.
Jean-Marie Le GUEN
Mais peut-être que les choses peuvent évoluer, je n'en sais rien, toujours est-il que les choix qui ont été faits si on veut bien rentrer dans le détail, ils ont été faits pour de bonnes raisons et les éléments de ces choix s'expliquent. Je sais que beaucoup critiquent la manière, parce qu'en fait ils ne veulent pas critiquer sur le fond, ils savent que les Français sont très majoritairement d'accord pour cette réforme qui est une réforme tout à fait fondamentale. En engageant cette réforme, le président de la République et nous-mêmes, nous savions que nous dérangerions un certain nombre d'habitudes et peut-être de certains comportements. Eh bien nous le faisons en responsabilité. Cette réforme elle était attendue depuis des années et des années, aujourd'hui nous la faisons.
Jean-François ACHILLI
Oui mais la carte est un peu tordue, regardez cette région, ce monstre Poitou-Charentes – Limousin – Centre, ça va quasiment jusqu'à Paris et là vous laissez la Bretagne toute seule, parce qu'elle a des bonnets rouges.
Jean-Marie Le GUEN
La Bretagne a une identité particulière, oui mais enfin les bonnets rouges en sont aujourd'hui à occuper ou à manifester devant la Loire Atlantique voulant s'attribuer en quelque sorte les marches de la Bretagne ou des parties de la Bretagne considérées comme historiques. Mais je pense que la logique identitaire n'est pas ce qui doit prévaloir. Ce qui doit prévaloir c'est la logique économique d'une part et l'idée d'avoir des régions plus fortes et mieux gérées qui permettront à ce qui est le fond de la réforme, c'est-à-dire la montée des intercommunalités comme étant le lieu de la proximité car on parle beaucoup de la carte des régions…
Jean-François ACHILLI
Ca c'est la vraie réforme, c'est ça ?
Jean-Marie Le GUEN
Bien sûr, le socle de la réforme c'est la montée de l'intercommunalité qui va donner plus de services publics de proximité à nos compatriotes.
Jean-François ACHILLI
Alors François HOLLANDE a dit que la disparition des départements irait vite, ça c'était début mai, maintenant c'est 2020, ça change tous les mois à peu près.
Jean-Marie Le GUEN
Non, c'était des propositions qui avaient été faites…
Jean-François ACHILLI
Ce n'est pas du « hollandebaching »….
Jean-Marie Le GUEN
Non c'est un fait, ce que vous dites est exact, elle va relativement vite au regard de l'histoire, ça fait plus de 250 ans que nous avons des départements et qui sont un des éléments de repères de la carte administrative française, faire que les conseils généraux eh bien s'effacent en trois ans, c'est quelque chose me semble-t-il déjà de très rapide. Il y a du temps pour gérer et c'est bien normal, à la fois un certain nombre de services, je pense à tout ce qui sont les services sociaux ou bien encore les fameuses SDIS, les services de lutte contre l'incendie et le respect des personnels. Il faut du temps, un temps court, trois ans c'est très court et la décision en quelques mois, c'est encore plus court, c'est fort.
Jean-François ACHILLI
Donc disparition…
Jean-Marie Le GUEN
Ca s'appelle vraiment réformer le pays.
Jean-François ACHILLI
… disparition moins vite, nous sommes d'accord. Christiane TAUBIRA en première ligne pour sa réforme pénale, vous étiez à l'Assemblée, vous avez réussi à mater ceux qui au parti socialiste voulaient étendre la contrainte pénale à tous les délits, la garde des Sceaux a même été recadrée par le président de la République. Un peu compliquée votre majorité, elle va trop loin.
Jean-Marie Le GUEN
Non, les rapports entre l'exécutif et le Parlement n'est pas de mater, il y a un dialogue. Les Parlementaires qui ont travaillé, l'ont fait avec beaucoup de talent et de qualités…
Jean-François ACHILLI
Oui mais sans rentrer dans le rang Jean-Marie Le GUEN…
Jean-Marie Le GUEN
Mais non, mais non, on trouve des compromis qui ont été tout à fait positifs et vous verrez qu'il y a un accord de la majorité sur les grandes lignes de ce projet de loi. Et d'ailleurs les discussions portaient sur des éléments j'allais dire un peu marginaux. Maintenant évidemment ils sont exploités au sens où il y a un effet de loupe sur des éléments marginaux alors que la réforme centrale est déjà une réforme extraordinairement utile pour, pourquoi ? pour la prévention des récidives, parce que notre système pénal et la sécurité des Français est malade de la récidive. Et ce gouvernement s'attaque avec détermination à la lutte contre la récidive.
Jean-François ACHILLI
Vous ne tenez plus votre majorité, qu'est-ce que vous dites aux frondeurs, on les appelle les mutins du PS qui menacent, ceux qui se réunissent tous les mardis qui menacent d'amender le projet de loi de finance rectificative, vous allez quoi, les sanctionner ?
Jean-Marie Le GUEN
Non, nous serons majoritaires, ils seront… ceux qui voudraient persister dans une attitude de… se marginaliseront, et je pense qu'ils font effectivement beaucoup de mal à l'action publique parce qu'ils polluent énormément le message que nous voulons porter qui est un message de réforme dans la justice et ça, c'est tout à fait dommage, mais il y a des mauvaises habitudes qui ont été prises depuis des années, elles ont même existé sous la première partie du mandat de François HOLLANDE, je pense qu'il y a là des calculs politiques qui sont étrangers au mandat que les électeurs ont donné à François HOLLANDE et je pense que le respect de la démocratie voudrait que nous soyons plus rassemblés que nous ne le sommes, c'est vrai.
Jean-François ACHILLI
Dernière question Jean-Marie Le GUEN, François HOLLANDE veut rencontrer les Parlementaires avant l'été, c'est réel ? Il parait que ça va se faire à la maison de la chimie.
Jean-Marie Le GUEN
Je laisserai à François HOLLANDE le soin d'annoncer ce type d'initiative…
Jean-François ACHILLI
Vous le savez, vous le savez ?
Jean-Marie Le GUEN
Ce n'est pas de mon ressort de faire ce type d'annonce.
Jean-François ACHILLI
Nous l'écrivons, nous le disons…
Jean-Marie Le GUEN
Mais ce n'est pas parce que vous l'écrivez et que vous le dites que c'est forcément vrai, je n'en discute pas.
Jean-François ACHILLI
Ca restera un mystère, merci à vous Jean-Marie Le GUEN, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement d'avoir été ce matin l'invité de France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2014