Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le 30 octobre 2012, alors que la SNCF célébrait ses 75 ans d'existence, le constat que nous faisions était celui d'un système ferroviaire en crise, tant dans le fonctionnement entre SNCF et RFF qu'en termes financiers. Constat aussi exprimé par nos concitoyens. J'annonçais alors la nécessité d'une vaste réforme du système ferroviaire lui redonnant du souffle, de la clarté et de l'efficacité.
De nombreuses discussions ont alors été lancées. A M. Jean-Louis Bianco fut confié un rapport sur le système ferroviaire, à M. le Président Jacques Auxiette un rapport relatif à la place des régions dans l'organisation et la gestion du système.
Fruit d'une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes, le projet de loi fut présenté en conseil des Ministres le 16 octobre dernier.
Aujourd'hui, la représentation nationale est saisie de ce projet.
Je souhaite que ce débat, parce qu'il doit redonner confiance en notre système ferroviaire, espoir en son avenir, n'ouvre pas une bataille parlementaire du rail mais nous permette de dessiner un projet ambitieux pour notre pays et ses territoires.
Ambitieux, parce qu'il exige de la Nation qu'elle s'empare de l'enjeu ferroviaire, qu'elle se réapproprie les enjeux d'aménagement du territoire, de cohésion sociale et de développement économique et industriel. C'est aussi cela, notre patrimoine ferroviaire national.
Ambitieux, parce qu'en prenant appui sur les racines de notre ancienne et belle histoire du rail français, ce projet de réforme souhaite ouvrir une nouvelle ère de confiance , où le service public ferroviaire, mis à l'honneur, sera renforcé au bénéfice de tous les usagers et de toute la famille cheminote.
C'est une réforme qui peut paraître technique mais qui n'en est pas moins une réforme de progrès, moderne, que j'assume. Elle est articulée autour de 5 objectifs :
1. L'affirmation d'un service public renforcé, mieux piloté, avec un Etat qui impulse, qui agit sous le contrôle de la Nation et de ses représentants ;
2. La création d'un groupe public industriel intégré la nouvelle SNCF qui sera un acteur majeur et puissant du ferroviaire en Europe, dans le monde, et une véritable vitrine du savoir-faire industriel du ferroviaire français ;
3. La mise en place d'un pacte national pour assurer l'avenir financier de ce service public ;
4. La construction d'un cadre social commun à l'ensemble des acteurs du secteur ferroviaire ; En maintenant le statut des cheminots et en unifiant la famille cheminote. Nous devons aussi avoir à l'esprit aujourd'hui que plus d'une dizaine d'opérateurs agissent dans le ferroviaire et qu'il ne saurait plus y avoir de règles disparates, synonymes d'une concurrence déloyale et faussée ;
5. Le renforcement enfin du régulateur, afin de garantir l'impartialité dans l'accès au réseau.
1) Concernant le premier axe de la réforme : renforcer le service public. Que propose le Gouvernement ?
Redonner tout d'abord du contenu à la notion même de service public ferroviaire car le paysage ferroviaire a beaucoup évolué. Le service public ne saurait être que la seule exécution des conventions de service public. Ce sont aussi, et surtout, la sécurité, la sûreté, la qualité et la continuité du service public. C'est ce qu'attendent nos concitoyens.
Faire respecter par tous les exigences de ce service public ferroviaire : c'est favoriser la coordination entre les Autorités organisatrices (Etat, régions), c'est veiller à la qualité de service, à la sécurité, à l'efficacité de tous les acteurs du ferroviaire. Il faut redonner une stratégie ferroviaire à notre pays, en finir avec des décisions d'opportunités dictées par une vision à court terme.
Le projet de loi crée plusieurs outils pour mettre en oeuvre cette stratégie, elle illustrera le retour de l'Etat et plus largement de la puissance publique.
- Ce sera la fonction du Haut Comité du ferroviaire : Ce lieu n'existe pas aujourd'hui. Associant les élus, les régions, les entreprises et les organisations syndicales, il est indispensable pour structurer, construire les orientations d'avenir de notre système ferroviaire.
Ce n'est pas au seul groupe SNCF, historique certes, de déterminer ce qui est un enjeu pour la Nation tout entière. Remettons les enjeux d'efficacité économique, d'équité territoriale et de puissance industrielle, qui sont stratégiques pour le pays, au coeur même des lieux de décision.
- Le Parlement, trop de temps tenu à distance, pourra aussi se saisir s'il le souhaite de ces enjeux d'avenir. C'est pourquoi il doit pouvoir être amené à prendre position régulièrement sur des enjeux financiers, d'aménagement du territoire, environnementaux et sociaux du système ferroviaire.
- L'Etat fixera enfin les objectifs du groupe public créé j'y reviens dans un instant à travers des contrats qu'il lui assignera. C'est l'Etat qui dressera les perspectives, impulsera la dynamique.
2) Le 2ème axe de la réforme : La création d'un groupe public industriel intégré, réunifiant la famille cheminote.
L'atomisation des fonctions, l'éclatement des structures, des missions, des rôles Aujourd'hui, l'acteur historique manque en lisibilité et en efficacité. Le constat est là, le dialogue existe peu ou n'existe plus, les synergies sont à recréer, dans un contexte où la concurrence est susceptible d'intervenir en fonction des combats qui restent à mener au niveau européen. Il est indispensable pour la France de pouvoir disposer d'un acteur public majeur sur le plan national mais aussi européen et mondial.
Nous allons créer un groupe public puissant, rassemblant les fonctions en son sein, les fonctions liées à l'infrastructure d'une part, réunies au sein de SNCF réseau, les missions de l'exploitation, d'autre part, rassemblées au sein de SNCF Mobilités.
Il s'agira d'un groupe intégré. Parce que nous avons besoin que la famille cheminote poursuive les mêmes objectifs, associe ses forces, ses ambitions, ses volontés. Nous voulons en finir avec ce séparatisme stérile et pénalisant. L'intégration permet d'avoir le même cap, et surtout une plus grande efficacité (efficacité technique, technologique, efficacité des investissements, mutualisation des coûts). L'impulsion de la dynamique ferroviaire viendra de l'Etablissement public de tête qui assurera le contrôle et le pilotage stratégique, économique, et industriel du groupe, et désignera une partie importante des membres du Conseil d'Administration du transporteur (SNCF Mobilité) et du gestionnaire d'infrastructure (SNCF Réseau).
Ce groupe public sera contrôlé par l'Etat, ou, plus précisément, l'Etat reprendra la place qui doit être la sienne dans une stratégie nationale : la SNCF sera dirigée par un directoire composé du Président de SNCF Réseau et du Président de SNCF Mobilités, ces deux présidents seront nommés par l'Etat, et seront placés sous l'autorité d'un Conseil de surveillance et de son Président, choisi par l'Etat. Parce que l'oeuvre ferroviaire est une oeuvre collective, chacun y aura sa place. Bien sûr, il y doit y avoir d'autres représentants : représentants des régions [qui voient ainsi consacré leurs rôles dans le ferroviaire], des salariés, mais l'Etat doit reprendre la main face aux défis qui sont ceux, pour notre Nation, du ferroviaire.
Signal fort pour l'efficacité économique et industrielle, SNCF Réseau, gestionnaire d'infrastructure, sera enfin unifié. Aujourd'hui les agents de la DCF, mais aussi de la SNCF Infra, ou encore de RFF, sont tous chargés, chacun dans leur entité, de la gestion de l'infrastructure. Ils sont tous séparés, ils ont été opposés! Comment expliquer aujourd'hui aux Français et aux acteurs mêmes du ferroviaire que c'est en séparant ceux qui doivent travailler ensemble, ceux qui gèrent l'infrastructure de ceux qui utilisent l'infrastructure, que nous pouvons assurer une plus grande efficacité ?
Je le disais, cette entreprise que nous proposons, c'est un groupe unifié qui permettra de mobiliser toutes les énergies, faciliter les mobilités internes, faire en sorte que là où nous décidons de l'investissement, ce soit en cohérence avec le service que nous souhaitons rendre aux usagers et à la Nation.
3) Le troisième axe de la réforme, c'est la conclusion d'un pacte national pour sauver et assurer financièrement la pérennité de ce qui est pour nous un modèle de service public ferroviaire national.
Aujourd'hui, annuellement, automatiquement, 1,5 Mds de dette nouvelle est générée et même en réalité pas loin de 3 Mds en incluant la construction actuelle de 4 lignes à grande vitesse financées par RFF en recourant à l'emprunt, donc financées en gageant l'avenir même du ferroviaire.
Le Gouvernement propose dans le projet de loi de réduire le fardeau des intérêts de la dette. Pour cela, plusieurs dispositions nécessiteront la contribution de tous et l'engagement de la Nation dans le temps :
a/ Cesser de faire financer les grands travaux par RFF à crédit : ces dernières années, l'Etat s'est déchargé sur RFF pour financer des LGV. Quelle en est la conséquence ? De moindres financements pour l'entretien et la modernisation de nos lignes de train du quotidien ! Or, notre patrimoine national doit être préservé, mais aussi développé et modernisé. Arrêtons cette politique, de la course en avant, qui s'est affranchie de toute obligation de financement et qui a laissé porter aux générations futures une dette aujourd'hui lestée de plus de 40 milliards. Et nous devrions aujourd'hui remercier la précédente majorité pour ce lourd héritage?
Depuis deux ans, j'ai tenu à redéfinir clairement les priorités en matière de politique de transport : priorité au transport du quotidien ! Citons deux exemples de mesures prises : la redéfinition du schéma national des infrastructures de transport avec le rapport Duron, et la mise en place d'un plan ambitieux de modernisation du réseau ferroviaire. Mais ce plan de modernisation n'a de sens que si nous avons un regard d'ensemble, un regard sur l'efficacité économique, la stratégie d'investissement de l'ensemble du système.
Nous devons également optimiser le savoir faire, la capacité, la compétence. Nous devons faire en sorte que cette ingénierie, cette capacité de maitrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre des agents de RFF et de SNCF soient réunies, coordonnées, optimisées et donnent de la fierté retrouvée à cette famille cheminote.
b/ Deuxième disposition, l'Etat prendra part à cet effort financier : Imaginez que l'Etat reçoit aujourd'hui des dividendes sur le ferroviaire alors même que le ferroviaire est endetté de plus de 40 milliards d'euros. Remettons de la logique, soyons responsables. Nous proposons donc le reversement de dividendes du transporteur vers le gestionnaire d'infrastructures et la compensation fiscale dans le Groupe des excédents et des déficits.
Le transporteur et le gestionnaire d'infrastructure participeront à cet effort par des mesures d'optimisation, d'efficacité, d'une meilleure organisation du travail.
c/ Enfin, nous proposons une règle de rétablissement des équilibres financiers, qui fasse l'objet d'un contrat avec l'Etat.
Ce pacte national n'a pas pour objectif ni pour effet, comme je l'entends parfois, de dégrader les conditions de travail et de salaire des cheminots. Il a au contraire pour ambition de protéger, préserver et développer le patrimoine de la Nation et demande à chacun de s'associer à ce grand dessein.
4) 4e axe de la réforme, le volet social.
J'ai conscience des inquiétudes que certains font dire à ce projet de loi. Je ne les ignore pas. Mais la France ne peut sans conséquence s'engager dans une bataille sociale du rail. Depuis deux ans, c'est l'esprit du dialogue avec les organisations syndicales, avec les groupes parlementaires qui a animé mon travail et celui de toute mon équipe dans l'objectif de faire réussir le ferroviaire français du quotidien. Ce dialogue, nous le poursuivons ici à l'occasion de nos débats.
Le volet social est important. Car cet avenir du service public ne peut se faire sans un cadre social commun à l'ensemble du secteur du ferroviaire. En effet, nous sommes face à un secteur ferroviaire aujourd'hui ouvert à la concurrence dans le fret. Pourtant ceux qui ont été les promoteurs de cette ouverture à la concurrence n'ont pas pris la précaution de mettre en place les conditions d'une concurrence non faussée, c'est-à-dire des règles sociales communes, ne laissant pas les charges au secteur public et les profits au secteur privé. Faudrait-il après cette malheureuse expérience renouveler les mêmes erreurs ? Il faudrait laisser place à la libre concurrence, la devancer sans permettre à l'entreprise nationale, d'être compétitive et efficace sur ce marché ? Ce n'est pas ma méthode. C'est notamment pour cette raison que ce projet de loi n'a pas pour objet d'anticiper, comme le voudraient certains esprits pétris du dogme libéral, [et comme certain syndicats qui accusent aujourd'hui le gouvernement de libéralisme l'on souhaité dans un passé récent] des échéances que je veux négocier pieds à pieds au niveau européen.
Je veux des règles protectrices appliquées par tous. Nous proposons de construire un cadre social commun, portant sur l'organisation du travail et compatible avec le maintien du statut des cheminots. Nous devons saisir ces enjeux majeurs, ne pas laisser place aux partisans d'un libéralisme européen, ne pas sacrifier l'enjeu de l'équilibre des territoires à des logiques purement financières.
La bataille du rail désormais, elle est économique et se joue au niveau européen. Ce projet de loi est, je le dis, je l'assume, une avancée contre un libéralisme débridé, contre les velléités de concurrence déchaînée, c'est une arme de protection, c'est un renforcement, c'est l'armature d'un édifice public sécurisé et prêt à affronter les défis de l'avenir.
Ce volet social se double, pour le groupe public d'une réunification de la famille cheminote qui doit avoir pour bénéfice une gestion désormais coordonnée des parcours et de la mobilité au sein du grand groupe public. Il s'agit d'ouvrir à chaque cheminot des perspectives de carrière, une découverte d'autres métiers, une progression. Il s'agit d'accompagner l'ambition collective du groupe public SNCF aussi bien que les aspirations légitimes de chacun de ses salariés.
5) Dernier point, nous aurons à assurer que le cadre de la régulation s'applique, notamment grâce à un régulateur extérieur, indépendant, qui garantira l'accès au réseau dans des conditions transparentes.
Pour terminer mon propos, je tiens à dire ici que je sais le rôle qui est le mien : j'ai la responsabilité devant vous, à la fois de défendre notre héritage commun, celui de la grande histoire du ferroviaire, mais aussi de donner des perspectives partagées et de permettre que cette grande histoire du ferroviaire français puisse se poursuivre, s'amplifier.
Il y a dans notre histoire une symbolique très forte du ferroviaire, celle du progrès initiée dans la première moitié du 19e siècle. Nous ne sommes plus au temps des fondations, mais incontestablement, nous sommes, pour le ferroviaire, aux heures d'une refondation. Une refondation à l'aune du contexte européen et mondialisé. Une refondation à l'heure des enjeux d'importance mobilité nouvelle, engagement vers le transport durable, extension des liens d'échanges transfrontaliers.
Ne mettons pas notre système ferroviaire en dehors de son temps. Faisons face au contraire, avec conviction et détermination, aux défis de l'avenir, et expliquons à ceux qui aujourd'hui n'ont pour seule vision qu'un modèle unique, avec des règles uniques, et souvent destructrices, que nous croyons que notre responsabilité, ici, en France, est de dire qu'il existe une autre voie. Que nous ne nous soumettons pas à un modèle qui s'affranchit de la réalité, de notre histoire, mais que nous pouvons conjuguer compétitivité, réalité économique, filière industrielle, et offrir une autre voie au ferroviaire européen. La France a été absente de ces enjeux ces dernières années, elle retrouve désormais toute sa place. Ce message politique, je tiens à le porter devant la représentation nationale.
Refonder, oui, c'est tout en s'inscrivant dans les pas des pionniers, redonner force, vigueur, vertu, mais aussi confiance, au service public. C'est continuer de tracer des perspectives de progrès et de justice qui sont l'identité même de la France. C'est l'attente de nos concitoyens.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 18 juin 2014
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le 30 octobre 2012, alors que la SNCF célébrait ses 75 ans d'existence, le constat que nous faisions était celui d'un système ferroviaire en crise, tant dans le fonctionnement entre SNCF et RFF qu'en termes financiers. Constat aussi exprimé par nos concitoyens. J'annonçais alors la nécessité d'une vaste réforme du système ferroviaire lui redonnant du souffle, de la clarté et de l'efficacité.
De nombreuses discussions ont alors été lancées. A M. Jean-Louis Bianco fut confié un rapport sur le système ferroviaire, à M. le Président Jacques Auxiette un rapport relatif à la place des régions dans l'organisation et la gestion du système.
Fruit d'une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes, le projet de loi fut présenté en conseil des Ministres le 16 octobre dernier.
Aujourd'hui, la représentation nationale est saisie de ce projet.
Je souhaite que ce débat, parce qu'il doit redonner confiance en notre système ferroviaire, espoir en son avenir, n'ouvre pas une bataille parlementaire du rail mais nous permette de dessiner un projet ambitieux pour notre pays et ses territoires.
Ambitieux, parce qu'il exige de la Nation qu'elle s'empare de l'enjeu ferroviaire, qu'elle se réapproprie les enjeux d'aménagement du territoire, de cohésion sociale et de développement économique et industriel. C'est aussi cela, notre patrimoine ferroviaire national.
Ambitieux, parce qu'en prenant appui sur les racines de notre ancienne et belle histoire du rail français, ce projet de réforme souhaite ouvrir une nouvelle ère de confiance , où le service public ferroviaire, mis à l'honneur, sera renforcé au bénéfice de tous les usagers et de toute la famille cheminote.
C'est une réforme qui peut paraître technique mais qui n'en est pas moins une réforme de progrès, moderne, que j'assume. Elle est articulée autour de 5 objectifs :
1. L'affirmation d'un service public renforcé, mieux piloté, avec un Etat qui impulse, qui agit sous le contrôle de la Nation et de ses représentants ;
2. La création d'un groupe public industriel intégré la nouvelle SNCF qui sera un acteur majeur et puissant du ferroviaire en Europe, dans le monde, et une véritable vitrine du savoir-faire industriel du ferroviaire français ;
3. La mise en place d'un pacte national pour assurer l'avenir financier de ce service public ;
4. La construction d'un cadre social commun à l'ensemble des acteurs du secteur ferroviaire ; En maintenant le statut des cheminots et en unifiant la famille cheminote. Nous devons aussi avoir à l'esprit aujourd'hui que plus d'une dizaine d'opérateurs agissent dans le ferroviaire et qu'il ne saurait plus y avoir de règles disparates, synonymes d'une concurrence déloyale et faussée ;
5. Le renforcement enfin du régulateur, afin de garantir l'impartialité dans l'accès au réseau.
1) Concernant le premier axe de la réforme : renforcer le service public. Que propose le Gouvernement ?
Redonner tout d'abord du contenu à la notion même de service public ferroviaire car le paysage ferroviaire a beaucoup évolué. Le service public ne saurait être que la seule exécution des conventions de service public. Ce sont aussi, et surtout, la sécurité, la sûreté, la qualité et la continuité du service public. C'est ce qu'attendent nos concitoyens.
Faire respecter par tous les exigences de ce service public ferroviaire : c'est favoriser la coordination entre les Autorités organisatrices (Etat, régions), c'est veiller à la qualité de service, à la sécurité, à l'efficacité de tous les acteurs du ferroviaire. Il faut redonner une stratégie ferroviaire à notre pays, en finir avec des décisions d'opportunités dictées par une vision à court terme.
Le projet de loi crée plusieurs outils pour mettre en oeuvre cette stratégie, elle illustrera le retour de l'Etat et plus largement de la puissance publique.
- Ce sera la fonction du Haut Comité du ferroviaire : Ce lieu n'existe pas aujourd'hui. Associant les élus, les régions, les entreprises et les organisations syndicales, il est indispensable pour structurer, construire les orientations d'avenir de notre système ferroviaire.
Ce n'est pas au seul groupe SNCF, historique certes, de déterminer ce qui est un enjeu pour la Nation tout entière. Remettons les enjeux d'efficacité économique, d'équité territoriale et de puissance industrielle, qui sont stratégiques pour le pays, au coeur même des lieux de décision.
- Le Parlement, trop de temps tenu à distance, pourra aussi se saisir s'il le souhaite de ces enjeux d'avenir. C'est pourquoi il doit pouvoir être amené à prendre position régulièrement sur des enjeux financiers, d'aménagement du territoire, environnementaux et sociaux du système ferroviaire.
- L'Etat fixera enfin les objectifs du groupe public créé j'y reviens dans un instant à travers des contrats qu'il lui assignera. C'est l'Etat qui dressera les perspectives, impulsera la dynamique.
2) Le 2ème axe de la réforme : La création d'un groupe public industriel intégré, réunifiant la famille cheminote.
L'atomisation des fonctions, l'éclatement des structures, des missions, des rôles Aujourd'hui, l'acteur historique manque en lisibilité et en efficacité. Le constat est là, le dialogue existe peu ou n'existe plus, les synergies sont à recréer, dans un contexte où la concurrence est susceptible d'intervenir en fonction des combats qui restent à mener au niveau européen. Il est indispensable pour la France de pouvoir disposer d'un acteur public majeur sur le plan national mais aussi européen et mondial.
Nous allons créer un groupe public puissant, rassemblant les fonctions en son sein, les fonctions liées à l'infrastructure d'une part, réunies au sein de SNCF réseau, les missions de l'exploitation, d'autre part, rassemblées au sein de SNCF Mobilités.
Il s'agira d'un groupe intégré. Parce que nous avons besoin que la famille cheminote poursuive les mêmes objectifs, associe ses forces, ses ambitions, ses volontés. Nous voulons en finir avec ce séparatisme stérile et pénalisant. L'intégration permet d'avoir le même cap, et surtout une plus grande efficacité (efficacité technique, technologique, efficacité des investissements, mutualisation des coûts). L'impulsion de la dynamique ferroviaire viendra de l'Etablissement public de tête qui assurera le contrôle et le pilotage stratégique, économique, et industriel du groupe, et désignera une partie importante des membres du Conseil d'Administration du transporteur (SNCF Mobilité) et du gestionnaire d'infrastructure (SNCF Réseau).
Ce groupe public sera contrôlé par l'Etat, ou, plus précisément, l'Etat reprendra la place qui doit être la sienne dans une stratégie nationale : la SNCF sera dirigée par un directoire composé du Président de SNCF Réseau et du Président de SNCF Mobilités, ces deux présidents seront nommés par l'Etat, et seront placés sous l'autorité d'un Conseil de surveillance et de son Président, choisi par l'Etat. Parce que l'oeuvre ferroviaire est une oeuvre collective, chacun y aura sa place. Bien sûr, il y doit y avoir d'autres représentants : représentants des régions [qui voient ainsi consacré leurs rôles dans le ferroviaire], des salariés, mais l'Etat doit reprendre la main face aux défis qui sont ceux, pour notre Nation, du ferroviaire.
Signal fort pour l'efficacité économique et industrielle, SNCF Réseau, gestionnaire d'infrastructure, sera enfin unifié. Aujourd'hui les agents de la DCF, mais aussi de la SNCF Infra, ou encore de RFF, sont tous chargés, chacun dans leur entité, de la gestion de l'infrastructure. Ils sont tous séparés, ils ont été opposés! Comment expliquer aujourd'hui aux Français et aux acteurs mêmes du ferroviaire que c'est en séparant ceux qui doivent travailler ensemble, ceux qui gèrent l'infrastructure de ceux qui utilisent l'infrastructure, que nous pouvons assurer une plus grande efficacité ?
Je le disais, cette entreprise que nous proposons, c'est un groupe unifié qui permettra de mobiliser toutes les énergies, faciliter les mobilités internes, faire en sorte que là où nous décidons de l'investissement, ce soit en cohérence avec le service que nous souhaitons rendre aux usagers et à la Nation.
3) Le troisième axe de la réforme, c'est la conclusion d'un pacte national pour sauver et assurer financièrement la pérennité de ce qui est pour nous un modèle de service public ferroviaire national.
Aujourd'hui, annuellement, automatiquement, 1,5 Mds de dette nouvelle est générée et même en réalité pas loin de 3 Mds en incluant la construction actuelle de 4 lignes à grande vitesse financées par RFF en recourant à l'emprunt, donc financées en gageant l'avenir même du ferroviaire.
Le Gouvernement propose dans le projet de loi de réduire le fardeau des intérêts de la dette. Pour cela, plusieurs dispositions nécessiteront la contribution de tous et l'engagement de la Nation dans le temps :
a/ Cesser de faire financer les grands travaux par RFF à crédit : ces dernières années, l'Etat s'est déchargé sur RFF pour financer des LGV. Quelle en est la conséquence ? De moindres financements pour l'entretien et la modernisation de nos lignes de train du quotidien ! Or, notre patrimoine national doit être préservé, mais aussi développé et modernisé. Arrêtons cette politique, de la course en avant, qui s'est affranchie de toute obligation de financement et qui a laissé porter aux générations futures une dette aujourd'hui lestée de plus de 40 milliards. Et nous devrions aujourd'hui remercier la précédente majorité pour ce lourd héritage?
Depuis deux ans, j'ai tenu à redéfinir clairement les priorités en matière de politique de transport : priorité au transport du quotidien ! Citons deux exemples de mesures prises : la redéfinition du schéma national des infrastructures de transport avec le rapport Duron, et la mise en place d'un plan ambitieux de modernisation du réseau ferroviaire. Mais ce plan de modernisation n'a de sens que si nous avons un regard d'ensemble, un regard sur l'efficacité économique, la stratégie d'investissement de l'ensemble du système.
Nous devons également optimiser le savoir faire, la capacité, la compétence. Nous devons faire en sorte que cette ingénierie, cette capacité de maitrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre des agents de RFF et de SNCF soient réunies, coordonnées, optimisées et donnent de la fierté retrouvée à cette famille cheminote.
b/ Deuxième disposition, l'Etat prendra part à cet effort financier : Imaginez que l'Etat reçoit aujourd'hui des dividendes sur le ferroviaire alors même que le ferroviaire est endetté de plus de 40 milliards d'euros. Remettons de la logique, soyons responsables. Nous proposons donc le reversement de dividendes du transporteur vers le gestionnaire d'infrastructures et la compensation fiscale dans le Groupe des excédents et des déficits.
Le transporteur et le gestionnaire d'infrastructure participeront à cet effort par des mesures d'optimisation, d'efficacité, d'une meilleure organisation du travail.
c/ Enfin, nous proposons une règle de rétablissement des équilibres financiers, qui fasse l'objet d'un contrat avec l'Etat.
Ce pacte national n'a pas pour objectif ni pour effet, comme je l'entends parfois, de dégrader les conditions de travail et de salaire des cheminots. Il a au contraire pour ambition de protéger, préserver et développer le patrimoine de la Nation et demande à chacun de s'associer à ce grand dessein.
4) 4e axe de la réforme, le volet social.
J'ai conscience des inquiétudes que certains font dire à ce projet de loi. Je ne les ignore pas. Mais la France ne peut sans conséquence s'engager dans une bataille sociale du rail. Depuis deux ans, c'est l'esprit du dialogue avec les organisations syndicales, avec les groupes parlementaires qui a animé mon travail et celui de toute mon équipe dans l'objectif de faire réussir le ferroviaire français du quotidien. Ce dialogue, nous le poursuivons ici à l'occasion de nos débats.
Le volet social est important. Car cet avenir du service public ne peut se faire sans un cadre social commun à l'ensemble du secteur du ferroviaire. En effet, nous sommes face à un secteur ferroviaire aujourd'hui ouvert à la concurrence dans le fret. Pourtant ceux qui ont été les promoteurs de cette ouverture à la concurrence n'ont pas pris la précaution de mettre en place les conditions d'une concurrence non faussée, c'est-à-dire des règles sociales communes, ne laissant pas les charges au secteur public et les profits au secteur privé. Faudrait-il après cette malheureuse expérience renouveler les mêmes erreurs ? Il faudrait laisser place à la libre concurrence, la devancer sans permettre à l'entreprise nationale, d'être compétitive et efficace sur ce marché ? Ce n'est pas ma méthode. C'est notamment pour cette raison que ce projet de loi n'a pas pour objet d'anticiper, comme le voudraient certains esprits pétris du dogme libéral, [et comme certain syndicats qui accusent aujourd'hui le gouvernement de libéralisme l'on souhaité dans un passé récent] des échéances que je veux négocier pieds à pieds au niveau européen.
Je veux des règles protectrices appliquées par tous. Nous proposons de construire un cadre social commun, portant sur l'organisation du travail et compatible avec le maintien du statut des cheminots. Nous devons saisir ces enjeux majeurs, ne pas laisser place aux partisans d'un libéralisme européen, ne pas sacrifier l'enjeu de l'équilibre des territoires à des logiques purement financières.
La bataille du rail désormais, elle est économique et se joue au niveau européen. Ce projet de loi est, je le dis, je l'assume, une avancée contre un libéralisme débridé, contre les velléités de concurrence déchaînée, c'est une arme de protection, c'est un renforcement, c'est l'armature d'un édifice public sécurisé et prêt à affronter les défis de l'avenir.
Ce volet social se double, pour le groupe public d'une réunification de la famille cheminote qui doit avoir pour bénéfice une gestion désormais coordonnée des parcours et de la mobilité au sein du grand groupe public. Il s'agit d'ouvrir à chaque cheminot des perspectives de carrière, une découverte d'autres métiers, une progression. Il s'agit d'accompagner l'ambition collective du groupe public SNCF aussi bien que les aspirations légitimes de chacun de ses salariés.
5) Dernier point, nous aurons à assurer que le cadre de la régulation s'applique, notamment grâce à un régulateur extérieur, indépendant, qui garantira l'accès au réseau dans des conditions transparentes.
Pour terminer mon propos, je tiens à dire ici que je sais le rôle qui est le mien : j'ai la responsabilité devant vous, à la fois de défendre notre héritage commun, celui de la grande histoire du ferroviaire, mais aussi de donner des perspectives partagées et de permettre que cette grande histoire du ferroviaire français puisse se poursuivre, s'amplifier.
Il y a dans notre histoire une symbolique très forte du ferroviaire, celle du progrès initiée dans la première moitié du 19e siècle. Nous ne sommes plus au temps des fondations, mais incontestablement, nous sommes, pour le ferroviaire, aux heures d'une refondation. Une refondation à l'aune du contexte européen et mondialisé. Une refondation à l'heure des enjeux d'importance mobilité nouvelle, engagement vers le transport durable, extension des liens d'échanges transfrontaliers.
Ne mettons pas notre système ferroviaire en dehors de son temps. Faisons face au contraire, avec conviction et détermination, aux défis de l'avenir, et expliquons à ceux qui aujourd'hui n'ont pour seule vision qu'un modèle unique, avec des règles uniques, et souvent destructrices, que nous croyons que notre responsabilité, ici, en France, est de dire qu'il existe une autre voie. Que nous ne nous soumettons pas à un modèle qui s'affranchit de la réalité, de notre histoire, mais que nous pouvons conjuguer compétitivité, réalité économique, filière industrielle, et offrir une autre voie au ferroviaire européen. La France a été absente de ces enjeux ces dernières années, elle retrouve désormais toute sa place. Ce message politique, je tiens à le porter devant la représentation nationale.
Refonder, oui, c'est tout en s'inscrivant dans les pas des pionniers, redonner force, vigueur, vertu, mais aussi confiance, au service public. C'est continuer de tracer des perspectives de progrès et de justice qui sont l'identité même de la France. C'est l'attente de nos concitoyens.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 18 juin 2014