Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre et président du RPR, sur la politique gouvernementale notamment la mise en place de la monnaie européenne, la réduction de la fracture sociale, les réformes et la création d'emploi, Paris le 5 novembre 1996.

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Circonstance : Réunion du Conseil national du RPR, Paris le 5 novembre 1996

Texte intégral

M. JUPPE.- Mes chers compagnons, ce que vient de faire notre Conseil national est important. Le débat a été bien
préparé et je voudrais féliciter tout spécialement Jean-François Mancel pour avoir mis en place une procédure tout
à fait démocratique qui a permis, à la fois, à notre Bureau politique et à un groupe de travail interne au
Mouvement où toutes les sensibilités étaient représentées, puis enfin au Conseil national d'avoir un débat
approfondi.
C'est important aussi parce que les décisions de notre Conseil national qui, pour partie, lient notre Mouvement et,
pour partie, consistent en des propositions de caractère législatif adressées au Gouvernement, me paraissent
novatrices. Je ne vais pas les reprendre. J'ai été très intéressé par ce que j'ai entendu par la plupart des
interventions. J'allais dire que je n'en citerai aucune pour ne vexer personne, je voudrais tout de même, cela ne
vexera personne, j'en suis sûr, tirer un coup de chapeau tout particulier à l'intervention de Michèle Alliot-Marie
qui a été caractérisée par le refus de la démagogie, et je crois qu'il fallait le dire.
Il est une autre intervention qui m'a touché, vous l'imaginez, qui est celle de Pierre Mazeaud. Avec lui, on n'est
jamais déçu quand on fait appel aux sentiments et à la solidarité gaulliste. Je n'ai jamais douté 30 secondes, pour
ma part, même quand il pousse un « petit coup de gueule », que je pouvais compter sur lui, surtout dans la
difficulté, et je voudrais l'en remercier de tout coeur.
Je l'en remercie d'autant plus que, c'est vrai, le climat politique aujourd'hui est difficile. Peut-être certains
observateurs, trouveront-ils curieux que notre Conseil national ait consacré plus de deux heures et demie de son
temps à débattre de sujets qu'on ne voit pas fleurir spontanément dans les préoccupations quotidiennes des
Français. Mais après tout c'est le rôle d'une formation politique que d'anticiper aussi et que de se fixer des
règles.
Cela ne nous empêche pas, quoiqu'il arrive, d'avoir en permanence en tête les vraies préoccupations de nos
concitoyens. Et c'est de cela qu'en conclusion de notre Conseil national je souhaite vous parler quelques instants.
Je vous disais que le climat politique est difficile et, d'une certaine manière, c'est paradoxal, d'une certaine
manière seulement. La situation économique s'améliore, je sais que quand je le dis je ne suis pas entendu et que
beaucoup de nos concitoyens aujourd'hui refusent, d'une certaine manière, cette réalité qui pourtant s'affirme
semaine après semaine, mois après mois.
Certes, l'explosion sociale qui avait été annoncée n'a pas eu lieu, encore que la vigilance s'impose et que nous
devons, plus que jamais, faire preuve d'esprit d'ouverture et de disponibilité. Certes, le Gouvernement a les
moyens politiques de poursuivre son action, on vient de le voir au Parlement où pour la première fois de notre
Histoire constitutionnelle, l'Assemblée nationale, puis demain, j'en suis sûr, le Sénat ont voté une loi de
financement de la Sécurité sociale. Je me souviens du temps où j'étais ministre du Budget en 1987 et où beaucoup de
parlementaires me disaient : "C'est extraordinaire, vous nous appelez à voter sur les 1.500 milliards, à l'époque,
c'était moins, du Budget de l'Etat, puis on ne peut rien dire sur les 1.500 milliards du Budget de la Sécurité
sociale". Maintenant, on peut dire. Nous avons fait une réforme tout à fait fondamentale et cela s'est bien passé
au total. De même que se passe bien la discussion de la loi de finances pour 1997, peut-être même mieux que celle
de l'an dernier.
Mais, c'est vrai, les mauvais chiffres du chômage effacent tout ce dont je viens de parler : l'amélioration de la
situation économique, un climat social, certes, tendu mais qui ne donne pas lieu à dérive, une stabilité politique
tout à fait assurée. Et ces mauvais chiffres du chômage nourrissent, c'est légitime, la morosité et le
mécontentement. Je comprends donc que le Gouvernement, et tout particulièrement son chef, soit critiqué, il est là
pour ça. Je comprends même que certains, dans nos rangs, puissent s'interroger. Et croyez bien que j'ai moi-même
réfléchi longuement et sans a priori et, au terme de cette réflexion, j'ai la conviction, je ne peux pas vous le
cacher même si cela apparait à certains comme un peu trop de persévérance frisant l'entêtement, qu'il faut
continuer. Et c'est cela que je voulais vous dire ce soir.
Il faut continuer en réfléchissant au sens de la politique que nous conduisons ensemble depuis un an et demi dans
la droite ligne des engagements qui avaient été pris par Jacques Chirac durant sa campagne électorale, dans la
droite ligne des orientations qu'il a fixées après son élection.
On m'a beaucoup parlé, en d'autre temps, de lisibilité, de visibilité, de perspective, que voulez-vous faire ? Où
voulez-vous aller ? Je vais vous le redire ce que je veux faire avec vous et là où nous voulons aller ensemble pour
la France et pour les Français.
Je voudrais d'abord, et je sais pertinemment que ce n'est peut-être pas quelque chose sur lequel nous pourrions
avoir, au sein de ce Conseil national, le même vote unanime que celui que nous avons eu, il y a un instant, sur la
modernisation de la vie politique. Là où je voudrais aller, ce que je voudrais faire, c'est que notre Gouvernement,
notre Majorité soient, en 1998, le Gouvernement et la Majorité qui auront fait entrer la France dans la monnaie
européenne parce que je crois, de plus en plus, que c'est l'intérêt des Françaises et des Français.
Je le répète, je sais qu'il y a, parmi nous, des sensibilités diverses sur ce point, des doutes, peut-être même des
oppositions, mais nous avons fait un choix stratégique. Le Président de la République a fait un choix stratégique,
le Gouvernement assume ce choix et sa Majorité l'assume aussi.
Si nous voulons faire la monnaie européenne, ce n'est pas par une espèce d'obsession technicienne, technocratique,
financière pour plaire aux marchés, c'est parce que, je le répète, j'ai la conviction que c'est notre intérêt, que
c'est l'intérêt de la France et que c'est l'intérêt des Français. Et c'est cela, d'abord, qui m'inspire bien sûr
dans cette action.
C'est notre intérêt parce que c'est la meilleure manière de conforter la stabilité et, je risquerai un mot qui
pourra peut-être paraître excessif à certains d'entre-vous, la paix en Europe. Vous êtes sans doute convaincus
qu'elle est acquise, qu'elle n'est pas en cause, voire ! Je sais en tout cas que si, face aux forces forcément
centrifuges de l'élargissement, on va se retrouver bientôt à 25 ou 30 au sein de l'Union européenne, il n'y a pas
des forces de cohésion, l'Union européenne risque de se démanteler, de se déliter peu à peu et, cela, je crois, ne
sera pas bon pour la stabilité du continent qui doit se construire, chaque jour davantage, autour de la France et
de l'Allemagne. Et je crois que la monnaie européenne est aujourd'hui l'un de ces facteurs de cohésion décisifs.
Ce qui m'a frappé d'ailleurs, je l'ai vu, ce matin, à Marseille, aux côtés du Président de la République, nous
avions face à nous une importante délégation du gouvernement espagnol, c'est de voir l'attraction qu'exerce
maintenant cette monnaie européenne. Personne n'y croyait il y a encore un an et maintenant beaucoup de nos
partenaires, les Espagnols mais aussi les Italiens, se disent : "Et après tout si cela marchait ! Et si nous n'en
étions pas !". Eh bien, je crois que cela peut, que cela doit marcher et que la France doit en être. Pour cette
première raison, stabilité et paix sur le continent européen.
Il y a une deuxième raison aussi, c'est tout simplement la prospérité pour les Français et les moyens de continuer
à assurer la solidarité entre les membres de la collectivité nationale. Nous sommes, c'est une banalité que de le
dire, on entend cela matin, midi et soir, sur toutes les radios et sur toutes les télévisions, dans une économie
mondialisée. Chacun le sent bien, au-delà du mot de "mondialisation". Les frontières sont ouvertes, on se déplace,
les hommes, les marchandises, les capitaux et cela ne reviendra pas en arrière. Je sais bien que nous sommes dans
une période où on cultive le souvenir du bon vieux temps, de l'âge d'or où il y avait des protections, des
frontières, des barrières. Cela ne reviendra pas en arrière et tant mieux d'ailleurs parce que cela a été un
formidable facteur de prospérité et de progrès.
Il faut relever ce défi, l'assumer et je crois que, avec une monnaie européenne forte face au dollar et face au
yen, nous aurons davantage les moyens de nous battre qu'avec des monnaies nationales adossées à 60 millions
d'habitants, c'est beaucoup, mais qu'est-ce que c'est par rapport à 200 ou 300 millions d'Américains, je ne parle
pas des Asiatiques.
Bien sûr, pas n'importe comment, bien sûr, pas à n'importe quel prix ou à n'importe quelles conditions et, là, je
rejoins les préoccupations de beaucoup d'entre-vous. Il faut d'abord que, dans cette économie ainsi ouverte et
mondialisée, il y ait des règles du jeu, que ce ne soit pas la foire d'empoigne, qu'on ne puisse pas pratiquer le
dumping social, comme on dit, ou le dumping écologique, c'est-à-dire que l'on impose aux uns des règles que les
autres ne respecteraient pas. Vous savez combien la France se bat sur ce point et combien, d'ailleurs, nous
commençons à entraîner nos partenaires européens sur ce chemin. On le voit dans la préparation de la prochaine
réunion de l'Organisation mondiale du Commerce qui aura lieu à Singapour.
La deuxième condition, je suis sûr que, là, je retrouverai pleinement certains d'entrevous qui peuvent douter par
ailleurs, c'est que, pour que cette monnaie européenne marche, il faut que le pouvoir économique, le pouvoir de
choisir les grandes orientations économiques, appartienne, comme dans toute démocratie bien organisée, aux
politiques et non pas aux gouverneurs, à ceux qui ont reçu mandat démocratique de fixer ces objectifs et non pas à
la bureaucratie. C'est dans le traité et, là aussi, il faut l'appliquer. Peut-être la France doit-elle, sur ce
point, faire entendre sa voix un petit plus fort au fur et à mesure que nous nous approchons des échéances de la
monnaie européenne ?
Voilà ma première ambition : réussir cela parce que je crois que c'est bon pour la France et les Français.
La deuxième ambition de mon Gouvernement et de la Majorité qui le soutient, c'est de réussir les réformes, tout
simplement. Le Monde change, je ne vais pas enfiler les perles, les pays qui nous entourent, nous n'en sommes
peut-être pas suffisamment conscients, ont engagé des réformes de structures très profondes et nous sommes, depuis
10 ou 15 ans, un peu à la traîne, pour ne pas dire : "souvent, beaucoup à la traîne". C'est pour nous, c'est pour
vous, c'est pour nous tous une obligation morale vis-à-vis de nos enfants que de faire les réformes qui préparent
l'avenir. Nous ne pouvons pas continuer, comme nous l'avons fait trop longtemps, à renvoyer la solution de nos
problèmes aux générations qui nous suivent. C'est à nous d'assumer aujourd'hui et maintenant, même si c'est
difficile. Et c'est très exactement ce que nous avons engagé avec des réformes de tond dont la France avait besoin
depuis longtemps et qu'on ne cessait de différer année après année.
La réforme de la Sécurité sociale : c'est tout à fait extraordinaire, tout de même, qu'on prétende juger la
réussite de cette réforme alors que le discours fondateur que j'ai prononcé pour la présenter aux parlementaires
qui sont ici date du 15 novembre 1995. Il n'y a même pas un an. A-t-on jamais vu une réforme de cette ampleur
entrer dans les faits et dans la vie quotidienne des gens en moins d'un an ? C'est deux, trois, quatre ans qu'il
nous faudra pour en tirer toutes les possibilités et cela commence avec l'arrivée du carnet de santé chez chaque
assuré social. Un carnet de santé qui n'est pas fait pour punir ou pour rationner, contrairement à ce que j'entends
dire, mais qui est fait pour soigner mieux.
Juste une petite remarque qui m'a beaucoup frappé dans un dialogue que j'avais récemment avec le Président du
Conseil national de l'Ordre de Médecins, il me disait : "Le carnet de santé, nous en avons depuis longtemps pour
nos enfants, pour nos bébés quand on va chez le pédiatre. Ce n'est pas fait pour rationner les soins, c'est fait
pour mieux suivre, pour s'assurer que les vaccinations ont bien été faites, que les rappels sont bien pratiqués".
Le carnet de santé, pour chacune et chacun d'entre-nous, a le même objectif : soigner mieux, si possible à moindre
coût, bien sûr, en luttant contre les gaspillages, mais d'abord soigner mieux.
De même que l'un des axes fondamentaux de la réforme de la Sécurité sociale, c'est l'assurance-maladie universelle,
c'est-à-dire la réalisation du rêve du Général de Gaulle à la Libération, faire en sorte que tous les Français
soient effectivement égaux devant la protection sociale et, en particulier, devant l'assurance-maladie.
Premier exemple d'une grande réforme qui avait trop attendue, qui avance patiemment et qui, je l'espère, sera de
mieux en mieux comprise.
Deuxième exemple, la réforme de la Défense nationale. Quelle n'a pas été ma surprise ce matin, enfin, je le savais
un petit peu, ce n'était pas une surprise totale, que d'entendre nos partenaires espagnols nous dire : "Nous
faisons une réforme de même inspiration que la réforme française". Tout simplement, parce que c'est le bon sens,
c'est la vie, c'est le Monde tel qu'il va. Armée professionnelle, adaptation de nos unités à cette nouvelle donne,
nouveau rendez-vous citoyen pour nos jeunes, nouveau service volontaire pour mobiliser les énergies,
restructuration de nos industries. Cet exemple-là est contagieux parce qu'il va tout simplement dans le sens d'une
bonne préparation de l'avenir.
Troisième exemple de ces réformes fondamentales qu'il fallait faire, la réforme de l'impôt direct. On a beaucoup
parlé de la baisse de l'impôt sur le revenu. Je ne sais pas si on a bien vu ce qui se décidait derrière, une vraie
réforme en profondeur de l'impôt direct qui, d'ici quelques années, sera constitué de deux parties à peu près
équivalentes : un impôt progressif et un impôt proportionnel assis beaucoup plus largement sur tous les revenus et
pas uniquement sur les revenus du travail.
Lorsque nous avons fait le débat d'orientations budgétaires il y a quelques mois, nous avions déjà tracé cette
perspective en disant : "Qu'est-ce qui sinon crée du moins entretient ce climat de morosité ?", c'est le fait que
ceux qui travaillent sont systématiquement matraqués fiscalement. Et on m'avait dit : "Oui, c'est vrai". Nous
avions des taux marginaux d'impôt sur le revenu tout à fait prohibitifs par rapport à ce qu'on trouve ailleurs en
Europe. Alors, j'ai fait cette réforme puisque tout le monde avait l'air d'accord pour dire que c'était la
priorité. Il a suffit que je la fasse, naturellement, pour qu'immédiatement on me dise : "Non, ce n'est pas cela
qu'il fallait faire, c'était la TVA qu'il fallait baisser". Mais, là, je commence à être un peu vacciné.
Je voulais prendre un autre exemple, mais cela n'est pas une grande réforme, pour montrer combien les choses sont
parfois difficiles, pas pour me plaindre, ce n'est pas dans mon tempérament, on me le reproche même un petit peu,
pour montrer combien nos concitoyens ont parfois l'esprit de contradiction, c'est l'heure d'été et l'heure d'hiver.
J'ai dit il y a quelques mois : "Si on ne gardait qu'une seule heure, ce serait plus simple pour les paysans, pour
les enfants", alors, on a applaudi, on a dit : "C'est une idée formidable", 80 % étaient pour. J'ai chargé un
parlementaire en mission de me faire un rapport, d'aller voir ce qui se passait en Europe, puis de me faire une
suggestion parce que, si on ne veut avoir qu'une seule heure, on ne peut pas choisir les deux à la fois. Il fallait
donc bien choisir entre l'heure d'été et l'heure d'hiver. On a fait une proposition : plutôt l'heure d'hiver.
Patatras ! plus personne n'est d'accord et la belle unanimité sur l'idée qu'il fallait une seule heure s'est
immédiatement dissipée et, maintenant, il y a 50 % qui sont pour l'heure d'hiver et 50 % pour l'heure d'été. Mais
c'est la démocratie, c'est la vie, je le répète, et il faut en prendre son parti, ce qui ne doit pas empêcher
naturellement de progresser.
Donc, la deuxième ligne de force, redevenons plus sérieux, de l'action du Gouvernement : réussir la monnaie
européenne pour les raisons que je vous ai dites, réussir les réformes.
Troisième ligne de force, et nous ne l'avons pas perdue de vue, pas un seul jour, je sais que c'était un des thèmes
forts de la campagne de Jacques Chirac et cela reste l'un des axes fondamentaux de la politique du Gouvernement,
réduire la fracture sociale. En un an et demi, a-t-on déjà vu gouvernement engager autant de grands chantiers dans
cette direction ?
- la politique de la ville, j'ai vu Eric Raoult tout à l'heure, marche parce que nous avons dégagé des moyens
nouveaux et surtout parce que nous y avons mis une volonté politique renouvelée avec les emplois de ville et bien
d'autres dispositions.
- la politique de la dépendance, nous ne l'avons pas perdue de vue et, au 1er janvier de l'année prochaine, cet
engagement du Président de la République qu'on a, c'est vrai, différé pendant un an et demi parce que les caisses
étaient vides, nous allons commencer à le tenir avec une étape très importante : dépendance sous la forme d'une
prestation, mais aussi sous la forme d'une aide aux maisons qui accueillent les personnes âgées. On n'a pas du tout
dit cela. 14.000 lits médicalisés, promis depuis des années et des années, tous les élus qui sont là en savent
quelque chose, et que nous allons financer l'année prochaine.
- la loi qui vise à renforcer la cohésion sociale en France, qui a demandé beaucoup de travail, c'est vrai, cela
n'a pas été fait en trois mois ou quatre mois, il a fallu s'y investir, Jacques Barrot, Xavier Emmanuelli, beaucoup
d'autres encore. J'ai reçu, moi-même, les grandes associations qui sont sur le terrain, le Secours catholique, le
Secours populaire, ATD Quart Monde, l'Armée du Salut, j'en oublie beaucoup, et j'ai parlé avec elles de cette loi.
Bien sûr, on a retenu de leurs réactions qu'une partie, bien légitime et bien normale, qui consiste à dire "S'il y
avait eu un peu plus de moyens, on aurait été encore plus contents", mais ce qu'on a occulté c'est ce qu'elles
m'ont dit, à savoir "Jamais, on n'avait fait un tel effort pour poser dans un texte les principes de la cohésion
sociale et de la solidarité nationale" et faire en sorte que tous, comme le dit souvent le Président de la
République, aient accès aux droits de tous, qu'il s'agisse du logement, de la santé, des droits civiques et
d'autres encore. Un effort non seulement conceptuel, si je puis dire, mais un effort de solidarité et de générosité
inscrit dans cette loi qui marquera, je crois, parmi les grandes lois de la République.
Voilà ce que c'est que réduire la fracture sociale. Vous serez peut-être surpris que je mette cela sous le même
chapeau et pourtant ! Réduire la fracture sociale, c'est aussi lutter contre les germes mauvais de la violence qui
menacent le pacte républicain. Parce que cela aussi est un élément de solidarité et de générosité. Il faut que,
dans ce domaine, nous accroissions les efforts que nous avons déjà entrepris en matière de sécurité, en matière de
lutte contre l'immigration illégale. J'avais annoncé un texte, il sera déposé devant le Parlement et il nous
permettra de nous doter des moyens qui nous manquent aujourd'hui pour faire respecter la loi. Lutte contre le
travail clandestin, un texte a été déposé, lutte contre la corruption qui est aussi un ferment de division et de
déstabilisation d'une société démocratique.
Réduire la fracture sociale, c'est donner à l'Etat les moyens d'assumer à la fois ses fonctions de générosité, de
solidarité, mais aussi, nous y tenons et j'ai bien entendu ce qu'a dit tout à l'heure notre compagnon, Vaneste, ses
fonctions régaliennes parce que la sécurité est aussi un droit pour les plus modestes et pour les plus pauvres
d'entre-nous. Ceux dont nous parlons quand nous pensons à la fracture sociale.
Enfin, quatrième grand axe de notre politique, c'est le plus difficile et c'est celui sur lequel nous avons le
moins avancé ou en tout cas obtenu le moins de résultats : créer des emplois, créer des emplois d'abord pour nos
enfants.
Sur tous les fronts que je viens d'évoquer, la monnaie européenne, les réformes, la réduction de la fracture
sociale, je crois que nous avons progressé. Sur le front du chômage. nous avons essuyé des revers. Ce n'est pas
faute d'avoir agi, ce n'est pas faute d'avoir pris des initiatives, je les passe en revue rapidement :
- la baisse des charges. On nous avait tellement dit du côté des entreprises : "Baissez les charges qui nous
asphyxient et nous embaucherons", eh bien, nous avons fait près de 50 milliards de baisse des charges.
- Ensuite, on nous avait dit : "Le temps de travail peut être créateur d'emplois". Nous avons été loin dans ce
domaine, dans le domaine du temps choisi avec des dispositions législatives très avancées. Edmond Maire, vous vous
en souvenez, le prédécesseur de Nicole Notat, disait récemment "que la loi sur l'aménagement et la réduction du
travail était la plus grande conquête sociale depuis 1936". Je ne sais pas si ce jugement est tout à fait fondé,
mais en tout cas il l'a dit !
- Les emplois de proximité, emplois de ville, contrat d'initiative locale dans la loi de cohésion sociale.
- Et puis tout ce que nous avons entrepris aussi pour faciliter l'alternance, c'est-à-dire le passage de nos jeunes
des établissements scolaires vers les entreprises avec une simplification et une amélioration considérables de
l'apprentissage.
Nous sommes conduits aujourd'hui à constater, bien sûr, que cela n'a pas suffi, qu'il faut faire plus et qu'il faut
faire plus ensemble. Il faut faire plus, c'est-à-dire pour aider nos entreprises, notamment les petites et moyennes
entreprises, qui sont les principaux gisements de créations d'emplois.
Simplifier, simplifier, simplifier, dans ce domaine, il faut être plus audacieux que nous ne l'avons été jusqu'à
présent. Je rêve parfois, parce qu'il m'arrive aussi de rêver, qu'un jour la feuille de paie du salarié français
pourra être aussi simple que la feuille de paie du salarié britannique ou allemand puisqu'il paraît que, dans ces
pays voisins, elle ne comporte que quatre lignes. Chez nous, il y en a 22, je crois. Il faut simplifier et nous y
travaillons.
Il faut agir au plus près du terrain. Les mesures nationales que nous prenons, parfois, sont ignorées sur le
terrain ou, parfois, tout simplement détournées. C'est la raison pour laquelle il faut que l'Etat soit davantage
présent, au contact des réalités. Cela s'appelle d'un terme un peu bureaucratique ou un peu technocratique, la
déconcentration. Tous les élus qui sont ici savent ce que cela veut dire.
Il faut assouplir aussi un certain nombre de règles. Combien d'artisans n'avez-vous pas rencontrés qui vous disent
: " Ah ! si on pouvait être plus libres de nos mouvements quand on embauche, on recruterait. Mais on ne le fait pas
aujourd'hui parce que si, dans six mois, notre plan de charges n'est pas bon, on est bloqués par toutes sortes de
réglementations ". C'est une question tabou. Le seul fait que je la pose, ce soir, va sans doute provoquer de
l'ébullition, j'en suis sûr, mais à un certain moment ne faut-il pas poser les vraies questions quand on a non pas
tout essayé, mais essayé de faire le maximum.
Pour les petites et moyennes entreprises, et peut-être les très petites entreprises qui sont plus d'un million en
France, n'y aurait-il pas là, à condition d'en parler avec tous les partenaires sociaux, un élément d'innovation à
entreprendre pour essayer de débloquer la situation de l'emploi ? Parce qu'il n'y a rien de plus prioritaire
aujourd'hui que de permettre à nos jeunes d'entrer dans la vie du travail et dans la vie de l'entreprise, même si
cela bouscule certaines habitudes.
Alors, je disais : "Faire plus et faire plus ensemble". Sur tout cela, il faut réfléchir et réagir ensemble, les
entrepreneurs, les élus, je pense, en particulier, aux maires qui ont un rôle leader dans ce domaine, les
partenaires sociaux, tous les acteurs de la vie associative. Je vous invite, vous aussi, membres du Conseil
national, à y travailler de sorte que, fixons-nous un calendrier, dans les trois mois qui viennent, nous puissions
donner à cette politique d'insertion des jeunes une nouvelle impulsion, au-delà même de tous les dispositifs que
nous avons mis en place depuis maintenant un peu plus d'un an.
Voilà, mes chers compagnons, quelques réflexions que je voulais vous livrer et qui servent tout simplement à
montrer, que la politique que nous menons a une colonne vertébrale, elle a un sens, nous savons où nous voulons
aller même si les résultats ne sont pas encore tous ce que nous espérions qu'ils soient.
Je disais en commençant que le climat politique est difficile. Il est difficile pour moi, mais je ne suis pas là
pour vous livrer mes états d'âme. Je sais qu'il est difficile pour vous, pour tous ceux qui sont sur le terrain,
qu'ils soient élus ou cadres, la vie quotidienne n'est pas toujours facile. Encore que j'ai observé que chaque
fois, au lieu de raser les murs ou d'essayer de passer sous le tapis, on va au-devant de la difficulté, on réunit
ceux qui veulent bien nous soutenir, mais qui ne comprennent pas toujours ce qui se passe, et qu'on leur explique
sans avoir peur d'assumer ses responsabilités, on finit par les convaincre. Et c'est cela la bonne attitude et la
bonne conviction.
J'allais vous poser pour terminer la question de savoir si nous étions prêts à continuer ensemble ? Il semble que
vous venez de me répondre. Et, pour ma part, je vais vous dire : "Je réponds sans hésitation "présent". Présent
parce que j'ai acquis la conviction que choisir sur les rayons des nouvelles politiques qu'on nous propose
maintenant tous les 8 jours serait néfaste pour la France et pour nos enfants.
Je ne visiterai que le rayon socialiste, ce soir, de ces autres politiques, c'est tout à fait consternant ! Quel
est le cocktail qu'on nous propose ? Ou bien le retour aux vieilles lunes des années 1980 qui nous ont plombés
pendant 15 ans, je cite : les 35 heures obligatoires, l'interdiction de licencier, l'éloge des nationalisations, le
retour à la valorisation de la dépense publique... enfin, on connait cela ! On sait où cela nous a menés ? Ou bien
alors un plagiat de ce que nous faisons mais en moins courageux. Alors, y a-t-il de ce côté-là une issue ? Je crois
que les Français sont beaucoup plus sages et beaucoup plus réalistes qu'on ne le pense et qu'ils ne se laisseront
pas prendre à ce miroir aux alouettes.
Je réponds : "Présent" précisément aussi parce que j'ai confiance dans le bon sens de nos compatriotes qui
comprennent la nécessité du changement et de la réforme, même s'ils en critiquent les effets immédiats.
Je réponds : "Présent" parce que je sais que vous êtes avec moi pour réussir la mutation de la France qui sera, qui
doit être la grande affaire du septennat de Jacques Chirac, du premier septennat de Jacques Chirac...
et je le dis à tous ceux qui cherchent à nous déstabiliser, c'est vrai que par moments cela secoue un peu fort,
mais enfin on a des bonnes ceintures, à tous ceux qui veulent nous faire douter, à tous ceux qui chantent aux
Français le chant de la démagogie et de l'illusion, nous avons une réponse : "le sang-froid, le calme, l'écoute, l'ouverture d'esprit, le courage, bref, le gaullisme".