Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur l'action du PCF notamment concernant le projet de loi de modernisation sociale et pour une politique sociale plus active, Paris le 27 juin 2001.

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Texte intégral

Merci, tout d'abord, à celles et ceux que nous venons d'entendre: les salariés, qui nous ont fait part de leurs luttes et de leurs espoirs; les responsables et parlementaires communistes, qui ont évoqué quelques-unes des questions politiques et sociales auxquelles nous tenons tout particulièrement.
Danone, Marks et Spencer, Moulinex, AOM-Air-liverté, Valéo, et ces jours-ci Philips au Mans ou encore Ericsson: la vague de plans sociaux, de licenciements massifs qui déferlent sur des dizaines d'entreprise suscite une immense inquiétude, et un vaste courant de sympathie, de solidarité à l'égard des salariés concernés.
Mais pas seulement.
Il y a aussi, qui grandit et se fortifie, la colère devant l'irresponsabilité sociale des dirigeants et des actionnaires des grandes entreprises. Et comment pourrait-il en être autrement? Ils prennent froidement les décisions inhumaines de jeter des milliers de salariés à la rue, au seul prétexte que c'est le moyen d'accroître leurs dividendes, leurs profits financiers.
L'exemple vient d'en haut. Le patron des patrons, M. Seillière, refuse de mettre la main à la poche, alors qu'il en a largement les moyens, pour permettre le maintien de l'activité d'AOM-Air Liberté. Et il récidive: 2700 salariés de " Cap Gémini " sont mis au tapis par le baron, qui semble vouloir postuler au titre peu enviable de " serial killer " de l'emploi.
Oui, c'est cela qui a changé dans la dernière période: la perception plus aiguë, par des millions de Françaises et de Françaises, que ce ne sont pas des " canards boiteux " qui procèdent à ces licenciements mais, très souvent, des entreprises à la santé financière florissante. Et quand ce n'est pas le cas, ils ont le sentiment que les thérapies de choc qui s'en prennent systématiquement à l'emploi ne sont pas forcément les mieux appropriées pour affronter et surmonter les difficultés. Le sentiment, par conséquent, qu'il faudrait écouter et prendre en compte d'autres solutions, et en particulier celles que proposent les salariés et leurs organisations.
C'est pourquoi à l'offensive ultralibérale contre l'emploi de ces dernières semaines, a répondu une mobilisation des salariés, des citoyens en général, scandée par les manifestations de Calais, à l'initiative du parti communiste, le 21 avril dernier; par la journée d'action organisée par la CGT le 22 mai; par la manifestation parisienne du 9 juin, sur proposition de salariés des dizaines d'entreprises frappées par les plans sociaux.
Je ne cherche nullement à " solliciter " le sens de ces mobilisations, et à leur faire dire plus que ce qu'elles ont exprimé. Il n'en est nullement besoin, car j'ai la conviction que leur rapide succession, et leur ampleur, ont révélé à quel point l'opinion publique était dans l'attente impatiente de mesures fortes pour résister à la rafale des licenciements boursiers. Et aussi - et surtout - combien elles ont pesé utilement sur le débat à l'Assemblée nationale.
Ainsi nous n'en sommes plus - souvenons-nous ce n'est pas si loin - aux propos désabusés du Premier ministre, en 1999, quand il déplorait la prétendue impuissance du gouvernement, et des politiques en général, face à la liquidation de plus de 7000 emplois chez Michelin.
D'ailleurs, quant à nous, communistes, cette attitude de renoncement n'a jamais été dans nos habitudes.
Et moins que jamais aujourd'hui, quand tout montre que les citoyennes et les citoyens attendent au contraire des élus et des responsables politiques qu'ils prennent leurs responsabilités. Alors, nous prenons les nôtres.
C'est dans ce contexte qu'a débuté à l'Assemblée nationale la discussion de la loi dite de " modernisation sociale ".
Certains se sont étonnés - ou ont affecté de s'étonner - de la détermination, de l'intransigeance des députés communistes. Quand le Premier ministre a accepté ma proposition d'un report du vote, ils ont expliqué que nous cherchions une porte de sortie, par le moyen de quelques amendements chichement consentis par le gouvernement afin d'obtenir notre bienveillante abstention.
Or il n'était pas question d'abstention. Ce que nous voulions, c'était un texte sensiblement amélioré par rapport à sa version initiale. Un texte " durci " dans le volet consacré à la définition des licenciements, et ouvrant de nouveaux droits aux salariés et à leurs organisations en termes de propositions alternatives.
Dans les deux domaines, ce que nous avons obtenu est très important. Désormais la définition des licenciements est plus restrictive, plus contraignante pour les directions d'entreprises. Et quand elles voudront quand même, conformément aux nouveaux termes de la loi, procéder à des suppressions d'emplois, les salariés auront la possibilité de s'opposer à leurs plans, d'en exiger la suspension et de mettre en débat leurs propres propositions.
Soyons clairs: ces dispositions nouvelles ne vont pas permettre, spontanément, de stopper les licenciements boursiers. Mais elles constituent à l'évidence une avancée très appréciable du droit du travail. Les salariés et les organisations syndicales, s'ils s'en emparent, peuvent contester mieux et plus qu'auparavant la logique financière destructrice de leurs emplois, de leurs vies.
Les réactions du Medef et de la droite sont d'ailleurs éloquentes. M. Seillière s'est déclaré atterré - comme il l'est aussi par l'augmentation pourtant trop modeste du SMIC - par ce qu'il qualifie de " retour à l'économie administrée ".
Quant à la droite elle est bien décidée à tout entreprendre pour retarder l'application de la loi. Elle devait être examinée avant la fin du mois au Sénat: ce débat est repoussé à l'automne. Par les astuces procédurières, par le chantage et la menace, la droite est égale à elle-même: profondément réactionnaire, et farouchement hostile à toute loi susceptible de constituer un acquis pour le monde du travail.
Et je veux ajouter que je regrette la tiédeur du gouvernement face aux manuvres d'obstruction de la droite sénatoriale. Les salariés ont besoin de la loi; le gouvernement et la majorité ont le devoir de tout entreprendre pour faire échouer les tentatives de la droite d'en retarder l'entrée en application.
Oui, cher-e-s ami-e-s et camarades, c'est bien ainsi qu'il faut apprécier ce que nous venons de conquérir à l'Assemblée nationale, grâce à l'action des députés communistes et aux mobilisations du mouvement populaire que j'évoquais précédemment: comme un moyen nouveau de faire obstacle efficacement à la pression continuelle sur l'emploi, traité en simple variable d'ajustement. Et inséparablement comme une brèche ouverte dans la toute puissance patronale, par laquelle il est possible de gagner des droits nouveaux pour les salariés, notamment en matière de gestion des entreprises, de formation, d'emploi.
J'ajoute que la loi sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics versés aux entreprises, votée en début d'année à mon initiative, ouvre également un droit nouveau pour les salariés et les élus locaux: celui d'engager une procédure contre les directions d'entreprises irresponsables en matière d'emploi, de formation et de traitement des territoires où elles sont implantées. Une procédure qui peut, le cas échéant, conduire à la suspension - voire au remboursement - des aides accordées, et qui doit prendre en compte les engagements de l'entreprise mais aussi les propositions des salariés.
Alors, par cette loi et la précédente, tout est-il désormais réglé?
Evidemment non.
Et il y a même fort à faire, dans de nombreux domaines, pour répondre aux attentes des Françaises et des Français.
J'entends dire, parfois, que le Parti communiste aurait changé de posture depuis les élections municipales.
Eh bien je le confirme: nous avons en effet changé de posture.
Pour une raison simple: c'est ce que nous ont demandé les Françaises et les Français. C'est le message qu'ils nous ont adressé lors des élections municipales de mars dernier.
J'ajoute, car c'est souvent occulté par les observateurs de la vie politique, que le Parti socialiste a bien des raisons de s'interroger, lui aussi, sur la signification de ce scrutin. Il a fait un très médiocre résultat au soir du 18 mars, que quelques succès, certes significatifs et très médiatisés ne sauraient masquer.
En vérité, c'est donc toute la gauche qui est vivement interpellée par les Françaises et les Français. Pour notre part, nous avons entendu le message.
Nous l'avons montré, ces dernières semaines, par l'engagement des militantes et militants communistes dans toutes les initiatives de protestation, de résistance, organisées en riposte aux plans de licenciements.
Nous l'avons montré par la bataille parlementaire acharnée des députés communistes.
Et, je vous le dis, nous allons continuer ainsi dans les semaines et les mois à venir.
Ainsi, j'ai personnellement l'intention d'entreprendre, dans la première quinzaine de juillet, un " tour de France " des entreprises en butte aux plans sociaux. Pour discuter avec les salariés et leurs organisations de leurs attentes; pour envisager comment, ensemble, nous pouvons intervenir pour une mise en uvre rapide de la loi votée récemment. Cette initiative s'inscrira pleinement dans l'activité communiste que nous voulons déployer.
Pas par goût de la surenchère; pas davantage par " esprit de chapelle ", pour servir je ne sais quels intérêts politiques étroitement partisans.
Nous, nous ne voulons laisser à la droite aucune chance de reconquérir le pouvoir.
Nous voulons que la gauche continue d'occuper ses responsabilités au gouvernement de la France après les échéances électorales de 2002.
Nous voulons, par conséquent, que la gauche gagne. Mais comment gagner?
Certainement pas en bombant le torse, et en brandissant le bilan. Certes il n'est pas négligeable, et il ne serait pas à cette hauteur sans la présence communiste au gouvernement.
Seulement les Françaises et les Français ne se détermineront pas sur un bilan. Le bilan, par définition, renvoie à du " déjà fait ", donc au passé. C'est l'avenir qui intéresse les électrices et les électeurs à la veille d'une consultation électorale. Et ils ne feront confiance à la gauche, pour l'aborder avec elle, que s'ils voient dans la politique menée aujourd'hui des raisons de lui faire confiance
Or, ce n'est pas le cas. Ils doutent et même, souvent, ils n'y croient plus. C'est vrai, tout particulièrement, des millions d'entre eux qui ne vivent qu'avec les minima sociaux, ou les maigres salaires qu'ils perçoivent, parce qu'ils sont payés au SMIC ou en situation de précarité professionnelle.
Je viens d'évoquer le SMIC. Sa revalorisation de 4% au 1er juillet - et avec le passage aux 35 heures elle sera moindre pour beaucoup de smicards - est notoirement insuffisante. Le gouvernement s'obstine dangereusement à ne pas écouter ce qui monte et s'exprime de plus en plus fort partout dans le pays.
Et dans le même temps rien, toujours rien, désespérément rien pour les minima sociaux. La France des inégalités et de l'exclusion se renforce. Elle grossit chaque jour un peu plus des milliers de femmes et d'hommes, de jeunes - en situation de chômage et de précarité - qui y sont précipités ou menacés de l'être.
J'affirme qu'il y a danger, grave danger pour la gauche à ne pas engager une politique salariale beaucoup plus active. Le recours à des procédés du type " impôt négatif " ne fait pas le compte. Il exonère les entreprises de leurs responsabilités, et même les pousse à ne rien lâcher sur les salaires. Bien sûr je ne suis pas opposé à des mesures fiscales incitatives au développement de l'emploi et de la formation. A condition qu'elles s'en prennent au capital spéculatif et boursier. Je pense même, qu'il ne faut rien céder sur cette exigence, et je me propose de réactiver, dans les mois à venir, la proposition d'une " taxe Tobin " à la française pour engager à l'échelle de notre pays et de l'Europe, une riposte au capitalisme mondialisé.
Quant aux prétendus risques de relance de l'inflation que ferait courir un relèvement des salaires, c'est un leurre, un mauvais argument pour " justifier " l'inertie du gouvernement en la matière.
En vérité nous sommes dans une situation où le ralentissement de la croissance exige un essor significatif de la consommation, notamment par l'augmentation des salaires.
C'est une question de fond. Elle nous oppose aux libéraux, c'est vrai, et aussi à ceux, au sein même de la majorité et du gouvernement, qui plaident dans le même sens et que l'on nomme les sociaux-libéraux.
Nous ne lâcherons pas, par conséquent, sur cette exigence d'une revalorisation des salaires, des retraites et des minima sociaux.
De même que nous entendons être particulièrement attentifs, et actifs, sur tout ce qui intéresse l'avenir de notre système de protection sociale.
Il est aujourd'hui en crise. Le Medef veut s'attaquer à la sécurité sociale, dans le cadre de son chantier de " refondation sociale ". Et le gouvernement, à l'instar de ceux qui l'ont précédé, se limite à gérer les difficultés au jour le jour.
Pour notre part, nous avançons un certain nombre de propositions visant, tout à la fois, à démocratiser profondément le système et à engager une grande politique susceptible d'apporter à l'hôpital et à la politique de santé les moyens matériels et humains qui leur font cruellement défaut. En même temps, car c'est une condition essentielle de la réussite, nous préconisons une réforme des cotisations sociales patronales, comme l'avait promis le gouvernement en 1997.
A l'automne sera discutée à l'Assemblée nationale la loi de financement de la sécurité sociale. C'est dans cette perspective que nous voulons agir sur les sujets que je viens d'évoquer, et dont la liste n'est pas exhaustive. Des mutuelles, les organisations syndicales, les professionnels de la santé avancent des propositions ambitieuses qui méritent attention. Je veux le dire ce soir devant vous: il faudra bien que le gouvernement les entendent et les prennent en compte. Nous y tenons beaucoup, et c'est avec cet objectif que nous participerons aux initiatives sociales qui ne manqueront pas d'entourer le débat à l'Asssemblée nationale.
Et puis, il y a la jeunesse.
Prenons garde à ne pas la décevoir. Les jeunes ne pardonneront pas à la gauche les promesses non suivies d'effets, ou les " ersatz " en guise de solutions aux problèmes qu'ils rencontrent.
Dans l'examen du budget 2001 ils doivent occuper une place essentielle. Il faut qu'il en soit ainsi, notamment, des emplois-jeunes, dont il s'agira d'organiser les premières sorties du système.
On reconnaît à présent bien volontiers l'utilité des nouvelles activités couvertes par les emplois-jeunes. Alors, il faut aller au bout du processus. Tout particulièrement en termes de formations adaptées et d'inscription dans les faits des nouveaux métiers, avec les moyens et les garanties dont ils doivent être assortis. Et rien de tout cela ne peut être réfléchi et engagé sans les premiers intéressés, les jeunes eux-mêmes.
Oui, il faut leur assurer maintenant un vrai travail, un vrai salaire, de vraies garanties sociales et professionnelles. Les communistes vont se battre pour cela, vous pouvez en être sûrs!
De la même façon en ce qui concerne l'autonomie de la jeunesse. Cette proposition a été évoquée précédemment. J'insiste simplement sur un point: le projet de loi des communistes a été adopté au Sénat il y a quelques jours; on comprendrait mal qu'il n'en soit pas de même à la fin de l'année à l'Assemblée nationale.
Il n'est pas question " d'assister " les jeunes. Ils ne le souhaitent pas. Il est question d'adopter des mesures de gauche, vraiment de gauche, pour les sécuriser jusqu'à l'accès à l'emploi choisi.
Ce n'est pas une mesure " petit bras " que nous proposons, mais une disposition novatrice et de grande ampleur, aussi bien par le nombre de celles et ceux qu'elle concerne que par l'ambition qu'elle se fixe d'opérer des changements durables et de fond dans l'ensemble de la société.
Cher-e-s ami-e-s et camarades,
Tels sont les communistes aujourd'hui: exigeants et offensifs; protestataires et constructifs.
Je l'ai déjà dit, je le répète ce soir: pour gagner, - regagner dans bien des cas - la confiance de notre peuple, la gauche n'a qu'une solution: remettre résolument et au plus vitre le cap à gauche.
C'est à cela que nous voulons, de toutes nos forces, contribuer.
C'est pourquoi nous sommes et nous serons toujours au cur du mouvement social, solidaires de celles et ceux que frappent les injustices et les inégalités.
C'est pourquoi, sans réserve, sans hésitation nous sommes de tous les mouvements, de toutes les actions qui visent à préserver leurs droits et à en conquérir de nouveaux. Contre le Medef et la droite bien sûr, mais aussi en direction du gouvernement afin que la politique qu'il conduit soit bien - j'ai envie de dire bien mieux et bien plus - ancrée à gauche.
On moque parfois un prétendu " grand écart " des communistes. Mais où est-il écrit qu'en politique il faudrait s'enfermer dans l'opposition, la protestation - et alors la protestation est condamnée à être stérile - ou alors choisir la participation aux affaires, mais au prix d'un renoncement à son identité? On pourrait être solidaires de ceux qui souffrent, de ceux qui luttent dans l'opposition, mais distants à leur égard quand on participerait aux responsabilités. Eh bien si c'est cela, la crise de la politique a de beaux jours devant elle.
Nous voyons les choses autrement. Notre identité de communistes modernes, c'est d'être présents partout où, si peu que ce soit, il est possible d'arracher des avantages, des améliorations au service des Françaises et des Français.
Et cette identité, cette présence communiste active, dans le mouvement social et dans les institutions, sont particulièrement utiles à notre peuple. On vient de le voir avec la loi de " modernisation sociale ".
On s'apercevra, j'en renouvelle ce soir l'engagement, que c'est dans ce droit fil que nous allons nous bouger dans les semaines et les mois à venir.
Voilà, cher-e-s ami-e-s et camarades, ce que je voulais vous dire aujourd'hui, à quelques jours du début des congés d'été.
Alors, pour finir, merci de votre attention et à bientôt, à très bientôt, pour tous les grands rendez-vous de luttes qui nous attendent!

(source http://www.pcf.fr, le 28 juin 2001)