Texte intégral
Madame, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs,
Les 7, 8 et 9 janvier dernier, le terrorisme a frappé comme jamais il n'avait frappé sur notre sol.
En trois jours, 17 vies ont été emportées par la barbarie.
Ce choc terrible a rappelé l'intensité de la menace qui pèse en permanence sur notre pays.
Nous devons cette vérité aux Français : face à des individus déterminés, à des groupes et des filières structurés, le risque zéro n'existe pas.
Nous devons aussi prendre toutes les mesures qui s'imposent. C'est ce que nous venons de faire sous l'autorité du Président de la République, en sachant bien que le combat contre le terrorisme, le djihadisme, l'islamisme radical sera une lutte de longue haleine. Elle doit s'accompagner de notre action diplomatique, conduite par le ministre des Affaires étrangères, Laurent FABIUS.
Face à la menace, des militaires, des gendarmes, des policiers sont mobilisés, partout sur le territoire, dans le cadre du plan Vigipirate. Le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, a sollicité les renforts de 10 500 soldats. En tout, ce sont 122 000 personnels qui assurent la protection permanente des points sensibles et de l'espace public.
Lutter contre le terrorisme implique de la détermination, de la persévérance, de la cohérence dans l'action.
Au cours de trois dernières années, à la suite des enseignements des tragédies de Montauban et Toulouse, des mesures importantes ont été prises.
Nous avons d'abord mis un terme à l'hémorragie dans les effectifs des forces de sécurité. De même, l'ensemble des budgets des ministères (Intérieur, Justice) ou des services (DGSE) contribuant à la lutte contre le terrorisme ont été préservés ou augmentés.
La réforme et le renforcement du renseignement intérieur ont été lancés dès 2012, sur la base des travaux parlementaires, et conduits par étapes progressives :
- création de bureaux de liaison [effective en février 2013], afin de garantir le décloisonnement de l'analyse et le partage des flux d'information entre tous les services de police et de gendarmerie contribuant au renseignement ;
- réforme de la filière du renseignement intérieur, avec la création d'une direction générale de plein exercice et un plan de renforcement et de diversification des compétences (analystes, linguistes, ingénieurs, juristes). 432 recrutements spécialisés sont prévus sur 5 ans. A ce jour, 130 sont effectifs. Une centaine supplémentaire est prévue pour 2015 ;
- enfin, refonte du renseignement territorial de proximité et l'attribution de moyens opérationnels nouveaux.
Deux lois antiterroristes ont été adoptées à une très large majorité. La première, en décembre 2012. La seconde en novembre 2014. Elles ont permis de compléter notre arsenal juridique répressif, de mieux traiter les enjeux du cyber-djihadisme et de contrôler les départs et les retours vers ou depuis les théâtres d'opérations.
Je précise que la préparation des textes d'application de la loi de novembre 2014 sont en phase finale au titre des concertations obligatoires. Ils auront été publiés dans un délai de quatre mois après la promulgation de la loi. Cela mérite d'être souligné.
En avril 2014, un plan de lutte contre la radicalisation violente et le terrorisme djihadiste a été adopté et mis en oeuvre. Il est doté d'un volet préventif inédit en France. Il vise notamment à lutter contre les départs massifs vers la Syrie et l'Irak.
Une chose est sûre : le nombre d'individus radicalisés et pouvant passer à l'acte sur notre sol ne cesse d'augmenter.
Aujourd'hui, il faut surveiller près de 1 300 personnes, Français ou étrangers résidents en France, pour leur implication dans les filières terroristes en Syrie et en Irak. C'est une augmentation de 130% en un an. A cela s'ajoutent 400 à 500 personnes concernées par les filières plus anciennes ou concernant d'autres pays, ainsi que les principaux animateurs actifs dans la sphère cyber-djihadiste francophone. En tout ce sont près de 3 000 personnes à surveiller.
Ce changement d'échelle est un défi redoutable pour notre pays, et pour nos partenaires, notamment européens c'est le sens de la réunion des ministres des Affaires étrangères qui s'est tenue lundi. Nous devons bien évidemment renforcer nos actions de coopération pour identifier les terroristes et détecter leurs déplacements, renforcer la coopération policière et judiciaire, coopérer avec les Etats tiers, en particulier avec les pays de transit vers les zones de jihad.
Ce changement d'échelle, impose, je l'ai dit la semaine dernière devant l'Assemblée nationale, de prendre des mesures exceptionnelles et non pas d'exception pour renforcer les services de l'Etat et pour asseoir nos moyens d'action. Sans renforcement rapide et massif de leurs moyens, nos services de renseignement, nos services d'enquêtes, la magistrature, l'administration pénitentiaire et les dispositifs de prise en charge de la jeunesse risquent en effet de se trouver submergés.
Il nous faut agir dans toutes les directions :
- détecter les individus ayant rompu leurs liens familiaux et sociaux pour s'enfermer dans une idéologie violente ;
- prévenir le prosélytisme djihadiste et de nouvelles conversion ;
- réduire l'accès et l'exposition à la propagande terroriste ;
- identifier les individus susceptibles de basculer dans la violence ou de fournir un soutien financier et logistique aux filières ;
- empêcher les départs vers les zones d'implantation des sanctuaires terroristes qui sont des lieux d'entraînement ;
- et bien sûr prévenir, empêcher, autant que possible, et sanctionner les passages à l'acte.
1. Un renforcement des moyens humains et matériels
Il ne faut jamais sous-estimer l'ampleur et la difficulté de la tâche des services de renseignement, face à des individus déployant des stratégies de dissimulation et de protection de leurs échanges toujours plus sophistiquées.
C'est pourquoi, la première urgence, la première exigence, c'est de renforcer encore les moyens humains et techniques des services de renseignement. Nous devons aller plus loin que ce qui a déjà été engagé.
* Moyens humains
Ainsi, sur la base des propositions du ministre de l'Intérieur, Bernard CAZENEUVE, 1 400 nouveaux emplois seront créés au ministère de l'Intérieur au cours des trois prochaines années.
1 100 seront directement affectés au sein des unités de renseignement chargées de lutter contre le terrorisme :
500 à la direction générale de la sécurité intérieure, aussi bien dans les unités de renseignement qu'au sein de la sous-direction chargée des investigations judiciaires ;
500 au sein des services centraux et territoriaux du renseignement territorial (350 policiers et 150 gendarmes) ;
100 à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris.
Le service de protection des personnalités exposées et la police de l'air et des frontières seront également renforcés. La PAF aura notamment pour mission l'entrée en fonctionnement de la plateforme des données des déplacements aériens (PNR).
530 de ces 1400 personnels seront recrutés dès cette année.
Renforcement des effectifs au sein du ministère de l'Intérieur ; renforcement aussi des effectifs au sein du ministère de la Justice.
Sur la base des propositions détaillées de la garde des Sceaux, Christiane TAUBIRA, 950 nouveaux emplois y seront créés en trois ans. Ils seront répartis entre les juridictions, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.
Par ailleurs, des services concourant à la lutte contre le terrorisme ou contre les trafics qui alimentent les réseaux terroristes bénéficieront eux-aussi de renforts de personnels : 250 au ministère de la Défense et 80 au ministère des Finances, dont 70 pour les Douanes.
Au total, au cours des trois prochaines années, ce sont donc 2 680 emplois supplémentaires qui seront consacrés à la lutte contre le terrorisme dans les services régaliens de l'Etat et dans les juridictions.
Cet effort est massif, mais il est indispensable pour garantir la sécurité et la protection des Français.
* Moyens matériels
Aux moyens humains doivent également s'ajouter les moyens matériels.
233 millions d'euros seront dégagés sur trois ans au profit du ministère de l'Intérieur, et 181 millions pour le ministère de la Justice.
La protection des agents sur la voie publique est une priorité. Il s'agit de les doter de gilets pare-balles plus performants, de casques balistiques pour certaines opérations, ou encore d'armements plus performants pour faire face à la présence d'armes de guerre.
Le ministère de l'Intérieur subventionnera également l'acquisition par les communes d'équipements de protection et de gilets pare-balles au profit des policiers municipaux qui ont droit à une plus grande protection.
De même, les unités en charges de la lutte contre le cyber-djihadisme bénéficieront d'équipements plus performants.
L'augmentation des missions de vigilance et de surveillance nécessite un renforcement du nombre de véhicules de police et de gendarmerie en 2015.
Le ministère de la Justice bénéficiera quant à lui de 181 millions d'euros supplémentaires (hors coûts de personnels) notamment afin de renforcer la sécurité des sites exposés et les moyens technologiques et informatiques des juridictions.
Au total, ce sont donc 425 millions de crédits d'investissement, d'équipement et de fonctionnement qui seront consacrés au cours des trois prochaines années à ce plan de renforcement.
Les moyens mobilisés seront financés dans le cadre financier présenté et voté à l'automne. Ces dépenses nouvelles seront compensées par des économies à due concurrence sur l'ensemble du champ de la dépense publique, année après année. En 2015, les mesures annoncées seront financées via les crédits mis en réserve en début d'année.
Tout en renforçant les moyens de lutte contre le terrorisme, le Gouvernement confirme ses engagements en matière de finances publiques, en combinant sérieux budgétaire et financement de ses priorités. Au total, la sécurité de nos concitoyens sera renforcée, la dépense publique sera maîtrisée, les déficits continueront de se réduire et les effectifs globaux de l'Etat resteront stables.
D'autres mesures dans le domaine de la Défense seront prises par le Président de la République dans le cadre du Comité de Défense qui se tiendra à l'issue de cette conférence de presse.
2. Un cadre juridique pour l'action des services de renseignement
Au-delà du renforcement sans précédent des moyens, il est indispensable de conforter les capacités juridiques d'agir des services de renseignement.
Pour cela, les travaux d'élaboration du projet de loi sur le renseignement engagés bien avant les drames du début d'année ont été accélérés. Ce projet qui doit beaucoup aux réflexions du président de la Commission des lois Jean-Jacques URVOAS sera présenté au Conseil des ministres et transmis au Parlement début avril.
La loi de 1991 sur les interceptions a été conçue avant l'internet. L'encadrement légal des opérations réellement conduites est lacunaire. Ce n'est satisfaisant ni en termes de sécurité juridique des opérations, ni sur le plan des libertés publiques.
Désormais, l'intégralité des opérations assurées sur le territoire national bénéficieront de la légitimité de la loi et feront l'objet d'une autorisation expresse. Ce sera un texte protecteur des libertés publiques puisque chaque opération sera soumise à un contrôle externe indépendant, sous le contrôle d'une juridiction spécialisée. La proportionnalité des moyens de surveillance autorisés sera au coeur des opérations de contrôle.
A l'instar de la plupart des démocraties occidentales, la France disposera ainsi enfin ! d'un cadre légal pour l'action de ses services de renseignement.
Pour lutter contre le terrorisme, ressources humaines et moyens juridiques ne suffisent pas. Face à des phénomènes en mutation perpétuelle, l'anticipation et la capacité de détection sont essentielles. Des capacités d'analyse pluridisciplinaires sont indispensables. Le recrutement d'analystes aux profils variés continuera d'être développé. L'unité de coordination anti-terroriste verra son rôle renforcé en ce domaine. Les bureaux de liaison et de coordination pourront bénéficier de ces ressources analytiques.
Par ailleurs, les services qui, à côté de la communauté du renseignement, participent à la lutte contre le terrorisme en sus de leurs missions principales (gendarmerie nationale, renseignement territorial, renseignement pénitentiaire, ) seront davantage sollicités. Ils seront associés à la communauté du renseignement.
3. Une détection renforcée du phénomène de radicalisation par les services du ministère de la Justice
Lutter contre la radicalisation implique une action de grande ampleur.
La radicalisation n'est pas propre aux « quartiers ». Il faut être lucide : ce phénomène touche tous nos territoires.
Certes, les effectifs de la juridiction anti-terroriste parisienne doivent être renforcés, mais il faut aussi doter l'ensemble des juridictions interrégionales spécialisées de personnels supplémentaires. Nous connaissons en effet les liens qui existent entre la criminalité organisée et le terrorisme.
De nombreux parquets verront aussi leurs effectifs accrus pour consolider ce travail de détection des filières.
Toujours au plan local, les effectifs et les moyens du renseignement pénitentiaire seront consolidés et le travail très étroit déjà conduit au plan national avec les services du renseignement intérieur, sera étendu.
Enfin, pour la première fois au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, une unité de veille et d'information sera implantée. Le renseignement dans cette administration en charge de mineurs et de familles, ne peut être structuré comme ailleurs. Mais j'entends que les informations indispensables à la lutte contre le phénomène de radicalisation, notamment des plus jeunes, soient portées à la connaissance de l'Etat.
Je parlais de constat lucide. Et dans une administration en charge du suivi, de l'éducation et de l'insertion de mineurs délinquants comme de l'accompagnement de parents, il faut sans délai poser la question du respect des principes de laïcité et de neutralité dans le service public.
J'ai donc demandé à la garde de Sceaux de missionner conjointement l'inspection générale des services judiciaires et l'inspection générale de l'administration. Elles devront dresser un bilan sur ce sujet, au sein des services et institutions de la protection judiciaire de la jeunesse qui jouent un rôle décisif dans le destin de mineurs particulièrement exposés.
4. Une prise en charge et un suivi accrus des individus radicalisés
Depuis novembre 2014, le ministère de la Justice expérimente à la prison de Fresnes le regroupement de personnes détenues radicalisées. Et ce, pour deux objectifs :
- éviter, d'une part, les pressions et la propagation du prosélytisme religieux radical,
- et, d'autre part, favoriser la prise en charge des personnes radicalisées.
Cette démarche va être étendue par la création de cinq quartiers dédiés. Dans un même temps, il faut renforcer la formation des personnels, constituer des équipes pluridisciplinaires, construire des programmes de contre radicalisation.
Il faut accroitre également le recrutement des aumôniers musulmans et leur professionnalisation. Le budget de l'aumônerie musulmane nationale sera ainsi doublé et 60 aumôniers supplémentaires viendront rejoindre les 182 existants. Le ministre de l'Intérieur aura l'occasion, dans un autre cadre, de faire des propositions concernant les grands défis que doit relever l'Islam de France.
- Mise en place d'un fichier de suivi
Enfin, le traitement approfondi du phénomène de radicalisation doit passer par un suivi dans la durée des individus qui s'inscrivent dans un parcours et une idéologie terroristes. Comme je l'ai annoncé à l'Assemblée nationale, un fichier, placé sous le contrôle d'un juge, sera créé dans lequel seront obligatoirement inscrites toutes les personnes condamnées ou judiciairement mises en cause pour des faits de terrorisme. Celles-ci devront justifier de leur adresse à intervalles réguliers, informer de leurs changements de domicile et déclarer tout séjour à l'étranger.
5. Une action renforcée en matière de prévention de la radicalisation
Depuis avril 2014, une démarche de prise en charge individuelle visant à lutter contre les phénomènes d'endoctrinement et de radicalisation est mise en oeuvre. Elle vise également à accompagner les familles qui y sont confrontées.
Une plateforme de signalement et des plans de suivi individualisés par les préfets ont été lancés. Et c'est une véritable dynamique qui s'est enclenchée. Elle repose sur la coopération de nombreux acteurs et sur les dispositifs de prise en charge de droit commun (travailleurs sociaux, éducateurs, associations).
Il faut aller plus loin.
Dans les 3 prochaines années, 60 millions d'euros vont être spécifiquement consacrés à la prévention de la radicalisation.
Par ailleurs, le Gouvernement lancera dans les jours à venir un site Internet dédié pour informer le grand public sur les moyens de lutte contre l'embrigadement djihadiste, notamment des jeunes.
6. Un renforcement de la surveillance des communications électroniques et de l'internet des djihadistes
La très grande majorité des affaires judiciaires le démontrent : les communications électroniques sont un vecteur quotidien, non seulement de propagande, mais également d'organisation et de communication logistique. Les terroristes utilisent fréquemment les mêmes réseaux sociaux que le grand public.
La plateforme Pharos de signalement des contenus illicites a reçu 30 000 signalements depuis le 7 janvier, soit 6 fois plus qu'auparavant. Une partie substantielle des renforts humains sera donc affectée aux cyber-patrouilles et aux équipes d'investigation sur les délits commis sur l'internet.
Les lois de décembre 2012 et novembre 2014 ont permis d'édicter des outils permettant d'agir avec des bases légales plus solides contre la propagande et l'apologie du terrorisme.
Les grands fournisseurs de services internet, les réseaux sociaux, ont désormais une responsabilité juridique incontestable en droit Français. Le Gouvernement sera extrêmement vigilant à ce qu'ils respectent leurs obligations légales.
Mais, leur responsabilité morale vis-à-vis des usagers est sans doute plus grande encore, dès lors que des vies sont en danger, comme c'est le cas en matière terroriste. C'est pourquoi je les appelle solennellement à répondre aux signalements du public et à coopérer étroitement avec les autorités pour appliquer les règles relatives aux contenus illicites et au déréférencement des sites illégaux.
7. Une lutte contre le racisme et l'antisémitisme, une grande cause nationale
Les processus de radicalisation individuelle prospèrent très souvent à l'occasion de parcours personnels chaotiques. A ces trajectoires se greffent fréquemment des activités délinquantes ou criminelles : elles développent l'absence de sensibilité à la souffrance d'autrui ; elles exacerbent la recherche d'une affirmation de soi violente et dévoyée. Mais, l'objectif ultime de ceux qui formulent la pensée djihadiste radicale, qui conçoivent les mots d'ordre, qui diffusent leurs vidéos de haine et leurs slogans meurtriers depuis leurs sanctuaires, c'est de broyer ce qui fait l'essence des sociétés démocratiques, leur diversité, leur cohésion.
C'est pourquoi, il faut aussi réagir à ce programme de haine par la conduite volontariste d'une politique de citoyenneté, de réaffirmation de la laïcité et par l'engagement d'une politique déterminée de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Le Président de la République a décidé d'en faire une grande cause nationale.
Trois objectifs seront poursuivis :
- D'abord, la remobilisation nationale et territoriale de toutes les forces vives de la République. Chaque administration, chaque réseau devra en faire un axe de son action. Les structures locales d'impulsion et de suivi de cette politique seront mises à contribution et les initiatives de la société civile seront valorisées. Le nouveau Délégué interministériel présentera sous un mois les axes et le détail du Plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.
- Deuxième objectif : un engagement résolu à former les futurs citoyens aux valeurs de la République. Madame Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Education nationale, aura l'occasion de vous présenter dès demain le détail des mesures qui seront mises en place par l'Education nationale.
- Enfin, le soutien aux initiatives culturelles des collectivités et des artistes engagés, à travers leur expression créatrice, dans le combat contre l'intolérance, la haine, le racisme et l'antisémitisme.
Les Français, en manifestant massivement après l'horreur des actes terroristes, ont répondu avec la plus grande dignité et exprimé leur attachement à la communauté nationale, à la République.
Les forces politiques ont marqué l'histoire du Parlement par une démonstration d'unité.
Tout ceci nous engage, engage le Gouvernement.
J'ai indiqué que nous examinerions avec la plus grande attention les propositions qui nous seraient faites pour renforcer la prévention et la lutte contre le terrorisme. Une question légitime se pose sur les conséquences auxquelles on s'expose quand on décide de s'en prendre à la Nation à laquelle on appartient, soit parce que l'on y est né, soit parce qu'elle vous a accueilli.
A ce titre je rappelle que nous appliquons les mesures d'expulsion du territoire quand elles se justifient, et nous continuerons de le faire avec la même détermination.
Le Conseil constitutionnel aura l'occasion de se prononcer vendredi sur les mesures de déchéance de la nationalité à l'occasion d'une décision individuelle prise en 2014 par mon gouvernement à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Il y a d'autres interrogations. Faut-il, par exemple, réactiver la peine d'indignité nationale, qui marquerait avec une force symbolique les conséquences de la transgression absolue que constitue la commission d'un acte terroriste ? Le gouvernement n'entend pas agir dans la précipitation sur ces questions de principe. C'est pourquoi j'ai proposé aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat qu'une réflexion transpartisane puisse être conduite par les présidents des Commissions des lois des deux assemblée, Jean-Jacques URVOAS et Philippe BAS, pour examiner et formuler des propositions définitives dans un délai de six semaines.
Mesdames, messieurs,
Les attaques terroristes qui ont frappé la France entre le 7 et le 9 janvier réclament une détermination sans faille.
Détermination pour prendre les mesures assurant la sécurité des Français.
Détermination pour lutter contre les mécanismes de radicalisation qui sont à l'oeuvre et qui sont un véritable fléau pour notre société.
Détermination, enfin, pour réaffirmer nos valeurs et faire la plus belle démonstration que, face à la terreur, la démocratie, grâce à la force de l'Etat de Droit, ne plie pas. Ne pliera jamais. Nous prenons des mesures exceptionnelles, à la hauteur des menaces, mais pas des mesures d'exception.
Nous agissons dans le cadre d'un travail interministériel qui doit se poursuivre. C'est à une mobilisation générale à laquelle nous a invités, ce matin, le Président de la République. Et ce combat contre le terrorisme nous le mènerons sans relâche. C'est ce message de très grande détermination une détermination implacable que nous voulons adresser aux Français.
Source http://www.valerie-fourneyron.fr, le 17 février 2015
Mesdames, messieurs,
Les 7, 8 et 9 janvier dernier, le terrorisme a frappé comme jamais il n'avait frappé sur notre sol.
En trois jours, 17 vies ont été emportées par la barbarie.
Ce choc terrible a rappelé l'intensité de la menace qui pèse en permanence sur notre pays.
Nous devons cette vérité aux Français : face à des individus déterminés, à des groupes et des filières structurés, le risque zéro n'existe pas.
Nous devons aussi prendre toutes les mesures qui s'imposent. C'est ce que nous venons de faire sous l'autorité du Président de la République, en sachant bien que le combat contre le terrorisme, le djihadisme, l'islamisme radical sera une lutte de longue haleine. Elle doit s'accompagner de notre action diplomatique, conduite par le ministre des Affaires étrangères, Laurent FABIUS.
Face à la menace, des militaires, des gendarmes, des policiers sont mobilisés, partout sur le territoire, dans le cadre du plan Vigipirate. Le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, a sollicité les renforts de 10 500 soldats. En tout, ce sont 122 000 personnels qui assurent la protection permanente des points sensibles et de l'espace public.
Lutter contre le terrorisme implique de la détermination, de la persévérance, de la cohérence dans l'action.
Au cours de trois dernières années, à la suite des enseignements des tragédies de Montauban et Toulouse, des mesures importantes ont été prises.
Nous avons d'abord mis un terme à l'hémorragie dans les effectifs des forces de sécurité. De même, l'ensemble des budgets des ministères (Intérieur, Justice) ou des services (DGSE) contribuant à la lutte contre le terrorisme ont été préservés ou augmentés.
La réforme et le renforcement du renseignement intérieur ont été lancés dès 2012, sur la base des travaux parlementaires, et conduits par étapes progressives :
- création de bureaux de liaison [effective en février 2013], afin de garantir le décloisonnement de l'analyse et le partage des flux d'information entre tous les services de police et de gendarmerie contribuant au renseignement ;
- réforme de la filière du renseignement intérieur, avec la création d'une direction générale de plein exercice et un plan de renforcement et de diversification des compétences (analystes, linguistes, ingénieurs, juristes). 432 recrutements spécialisés sont prévus sur 5 ans. A ce jour, 130 sont effectifs. Une centaine supplémentaire est prévue pour 2015 ;
- enfin, refonte du renseignement territorial de proximité et l'attribution de moyens opérationnels nouveaux.
Deux lois antiterroristes ont été adoptées à une très large majorité. La première, en décembre 2012. La seconde en novembre 2014. Elles ont permis de compléter notre arsenal juridique répressif, de mieux traiter les enjeux du cyber-djihadisme et de contrôler les départs et les retours vers ou depuis les théâtres d'opérations.
Je précise que la préparation des textes d'application de la loi de novembre 2014 sont en phase finale au titre des concertations obligatoires. Ils auront été publiés dans un délai de quatre mois après la promulgation de la loi. Cela mérite d'être souligné.
En avril 2014, un plan de lutte contre la radicalisation violente et le terrorisme djihadiste a été adopté et mis en oeuvre. Il est doté d'un volet préventif inédit en France. Il vise notamment à lutter contre les départs massifs vers la Syrie et l'Irak.
Une chose est sûre : le nombre d'individus radicalisés et pouvant passer à l'acte sur notre sol ne cesse d'augmenter.
Aujourd'hui, il faut surveiller près de 1 300 personnes, Français ou étrangers résidents en France, pour leur implication dans les filières terroristes en Syrie et en Irak. C'est une augmentation de 130% en un an. A cela s'ajoutent 400 à 500 personnes concernées par les filières plus anciennes ou concernant d'autres pays, ainsi que les principaux animateurs actifs dans la sphère cyber-djihadiste francophone. En tout ce sont près de 3 000 personnes à surveiller.
Ce changement d'échelle est un défi redoutable pour notre pays, et pour nos partenaires, notamment européens c'est le sens de la réunion des ministres des Affaires étrangères qui s'est tenue lundi. Nous devons bien évidemment renforcer nos actions de coopération pour identifier les terroristes et détecter leurs déplacements, renforcer la coopération policière et judiciaire, coopérer avec les Etats tiers, en particulier avec les pays de transit vers les zones de jihad.
Ce changement d'échelle, impose, je l'ai dit la semaine dernière devant l'Assemblée nationale, de prendre des mesures exceptionnelles et non pas d'exception pour renforcer les services de l'Etat et pour asseoir nos moyens d'action. Sans renforcement rapide et massif de leurs moyens, nos services de renseignement, nos services d'enquêtes, la magistrature, l'administration pénitentiaire et les dispositifs de prise en charge de la jeunesse risquent en effet de se trouver submergés.
Il nous faut agir dans toutes les directions :
- détecter les individus ayant rompu leurs liens familiaux et sociaux pour s'enfermer dans une idéologie violente ;
- prévenir le prosélytisme djihadiste et de nouvelles conversion ;
- réduire l'accès et l'exposition à la propagande terroriste ;
- identifier les individus susceptibles de basculer dans la violence ou de fournir un soutien financier et logistique aux filières ;
- empêcher les départs vers les zones d'implantation des sanctuaires terroristes qui sont des lieux d'entraînement ;
- et bien sûr prévenir, empêcher, autant que possible, et sanctionner les passages à l'acte.
1. Un renforcement des moyens humains et matériels
Il ne faut jamais sous-estimer l'ampleur et la difficulté de la tâche des services de renseignement, face à des individus déployant des stratégies de dissimulation et de protection de leurs échanges toujours plus sophistiquées.
C'est pourquoi, la première urgence, la première exigence, c'est de renforcer encore les moyens humains et techniques des services de renseignement. Nous devons aller plus loin que ce qui a déjà été engagé.
* Moyens humains
Ainsi, sur la base des propositions du ministre de l'Intérieur, Bernard CAZENEUVE, 1 400 nouveaux emplois seront créés au ministère de l'Intérieur au cours des trois prochaines années.
1 100 seront directement affectés au sein des unités de renseignement chargées de lutter contre le terrorisme :
500 à la direction générale de la sécurité intérieure, aussi bien dans les unités de renseignement qu'au sein de la sous-direction chargée des investigations judiciaires ;
500 au sein des services centraux et territoriaux du renseignement territorial (350 policiers et 150 gendarmes) ;
100 à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris.
Le service de protection des personnalités exposées et la police de l'air et des frontières seront également renforcés. La PAF aura notamment pour mission l'entrée en fonctionnement de la plateforme des données des déplacements aériens (PNR).
530 de ces 1400 personnels seront recrutés dès cette année.
Renforcement des effectifs au sein du ministère de l'Intérieur ; renforcement aussi des effectifs au sein du ministère de la Justice.
Sur la base des propositions détaillées de la garde des Sceaux, Christiane TAUBIRA, 950 nouveaux emplois y seront créés en trois ans. Ils seront répartis entre les juridictions, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.
Par ailleurs, des services concourant à la lutte contre le terrorisme ou contre les trafics qui alimentent les réseaux terroristes bénéficieront eux-aussi de renforts de personnels : 250 au ministère de la Défense et 80 au ministère des Finances, dont 70 pour les Douanes.
Au total, au cours des trois prochaines années, ce sont donc 2 680 emplois supplémentaires qui seront consacrés à la lutte contre le terrorisme dans les services régaliens de l'Etat et dans les juridictions.
Cet effort est massif, mais il est indispensable pour garantir la sécurité et la protection des Français.
* Moyens matériels
Aux moyens humains doivent également s'ajouter les moyens matériels.
233 millions d'euros seront dégagés sur trois ans au profit du ministère de l'Intérieur, et 181 millions pour le ministère de la Justice.
La protection des agents sur la voie publique est une priorité. Il s'agit de les doter de gilets pare-balles plus performants, de casques balistiques pour certaines opérations, ou encore d'armements plus performants pour faire face à la présence d'armes de guerre.
Le ministère de l'Intérieur subventionnera également l'acquisition par les communes d'équipements de protection et de gilets pare-balles au profit des policiers municipaux qui ont droit à une plus grande protection.
De même, les unités en charges de la lutte contre le cyber-djihadisme bénéficieront d'équipements plus performants.
L'augmentation des missions de vigilance et de surveillance nécessite un renforcement du nombre de véhicules de police et de gendarmerie en 2015.
Le ministère de la Justice bénéficiera quant à lui de 181 millions d'euros supplémentaires (hors coûts de personnels) notamment afin de renforcer la sécurité des sites exposés et les moyens technologiques et informatiques des juridictions.
Au total, ce sont donc 425 millions de crédits d'investissement, d'équipement et de fonctionnement qui seront consacrés au cours des trois prochaines années à ce plan de renforcement.
Les moyens mobilisés seront financés dans le cadre financier présenté et voté à l'automne. Ces dépenses nouvelles seront compensées par des économies à due concurrence sur l'ensemble du champ de la dépense publique, année après année. En 2015, les mesures annoncées seront financées via les crédits mis en réserve en début d'année.
Tout en renforçant les moyens de lutte contre le terrorisme, le Gouvernement confirme ses engagements en matière de finances publiques, en combinant sérieux budgétaire et financement de ses priorités. Au total, la sécurité de nos concitoyens sera renforcée, la dépense publique sera maîtrisée, les déficits continueront de se réduire et les effectifs globaux de l'Etat resteront stables.
D'autres mesures dans le domaine de la Défense seront prises par le Président de la République dans le cadre du Comité de Défense qui se tiendra à l'issue de cette conférence de presse.
2. Un cadre juridique pour l'action des services de renseignement
Au-delà du renforcement sans précédent des moyens, il est indispensable de conforter les capacités juridiques d'agir des services de renseignement.
Pour cela, les travaux d'élaboration du projet de loi sur le renseignement engagés bien avant les drames du début d'année ont été accélérés. Ce projet qui doit beaucoup aux réflexions du président de la Commission des lois Jean-Jacques URVOAS sera présenté au Conseil des ministres et transmis au Parlement début avril.
La loi de 1991 sur les interceptions a été conçue avant l'internet. L'encadrement légal des opérations réellement conduites est lacunaire. Ce n'est satisfaisant ni en termes de sécurité juridique des opérations, ni sur le plan des libertés publiques.
Désormais, l'intégralité des opérations assurées sur le territoire national bénéficieront de la légitimité de la loi et feront l'objet d'une autorisation expresse. Ce sera un texte protecteur des libertés publiques puisque chaque opération sera soumise à un contrôle externe indépendant, sous le contrôle d'une juridiction spécialisée. La proportionnalité des moyens de surveillance autorisés sera au coeur des opérations de contrôle.
A l'instar de la plupart des démocraties occidentales, la France disposera ainsi enfin ! d'un cadre légal pour l'action de ses services de renseignement.
Pour lutter contre le terrorisme, ressources humaines et moyens juridiques ne suffisent pas. Face à des phénomènes en mutation perpétuelle, l'anticipation et la capacité de détection sont essentielles. Des capacités d'analyse pluridisciplinaires sont indispensables. Le recrutement d'analystes aux profils variés continuera d'être développé. L'unité de coordination anti-terroriste verra son rôle renforcé en ce domaine. Les bureaux de liaison et de coordination pourront bénéficier de ces ressources analytiques.
Par ailleurs, les services qui, à côté de la communauté du renseignement, participent à la lutte contre le terrorisme en sus de leurs missions principales (gendarmerie nationale, renseignement territorial, renseignement pénitentiaire, ) seront davantage sollicités. Ils seront associés à la communauté du renseignement.
3. Une détection renforcée du phénomène de radicalisation par les services du ministère de la Justice
Lutter contre la radicalisation implique une action de grande ampleur.
La radicalisation n'est pas propre aux « quartiers ». Il faut être lucide : ce phénomène touche tous nos territoires.
Certes, les effectifs de la juridiction anti-terroriste parisienne doivent être renforcés, mais il faut aussi doter l'ensemble des juridictions interrégionales spécialisées de personnels supplémentaires. Nous connaissons en effet les liens qui existent entre la criminalité organisée et le terrorisme.
De nombreux parquets verront aussi leurs effectifs accrus pour consolider ce travail de détection des filières.
Toujours au plan local, les effectifs et les moyens du renseignement pénitentiaire seront consolidés et le travail très étroit déjà conduit au plan national avec les services du renseignement intérieur, sera étendu.
Enfin, pour la première fois au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, une unité de veille et d'information sera implantée. Le renseignement dans cette administration en charge de mineurs et de familles, ne peut être structuré comme ailleurs. Mais j'entends que les informations indispensables à la lutte contre le phénomène de radicalisation, notamment des plus jeunes, soient portées à la connaissance de l'Etat.
Je parlais de constat lucide. Et dans une administration en charge du suivi, de l'éducation et de l'insertion de mineurs délinquants comme de l'accompagnement de parents, il faut sans délai poser la question du respect des principes de laïcité et de neutralité dans le service public.
J'ai donc demandé à la garde de Sceaux de missionner conjointement l'inspection générale des services judiciaires et l'inspection générale de l'administration. Elles devront dresser un bilan sur ce sujet, au sein des services et institutions de la protection judiciaire de la jeunesse qui jouent un rôle décisif dans le destin de mineurs particulièrement exposés.
4. Une prise en charge et un suivi accrus des individus radicalisés
Depuis novembre 2014, le ministère de la Justice expérimente à la prison de Fresnes le regroupement de personnes détenues radicalisées. Et ce, pour deux objectifs :
- éviter, d'une part, les pressions et la propagation du prosélytisme religieux radical,
- et, d'autre part, favoriser la prise en charge des personnes radicalisées.
Cette démarche va être étendue par la création de cinq quartiers dédiés. Dans un même temps, il faut renforcer la formation des personnels, constituer des équipes pluridisciplinaires, construire des programmes de contre radicalisation.
Il faut accroitre également le recrutement des aumôniers musulmans et leur professionnalisation. Le budget de l'aumônerie musulmane nationale sera ainsi doublé et 60 aumôniers supplémentaires viendront rejoindre les 182 existants. Le ministre de l'Intérieur aura l'occasion, dans un autre cadre, de faire des propositions concernant les grands défis que doit relever l'Islam de France.
- Mise en place d'un fichier de suivi
Enfin, le traitement approfondi du phénomène de radicalisation doit passer par un suivi dans la durée des individus qui s'inscrivent dans un parcours et une idéologie terroristes. Comme je l'ai annoncé à l'Assemblée nationale, un fichier, placé sous le contrôle d'un juge, sera créé dans lequel seront obligatoirement inscrites toutes les personnes condamnées ou judiciairement mises en cause pour des faits de terrorisme. Celles-ci devront justifier de leur adresse à intervalles réguliers, informer de leurs changements de domicile et déclarer tout séjour à l'étranger.
5. Une action renforcée en matière de prévention de la radicalisation
Depuis avril 2014, une démarche de prise en charge individuelle visant à lutter contre les phénomènes d'endoctrinement et de radicalisation est mise en oeuvre. Elle vise également à accompagner les familles qui y sont confrontées.
Une plateforme de signalement et des plans de suivi individualisés par les préfets ont été lancés. Et c'est une véritable dynamique qui s'est enclenchée. Elle repose sur la coopération de nombreux acteurs et sur les dispositifs de prise en charge de droit commun (travailleurs sociaux, éducateurs, associations).
Il faut aller plus loin.
Dans les 3 prochaines années, 60 millions d'euros vont être spécifiquement consacrés à la prévention de la radicalisation.
Par ailleurs, le Gouvernement lancera dans les jours à venir un site Internet dédié pour informer le grand public sur les moyens de lutte contre l'embrigadement djihadiste, notamment des jeunes.
6. Un renforcement de la surveillance des communications électroniques et de l'internet des djihadistes
La très grande majorité des affaires judiciaires le démontrent : les communications électroniques sont un vecteur quotidien, non seulement de propagande, mais également d'organisation et de communication logistique. Les terroristes utilisent fréquemment les mêmes réseaux sociaux que le grand public.
La plateforme Pharos de signalement des contenus illicites a reçu 30 000 signalements depuis le 7 janvier, soit 6 fois plus qu'auparavant. Une partie substantielle des renforts humains sera donc affectée aux cyber-patrouilles et aux équipes d'investigation sur les délits commis sur l'internet.
Les lois de décembre 2012 et novembre 2014 ont permis d'édicter des outils permettant d'agir avec des bases légales plus solides contre la propagande et l'apologie du terrorisme.
Les grands fournisseurs de services internet, les réseaux sociaux, ont désormais une responsabilité juridique incontestable en droit Français. Le Gouvernement sera extrêmement vigilant à ce qu'ils respectent leurs obligations légales.
Mais, leur responsabilité morale vis-à-vis des usagers est sans doute plus grande encore, dès lors que des vies sont en danger, comme c'est le cas en matière terroriste. C'est pourquoi je les appelle solennellement à répondre aux signalements du public et à coopérer étroitement avec les autorités pour appliquer les règles relatives aux contenus illicites et au déréférencement des sites illégaux.
7. Une lutte contre le racisme et l'antisémitisme, une grande cause nationale
Les processus de radicalisation individuelle prospèrent très souvent à l'occasion de parcours personnels chaotiques. A ces trajectoires se greffent fréquemment des activités délinquantes ou criminelles : elles développent l'absence de sensibilité à la souffrance d'autrui ; elles exacerbent la recherche d'une affirmation de soi violente et dévoyée. Mais, l'objectif ultime de ceux qui formulent la pensée djihadiste radicale, qui conçoivent les mots d'ordre, qui diffusent leurs vidéos de haine et leurs slogans meurtriers depuis leurs sanctuaires, c'est de broyer ce qui fait l'essence des sociétés démocratiques, leur diversité, leur cohésion.
C'est pourquoi, il faut aussi réagir à ce programme de haine par la conduite volontariste d'une politique de citoyenneté, de réaffirmation de la laïcité et par l'engagement d'une politique déterminée de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Le Président de la République a décidé d'en faire une grande cause nationale.
Trois objectifs seront poursuivis :
- D'abord, la remobilisation nationale et territoriale de toutes les forces vives de la République. Chaque administration, chaque réseau devra en faire un axe de son action. Les structures locales d'impulsion et de suivi de cette politique seront mises à contribution et les initiatives de la société civile seront valorisées. Le nouveau Délégué interministériel présentera sous un mois les axes et le détail du Plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.
- Deuxième objectif : un engagement résolu à former les futurs citoyens aux valeurs de la République. Madame Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Education nationale, aura l'occasion de vous présenter dès demain le détail des mesures qui seront mises en place par l'Education nationale.
- Enfin, le soutien aux initiatives culturelles des collectivités et des artistes engagés, à travers leur expression créatrice, dans le combat contre l'intolérance, la haine, le racisme et l'antisémitisme.
Les Français, en manifestant massivement après l'horreur des actes terroristes, ont répondu avec la plus grande dignité et exprimé leur attachement à la communauté nationale, à la République.
Les forces politiques ont marqué l'histoire du Parlement par une démonstration d'unité.
Tout ceci nous engage, engage le Gouvernement.
J'ai indiqué que nous examinerions avec la plus grande attention les propositions qui nous seraient faites pour renforcer la prévention et la lutte contre le terrorisme. Une question légitime se pose sur les conséquences auxquelles on s'expose quand on décide de s'en prendre à la Nation à laquelle on appartient, soit parce que l'on y est né, soit parce qu'elle vous a accueilli.
A ce titre je rappelle que nous appliquons les mesures d'expulsion du territoire quand elles se justifient, et nous continuerons de le faire avec la même détermination.
Le Conseil constitutionnel aura l'occasion de se prononcer vendredi sur les mesures de déchéance de la nationalité à l'occasion d'une décision individuelle prise en 2014 par mon gouvernement à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Il y a d'autres interrogations. Faut-il, par exemple, réactiver la peine d'indignité nationale, qui marquerait avec une force symbolique les conséquences de la transgression absolue que constitue la commission d'un acte terroriste ? Le gouvernement n'entend pas agir dans la précipitation sur ces questions de principe. C'est pourquoi j'ai proposé aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat qu'une réflexion transpartisane puisse être conduite par les présidents des Commissions des lois des deux assemblée, Jean-Jacques URVOAS et Philippe BAS, pour examiner et formuler des propositions définitives dans un délai de six semaines.
Mesdames, messieurs,
Les attaques terroristes qui ont frappé la France entre le 7 et le 9 janvier réclament une détermination sans faille.
Détermination pour prendre les mesures assurant la sécurité des Français.
Détermination pour lutter contre les mécanismes de radicalisation qui sont à l'oeuvre et qui sont un véritable fléau pour notre société.
Détermination, enfin, pour réaffirmer nos valeurs et faire la plus belle démonstration que, face à la terreur, la démocratie, grâce à la force de l'Etat de Droit, ne plie pas. Ne pliera jamais. Nous prenons des mesures exceptionnelles, à la hauteur des menaces, mais pas des mesures d'exception.
Nous agissons dans le cadre d'un travail interministériel qui doit se poursuivre. C'est à une mobilisation générale à laquelle nous a invités, ce matin, le Président de la République. Et ce combat contre le terrorisme nous le mènerons sans relâche. C'est ce message de très grande détermination une détermination implacable que nous voulons adresser aux Français.
Source http://www.valerie-fourneyron.fr, le 17 février 2015