Déclaration de M. André Vallini, secrétaire d'Etat à la réforme territoriale, sur Europe 1 le 18 novembre 2014, sur le sort du dernier otage français à l'étranger, M. Serge Lazarevic, et le débat parlementaire sur la réforme de la carte des régions.

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Média : Europe 1

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Jean-Pierre ELKABBACH, vous recevez ce matin pour l'interview politique d'Europe 1 André VALLINI, Secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale et en charge de cette fameuse réforme sur les régions. Messieurs, c'est à vous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous vous occupez de la réforme des régions et vous êtes avocat. Ma première question est, comme dirait Thomas SOTTO, “celle qui fâche?. Qu'est-ce que l'Etat fait aujourd'hui pour sauver Serge LAZAREVIC, le dernier otage français ?
ANDRE VALLINI
L'Etat fait le maximum, monsieur ELKABBACH, le maximum tous les jours. Le gouvernement est mobilisé, notamment bien sûr le Premier ministre, Laurent FABIUS aux Affaires étrangères, Jean-Yves LE DRIAN à la Défense, sous l'autorité du Président de la République. Le gouvernement agit tous les jours mais sans publicité, évidemment, parce que dans ce genre d'affaire plus que dans toute autre, le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit. Il faut donc agir avec discrétion, avec constance. Je veux dire ce matin à votre micro que l'appel de monsieur LAZAREVIC a été entendu bien sûr par tous les Français, d'abord par le gouvernement et que la République n'abandonne aucun de ses enfants. Le maximum est fait pour sauver Serge LAZAREVIC.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous pensez qu'on le verra vivant un jour peut-être en France ?
ANDRE VALLINI
Comme vous bien sûr, je l'espère de toutes mes forces. Et, je le répète, je sais que les autorités françaises font le maximum pour sauver monsieur LAZAREVIC.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais avec qui on négocie ?
ANDRE VALLINI
On ne négocie pas avec les preneurs d'otages. On agit par des réseaux, notamment les réseaux diplomatiques. Des tractations sont en cours notamment avec les Etats où pourrait être retenu monsieur LAZAREVIC. Bref, je ne peux pas en dire plus, je ne veux pas en dire plus, je n'en sais pas plus. Ce que je sais, parce que le président HOLLANDE en parle régulièrement notamment en conseil des ministres, c'est que la République agit. L'Etat n'abandonne pas monsieur LAZAREVIC, l'Etat n'abandonnera jamais les otages qui sont détenus dans le monde.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais quand il y aura une décentralisation et des pouvoirs plus forts aux régions, qui va s'occuper de la lutte contre le développement du terrorisme ? le prosélytisme des salafistes qui sont installés dans presque toutes les villes de France, comme le disait hier le procureur MOLINS ?
ANDRE VALLINI
L'Etat, bien sûr. L'Etat régalien, la police, la justice, l'éducation nationale. Ce rôle-là, ce rôle de l'Etat, ce rôle éminemment régalien, il faut et il faudra que l'Etat continue à le remplir. C'est pour que l'Etat remplisse mieux encore qu'aujourd'hui son rôle régalien, ses fonctions régaliennes, qu'il faut décentraliser tout ce qui concerne l'économie, le social et le développement du pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui, les députés votent la carte des régions. Les sénateurs disent de vingt-deux à quinze ou à douze plus la Corse, ce qui fait treize. En quoi cela serait plus efficace et mieux d'en avoir moins ?
ANDRE VALLINI
Moins de régions et surtout des régions plus fortes avec plus de compétences économiques, c'est la volonté du gouvernement pour faire des régions françaises des moteurs de développement économique comme les grandes régions allemandes et italiennes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elles ont beaucoup de pouvoir là-bas.
ANDRE VALLINI
Oui, et c'est ce que nous allons faire. Nous allons donner beaucoup plus de pouvoir, notamment dans le domaine économique, aux régions françaises comme en Espagne avec la Catalogne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En principe, dans un an ont lieu les élections régionales. Dans le climat actuel, si elles avaient lieu dimanche, combien de régions le Front National pourrait-il gagner ? Franchement.
ANDRE VALLINI
Au vu des sondages actuels, c'est vrai que le Front National est une menace. C'est une menace pour les institutions nationales, pour l'Assemblée Nationale. Demain si les législatives ont lieu, le Front National pourrait faire son entrée à l'Assemblée évidemment mais aussi dans les régions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien de régions ?
ANDRE VALLINI
On parle d'une, deux voire trois régions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire lesquelles ?
ANDRE VALLINI
Certains commentateurs, et pas seulement les commentateurs d'ailleurs, mais aussi les responsables politiques sont inquiets de la montée du Front National dans le Nord de la France, dans le Sud de la France aussi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Région Nord-Pas-de-Calais.
ANDRE VALLINI
Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Provence-Côte d'Azur, la menace du Front National est là, elle est réelle. Il faut bien sûr la craindre, la redouter, et il faut surtout combattre cette menace. Il faut donc combattre le Front National pour expliquer que ses solutions sont de mauvaises solutions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et combien le Parti socialiste perdrait-il de régions alors qu'il les a presque toutes ?
ANDRE VALLINI
Quand on a quasiment toutes les régions et que les élections s'annoncent difficiles, on peut effectivement redouter d'en perdre quelques-unes, mais je ne vais pas entrer dans le jeu des pronostics. Ce que je veux dire, c'est que nous avons un an devant nous une fois que la réforme sera votée, et elle va l'être dans les jours prochains, pour mener campagne sur le thème des grandes régions puissantes qui vont tirer le développement économique du pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien ? Quinze comme le disent les sénateurs ? treize comme vous le dites ? ou quatorze s'il y a un compromis ? Est-ce qu'un compromis est possible ?
ANDRE VALLINI
Un compromis est toujours possible entre les députés qui sont à treize régions -douze plus la Corse- et les sénateurs qui sont à quinze régions. Un compromis est possible entre les deux chambres Sénat et Assemblée, pourquoi pas. Nous pensons que la carte à treize régions est cohérente, qu'elle a son équilibre et qu'elle est bien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais par exemple, la Picardie rejoindra le Nord-Pas-de-Calais.
ANDRE VALLINI
Dans cette hypothèse, oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Malgré Martine AUBRY. Le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, Toulouse et Montpellier s'associent.
ANDRE VALLINI
Ensemble oui, pour faire une grande région Sud.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La Bretagne, grâce à Jean-Yves LE DRIAN, reste autonome.
ANDRE VALLINI
La Bretagne est autonome pas plus que les autres régions. La Bretagne reste la Bretagne. Dans un premier temps, c'est la solution de sagesse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et l'Alsace ?
ANDRE VALLINI
L'Alsace souhaiterait former une collectivité unique en fusionnant les deux départements et le conseil régional. Mais il y a une autre idée intéressante portée par des parlementaires de droite comme de gauche qui est celle d'une grande région Est avec Strasbourg comme capitale, avec Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si un département veut quitter une région pour une autre, est-ce qu'il aura un droit d'option souple ? Est-ce qu'il aura le choix ou alors est-ce que la région de départ ou celle d'arrivée, si elle est en désaccord, peut présenter un droit de veto ? Empêcher ?
ANDRE VALLINI
Notre volonté, au gouvernement comme au Sénat ou à l'Assemblée nationale, est d'assouplir le fameux droit d'option, c'est-à-dire de permettre plus facilement qu'aujourd'hui à un département de changer de région. Il faudra malgré tout demander l'avis de la région que l'on veut quitter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas par référendum ?
ANDRE VALLINI
Pas par référendum, non. Par un vote à la majorité qualifiée. Mais nous voulons assouplir le droit d'option pour que quelques départements puissent changer de région. Peu sont concernés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le président du Sénat Gérard LARCHER a lancé hier à Chartres une l'opération “Sénat hors les murs? qu'il veut renouveler. Un des textes-clefs pour lui sur les compétences sera débattu en décembre au Sénat. Est-ce que vous allez supprimer au moins le principe de la clause controversée de compétences générales pour qu'on sache qui fait quoi ?
ANDRE VALLINI
La réponse est oui. L'autre objectif de cette grande réforme, après la compétitivité économique dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est la clarté. Savoir qui fait quoi, que le citoyen puisse enfin s'y retrouver, à quoi servent nos impôts, où vont-ils, que financent-ils, qui les utilisent. Mettre de la clarté, c'est donc mettre de la démocratie. Monsieur ELKABBACH, j'ai noté qu'hier Gérard LARCHER, président du Sénat, a dit à Chartres que la loi sur les compétences qui va venir au mois de décembre est une grande loi. Il a été très positif. Et moi, je me réjouis que cette réforme territoriale arrive peu à peu non pas à faire consensus total mais nous permette de dépasser les clivages partisans gauche-droite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous accordez plus de pouvoirs aux régions mais l'Etat va baisser les dotations. Vous leur demandez onze milliards d'économies en trois ans, plus de trois milliards et demi par an. On est sûr qu'il y aura de nouveaux impôts locaux pour compenser.
ANDRE VALLINI
Pas forcément, pas forcément.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas forcément mais probablement.
ANDRE VALLINI
Les élus locaux sont des gens responsables et sérieux et ils vont tout faire pour économiser sur leurs dépenses de fonctionnement, pour les rationnaliser, pour les mutualiser entre collectivités, pour éviter de recourir à la hausse des impôts.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va prendre un exemple concret. Aujourd'hui les collectivités locales comptent un million huit cent quatre-vingt-dix mille fonctionnaires locaux qui augmentent de un pourcent par an.
ANDRE VALLINI
1,6 pourcent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
1,6. Alors qu'est-ce qu'on fait ? On peut réduire les effectifs ? faire des économies là ?
ANDRE VALLINI
Si on stabilisait les effectifs de la fonction publique territoriale au niveau où ils sont aujourd'hui, on pourrait gagner 1,2 milliard par an. 1,2 milliard par an en stabilisant les effectifs, sans les diminuer. Mais il faut savoir aussi que les citoyens sont de plus en plus exigeants et qu'ils demandent toujours plus aux collectivités locales. Il faut que les citoyens contribuables soient aussi responsables. Ils ne peuvent pas demander toujours plus de services et d'équipements et vouloir que les impôts soient stabilisés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dernière question. Votre réforme ne sera pas forcément pérenne. En 2017, en cas d'alternance, pourrait-elle survivre ? Nicolas SARKOZY vous a prévenus lors de son meeting de Toulouse en octobre, je crois que c'était le 8, qu'à la minute où il serait élu Président de la République, la nouvelle carte électorale des régions administratives serait instantanément supprimée.
ANDRE VALLINI
Donc à la minute où il est élu, tout est abrogé ? Il a décidément une espèce de manie de l'abrogation ! Après la loi Taubira, c'est la carte des régions. Je crois que monsieur SARKOZY fait de la politique un peu à l'ancienne. Il est sur un registre politicien et d'ailleurs ses propres amis l'ont désavoué sur le mariage pour tous. Sur la carte des régions, ce n'est pas parce qu'il est élu que tout est abrogé de ce qu'aura fait la gauche. Surtout, je répète que cette réforme dépasse les clivages. Il y a des parlementaires UMP à l'Assemblée comme au Sénat qui soutiennent cette réforme et qui vont la voter. Monsieur SARKOZY est un peu en arrière, il est déconnecté de la réalité. Il fait de la politique politicienne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans Le Figaro, un des soutiens de Nicolas SARKOZY pour la présidence de l'UMP, Laurent WAUQUIEZ, défend la position de son candidat et dit : “La décision a été mûrement réfléchie. Quand une loi est mauvaise, le courage est de la supprimer. Ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire.? N'est-ce pas, monsieur VALLINI ?
ANDRE VALLINI
Sauf que cette carte est soutenue par des parlementaires UMP et notamment par monsieur WAUQUIEZ qui est pour la fusion entre sa région l'Auvergne et Rhône-Alpes qui est la mienne. Donc, vous voyez !Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2014