Déclaration de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur le développement et la promotion du tourisme en outre-mer, à Paris le 1er juillet 2014.

Prononcé le 1er juillet 2014

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture des 3èmes Rencontres parlementaires sur le tourisme sur le thème "Et si le redressement passait par le tourisme ?", à la Maison de la Chimie, à Paris le 1er juillet 2014

Texte intégral

Pour les Outre-mer, le tourisme constitue un facteur-clé de croissance. Les entreprises du secteur sont contraintes de se réinventer sans cesse, et de s'adapter à des modes de consommation et des environnements régionaux en pleine mutation. De plus, leur développement est fondé sur une exploitation raisonnée et intelligente des ressources et du patrimoine des territoires. Je ne peux que m'associer à cette triple ambition de croissance, d'évolution et de développement. Une semaine après la clôture des Assises du tourisme, je vous remercie de me donner l'occasion de réaffirmer les points suivants.
Par la beauté de leurs paysages, leur diversité et leurs richesses, les destinations ultramarines participent du prestige de la France, de son attractivité touristique et de sa renommée internationale. Par leurs écosystèmes uniques, leur variété patrimoniale, leurs spécificités culturelles, elles constituent ce que l'on appelle communément des « destinations de rêve ».
Cependant, il semble qu'elles ne soient pas toujours des destinations effectives. Sans rompre avec l'optimisme affiché dans l'édito de Sophie Jovillard, nous devons faire vivre ce rêve, qui est le fil directeur sans lequel il n'existe pas de volonté d'entreprendre et de tirer parti de nos atouts. Le tourisme se trouve à la croisée de cette équation de l'Outre-mer : objet de rêve dans un univers qui en a bien besoin ; objet en pleine mutation qui doit s'adapter et se réinventer pour croître ; objet de développement pour des sociétés en quête de souffle ; objet qu'il nous faut saisir.
Le tourisme occupe une place centrale dans la vie des territoires d'Outre-mer. Selon les lieux, il représente jusqu'à 10 % du PIB et de l'emploi, parfois plus comme en Polynésie où cette proportion dépasse 15 %. En tant que politique, je ne puis être insensible à ces chiffres, d'autant que les taux de chômage que connaissent les Outre-mer peuvent atteindre entre 20 et 30 % de la population active, avec parfois plus de 60 % pour les jeunes. Comment pouvons-nous agir pour que ce marché en expansion constitue réellement une chance pour les Outre-mer ?
Après un essor considérable, l'activité touristique a connu un coup d'arrêt en 2008, dans le sillage de crises sanitaires et sociales qui ont frappé nombre de territoires. À l'heure où une timide relance s'amorce, il serait trop facile de considérer ces crises comme la seule explication de la perte de vitesse du tourisme en Outremer. Lorsque La Réunion accueillait 446 000 touristes en 2012, l'Île Maurice en recevait le double. Quand la Martinique affichait le chiffre de 487 000 vacanciers, la République dominicaine bénéficiait d'un chiffre de 4 millions de visiteurs. Comment nos territoires peuvent-ils monter dans le train de la croissance du tourisme mondial ? Comment pouvons-nous le faire de manière responsable ? La République dominicaine, Porto Rico, Cuba, les Bahamas dans les Caraïbes, Maurice, les Maldives dans l'océan Indien, Hawaï, les Îles Cook et le Vanuatu pour l'Océanie : la concurrence régionale ne décroîtra pas. La main d'oeuvre y est certes meilleur marché et les normes moins drastiques au regard des Outre-mer, mais il ne s'agit pas des seules explications des difficultés que rencontrent nos territoires. S'il ne faut pas en nier l'importance, il ne faut pas non plus limiter au coût du travail les termes de notre équation.
L'offre et son adéquation aux attentes des consommateurs sont aussi un élément essentiel. Les territoires d'Outre-mer sont sous-dotés en termes d'offre hôtelière, et la tendance n'est pas à la croissance en ce domaine. Cette situation nous empêche donc de profiter d'une augmentation substantielle des flux touristiques. De plus, quels touristes voulons-nous attirer ? Plusieurs rapports ont mis en exergue que l'indétermination du profil touristique de nos territoires constitue l'une de leurs principales faiblesses. Lorsque le marqueur existe, les clients sont présents : tourisme bleu, tourisme vert, tourisme populaire, tourisme de luxe, tourisme riche en contenus, tourisme d'affaires, nouvelle clientèle… Il s'agit de choix de société. La collectivité doit jouer son rôle, des communes jusqu'à l'État, mais les acteurs économiques eux-mêmes doivent choisir le tourisme qu'ils veulent promouvoir. Les Assises du Tourisme ont beaucoup insisté sur l'importance de la formation et de l'accueil. Je n'ignore pas le déficit d'image dont souffrent certaines de nos destinations en la matière. La qualité peut se déployer selon différents critères, dont par exemple celui de la chaîne de l'eau.
Par ailleurs, les bons hôtels doivent être référencés sur les sites que consultent les clients et dans les lieux ressources des territoires. Il faut également que le maillage des transports vers les hôtels soit plus efficace. La faible diversification de la desserte aérienne représente une difficulté pour l'attractivité des territoires. Le transit par Paris et le changement d'aéroport sont obligatoires pour les voyageurs européens. La situation est pire pour les touristes de la zone régionale proche qui doivent souvent passer par les États-Unis ou le continent américain. Nous devons continuer à réfléchir collectivement sur l'amélioration des prix et des temps de transport.
Nous ne disposons pas d'une infinité de solutions pour encourager l'emploi dans les Outre-mer. Le tourisme en fait partie. C'est pourquoi ces préoccupations sont essentielles pour un ministère comme le mien, et j'ai souhaité en faire un axe fort de sa feuille de route. Nous partageons ces préoccupations : je tiens d'ailleurs à saluer les contributions apportées par la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion lors des Assises du Tourisme, qui ont mis en avant certains enjeux d'avenir :
• la nécessité de requalifier l'attractivité des destinations et la compétitivité du tissu des acteurs économiques ;
• la nécessaire relance de l'offre hôtelière ;
• la diversification de l'offre par la mise en valeur de la richesse environnementale et culturelle ;
• le développement des démarches qualité et la certification de la formation professionnelle.
Nous avons commencé à répondre à ces enjeux de manière concrète et visible. Le gouvernement vient d'annoncer un train de mesures sans précédent pour l'assouplissement des conditions d'entrée des ressortissants des pays étrangers dans différents territoires des Outre-mer. Ces dispositions touchent :
• les ressortissants indiens et chinois se rendant en Polynésie française ou à La Réunion par le biais d'agences agréées ;
• les ressortissants équatoriens et péruviens se rendant dans l'un des trois départements français d'Amérique ;
• les ressortissants d'Anguilla se rendant à Saint-Martin.
Ces mesures font suite au dispositif Visa mis en place par les Îles Vanille en 2013 et qui avait pour objectif de mieux faire profiter La Réunion du dynamisme des marchés aux alentours et de faciliter l'inclusion de l'île dans les circuits régionaux.
Pour soutenir la compétitivité, le gouvernement vient de présenter des modalités simples et lisibles de déclinaison du Pacte de responsabilité et de solidarité dans les Outre-mer. La mise en place d'un CICE renforcé à 9 % garantira le plein effet des mesures prises pour alléger le coût du travail. Compte tenu du niveau de rémunération concerné, cette disposition profitera pleinement au secteur touristique. Je serai attentive à ce que ces aides supplémentaires soient assorties des contreparties nécessaires. Des engagements pourraient être pris en matière d'emploi et de formation des jeunes demandeurs d'emploi inscrits localement et des bénéficiaires des minima sociaux.
Lorsque tous les acteurs économiques et politiques s'attellent à une tâche commune, nous pouvons aller de l'avant. Certains chantiers demeurent à entamer.
Lors de la clôture des Assises, le gouvernement a annoncé la constitution de pôles d'excellence, la mobilisation des investissements d'avenir en faveur du tourisme et la promotion de destinations phares. Les Outre-mer doivent prendre part à ces nouveaux dispositifs. Il nous reste également à développer l'écotourisme en Guyane, le tourisme sport et montagne à La Réunion, et le tourisme de croisière qui a crû de 13 % à la Martinique.
Parmi les pistes envisagées avec les professionnels et les élus régionaux, l'accueil individuel en gîte et chez l'habitant pourrait être développé en complément de l'accueil hôtelier traditionnel. Des initiatives doivent également être prises pour relancer l'hôtellerie, structure par structure, avec les conseils régionaux qui nous semblent être les pilotes les plus appropriés. Un certain nombre de critiques ont été émises quant à l'aide à la rénovation des chambres. Comment la défiscalisation dans le secteur hôtelier peut-elle être un atout ? Un crédit d'impôt dédié pourrait aussi constituer un dispositif innovant. En outre, un meilleur accès au crédit peut apporter une aide aux professionnels. Nous comptons sur le partenariat avec les régions pour favoriser la mise en place de produits de financement spécifiquement adaptés par la BPI, à l'instar du prêt participatif de développement outre-mer. Nous participons également au financement de campagnes de communication sur les grands marchés émetteurs européens. Nous menons des actions d'ingénierie avec Atout France. En 2014, ces actions ont porté sur la formation des personnels, l'analyse de la demande et la recherche de réponses aux effets de forte saisonnalité de ce secteur. Elles ont mobilisé près d'un million d'euros. J'espère que nous pourrons prochainement aboutir à la signature d'une convention avec Atout France.
Nos ambitions sont à la mesure de l'énormité de la tâche, avec des atouts réels. Si nous faisons du tourisme dans les Outre-mer une priorité nationale, nous parviendrons à améliorer le développement des territoires, la qualité de vie et la vitalité sociale. Le tourisme permet le rapprochement entre les cultures. Il renforce le prestige de la France et son influence dans le monde. La France est le pays le plus visité au monde, notamment par la contribution des Outremer. J'espère que, tous ensemble, nous nous inscrirons dans la dynamique de ce secteur.Source http://www.veilleinfotourisme.fr, le 13 octobre 2014