Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les grandes lignes du projet de loi relatif à la prise en charge des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), à l'Assemblée nationale le 18 avril 2001.

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Circonstance : Présentation du projet de loi relatif à la prise en charge des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, à l'Assemblée nationale le 18 avril 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Je vais vous lire quelques lettres que j'ai reçues :
- " Je me permets de vous écrire et de bien vouloir me lire, je trouve injuste que ma mère, âgée de 89 ans née le 22 mai 1912, handicap lourd, diabétique avec insuline, de l'incontinence plus des frais qu'occasionne sa maladie n'a pas l'allocation de dépendance. Pourquoi ? ? avec si peu de revenus.
je vous prie de m'orienter à ces démarches. Je soigne ma mère depuis 3 ans. Gardons les personnes âgées au domicile, mais certaine ne peuvent n'en avoir, cela est bien triste. "
- " Je suis âgé de 84 ans et mon épouse invalide en a 81. Cette dernière est en invalidité depuis 1986 soit depuis 15 ans à la suite d'un accident survenu à Nice. Elle est complètement alitée depuis cette date et ne peut absolument pas sortir de son lit médicalisé, je dois tout assumer seul, la laver, la nourrir, la changer. J'ai eu droit pendant un certain temps à une aide financière qui me permettait de prendre une tierce personne, cela me soulageait financièrement et m'aidait beaucoup. Puis en 1996, on m'a stoppé tous les versements sans aucune explication, depuis cette date, je ne peux plus assumer le salaire d'une tierce personne, mes revenus ne le permettant pas. Je n'en peux plus, étant seul et sans enfants, je n'ai aucune aide pour mon épouse et mon état de santé se dégrade de jour en jour. "
- " Ma femme, grande invalide 72 ans et moi-même invalide, 76 ans. J'ai fait une demande pour pouvoir adapter ma salle de bains afin de prendre des douches plus facilement, car l'on ne peut plus monter dans la baignoire.
L'assistance sociale à la CRAM a fait une demande d'amélioration de l'habitat. Celle-ci n'a pu être envoyée car mes ressources dépassent de 7 francs le plafond ! ! ! Le prix de 2 baguettes de pain ! ! ! Faut-il priver deux vieux de prendre leur douche. "
- " Monsieur et Madame F. 92 et 93 ans, habitant près d'Orléans, étaient totalement autonomes jusqu'à ces dernières années. Avec l'âge, leurs forces et leur état de santé se sont affaiblis et ils ont besoin désormais d'une aide constante. Leurs enfants respectivement âgés de 71 et 73 ans sont eux-mêmes affectés de maladies cardio-vasculaires et dans l'impossibilité de leur apporter une assistance quotidienne.
La situation des parents s'aggrave et leurs enfants, eux-mêmes âgés confrontés à des difficultés majeures ne peuvent leur venir en aide et culpabilisent à l'idée de devoir les placer en maison de retraite. "
Nous ne pouvons plus tolérer cela : détresse, humiliation, culpabilité des parents vis-à-vis des enfants et des enfants vis-à-vis des parents.
La famille a changé. Aujourd'hui, il est fréquent de voir réunies quatre, et parfois cinq générations.
C'est le résultat concret pour chacun d'entre nous d'une véritable révolution démographique qui s'opère depuis plusieurs années. Elle se caractérise par l'allongement de l'espérance de vie, passée pour les hommes depuis 1950 de 63 ans à 74 ans, et pour les femmes de 69 ans à 82 ans. Elle se caractérise aussi par l'augmentation de la part des personnes âgées dans la population : depuis 1950, la part des personnes de plus de 60 ans est passée de 16 % à 20 % ; celle des plus de 85 ans a quadruplé. Vous le savez, ces évolutions vont se poursuivre et s'accentuer. D'après les prévisions de l'INSEE, la part des + de 60 ans représentera environ 27 % de la population en 2020 et celle des plus de 85 ans devrait encore augmenter de moitié.
Le vieillissement de la population, constat statistique que sont amenés à faire tous les pays développés, est aussi une chance :
- une chance individuelle parce que le vieillissement de la population est avant tout le fruit de l'allongement de l'espérance de vie de chacun d'entre nous ;
- une chance culturelle parce que la coexistence de plusieurs générations offre, à travers la mémoire familiale, un enracinement dans la mémoire collective ;
- une chance économique et sociale parce que les nouvelles générations de retraités contribuent, grâce à l'amélioration de leur niveau de vie permise par notre système de retraite par répartition, au développement de notre économie. Les personnes âgées soutiennent aussi de façon croissante les générations qui les suivent. Enfin, elles sont des acteurs de plus en plus présents dans les associations.
Mais le vieillissement est aussi un défi pour notre société. Celui de maintenir une cohésion entre des générations séparées par près d'un siècle. Celui de permettre à toutes les personnes âgées d'exercer pleinement leurs droits et de tirer le meilleur parti de ce qu'elles pourront donner à la société. Celui, finalement, de garantir la dignité des personnes. Pour cela :
- Il faut d'abord donner la possibilité à chacun de pouvoir travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite. Cela nécessite de faire évoluer les mentalités, de prévenir l'usure au travail, d'adapter les emplois en fonction de l'âge des salariés, d'assurer un droit à la formation tout au long de la vie pour maintenir les compétences. Ces relations entre âge et travail sont un enjeu essentiel pour nos politiques d'emploi et pour l'avenir de notre système de retraite ; le Conseil d'orientation des retraites organisait un colloque sur ce thème, il y a quelques jours.
- Il faut aussi en effet que nos régimes de retraite de base, et complémentaires, apportent aux salariés un revenu de remplacement satisfaisant. Ils y parviennent assez largement aujourd'hui, grâce au système par répartition mis en place en 1945. La diminution régulière du nombre d'allocataires du minimum vieillesse nous le démontre.
- Il faut enfin garantir aux personnes âgées la préservation de leur autonomie lorsqu'elles sont confrontées à la diminution de leur autonomie physique ou intellectuelle lorsque survient le grand âge, et que l'accomplissement sans être aidé des gestes de la vie quotidienne devient difficile, voire impossible. Il faut penser au désarroi des personnes qui ne peuvent plus manger seules, se laver seules, aller chercher leur courrier ou faire leurs courses.
Or, notre société n'a pas jusqu'à présent apporté les réponses adaptées à la diversité des situations que représente la perte d'autonomie des personnes âgées. La prestation spécifique dépendance, d'ailleurs conçue comme provisoire, qui faisait elle-même suite à une prestation dite expérimentale, n'a pas été à la hauteur des attentes.
Insuffisante dans ses montants. Inégalitaire dans son attribution. Restrictive dans ses conditions d'accès, au point de n'être versée qu'à 135 000 personnes quatre ans après sa création.
Il nous fallait mettre un terme à cette situation et se donner une nouvelle ambition. C'était le sens de l'engagement pris par le Premier ministre le 21 mars 2000. Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter avec Paulette Guinchard-Kunstler concrétise cet engagement. Il vise à instaurer, par une refonte d'ensemble du système actuel, une nouvelle prise en charge globale de la perte d'autonomie. Ce projet améliorera considérablement la vie quotidienne des personnes âgées. Il constitue une avancée sociale majeure et une rupture par rapport à l'existant.
I - Permettre aux personnes âgées de vivre dans la dignité, c'est reconnaître leurs besoins et ceux de leur famille, en créant un nouveau droit.
Avec l'allongement de la vie, le rôle social des personnes âgées a changé, de même que les formes de solidarité familiale et étatique face à la vieillesse. En ce sens, la place réservée aux plus âgés nous renseigne sur notre société, sur le degré de cohésion et de solidarité que nous pouvons et souhaitons atteindre.
La mise en place de notre système de retraite par répartition a constitué une rupture historique et une avancée sociale majeure, en sortant la vieillesse de la précarité et de la pauvreté. Le mérite du système institué par la sécurité sociale en 1945 est d'avoir mis un terme à la dépendance financière des personnes âgées.
Aujourd'hui, avec les évolutions démographiques récentes, la proportion croissante du grand âge s'accompagne d'une fréquence plus importante de la perte d'autonomie. L'essentiel de l'effort repose sur les familles, qui doivent subvenir financièrement aux dépenses provoquées par la perte d'autonomie et s'épuisent parfois lorsque celle-ci devient sévère. Je reçois régulièrement dans mon courrier des lettres de familles, d'enfants, de conjoints, qui me disent leur désarroi face à la perte d'autonomie de leurs proches.
Quand il faut consacrer plusieurs milliers de francs par mois, parfois plus de 10 000 ou 15 000 francs, la famille ne peut plus faire face.
Ces difficultés financières s'ajoutent à la détresse affective et au sentiment de culpabilité des enfants.
Or, il faut bien reconnaître que les progrès du niveau de vie n'ont pas été synonymes de progrès des droits. C'est d'abord le droit de rester aussi longtemps que possible à domicile, avec ceux que l'on aime. On a trop souvent été réduit à l'alternative entre le maintien à l'hôpital ou la vie en établissement, faute de possibilité de prise en charge à domicile.
J'étais, la semaine dernière, en déplacement avec Paulette Guinchard-Kunstler à Marseille. Les échanges que j'ai pu avoir avec les personnels d'une association d'aide à domicile, et ceux d'un centre gériatrique m'ont confirmé qu'il existe des solutions.
C'est pourquoi il est essentiel de reconnaître les besoins fondamentaux des personnes âgées, dans le domaine de la santé bien sûr, mais aussi de l'habitat et de la vie quotidienne, des ressources financières, des relations humaines. Qu'il soit lié à des difficultés d'ordre physique, affectif ou psychologique, à l'isolement, à l'accompagnement de fin de vie, l'ensemble de ces besoins mérite d'être reconnu et assumé par la collectivité. C'est particulièrement vrai dans le cas des personnes atteintes de démences séniles, comme la maladie d'Alzheimer, dont la prévalence augmente avec l'âge.
C'est dans cette perspective que le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui prend tout son sens.
La réponse qu'il apporte à la perte d'autonomie des plus âgés de nos concitoyens est fondée sur le principe du libre choix du lieu de vie de la personne âgée, sans en laisser la charge totale aux familles. En ce sens, il vise à assurer aux personnes âgées ayant perdu leur autonomie les conditions du respect de leur dignité.
Il reconnaît la prise en charge de la perte d'autonomie comme un nouveau droit. Ce droit, c'est celui de choisir la vie que l'on entend mener. C'est le sens fondamental du projet.
Ce droit de choisir appelle l'intervention de la solidarité nationale pour tous, car la perte d'autonomie des personnes âgées ne peut plus peser seulement sur les familles. Pour cela, le projet dépasse l'aide sociale dont la logique est subsidiaire puisqu'elle n'intervient que pour les plus démunis et si la famille ne peut pas subvenir aux besoins.
Il appartient alors au débat démocratique de déterminer les moyens que l'on souhaite consacrer à ce nouveau droit, et à déterminer les bénéficiaires prioritaires de la redistribution publique. Pour ma part, je pense que la justice sociale demande d'aider en priorité les plus fragiles, et de corriger les inégalités ou les désavantages sociaux quand ils apparaissent.
La création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) concrétise ce nouveau droit de trois manières :
1- Il s'agit d'abord d'un droit universel, puisqu'il n'y aura pas de plafond de ressources. Toute personne dont la perte d'autonomie justifie qu'elle soit aidée pourra en bénéficier, en fonction seulement de son degré de perte d'autonomie et des ses ressources.
Très concrètement, il sera étendu aux personnes moyennement dépendantes. Il s'agit des personnes qui ont conservé une certaine autonomie, pouvant se déplacer seules à l'intérieur de leur logement, s'alimentant généralement seules, mais qui ont besoin d'être aidées pour la toilette ou l'habillage. Ce sont ainsi environ 260 000 personnes, aujourd'hui exclues de la PSD, qui pourront prétendre à l'APA.
2- Il s'agit ensuite d'un droit égal et objectif. Il y aura donc un barème national garantissant l'égalité du montant de l'aide sur tout le territoire à condition égale d'autonomie et de ressources.
Ce barème prévoira une participation des bénéficiaires en fonction de leurs ressources. Ainsi, à domicile, une personne sans autonomie dont les ressources ne dépassent pas 6 000 F/mois aura droit à 7 000 F d'allocation. Par comparaison, une personne également sans autonomie, dont les ressources dépassent 20 000 F/mois aura droit à 1 400 F d'allocation.
Pour les bénéficiaires de la prestation les plus autonomes, celle-ci ira de 600 F/mois pour les plus aisés à 3 000 F/mois pour ceux dont les ressources sont inférieures à 6 000 F.
3- Il s'agit enfin d'un droit personnalisé, ce qui veut dire que la personne âgée pourra choisir les modalités d'aide qu'elle voudra privilégier à l'intérieur d'un cadre national. C'est " un menu à la carte ".
À domicile, l'allocation personnalisée d'autonomie prendra pour les bénéficiaires la forme de " plans d'aide ", qui seront un véritable droit de tirage pour les personnes âgées. Dans la limite de ce droit de tirage, elles pourront financer toutes les actions qui auront été reconnues nécessaires.
Les heures de ménage, le portage de repas, des travaux d'aménagement du logement, des transports, certaines activités de socialisation, pourront ainsi être prises en charge par l'APA.
Il s'agira ainsi de permettre une adaptation au cas par cas des aides concrètement apportées, pour tenir compte de chaque situation particulière, en fonction de l'environnement, de l'entourage.
Le défi de l'APA, c'est donc d'instaurer une prise en charge globale de la perte d'autonomie. On passe ainsi d'une approche purement sanitaire à une approche sociale et psychologique, plus proche de la réalité vécue par les personnes âgées. La formation gériatrique s'oriente d'ailleurs actuellement de plus en plus vers la recherche de réponses gérontologiques globales.
Les initiatives novatrices des professionnels et des associations montrent qu'il existe des solutions pour mieux insérer les personnes dans leur environnement, préserver leur liberté et leur dignité, et éviter le repli sur soi. Je pense en particulier au projet d'appartements permettant aux personnes âgées qui ne sont plus autonomes de rester vivre dans leur quartier.
Pour les personnes accueillies dans des maisons de retraite, la nouvelle allocation constitue aussi un droit personnalisé.
Les établissements sont d'ailleurs de plus en plus appelés à s'organiser en lieux de vie, et la perte d'autonomie n'a pas les mêmes conséquences pour les personnes qui ont pu rester à leur domicile et pour celles qui sont hébergées dans une maison de retraite.
Les besoins nécessaires à la prise en charge des personnes âgées seront désormais précisément mesurés dans chaque établissement et serviront de base au calcul de l'allocation. Cela permettra de tenir compte des coûts précis de l'établissement dans lequel la personne âgée est accueillie, et donc, comme à domicile, de personnaliser l'allocation en fonction des dépenses réelles supportées, du fait de la perte d'autonomie.
Parallèlement au bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie, les personnes accueillies dans les maisons de retraite bénéficieront aussi, dans le cadre de la nouvelle tarification, d'une baisse du tarif hébergement, en moyenne de 20 %, qui contribuera beaucoup à les solvabiliser. Ainsi, dans un établissement dont le tarif hébergement correspond à la moyenne nationale, soit environ 8 000F/mois, ce tarif ne sera plus demain que de 6 400F/mois en moyenne.
Il est un sujet que je ne veux pas éluder qui est celui de la récupération sur les successions.
Je sais que c'est une question difficile qui suscite de fortes oppositions. Je crois qu'elle pose le problème du partage entre la solidarité familiale, qu'il faut maintenir bien sûr, et la solidarité nationale. Beaucoup considèrent que la récupération sur les successions caractérise l'aide sociale. On pourrait cependant observer que le minimum-vieillesse, qui est une prestation de sécurité sociale, est également soumis à récupération.
Quoi qu'il en soit, je crois important que la représentation nationale débatte de cette question essentielle du rôle respectif de la solidarité familiale et nationale. Cela permettra de déterminer quel est le bon équilibre et d'éclairer le gouvernement.
II - Les principes qui fondent le nouveau droit reconnu par l'allocation personnalisée d'autonomie impliquent de concilier une gestion de proximité et un financement garanti par la solidarité nationale. La prise en charge globale des personnes âgées appelle enfin le développement de la qualité des services.
La proximité est un impératif pour réussir la mise en uvre de la nouvelle allocation, du fait de son caractère personnalisé. Le contenu du plan d'aide sera l'objet d'un dialogue approfondi entre le bénéficiaire et les équipes médico-sociales. Celles-ci doivent aller chez la personne âgée, évaluer son niveau de perte d'autonomie, discuter avec elle des aides qui lui seraient nécessaires, enfin proposer à la personne âgée un " plan d'aide " qui répondra à des choix. Cela nécessite d'avoir des équipes de terrain, de connaître les services d'aide à domicile disponibles localement, bref, de pouvoir faire de la coordination gérontologique.
C'est pourquoi le projet de loi confirme la compétence des départements dans la mise en uvre de cette nouvelle allocation, en les associant étroitement aux caisses de retraite. Les équipes médico-sociales qui examineront les plans d'aide seront composées de personnels départementaux et de personnels des caisses.
L'objectif poursuivi est de généraliser les partenariats qui existent déjà dans nombre de départements, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité. Il s'agit en effet d'assurer la mobilisation de tous les moyens existants, des différents savoirs-faire.
Je sais que le choix de travailler avec les départements est parfois perçu comme incompatible avec la logique de solidarité et d'égalité qui fonde l'approche du gouvernement. Sur ce point, il faut arrêter de jouer sur les mots : ce n'est pas parce qu'une prestation est servie par le département qu'elle relève nécessairement de l'aide sociale.
Le choix des modalités de gestion est une question à distinguer de la philosophie d'une prestation. En l'occurrence, le choix du département répond à une certaine vision de la décentralisation, selon laquelle il faut rapprocher la décision de chacun des citoyens. La décentralisation n'est pas incompatible avec l'égalité des droits. Ce qui compte vraiment, c'est l'efficacité de la mise en uvre.
J'en viens maintenant au financement. Il reposera sur la reconduction des moyens existants des départements et un effort supplémentaire de leur part, ainsi que sur une contribution des caisses de retraite, pour un total d'environ 11,5 MdsF. Le solde sera assuré par l'utilisation de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur d'environ 5 MdsF.
Cette fraction de CSG, ainsi que la contribution des régimes de retraite, seront affectées à un nouvel établissement public, le fonds national pour le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Il en redistribuera le produit aux départements, en fonction de critères de péréquation permettant de tenir compte des différences démographiques (notamment du nombre de personnes âgées) et de richesses.
Les modalités précises de cette péréquation font l'objet d'un travail que nous avons engagé avec Paulette Guinchard-Kunstler et Daniel Vaillant qui a la charge des collectivités territoriales. Nous avons aussi commencé à en parler avec votre rapporteur qui sera étroitement associé à ces travaux, tout comme, bien sûr, l'Assemblée des départements de France et le comité des finances locales.
Le recours à la CSG pour assurer l'équilibre du financement de l'APA correspond à la logique de solidarité nationale sur laquelle repose ce nouveau droit. La CSG en est la meilleure expression du fait de son universalité et de son assiette.
Son affectation au fonds de financement de l'APA est tout aussi logique. J'ai vu ici ou là que l'on s'interrogeait sur la création d'un nouveau fonds. Mais on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. La création de cet établissement public national constitue une nécessité pour reconnaître, sur le plan institutionnel et politique, la perte d'autonomie comme un nouveau droit, et pour affecter une fraction de CSG au financement de la nouvelle prestation.
L'objectif du gouvernement est donc double : la reconnaissance d'un nouveau droit dans le cadre de la solidarité nationale sur le plan des principes, la recherche de l'efficacité dans un cadre local et de ce fait pragmatique pour la mise en uvre.
Enfin la mise en uvre de ce nouveau droit doit permettre une prise en charge de qualité.
Dans cette perspective, plusieurs mesures ont déjà été annoncées. Je les rappelle ici :
1- La diffusion progressive des centres locaux d'information, de liaison et de coordination (CLIC) d'ici 2005, qu'avait suggérée Paulette Guinchard-Kunstler. Les CLIC pourront apporter plusieurs types de services aux personnes âgées et à leur famille. Installés dans les locaux d'associations, de départements, de préfectures, de conseils généraux ou encore de centres communaux d'action sociale ou de maisons de retraite, ils sont d'abord un lieu d'information sur les droits et les possibilités de prise en charge. Les CLIC ont aussi vocation à aider les personnes dans leurs démarches avec les différentes administrations et les prestataires de services. Enfin, les CLIC pourront également assurer la coordination des différents services de prise en charge ou participer à l'évaluation des besoins.
Le réseau des CLIC maillera ainsi le territoire au niveau des bassins de vie et offrira aux personnes âgées et à leur famille une " porte d'entrée " dans le dispositif de prise en charge. 25 sites ont démarré une expérimentation en 2000. 70 MF ont été prévus dans la loi de finances pour les étendre en 2001.
2- Pour les établissements, les moyens seront alloués sous la forme d'une dotation globale. Ces 6 MdF représentent environ l'équivalent de 95000 places de sections de cure médicale, à comparer aux 160000 places actuelles. Ils devraient permettre le recrutement de près de 20000 professionnels, soit une augmentation de plus de 10 % des effectifs.
Le plan de médicalisation des établissements permettra ainsi de renforcer considérablement les moyens affectés à l'accompagnement quotidien des personnes hébergées.
Ce plan se traduit par l'augmentation forte des crédits d'assurance maladie, pour un total de 7,2 MdsF, dont 6 MdsF en faveur des maisons de retraite, et 1,2 MdF pour les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), sur une durée de cinq ans.
Je souligne que ce plan représente une augmentation de près de 50 % des crédits d'assurance maladie destinés aux établissements et services pour personnes âgées.
Dans le cas des services de soins infirmiers à domicile, nous doublons l'effort annuel de créations de places, en passant de 2 000 à 4 000 places par an. Cela permettra en cinq ans d'augmenter d'environ 1/3 le nombre de places.
3- L'exonération totale de charges sociales patronales pour les salariés des services d'aide à domicile.
Je souhaite aujourd'hui apporter une attention particulière à l'aide à domicile, car les personnes âgées souhaitent le plus souvent rester chez elles. C'est grâce à l'aide à domicile que peut être évitée ou retardée l'entrée dans les établissements.
Il s'agit d'inciter les personnes âgées à recourir aux services d'aide à domicile, qui apportent généralement une meilleure qualité et plus de continuité dans la prise en charge. Il faut cependant laisser la liberté de choix aux personnes âgées et à leur famille, et penser aussi aux contraintes pratiques, qui ne permettent pas toujours d'organiser une prise en charge par l'intermédiaire d'un service.
Dans cette perspective, le projet de loi prévoit que l'équipe médico-sociale proposera quel est le mode d'intervention - emploi direct ou service prestataire - qui lui paraît le plus approprié compte tenu de la situation de la personne, dans le cadre d'un dialogue avec la personne âgée et sa famille. Si celle-ci est sans autonomie, il lui sera proposé prioritairement un service d'aide à domicile, car la continuité et la professionnalisation qu'apporte un service d'aide à domicile sont déterminants dans ce cas. À cet effet, le montant de l'aide pourra également être modulé pour tenir compte des différences de qualité. Mais la personne âgée ou sa famille gardera une liberté de choix.
Il reste que pour développer ce recours aux services de professionnels, dans l'intérêt même des personnes âgées, il faut s'en donner les moyens. À cet égard, l'aide à domicile doit trouver des financements.
Le secteur a également besoin d'être modernisé. Les salariés doivent être correctement rémunérés. Ils doivent être mieux formés. Leurs conditions de travail doivent être améliorées.
La création de l'APA est bien sûr une réponse primordiale, puisqu'elle permettra une meilleure solvabilisation des personnes âgées, et donc facilitera le recours aux associations. La demande qui leur est adressée va donc s'accroître.
Pour y faire face, il faut accentuer notre soutien à une offre de qualité. Pour cela, le projet de loi crée un fonds de modernisation de l'aide à domicile, dont l'objet sera de financer des actions de formation, de soutien à l'encadrement, de développement des services, et de toutes mesures susceptibles de favoriser la professionnalisation du secteur. Je vais engager dès maintenant des discussions avec les professionnels de l'aide à domicile sur les modalités de fonctionnement de ce fonds.
Je crois qu'il est important de souligner la nouveauté que constitue ce fonds : pour la première fois, l'Etat se dote d'un outil budgétaire permettant de conduire une politique nationale dans le secteur de l'aide à domicile.
Le gouvernement entend faire en sorte que l'APA puisse être versée dès le mois de janvier 2002. Cela nécessite que les décrets d'applications soient préparés très rapidement. Je m'y engage. Le Parlement y sera bien entendu associé. Cela suppose aussi un travail de terrain pour préparer la mise en uvre pratique de la loi. Nous avons commencé.
C'est donc une politique ambitieuse que le gouvernement entend mettre en uvre pour apporter une réponse adaptée aux questions que pose la perte d'autonomie des personnes âgées.
C'est une tâche difficile parce que les situations varient d'un individu à l'autre ; parce qu'avec le temps se sont développées des logiques de territoire entre les différents acteurs ; ce projet de loi vise justement à surmonter ces difficultés, puisqu'il instaure un nouveau droit égal et universel.
On a d'ailleurs parlé de " cinquième risque ", par analogie avec les quatre risques existants que sont la maladie, la vieillesse au sens de la retraite, les accidents du travail et la charge d'enfants. La reconnaissance d'un risque est fondamentale, car elle implique toutes les caractéristiques du risque de sécurité sociale, au premier rang desquelles se trouve l'égalité des droits, sur une base objective.
C'est précisément ce que réalise le projet du gouvernement. Il permet une vraie rupture au regard de l'aide sociale. L'APA n'en présente d'ailleurs aucune des caractéristiques : elle n'est pas réservée à une population de personnes sans ressources ou à très faibles revenus ; elle n'est pas subsidiaire par rapport à la mise en uvre de droits sociaux ; elle est identique et universelle pour tous, sur tout le territoire.
L'APA n'est donc pas une prestation d'aide sociale. L'APA n'est pas non plus une prestation assurantielle, reposant sur des cotisations qui conditionneraient l'ouverture des droits. Elle est très certainement et surtout une prestation de solidarité nationale parce que fondée sur un droit objectif, et financée par des ressources universelles.
Créer ce droit à l'autonomie pour les personnes âgées, c'est refuser que la vieillesse ne soit réduite à n'être qu'une catégorie dépendante socialement et économiquement, à n'être qu'un coût et une charge pour les familles et pour la collectivité. En reconnaissant ce droit à l'autonomie des personnes, le gouvernement entend contribuer à améliorer le quotidien des personnes âgées et à changer le regard porté sur elles. Notre pays rejoindra ainsi les pays européens les plus avancés dans la prise en charge des personnes âgées et à changer le regard porté sur elles.
C'est donc une très grande avancée sociale que nous nous apprêtons à réaliser avec ce projet de loi. Nous pouvons encore l'améliorer, comme l'a fait la commission, avec votre Assemblée, pour que toutes les personnes âgées, quelle que soit leur situation, trouvent toute leur place dans notre société et pourront vivre chez elles, sans l'humiliation de quémander de l'aide, sans la culpabilité de peser sur ses enfants, dans la tranquillité et la dignité le reste de leur vie.


(source http://www.social.gouv.fr, le 14 août 2001)