Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christiane TAUBIRA est notre invitée ce matin, bonjour
CHRISTIANE TAUBIRA
Bonjour monsieur BOURDIN.
EAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être venue nous voir Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il parait que vous vous languissiez de moi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je me languissais, non, mais j'aime bien recevoir les ministres importants du gouvernement régulièrement, moi non mais les auditeurs, les téléspectateurs ont envie de connaître et de savoir ce que vous engagez, quels sont les projets de loi qui sont en cours et le domaine de la justice est un domaine qui nous concerne tous. Christiane TAUBIRA, première question .
CHRISTIANE TAUBIRA
Ceci étant, je communique sous d'autres voies, je publie beaucoup de documents explicites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Bon, bon. Christiane TAUBIRA, vous n'aimez pas venir le matin, vous n'aimez pas les émissions de radio, de télé
CHRISTIANE TAUBIRA
J'avoue que je n'ai pas un goût prononcé pour les émissions qui sont un peu cache-cache
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quoi cache ? Parce qu'elle est catch celle-là ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Un peu boxeuses
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'elle est catch celle-là ? Non ! Les questions sont précises
CHRISTIANE TAUBIRA
Non ! Non, mais c'est le type même
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les réponses sont à apporter.
CHRISTIANE TAUBIRA
C'est le type même de la matinale c'est qu'il faut que ce soit extrêmement tonique, donc on a assez peu de temps pour expliquer les choses, alors chez vous le créneau est plus large
JEAN-JACQUES BOURDIN
22 minutes !
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà ! Il est beaucoup plus large. Mais c'est vrai que venir le matin, réagir à l'actualité, réagir à des commentaires, réagir à des faits divers, alors que moi j'ai surtout le souci d'expliquer le contenu et le fond de la politique que je mène au ministère de la Justice, c'est vrai que voilà je n'ai pas d'appétit pour ce
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, là, vous avez
CHRISTIANE TAUBIRA
Pas d'appétence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez avoir l'occasion d'expliquer le fond de la politique que vous conduisez.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ravie que vous me l'offriez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement sur la loi Macron qui a été votée avec le 49.3 en deuxième lecture
CHRISTIANE TAUBIRA
Adoptée donc !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Adoptée en deuxième lecture, il y a un article de la loi Macron qui vous concerne : le plafonnement des indemnités payées aux salariés aux Prud'hommes, vous avez vu ça, en cas de licenciement abusif. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de débat autour de cet article, qui a été introduit au dernier moment ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui ! Il y a eu de nombreuses dispositions qui ont été introduites. C'est un texte de loi qui a été fortement modifié entre le texte qui a été déposé déjà au Conseil d'Etat, modifié par le Conseil d'Etat, ensuite modifié par les commissions parlementaires, modifié dans les assemblées, c'est en ce sens que c'est quand même un type de loi qui a été très travaillé concernant ce point.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous regrettez qu'il n'y ait pas eu débat ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors c'est vrai que cette disposition n'a pas été introduite au moment où, en première lecture, le Conseil des Prud'hommes a été modifié, puisque nous avons travaillé - c'est d'ailleurs le ministère de la Justice qui a écrit les dispositions concernant la justice des Prud'hommes et nous avons beaucoup travaillé avec le rapporteur Denis ROBILLARD cette disposition effectivement n'a pas fait l'objet de discussion, elle est apparue
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le regrettez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Pour ce qui concerne les Prud'hommes, d'une façon générale, évidemment, d'ailleurs les parlementaires sont souvent extrêmement sensibles à cela. Ceci étant, le principe même de mettre en place un barème qui permet la prévisibilité sur la base de la jurisprudence, c'est-à-dire qu'évidemment ce qui serait absurde c'est qu'il y ait un système de prévisibilité qui soit complètement différent de la jurisprudence, ça de toute façon les juges eux-mêmes ne l'accepteraient pas, les parties non plus - elles viendraient donc en Appel - et une des difficultés de la justice prud'homale c'est justement que le taux d'appels est très important, de même que le taux de réformations
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous êtes favorable au plafonnement
CHRISTIANE TAUBIRA
Non ! Ce n'est pas si simple que ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou des indemnités ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non ! Non, moi je suis très attachées aux décisions individualisées, je suis très attachée à ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !
CHRISTIANE TAUBIRA
C'est très clair. Je répète que le barème, le barème, est un dispositif qui permet la prévisibilité, c'est-à-dire qui permet de savoir à l'avance ce que l'on risque.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris ! Mais il n'empêche que c'est un plafonnement, pardonnez-moi, des indemnités ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il y a un seuil...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui !
CHRISTIANE TAUBIRA
Non ! Il y a un seuil plancher et il y a un seuil plafond...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un seul plafond ! Eh bien oui.
CHRISTIANE TAUBIRA
C'est-à-dire qu'il y a aussi un minimum qui ne peut pas être
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Il y a un minimum et un maximum.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui Absolument, absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, ça, vous l'acceptez sans état d'âme ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ecoutez ce sont les dispositions de la loi, je vous répète clairement parce que j'assume très clairement toutes mes positions
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord ! D'accord.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je vous dis qu'en matière de justice c'est toujours mieux que tout soit individualisé, ce barème n'interdit pas l'individualisation puisque non seulement il y a une borne minimale et une borne maximale un plafond mais en plus, à l'intérieur, il y a les critères individuels qui sont liés à l'âge, qui sont liés à l'ancienneté, qui sont liés au potentiel de ce qu'on appelle employabilité, c'est-à-dire la possibilité de retrouver un emploi, donc ce sont des éléments d'appréciation qui permettront aux conseils des Prud'hommes- je rappelle que c'est une juridiction paritaire, c'est un conseil paritaire permettront aux conseils des Prud'hommes de prendre une décision.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Vous êtes loyale envers et contre tout, vous l'avez dit et répété, loyal au président de la République, loyale au Premier ministre je dis bien envers et contre tout le travail le dimanche sans compensation ça vous plait ?
CHRISTIANE TAUBIRA
D'abord ça n'existe pas, premièrement, ça existait, nuance
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les entreprises de moins de 11 salariés ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ca existait, ça existait. Alors, qu'entendons-nous ? Premièrement, la loyauté est absolue en elle-même, ce n'est pas envers et contre tout, elle est absolue si on
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Oui, oui.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà ! Moi je suis loyale et, lorsque ma loyauté sera en conflit, je m'en irai
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous partirez !
CHRISTIANE TAUBIRA
C'est clair ? D'accord. Donc, on ne fait pas des gammes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez failli partir ? Est-ce que vous avez failli partir ?
CHRISTIANE TAUBIRA
On ne fait pas des gammes sur
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non !
CHRISTIANE TAUBIRA
D'accord ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous avez failli partir ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Je réponds à votre question ou je vous raconte mes états d'âme ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! D'accord.
CHRISTIANE TAUBIRA
Qu'est-ce que vous préférez ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les deux !
CHRISTIANE TAUBIRA
Les deux, alors l'un après l'autre, on va commencer
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec la question.
CHRISTIANE TAUBIRA
On va commencer par votre question sur ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le travail le dimanche.
CHRISTIANE TAUBIRA
Sur le travail le dimanche. Ce texte de loi, je rappelle parce qu'il faut arrêter de raccourcir les choses, il faut dire aux gens ce qui est ce qui est c'est que le travail du dimanche était possible mais il n'était pas compensé. Moi je vous dis ma position très claire, parce que je l'assume clairement aussi et j'ai signé quand j'étais dans l'opposition, j'ai signé une déclaration commune qui indiquait que le dimanche est un jour particulier et je continue à le penser
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Je me souviens, j'allais vous en parler.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je continue à le penser, le dimanche est un jour particulier et nous devons faire en sorte que dans les éléments de progrès d'une société pour la vie individuelle et pour la vie familiale, la vie personnelle et la vie familiale, il est bon qu'il y ait des espaces préservés, donc le dimanche n'est pas un jour ordinaire. Et c'est justement parce que ce n'est pas un jour ordinaire mais que cependant dans la société il y a des lieux et des moments où il peut être intéressant que l'activité soit accessible, soit possible, donc notamment l'activité commerciale, c'est parce qu'il y a ça qu'en contrepartie il faut encadrer et ce que fait ce texte-là. Moi je rêve d'un monde où on ne travaille pas le dimanche, où le samedi et le dimanche on ne travaille pas, je rêve d'un monde on peut travailler
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous acceptez ce texte
CHRISTIANE TAUBIRA
Je rêve d'un monde où on peut travailler 32 heures
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par solidarité ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais arrêtez de me dire que j'accepte ce texte, si vous voulez passer 22 minutes à essayer de me faire dire que je ne suis pas d'accord
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Non. Non ! Non.
CHRISTIANE TAUBIRA
Bon ! Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes d'accord avec tout, OK.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je vous dis très clairement Je ne suis pas d'accord avec tout ! Arrêtez les caricatures monsieur BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord ! Bon, bon.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je viens de vous dire ce que je pense moi du travail le dimanche, je suis en train de vous dire en plus comment je vois la société et je pense - je vous le dis moi - que j'estime que l'idéal c'est que les gens puissent travailler 32 heures dans une semaine pour avoir du temps pour se consacrer aux autres dans des associations, pour avoir le temps d'aller au musée, pour avoir le temps quand c'est possible d'aller sur la plage, de déambuler, de marcher, de parler à ses voisins, d'aller en librairie, d'aller au cinéma, d'aller au théâtre, etc., voilà la société dont on peut rêver. La réalité, c'est quoi ? C'est qu'il y a une société avec des hommes où il y a une activité touristique, qui vise donc une clientèle qui le dimanche veut pouvoir avoir ces activités Voilà ! Donc on peut considérer que dans ces lieux-là, à condition - sinon ça devient de la sauvagerie à condition que selon les règles du progrès on encadre et qu'on permette que les gens ont de vraies compensations, des compensations pécuniaires, parce que ces compensations pécuniaires elles ne peuvent même pas se substituer au fait de ne pas être chez soi le dimanche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! La justice des mineurs, parlons-en, c'était une promesse de François HOLLANDE la justice, où en est-ce que vous en êtes de votre projet de loi annoncé pour le premier semestre 2015, le premier semestre 2015 s'achève, où en êtes-vous sur ce projet de loi ?
CHRISTIANE TAUBIRA
C'est exact ! C'est exact. C'est une promesse du président de la République, qu'il a renouvelée devant
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y tenez ! Je le sais.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais bien entendu ! Et je ne suis pas la seule à y tenir, parce que tous les professionnels - les professionnels sont unanimes pendant 18 mois j'ai procédé à une concertation très large, donc j'ai reçu évidemment les représentants, les magistrats de la famille et des enfants, les organisations syndicales de tous les magistrats, mais également des psychiatres, donc des médecins, l'UNICEF, donc
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, où est-ce qu'on en est ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais le texte est pratiquement terminé, il en est à ses derniers arbitrages, et, simplement, nous n'avions pas encore de calendrier, je vous le dis très clairement nous n'avons pas encore de calendrier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucune trace à l'ordre du jour du Parlement, aucune trace
CHRISTIANE TAUBIRA
De quand ? Mais je suis en train de vous dire que nous n'avons pas de calendrier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais vous le regrettez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais vous n'allez pas trouver de trace sur des textes qui sont déposés au Parlement, figurez-vous, parce que moi-même j'ai des textes déposés au Parlement pour lesquels j'attends une date : le secret des sources des journalistes, la protection du secret des sources des journalistes est un texte que j'ai déposé fin 2013, j'attends une date du Parlement ; la collégialité de l'instruction
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que sur la délinquance des mineurs le gouvernement manque de courage, franchement ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il manquerait de courage s'il disait qu'il ne le fait pas, il n'a pas dit qu'il ne ferait pas, le gouvernement s'était engagé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il va le faire quand ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Le gouvernement s'était engagé en effet à le faire au premier semestre 2015, je suis la première à déplorer que ce ne soit pas encore fait, le jour où il sera dit éventuellement que nous ne faisons pas la réforme de l'ordonnance de 1945 compte tenu de son importance, compte tenu d'abord du respect de l'engagement et ensuite de la nécessité effectivement de faire en sorte que la justice des mineurs qui est essentielle pour l'avenir de ce pays, que cette justice des mineurs elle soit améliorée, qu'on enlève toutes les incohérences qui ont été introduites par 37 réformes, qu'on enlève ce qui la rapproche de la justice des majeurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Depuis 1945.
CHRISTIANE TAUBIRA
Qu'on enlève ce qui est absurde et qui complique le travail des juges, qui rend inefficaces les mesures qui sont prises parce qu'il y a des empilements de mesures, parce qu'on ne suit pas de façon cohérente, parce qu'on n'indemnise pas correctement les victimes, parce qu'on ne fait pas en sorte que le jeune retrouve le chemin de son utilité et du respect de la société, si on ne fait pas ça, c'est un aveu dimpuissance et moi je ne l'assumerai pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que vous quitterez le gouvernement ?
CHRISTIANE TAUBIRA
On verra en temps utiles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si cette réforme des mineurs n'est pas engagée avant la fin du quinquennat, vous quittez le gouvernement ?
CHRISTIANE TAUBIRA
De quoi, vous avez envie d'un scoop ce matin ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je n'ai pas envie d'un scoop, j'ai envie de la vérité...
CHRISTIANE TAUBIRA
Je viens de vous développer des arguments.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai envie de vérité, Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais la vérité ce n'est pas de faire
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la vérité elle est là !
CHRISTIANE TAUBIRA
La vérité ça n'est pas de
JEAN-JACQUES BOURDIN
La vérité c'est que ce projet de loi personne n'en veut pour l'instant au gouvernement, Manuel VALLS n'en veut pas.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il vous l'a dit ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il vous l'a dit ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Est-ce qu'il vous l'a dit à vous ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il vous a dit qu'il en voulait ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non ! Mais c'est vous qui affirmez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il vous a dit qu'il en voulait ? Est-ce qu'il vous a dit qu'il en voulait ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non ! Mais, attendez, je ne sais pas à quoi rime ce jeu, parce que moi je le trouve
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Allez-y, ce n'est pas un jeu.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je le trouve non seulement absurde mais surtout dangereux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non !
CHRISTIANE TAUBIRA
Je le trouve absurde et dangereux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non !
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous affirmez que Manuel VALLS n'en veut pas, je vous demande s'il vous l'a dit, vous me demandez à moi s'il me l'a dit, admettez que le jeu est absurde
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais parce que vous le voyez plus que moi !
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est en plus dangereux, parce qu'il décrédibilise l'action publique et moi je vous dis que l'action publique ce n'est pas une histoire
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que l'action publique n'est pas décrédibilisée quand un président de la République fait une promesse qu'il ne tient pas, je vous pose la question ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Attendez ! Il reste deux ans sur le quinquennat, comment pouvez-vous affirmer que le président de la République n'a pas tenu la promesse ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Eh bien nous verrons, alors nous verrons.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà ! Donc l'action publique n'est pas décrédibilisée, alors jusqu'au bout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allons jusqu'au bout ! La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs c'est contenu dans ce pro
CHRISTIANE TAUBIRA
Ça fera partie bien sûr de la réforme de l'ordonnance de 45
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fera partie ! Je rappelle que ce sont des mineurs récidivistes
CHRISTIANE TAUBIRA
C'est demandé par tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont des mineurs récidivistes 16 18 ans, on est bien d'accord qui sont concernés
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui ! Oui, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais on est bien d'accord aussi que les tribunaux correctionnels pour mineurs : 1) ça rapproche la justice des mineurs de la justice des majeurs, ce qui n'est pas logique dans l'ordonnance de 45 d'une part et, d'autre part, qui n'est pas conforme à une justice spécialisée pour les mineurs ; Mais 2) monsieur BOURDIN, il faut le dire très clairement, les tribunaux correctionnels pour mineurs ont pris des décisions, parce qu'ils ont été mis en place autour d'un discours archi-démagogique qui consistait à dire que les juges des enfants étaient laxistes et qu'ils ne prenaient pas de mesures sévères contre les mineurs récidivistes, les tribunaux correctionnels pour mineurs ont jugé 10 fois moins que les juges pour enfants - donc ils sont moins efficaces - et ils ont pris des décisions plus clémentes, monsieur BOURDIN, plus clémentes que les juges des enfants. D'accord ? Donc, la démagogie en politique nous ne la pratiquons pas. Nous voulons l'efficacité de la justice, nous voulons l'efficacité de la justice et nous nous en donnons les moyens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment seront jugés les mineurs multirécidivistes qui sont âgés de 16 à 18 ans ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ils seront jugés par un tribunal des enfants, c'était le cas avant ces fameux tribunaux correctionnels pour mineurs qui ont désorganisé les juridictions et même des chefs de juridiction qui ont accueilli cette réforme en pensant qu'elle allait améliorer les choses ont constaté que ça désorganisait les juridictions, que ça ne jugeait pas plus souvent que les tribunaux pour enfants et que ça ne jugeait pas plus sévèrement que les tribunaux pour enfants, donc c'est une démagogie imbécile qu'il faut sortir du texte. Les juges pour enfants et les tribunaux pour enfants montrent la sévérité nécessaire, simplement ils savent que la justice pour enfant ça doit s'accompagner d'éducation, ça doit s'accompagner de suivi, ça doit s'accompagner d'une attention qui fasse qu'on ne laisse pas les mineurs s'ancrer dans la délinquance ; et je vous rappelle que les mineurs interviennent, agissent pour 9,5 % du total des infractions, que 43 % sont des atteintes aux biens sans violence, il faut sortir des fantasmes, il faut regarder les chiffres et ce qui compte c'est que la justice des mineurs soit efficace de façon à éviter que même un seul mineur s'ancre dans la délinquance, c'est-à-dire que même lorsque nous avons des chiffres satisfaisants, ça fait une dizaine d'années que la délinquance des mineurs n'augmente pas - elle n'augmente pas et même lorsqu'elle baissera, monsieur BOURDIN, même lorsqu'elle baissera, nous resterons vigilants parce que même un seul mineur ne doit pas s'ancrer dans la délinquance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! J'ai d'autres questions et notamment, c'est Hervé GATTEGNO qui en parlait tout à l'heure, ce projet de loi sur la justice du XXIème siècle : numérisation des procédures, regroupement des juridictions sociales, réforme des tribunaux de commerce, ça aussi ça n'avance pas ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ah bon !
JEAN-JACQUES BOURDIN
On en est où de ce projet ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors monsieur GATTEGNO est familier de déclarations péremptoires sur des choses qu'il ignore totalement, monsieur GATTEGNO ne prend pas le temps de venir voir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où est-ce qu'il en est ce projet de loi ?
CHRISTIANE TAUBIRA
La justice du XXIème siècle elle est déjà en cours, pour deux raisons : la première c'est qu'il y a un ensemble, il y a un texte de loi ordinaire avec des dispositions effectivement il y a la justice commerciale et des dispositions qui ont été travaillées et qui sont claires, qui sont déjà dans le texte ; il y a ensuite, mais il n'y a pas que cela, il y a de l'action de groupe dans la justice du XXIème siècle, il y a toute une série de dispositions pour réorganiser les juridictions civiles, il y a une réforme de la justice sociale, nous allons faciliter l'accès à la justice sociale
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y a un projet de loi qui regroupe tout ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Bien sûr ! Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il en est où ce projet de loi ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il sera déposé en Conseil d'Etat dans les tous prochains jours ! Il y a, par ailleurs, un projet de loi organique
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin du mois ? Avant la fin du mois ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui ! Il est en instance d'être déposé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le projet de loi organique ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Aussi ! Il est complètement bouclé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ! Dans les prochains jours ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui ! Il est complètement bouclé depuis trois
JEAN-JACQUES BOURDIN
En conseil des ministres ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Depuis trois quatre mois. Mais après le Conseil d'Etat au conseil des de mesures réglementaires et nous avons déjà publié plus de six décrets, huit je crois, je vais être formelle entre six et huit décrets qui modernisent la justice civile, donc c'est toute une série de dispositions qui vont améliorer le fonctionnement de la justice civile. Mais en plus je vous informe que dans le cadre donc il y a déjà les décrets déjà publiés, il y a le texte de loi qui vient, il y a une modernisation qui se fait, par exemple vous savez que depuis déjà presque un an nous avons mis en place le service d'accueil unique qui permet au justiciable de s'adresser au site judiciaire qui est le proche de chez lui et d'effectuer là toutes les démarches qu'elles concernent le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance, le conseil des prud'hommes, quel que soit ce fait-là, le conseil de juridiction est déjà en expérimentation, l'équipe autour du magistrat est en expérimentation, donc la justice
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Donc, ça avance ?
CHRISTIAN TAUBIRA
Non seulement ça avance, c'est déjà en pratique et ce qui doit passer par la loi passera par la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christiane TAUBIRA, vous avez obtenu gain de cause dans la loi sur le renseignement, concernant l'administration pénitentiaire
CHRISTIANE TAUBIRA
Pas seulement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais là
CHRISTIANE TAUBIRA
Pas seulement, le contrôle juridictionnel aussi, est de la responsabilité du ministère. Le contrôle juridictionnel, notez Monsieur, deux éléments essentiels. Le premier c'est que vous admettez que le renseignement c'est un dispositif dérogatoire du droit commun, nous avons mis en place un dispositif juridictionnel de droit commun, c'est-à-dire qu'il était important d'éviter de faire une justice d'exception. Non seulement nous avons mis un dispositif juridictionnel de droit commun, avec des procédures y compris de référé, mais nous permettons à tout citoyen de saisir le Conseil d'Etat, nous avons, pour la première fois dans l'histoire de la France, permis que des magistrats soient habilités secret défense, première fois, c'est historique, et nous permettons qu'effectivement, sans préjudice de l'article 40 du Code de procédure pénale, qu'en cas d'infraction le juge pénal soit saisi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Intrusion dans la vie privée, disiez-vous, à propos de ce projet de loi renseignement.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais par nature, ce n'est pas moi qui le dis, par nature. Ce serait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il vous fait peur ? Franchement, est-ce qu'il vous inquiète ce projet de loi, sincèrement ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il serait hypocrite, Monsieur BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aimez parler vrai, est-ce qu'il vous inquiète ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais je ne fais que ça depuis 20 minutes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien tant mieux !
CHRISTIANE TAUBIRA
Et vous m'interrompez à loisir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous pose la question.
CHRISTIANE TAUBIRA
Laissez-moi vous dire je vous réponds.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il vous inquiète ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Je vous réponds. Il serait hypocrite de ne pas admettre que le renseignement en soi est une intrusion, mais par nature c'est une intrusion, simplement on fait semblant de ne pas le voir, ou on ne le dit pas. Moi, ministre de la Justice, je le dis, par nature c'est une activité qui entre dans la vie privée, c'est une activité qui met en cause la vie privée, la vie familiale .
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous fait peur ?
CHRISTIANE TAUBIRA
La violabilité de la correspondance et du domicile, d'accord ? Non, moi je ne passe pas mon temps à avoir peur. Je dis, est-ce que le renseignement est nécessaire ? Oui. Oui. A partir du moment où il est nécessaire, comment l'organise-t-on, de façon à ce que, d'une part il soit efficace, mais que d'autre part, nous préservions les libertés individuelles ? et c'est en ce sens qu'il faut veiller à l'efficacité, ce qui est la responsabilité du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Défense, de l'ensemble du gouvernement, et veiller à la préservation des libertés individuelles et des libertés publiques, et donc ce contrôle juridictionnel, dont je viens de parler, permet de préserver les libertés, et que chaque citoyen, même supposons simplement que peut-être il est surveillé, puisse saisir la justice et demander la vérification.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais parler des victimes, parce que je sais que vous avez envie d'en parler aussi. Assises nationales d'aide aux victimes, tout à l'heure, Christiane TAUBIRA, projet de loi prévoyant des actions de groupe. Prenez-nous un exemple concret pour que l'on comprenne bien de quoi il s'agit.
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, sur les victimes nous faisons beaucoup plus que ça, bien entendu, parce que nous avons complètement rénové la politique, nous l'avons mise en place en fait, une politique d'aide aux victimes, parce qu'elle n'était pas gouvernée, donc nous avons augmenté le budget, de façon très régulière, 26%, 8 %, 22 %, donc c'est très très important. Ensuite, nous avons ouvert des bureaux d'aide aux victimes dans tous les tribunaux de grande instance, nous avons lancé une expérimentation pour un suivi individualisé des victimes, nous avons amélioré, dans la réforme pénale par exemple, nous avons amélioré la contribution des auteurs d'infraction à la réparation auprès des victimes, nous avons instauré la justice restaurative, et nous organisons tous les ans une journée victimes au ministère de la Justice. Au-delà de ça, au-delà de ça, nous devons faciliter effectivement l'action collective des victimes, c'est-à-dire qu'il y a des infractions qui fragilisent profondément les victimes, il y a des infractions, c'est un auteur et puis voilà, il y a la justice, et puis il y a des infractions sérielles, en tout cas qui se répètent. Et nous créons l'action de groupe
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc projet de loi prévoyant les actions de groupe.
CHRISTIANE TAUBIRA
L'action de groupe, donc dans la réforme de la justice, qu'ignore totalement Monsieur GATTEGNO, nous créons l'action de groupe, et cette action de groupe permettra à des victimes de se mettre ensemble. Donc, nous mettons en place un socle procédural. Parce que, ce qui se passe, c'est que, dans notre droit, il y a, par-ci, par-là, la possibilité d'agir, simplement il y a des codes différents, et là la justice n'est pas efficace, elle n'est pas efficace parce qu'elle suppose que le magistrat connaisse tous les codes, et sache à chaque fois où se référer, que l'avocat sache pareil, et tout cela ça prend du temps. Il faut rendre les choses plus rationnelles. Donc, il y aura un socle procédural, d'abord avant même la justice il y a une étape de conciliation, parce que c'est mieux, c'est mieux d'essayer de régler les choses ensemble, et ensuite, si on n'y parvient pas, c'est la justice. La justice prend une décision, donc cette action collective elle permet de prendre une décision collective, mais elle permet aussi qu'individuellement, la juridiction prononce des formes de réparation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question
CHRISTIANE TAUBIRA
Déjà ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je suis déjà très en retard, est-ce que les enfants nés à l'étranger de mères porteuses doivent être inscrits à l'état civil ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, vous savez que je vais vous répondre avec précaution tout simplement parce que vous savez que, aujourd'hui même, la cour de cassation examine le sujet. Je vais vous répondre sur le principe. D'une part, la gestation pour autrui, parce que c'est ça le sujet
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est interdit en France.
CHRISTIANE TAUBIRA
La gestation pour autrui est absolument interdite en France, le président de la République, le Premier ministre, l'ont répété. D'autre part il y a des enfants qui sont nés, qui sont déjà nés, qui existent, qui sont vivants, qui rient, qui pleurent, qui jouent, vous savez, des vrais enfants, eh bien ceux-là, dans l'histoire-même du droit, récent j'admets, dans l'histoire-même du droit de ce pays, on a fini par admettre que les enfants n'ont pas à répondre de leur mode de conception. On a fini par admettre que les enfants adultérins n'avaient pas à payer l'adultère de leur père et qu'ils devaient avoir les mêmes droits que ceux qu'on appelait les enfants légitimes. Que les enfants naturels n'avaient pas à payer l'irresponsabilité d'un homme qui ne voulait pas prendre ses responsabilités familiales. D'accord ? Donc moi je reste convaincue que les enfants n'ont pas à répondre de leur mode de conception et qu'ils ont droit à leur état civil, qu'ils ont droit à leur identité reconnue dans les registres français. Merci Monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien c'était pas mal non ?
CHRISTIANE TAUBIRA
J'en conviens.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juin 2015