Texte intégral
Le Parlement est, dans notre République, le lieu symbolique où s'incarne la démocratie.
Chaque semaine, d'octobre à juin, pendant les neuf mois impartis à la session parlementaire, cette enceinte démocratique devient l'atelier à produire la loi qu'il appartient aux représentants de la nation de discuter et d'amender avant, comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, de la voter.
En tant qu'élus du peuple souverain, les membres du Parlement, députés et sénateurs, s'ils ne détiennent certes pas à eux seuls l'exclusivité du débat politique, n'en sont pas moins des acteurs décisifs - et décisionnels - dans le processus qui conduit à ce geste politique majeur que constitue en démocratie l'acte législatif. Car le rôle premier des Parlements est bien de prendre des décisions qui se traduisent dans l'ordre juridique sous la forme de règles à caractère général.
Le Parlement exerce d'autres fonctions : de contrôle de l'exécutif et d'expression de l'opinion, mais sa force réside d'abord dans son pouvoir législatif et dans l'instrument unique qui lui permet de l'exercer, la délibération. Délibérer c'est d'abord discuter en vue d'une décision à prendre. Cette décision résulte toujours d'un débat, d'un dialogue, d'une confrontation, autant de termes qui traduisent l'aspect collectif et surtout contradictoire de la délibération.
Pris dans un sens étroitement technique, le terme délibération ne désigne pas en droit parlementaire l'ensemble de la procédure mais seulement la phase constituée par la discussion et le vote d'un texte par une assemblée.
On doit cependant admettre, dans une acception plus large, que la délibération législative englobe l'ensemble de la démarche qui va du dépôt du projet ou de la proposition de loi jusqu'au vote final du texte.
L'exécutif n'est pas, en effet, la seule source du pouvoir législatif. Vous le savez, notre Constitution distingue entre les projets de loi d'origine gouvernementale et les propositions d'origine parlementaire. Celles-ci, peu nombreuses à devenir des lois définitives aux origines de la Vème République, ont pris peu à peu une place plus grande, grâce notamment à l'instauration des journées réservées à l'initiative parlementaire dans l'ordre du jour. Je préfère d'ailleurs cette expression à celle, plutôt désobligeante, de niches parlementaires. Cette réforme de 1995 a vu ses effets accrus sous la présidence de Laurent FABIUS, qui a décidé d'en doubler la fréquence, avec l'accord du Gouvernement qui a réduit d'autant l'ordre du jour prioritaire. Ainsi, depuis juin 1997, le Parlement a adopté 188 lois et un tiers d'entre elles sont d'origine parlementaire, ce qui est exceptionnel sous la Vème République.
Même dans l'élaboration des projets gouvernementaux, les députés peuvent intervenir. Bien sûr, d'abord dans la définition des programmes qu'une majorité mettra en uvre après les élections législatives.
C'est dans la déclaration de politique générale du Premier ministre que se trouve la principale source d'inspiration des projets de réforme, source actualisée lors des discours prononcés à l'occasion de grands rendez-vous politiques qui mettent en perspective le calendrier législatif ou annoncent de nouvelles initiatives.
Ces temps de cadrage politique sont précédées d'une étroite concertation avec les principaux acteurs de la majorité parlementaire. C'est ainsi que l'agenda politique est largement déterminé par les demandes des parlementaires. La pression des parlementaires de la majorité n'est pas négligeable sur les priorités à inscrire à l'ordre du jour.
Au cours de cette session, je relèverai comme exemples la discussion en première lecture de la réforme de la justice commerciale et celle des musées, toutes d'eux initiées par des missions d'information parlementaire.
Dans le processus d'examen législatif, on distingue deux phases, celle consacrée à l'instruction du texte et celle centrée autour de la discussion des articles et des votes successifs.
Plus obscure que le débat en séance publique, la phase d'instruction en commission est essentielle à un bon cheminement du texte dans les méandres parlementaires dans lesquels il peut lui arriver de s'abîmer, voire, dans le pire des cas, de se perdre. A cet égard, le rôle trop méconnu du rapporteur du projet ou de la proposition désigné par la commission compétente doit être souligné. L'apport des rapporteurs pour avis doit également être pris en compte. Le travail d'information, de documentation et de rédaction ainsi accompli avec l'assistance des administrateurs, de plus en plus spécialisés, de l'assemblée saisie se révèle souvent précieux dans la seconde phase de la procédure, celle de la discussion publique, nécessairement plus théâtrale et moins prévisible.
La répétition du débat en commission, puis en séance, et surtout les navettes entre l'Assemblée et le Sénat sont des facteurs de sagesse dans ce processus de décision collectif qu'est toujours la délibération législative.
Dans ce processus collectif, on ne saurait trop souligner l'importance des discussions au sein des groupes parlementaires, sollicités sur les points les plus sensibles d'un texte et appelés, le plus souvent par un vote interne, à arrêter la position que suivront les porte-parole de leur groupe en séance publique.
Les rencontres régulières qu'il m'appartient de susciter avec les chefs de file des groupes de la majorité plurielle contribuent à harmoniser les positions respectives des uns et des autres. On a pu constater récemment, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur la modernisation sociale à l'Assemblée nationale, l'importance que revêtait cette concertation.
Le Parlement fait-il trop de lois? La critique n'est pas nouvelle: il est devenu commun de dénoncer l'inflation législative. Avec parfois de bonnes raisons: il n'est pas injustifié de déplorer la dégradation de la loi au niveau réglementaire, le gonflement de certains textes par des dispositions inutiles ou superflues ou l'habillage législatif donné à des proclamations d'intention sans véritable valeur normative.
Ne faut-il pas y voir un travers de notre culture juridique à laquelle la distinction des articles 34 et 38 de la Constitution n'a pu remédier. Dans notre pays de droit écrit où le pouvoir politique est au cur de la construction de la norme juridique, la tentation est grande de s'en référer à la loi pour fixer les règles de l'organisation sociale.
Mais la critique relative à la pléthore législative serait davantage constructive si elle s'accompagnait de propositions de nature à y remédier. Ainsi, si le Parlement se voyait restituer la capacité d'adopter des résolutions - qui ne seraient pas des injonctions au gouvernement, comme sous la IVème République - liberté que détiennent la plupart des parlements des pays démocratiques, sans doute n'aurait-il pas été contraint, comme il l'a fait au cours de la présente session, de recourir à la loi pour exprimer sa reconnaissance du génocide arménien ou pour qualifier l'esclavage et la traite négrière de crimes contre l'humanité,
Or seules les questions relevant du champ communautaire européen peuvent faire l'objet aujourd'hui de résolutions de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
Il faut également prendre en compte le fait que la loi s'impose aujourd'hui dans des domaines où elle n'intervenait pas jusqu'à une date récente: ainsi, à l'obligation constitutionnelle de voter chaque année une loi de finances s'ajoute pour le Parlement, depuis 1997, l'obligation de même nature d'adopter une loi de financement de la sécurité sociale.
Certaines questions ont aussi échappé pendant très longtemps à toute initiative normative. Il en est ainsi, par exemple, de celles relatives à la bioéthique. Elles ont fait l'objet d'une législation d'ensemble pour la première fois en 1994, et le Parlement sera amené dans les prochains mois à en discuter à nouveau à partir du projet de loi présenté par le gouvernement le 20 juin au Conseil des ministres et dont l'objet est d'actualiser et de réviser les lois de 1994 en tenant compte du progrès des recherches médicales et scientifiques et de l'évolution des réflexions éthiques.
L'importance prise par la législation européenne et la nécessité de la transposer dans notre droit interne n'est pas non plus sans incidence sur l'alourdissement du travail législatif.
Dans un registre plus politique, force est de constater que le contenu des programmes des candidats aux plus hautes fonctions de la République est aujourd'hui, pour une large part, de nature législative. "Mes engagements sont devenus la charte de l'action gouvernementale (...). Ils sont devenus la charte de votre action législative" écrivait déjà le président François MITTERRAND, le 8 juillet 1981, dans son message au Parlement.
Pour ce qui concerne la présente législature, la plupart des engagements, au nombre d' une trentaine, pris par le Premier ministre, Lionel JOSPIN, le 19 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, ont été tenus au cours de ces quatre premières années.
Les quelques promesses non encore réalisées sont au programme de la prochaine session. Il n'est donc pas toujours exact d'affirmer qu'en politique les promesses n'engagent que ceux qui les entendent.
Dans certains cas, d'ailleurs, la responsabilité de la non-réalisation d'un élément du programme gouvernemental de 1997 ne doit pas être imputée au gouvernement lui-même.
L'exemple le plus marquant, à cet égard, reste celui de la réforme non aboutie du Conseil supérieur de la magistrature, le Président de la République, à qui revenait la décision, ayant décommandé, après l'avoir convoqué, le Congrès qui aurait dû adopter la révision constitutionnelle préalablement approuvée, dans leur Chambre respective, par les députés et les sénateurs.
Construction nouvelle et originale, la majorité plurielle issue des urnes en 1997 n'a jamais remis en cause, en quatre années d'exercice du pouvoir, le principe du fait majoritaire au prix de quelques " coups de chaud ". Cette stabilité exceptionnelle entretenue et maintenue grâce à un dialogue politique constant avec les différentes composantes de la majorité, doit être soulignée.
Avant de conclure, je veux insister sur un point qui est la contribution des parlementaires à l'oeuvre législative, car les parlementaires ont parfois tendance à minorer leur propre apport normatif.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, l'initiative parlementaire est à l'origine du tiers des lois votées depuis quatre ans.
Cette évolution est aussi la conséquence de la volonté du Gouvernement qui en inscrivant des textes d'origine parlementaire à l'ordre du jour prioritaire a permis leur aboutissement.
Au cours de la présente session, je veux ainsi mentionner l'adoption définitive de deux propositions de loi d'origine socialiste , l'une relative à la contraception d'urgence, l'autre relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Un autre texte, en cours de discussion, et dont l'adoption définitive devrait intervenir d'ici à la fin de l'année, mérite aussi attention: il s'agit de la proposition qui améliore les droits du conjoint survivant.
Ces textes, qui touchent à des questions sociales ou éthiques sensibles, ont pour point commun d'ouvrir de nouveaux espaces de liberté. Généralement bien perçus par l'opinion, ils répondent à une véritable attente de la société.
La décision parlementaire se doit parfois de rechercher le consensus. Soit il s'agit d'une obligation juridique, parce que le texte requiert l'accord des deux assemblées pour être adopté : c'est le cas de la proposition de loi modifiant l'ordonnance budgétaire de 1959. Grâce aux efforts conjugués des deux Chambres, ce texte considéré comme la Constitution budgétaire de la République est en passe d'être adopté après plusieurs dizaines de tentatives infructueuses.
Soit la volonté de faire aboutir une réforme est politique. Je veux prendre comme exemple le travail conjoint mené par le sénateur ABOUT et la députée Catherine PICARD sur la proposition de loi en faveur de la prévention et de la répression des groupements sectaires, le Parlement a adopté un texte qui permettra d'éviter des excès graves à l'encontre du principe même de la liberté de pensée.
Ma conclusion sera pour dire que, si l'on doit se féliciter, au regard d'un meilleur équilibre des pouvoirs, de l'accroissement des fonctions d'interrogation et de contrôle de l'activité gouvernementale par le Parlement, le noyau dur du travail des assemblées reste la délibération législative. Porteurs de la volonté générale, les élus du peuple disposent de ce pouvoir unique qui consiste à faire la loi, autrement dit à constituer pierre à pierre le droit dans notre pays.
En se refusant depuis quatre ans à recourir aux diverses procédures de contrainte à sa disposition pour forcer la décision des assemblées, le gouvernement auquel j'appartiens a démontré le rôle éminent qu'il leur reconnaît dans le débat démocratique et le processus de décision politique.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 août 2001)
Chaque semaine, d'octobre à juin, pendant les neuf mois impartis à la session parlementaire, cette enceinte démocratique devient l'atelier à produire la loi qu'il appartient aux représentants de la nation de discuter et d'amender avant, comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, de la voter.
En tant qu'élus du peuple souverain, les membres du Parlement, députés et sénateurs, s'ils ne détiennent certes pas à eux seuls l'exclusivité du débat politique, n'en sont pas moins des acteurs décisifs - et décisionnels - dans le processus qui conduit à ce geste politique majeur que constitue en démocratie l'acte législatif. Car le rôle premier des Parlements est bien de prendre des décisions qui se traduisent dans l'ordre juridique sous la forme de règles à caractère général.
Le Parlement exerce d'autres fonctions : de contrôle de l'exécutif et d'expression de l'opinion, mais sa force réside d'abord dans son pouvoir législatif et dans l'instrument unique qui lui permet de l'exercer, la délibération. Délibérer c'est d'abord discuter en vue d'une décision à prendre. Cette décision résulte toujours d'un débat, d'un dialogue, d'une confrontation, autant de termes qui traduisent l'aspect collectif et surtout contradictoire de la délibération.
Pris dans un sens étroitement technique, le terme délibération ne désigne pas en droit parlementaire l'ensemble de la procédure mais seulement la phase constituée par la discussion et le vote d'un texte par une assemblée.
On doit cependant admettre, dans une acception plus large, que la délibération législative englobe l'ensemble de la démarche qui va du dépôt du projet ou de la proposition de loi jusqu'au vote final du texte.
L'exécutif n'est pas, en effet, la seule source du pouvoir législatif. Vous le savez, notre Constitution distingue entre les projets de loi d'origine gouvernementale et les propositions d'origine parlementaire. Celles-ci, peu nombreuses à devenir des lois définitives aux origines de la Vème République, ont pris peu à peu une place plus grande, grâce notamment à l'instauration des journées réservées à l'initiative parlementaire dans l'ordre du jour. Je préfère d'ailleurs cette expression à celle, plutôt désobligeante, de niches parlementaires. Cette réforme de 1995 a vu ses effets accrus sous la présidence de Laurent FABIUS, qui a décidé d'en doubler la fréquence, avec l'accord du Gouvernement qui a réduit d'autant l'ordre du jour prioritaire. Ainsi, depuis juin 1997, le Parlement a adopté 188 lois et un tiers d'entre elles sont d'origine parlementaire, ce qui est exceptionnel sous la Vème République.
Même dans l'élaboration des projets gouvernementaux, les députés peuvent intervenir. Bien sûr, d'abord dans la définition des programmes qu'une majorité mettra en uvre après les élections législatives.
C'est dans la déclaration de politique générale du Premier ministre que se trouve la principale source d'inspiration des projets de réforme, source actualisée lors des discours prononcés à l'occasion de grands rendez-vous politiques qui mettent en perspective le calendrier législatif ou annoncent de nouvelles initiatives.
Ces temps de cadrage politique sont précédées d'une étroite concertation avec les principaux acteurs de la majorité parlementaire. C'est ainsi que l'agenda politique est largement déterminé par les demandes des parlementaires. La pression des parlementaires de la majorité n'est pas négligeable sur les priorités à inscrire à l'ordre du jour.
Au cours de cette session, je relèverai comme exemples la discussion en première lecture de la réforme de la justice commerciale et celle des musées, toutes d'eux initiées par des missions d'information parlementaire.
Dans le processus d'examen législatif, on distingue deux phases, celle consacrée à l'instruction du texte et celle centrée autour de la discussion des articles et des votes successifs.
Plus obscure que le débat en séance publique, la phase d'instruction en commission est essentielle à un bon cheminement du texte dans les méandres parlementaires dans lesquels il peut lui arriver de s'abîmer, voire, dans le pire des cas, de se perdre. A cet égard, le rôle trop méconnu du rapporteur du projet ou de la proposition désigné par la commission compétente doit être souligné. L'apport des rapporteurs pour avis doit également être pris en compte. Le travail d'information, de documentation et de rédaction ainsi accompli avec l'assistance des administrateurs, de plus en plus spécialisés, de l'assemblée saisie se révèle souvent précieux dans la seconde phase de la procédure, celle de la discussion publique, nécessairement plus théâtrale et moins prévisible.
La répétition du débat en commission, puis en séance, et surtout les navettes entre l'Assemblée et le Sénat sont des facteurs de sagesse dans ce processus de décision collectif qu'est toujours la délibération législative.
Dans ce processus collectif, on ne saurait trop souligner l'importance des discussions au sein des groupes parlementaires, sollicités sur les points les plus sensibles d'un texte et appelés, le plus souvent par un vote interne, à arrêter la position que suivront les porte-parole de leur groupe en séance publique.
Les rencontres régulières qu'il m'appartient de susciter avec les chefs de file des groupes de la majorité plurielle contribuent à harmoniser les positions respectives des uns et des autres. On a pu constater récemment, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur la modernisation sociale à l'Assemblée nationale, l'importance que revêtait cette concertation.
Le Parlement fait-il trop de lois? La critique n'est pas nouvelle: il est devenu commun de dénoncer l'inflation législative. Avec parfois de bonnes raisons: il n'est pas injustifié de déplorer la dégradation de la loi au niveau réglementaire, le gonflement de certains textes par des dispositions inutiles ou superflues ou l'habillage législatif donné à des proclamations d'intention sans véritable valeur normative.
Ne faut-il pas y voir un travers de notre culture juridique à laquelle la distinction des articles 34 et 38 de la Constitution n'a pu remédier. Dans notre pays de droit écrit où le pouvoir politique est au cur de la construction de la norme juridique, la tentation est grande de s'en référer à la loi pour fixer les règles de l'organisation sociale.
Mais la critique relative à la pléthore législative serait davantage constructive si elle s'accompagnait de propositions de nature à y remédier. Ainsi, si le Parlement se voyait restituer la capacité d'adopter des résolutions - qui ne seraient pas des injonctions au gouvernement, comme sous la IVème République - liberté que détiennent la plupart des parlements des pays démocratiques, sans doute n'aurait-il pas été contraint, comme il l'a fait au cours de la présente session, de recourir à la loi pour exprimer sa reconnaissance du génocide arménien ou pour qualifier l'esclavage et la traite négrière de crimes contre l'humanité,
Or seules les questions relevant du champ communautaire européen peuvent faire l'objet aujourd'hui de résolutions de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
Il faut également prendre en compte le fait que la loi s'impose aujourd'hui dans des domaines où elle n'intervenait pas jusqu'à une date récente: ainsi, à l'obligation constitutionnelle de voter chaque année une loi de finances s'ajoute pour le Parlement, depuis 1997, l'obligation de même nature d'adopter une loi de financement de la sécurité sociale.
Certaines questions ont aussi échappé pendant très longtemps à toute initiative normative. Il en est ainsi, par exemple, de celles relatives à la bioéthique. Elles ont fait l'objet d'une législation d'ensemble pour la première fois en 1994, et le Parlement sera amené dans les prochains mois à en discuter à nouveau à partir du projet de loi présenté par le gouvernement le 20 juin au Conseil des ministres et dont l'objet est d'actualiser et de réviser les lois de 1994 en tenant compte du progrès des recherches médicales et scientifiques et de l'évolution des réflexions éthiques.
L'importance prise par la législation européenne et la nécessité de la transposer dans notre droit interne n'est pas non plus sans incidence sur l'alourdissement du travail législatif.
Dans un registre plus politique, force est de constater que le contenu des programmes des candidats aux plus hautes fonctions de la République est aujourd'hui, pour une large part, de nature législative. "Mes engagements sont devenus la charte de l'action gouvernementale (...). Ils sont devenus la charte de votre action législative" écrivait déjà le président François MITTERRAND, le 8 juillet 1981, dans son message au Parlement.
Pour ce qui concerne la présente législature, la plupart des engagements, au nombre d' une trentaine, pris par le Premier ministre, Lionel JOSPIN, le 19 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, ont été tenus au cours de ces quatre premières années.
Les quelques promesses non encore réalisées sont au programme de la prochaine session. Il n'est donc pas toujours exact d'affirmer qu'en politique les promesses n'engagent que ceux qui les entendent.
Dans certains cas, d'ailleurs, la responsabilité de la non-réalisation d'un élément du programme gouvernemental de 1997 ne doit pas être imputée au gouvernement lui-même.
L'exemple le plus marquant, à cet égard, reste celui de la réforme non aboutie du Conseil supérieur de la magistrature, le Président de la République, à qui revenait la décision, ayant décommandé, après l'avoir convoqué, le Congrès qui aurait dû adopter la révision constitutionnelle préalablement approuvée, dans leur Chambre respective, par les députés et les sénateurs.
Construction nouvelle et originale, la majorité plurielle issue des urnes en 1997 n'a jamais remis en cause, en quatre années d'exercice du pouvoir, le principe du fait majoritaire au prix de quelques " coups de chaud ". Cette stabilité exceptionnelle entretenue et maintenue grâce à un dialogue politique constant avec les différentes composantes de la majorité, doit être soulignée.
Avant de conclure, je veux insister sur un point qui est la contribution des parlementaires à l'oeuvre législative, car les parlementaires ont parfois tendance à minorer leur propre apport normatif.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, l'initiative parlementaire est à l'origine du tiers des lois votées depuis quatre ans.
Cette évolution est aussi la conséquence de la volonté du Gouvernement qui en inscrivant des textes d'origine parlementaire à l'ordre du jour prioritaire a permis leur aboutissement.
Au cours de la présente session, je veux ainsi mentionner l'adoption définitive de deux propositions de loi d'origine socialiste , l'une relative à la contraception d'urgence, l'autre relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Un autre texte, en cours de discussion, et dont l'adoption définitive devrait intervenir d'ici à la fin de l'année, mérite aussi attention: il s'agit de la proposition qui améliore les droits du conjoint survivant.
Ces textes, qui touchent à des questions sociales ou éthiques sensibles, ont pour point commun d'ouvrir de nouveaux espaces de liberté. Généralement bien perçus par l'opinion, ils répondent à une véritable attente de la société.
La décision parlementaire se doit parfois de rechercher le consensus. Soit il s'agit d'une obligation juridique, parce que le texte requiert l'accord des deux assemblées pour être adopté : c'est le cas de la proposition de loi modifiant l'ordonnance budgétaire de 1959. Grâce aux efforts conjugués des deux Chambres, ce texte considéré comme la Constitution budgétaire de la République est en passe d'être adopté après plusieurs dizaines de tentatives infructueuses.
Soit la volonté de faire aboutir une réforme est politique. Je veux prendre comme exemple le travail conjoint mené par le sénateur ABOUT et la députée Catherine PICARD sur la proposition de loi en faveur de la prévention et de la répression des groupements sectaires, le Parlement a adopté un texte qui permettra d'éviter des excès graves à l'encontre du principe même de la liberté de pensée.
Ma conclusion sera pour dire que, si l'on doit se féliciter, au regard d'un meilleur équilibre des pouvoirs, de l'accroissement des fonctions d'interrogation et de contrôle de l'activité gouvernementale par le Parlement, le noyau dur du travail des assemblées reste la délibération législative. Porteurs de la volonté générale, les élus du peuple disposent de ce pouvoir unique qui consiste à faire la loi, autrement dit à constituer pierre à pierre le droit dans notre pays.
En se refusant depuis quatre ans à recourir aux diverses procédures de contrainte à sa disposition pour forcer la décision des assemblées, le gouvernement auquel j'appartiens a démontré le rôle éminent qu'il leur reconnaît dans le débat démocratique et le processus de décision politique.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 août 2001)