Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Députés,
L'Europe fait face à une crise migratoire d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. Cette crise est la conséquence des déséquilibres et des désordres qui traversent le monde : les conflits ouverts ou larvés en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Érythrée ou au Soudan, les États qui s'effondrent - je pense notamment à la Libye - ou les dérèglements climatiques et leurs conséquences - inondations, sécheresse et, par conséquent, diminution des terres cultivables. Il y a enfin les conditions de vie difficiles : la misère, la faim, la maladie, qui poussent tant d'individus à partir vers un ailleurs plus prometteur, et majoritairement, je veux le rappeler ici, de pays du Sud vers d'autres pays du Sud.
Cette crise migratoire - la plus forte, en Europe, depuis la Seconde guerre mondiale - met l'Union européenne face à une responsabilité historique. Elle exige également que la France soit à la hauteur de son rang, à la hauteur de son histoire. Saisis par la violence des faits, par la dureté des images et par l'émotion - nous avons tous en tête, cela a encore été rappelé hier, l'image d'Aylan, et je pourrais parler de toutes les autres victimes, celles que l'on ne voit pas, tels les vingt-deux morts dans un naufrage en Turquie hier -, notre pays, me semble-t-il, a démontré une fois de plus qu'il est capable du meilleur. Il y a la mobilisation des dernières semaines, j'y reviendrai ; mais, bien avant cela, le président de la République et le gouvernement avaient pris la mesure de ce défi, et nous avons agi avec méthode.
La France, fidèle à ses valeurs, sait qui elle est. Elle regarde la situation avec une très grande lucidité. La question des réfugiés, parce qu'elle touche à des vies, à des destins, à des espoirs, oblige à la lucidité et oblige à la rectitude.
Le droit d'asile, Mesdames et Messieurs les Députés, est un droit fondamental, qui puise sa source dans notre histoire, dans nos engagements internationaux et dans nos obligations communautaires. Il est de la vocation de la France d'accueillir celui ou celle qui est persécuté pour ses idées ou exposé à des risques pour son intégrité. Le Gouvernement français, quelles que soient les circonstances, ne remettra pas, ne remettra jamais en cause ce droit qui est son honneur et constitue une référence de liberté pour tous ceux qui, à travers le monde, subissent la violence ou l'oppression. L'émotion peut soulever des montagnes : nous la ressentons et elle nous donne de la force. Mais elle ne peut être le seul guide de l'action publique.
Ce que nous devons à ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions, ce ne sont pas seulement les bons sentiments - qui d'ailleurs peuvent toujours se retourner au gré des circonstances. Nous devons agir en suivant des principes : humanité et solidarité, mais aussi sérieux et maîtrise.
Il faut du coeur, bien sûr, mais un coeur intelligent, un coeur ferme et un coeur lucide. Et la lucidité, devant la représentation nationale - et, à travers elle, devant les Français -, c'est d'abord nommer et décrire les situations avec précision.
Le nombre des entrées irrégulières dans l'espace Schengen a augmenté, en deux ans, de façon spectaculaire. En 2014, c'est essentiellement l'Italie qui était le point d'attention majeure, avec 170 000 entrées irrégulières, soit 60% du total européen.
Depuis le début de l'année, alors que les entrées par la voie italienne, principalement en provenance de la Libye, diminuent légèrement, deux routes nouvelles, massivement empruntées, viennent s'ajouter : l'une en provenance des Balkans, avec un volume multiplié par quinze ; l'autre en provenance de la Turquie, empruntée par des Syriens, des Irakiens et des Afghans. À compter de la mi-juillet, ce dernier flux s'est brutalement intensifié ; il a été multiplié par dix par rapport à 2014. En tout, on compte ainsi 230 000 entrées depuis janvier.
Hier, l'agence Frontex estimait à 500 000 le nombre d'entrées irrégulières, en huit mois, à la frontière extérieure de l'Union. Bien sûr, les pays européens sont affectés très différemment, d'abord en fonction de la géographie. L'Allemagne l'est beaucoup : on parle d'un million d'arrivées possibles, après les 400 000 déjà dénombrées en 2014. La situation de la France est, à ce stade, totalement différente, avec une demande d'asile pratiquement stable, autour de 65 000, avec même une légère baisse en 2014. Mais il n'en reste pas moins qu'une incroyable pression pèse sur le continent tout entier.
La lucidité, c'est aussi d'analyser ces flux, de poser le bon diagnostic pour agir comme il se doit. Il y a les réfugiés qui viennent de Syrie, d'Irak, d'Érythrée, du Soudan, et qui ont besoin de protection.
Il y a aussi les migrants qui ne relèvent pas du statut de réfugiés. Ils proviennent, par exemple, des Balkans - Albanie ou Kosovo -, donc de pays sûrs, voisins de l'Union. Ils proviennent aussi d'Afrique de l'Ouest. Ces migrants entrent, pour une immense majorité, dans l'immigration irrégulière. La vérité est là, elle nous oblige. Il faut le rappeler : ils doivent retourner dans leur pays d'origine, dans le respect des personnes et du droit, mais avec fermeté. Sinon, nous mettrions en cause le principe même du droit d'asile.
Je sais que certains proposent de créer un nouveau statut reconnu aux seuls réfugiés fuyant la guerre et qui durerait le temps du conflit. J'examine toute proposition avec intérêt. Mais quel est donc ce besoin de créer quelque chose qui existe déjà, qu'il s'agisse de la protection temporaire européenne ou de la protection subsidiaire prévue par le droit français ?
Ceux qui pensent faire par ce biais échec au droit d'asile se trompent. Qu'ils relisent la directive européenne en question ! Moi, je l'ai fait. Octroyer une protection temporaire ne prive en en aucun cas du droit de demander l'asile. Et ceux qui l'obtiendront - c'est cela, l'asile - pourront décider de rester parce qu'ils ont fait leur vie ici ou de rentrer dans leur pays d'origine quand les conditions le permettront. Il ne faut pas semer la confusion dans ce débat, qui mérite de la clarté.
Une fois encore : il faut de la lucidité, de la méthode, du sérieux car, face aux vies brisées, aux images qui giflent nos consciences, face au nombre, il y a, nous le savons, chez nos compatriotes, un malaise, une inquiétude, un sentiment de désordre - encore ces derniers jours. Or, le désordre du monde c'est, trop souvent, le désordre des messages et des positions. Et le désordre des positions, c'est le désordre des valeurs, au point que certains en sont venus à vouloir - comment pouvions-nous l'accepter ? - trier en fonction des religions, entre les chrétiens et les musulmans. Ce n'est pas cela, la France ! Ce n'est pas cela, le droit à l'asile !
La France doit rester, aux yeux du monde, ce phare qui ne vacille pas au coeur de la tempête, qui ne se laisse pas aller à la tentation de l'aveuglement, à la facilité. Certains nous disent : «Il faut tout fermer». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réfugiés qui meurent à nos portes. D'autres disent, à l'inverse : «Il faut tout ouvrir». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réalités et les difficultés de la société française. Mon devoir, celui du gouvernement, c'est d'être lucide car nous sommes aux responsabilités, nous gouvernons. Notre devoir, c'est d'agir, avec méthode, et d'abord sur la scène internationale.
Nous intervenons militairement en Afrique, en Irak, en Syrie. Nous luttons contre la barbarie pour venir en aide aux peuples, pour restaurer la paix. Je l'ai dit hier à cette tribune et tous l'ont dit : nos armées, notre diplomatie, sous la conduite du chef de l'État, sont pleinement mobilisées car, nous le savons, la solution à la crise de réfugiés est d'abord là-bas !
Mais la solution est aussi européenne. Dès août 2014 - il est important de le rappeler car il faut de la mémoire dans un débat -, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, à la demande du président de la République, se rendant dans plusieurs capitales européennes, invitait l'Europe à prendre des mesures devant l'aggravation de la situation migratoire. Non pas en août 2015, mais en août 2014 ! Nous avions alors proposé une feuille de route reprenant nos principes d'humanité, de solidarité, de maîtrise, de fermeté. Cette feuille de route, pour la première fois, proposait une solution globale, traitant de l'ensemble des sujets.
D'abord, le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne - c'est évidemment le point essentiel - par le renforcement des actions de Frontex en Méditerranée, qui se sont progressivement substituées à l'opération italienne Mare Nostrum. Car Mare Nostrum fut une opération courageuse initiée par la seule Italie pour sauver des vies, mais qui s'est traduite à la fois, vous le savez, par davantage de sauvetages mais aussi davantage de morts, les passeurs ayant pris prétexte des sauvetages en mer pour intensifier leur funeste trafic. Le contrôle des frontières extérieures passe également par la mise en place d'une meilleure identification, dans le respect du règlement de Dublin - j'insiste sur ce respect -, des personnes susceptibles de bénéficier d'une protection internationale. Enfin, je le répète, il passe par une politique active de retour pour celles qui n'y sont pas éligibles.
Deuxième volet de cette même feuille de route : la lutte déterminée contre les filières d'immigration clandestine, contre les passeurs, les trafiquants - l'un d'entre vous les qualifiait d'esclavagistes des temps modernes.
Troisième volet : le renforcement de la coopération de l'Union européenne avec les pays d'origine, ainsi qu'avec les pays de transit, pour stabiliser les populations, pour les aider à contrôler leurs frontières et pour apporter, bien sûr, l'aide humanitaire nécessaire.
Cette feuille de route que nous avions proposée a beaucoup contribué à la politique décidée par l'Union européenne. Elle a été formalisée, en particulier, dans l'agenda européen pour les migrations du 13 mai dernier. Depuis, notre position, malgré le contexte d'émotion, de tumulte et de débats, n'a pas changé. Mais là aussi, nous devons la vérité. Nous pouvons regretter que la prise de conscience de la France, son action et ses propositions n'aient pas été assez partagées, notamment lors du dernier Conseil européen, en juin.
C'est enfin au plan intérieur que nous devons agir. Nous avons réformé l'asile. Personne ne l'avait fait à ce niveau. La situation - et tout le monde partageait ce constat - n'était plus tenable : la demande avait augmenté de 73% entre 2008 et 2012. Nous avons voulu réduire les délais, passer de 24 à 9 mois pour statuer sur les demandes, afin de désengorger nos capacités d'accueil, pour rétablir une procédure plus efficace et plus digne. Cela veut dire aussi que les déboutés du droit d'asile doivent être reconduits dans leur pays d'origine, ce qui se fait peu depuis très longtemps.
Cette loi, présentée par Bernard Cazeneuve, a fait l'objet d'un large travail de préparation, grâce, notamment, à la concertation nationale bipartisane que j'ai organisée, non pas en 2015, ni en 2014, mais en 2013, comme ministre de l'intérieur, autour de la sénatrice UDI Valérie Létard et du député socialiste Jean-Louis Touraine. Cette loi a fait l'objet d'un accord, en commission mixte paritaire, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à avancer ensemble sur ces sujets car ensemble la représentation nationale, donc la France, sont plus fortes pour rallier l'Europe à nos positions.
Vous avez également adopté, en première lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers, complément nécessaire à la réforme de l'asile. Vous en débattrez de nouveau cet automne. Son but, c'est de restaurer l'attractivité de la France pour les talents internationaux, par la mise en place de titres de séjours pluriannuels. Mais c'est aussi de rendre plus efficace encore la lutte contre l'immigration irrégulière, dans toutes ses dimensions : fraudes documentaires, détournement de procédure, filières d'immigration clandestine.
Sans attendre l'entrée en vigueur de cette loi, le gouvernement a intensifié les efforts contre les filières. Bernard Cazeneuve a souvent rappelé les chiffres, ces derniers jours : 177 d'entre elles ont été démantelées depuis le début de l'année, représentant plus de 3.300 individus, contre 1.800 en Allemagne pendant la même période. À Calais - cela a été évoqué cet après-midi -, les effectifs des forces de l'ordre ont été multipliés par cinq en trois ans.
Depuis le mois de juin, 42 000 interpellations ont été effectuées. Il faut poursuivre ce travail car nous connaissons les difficultés. Un accord a été passé avec la Grande-Bretagne, qui contribuera, Bernard Cazeneuve le rappelait il y a un instant, à hauteur de 35 millions d'euros, afin de sécuriser les infrastructures de transport et de soutenir l'accompagnement humanitaire des plus vulnérables des migrants. Cet engagement du Royaume-Uni vient ainsi rééquilibrer les accords du Touquet.
À Menton et dans les Alpes-Maritimes, où je me suis rendu dès le 16 mai, comme l'a fait régulièrement le ministre de l'intérieur, les contrôles ont été renforcés, dans le respect des accords de Schengen. En huit mois, 20.450 individus ont été interpellés.
Cette fermeté paie : malgré le contexte, les flux à Menton sont stabilisés. Mais nous n'ignorons rien des défis qu'il reste à relever.
Nous avons déjà rétabli, ce printemps, des contrôles temporaires à cette frontière. Et nous n'hésiterons pas à le faire de nouveau comme les règles de Schengen le permettent à chaque fois que les circonstances l'imposent, si c'est nécessaire dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines. Je sais combien cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière est exigeante et mobilise les forces de l'ordre et les fonctionnaires des préfectures - je veux leur rendre hommage. En 2014, 15 000 éloignements forcés ont été réalisés et ce chiffre devrait être porté à 16 000 en 2015. Les retours forcés vers les pays n'appartenant pas à l'Union européenne sont les plus difficiles car, vous le savez, rien n'est facile dans ce domaine - le ministre de l'intérieur pourrait d'ailleurs rappeler le nombre de retours en avion organisés depuis Calais. Mais ces retours ont augmenté de 40% en 2014. C'est un effort sans précédent. Il est indispensable si nous voulons mettre en oeuvre une politique migratoire soutenable et si nous voulons préserver le droit d'asile.
Compte tenu de cette nouvelle charge qui pèse sur les services et pour ne pas affaiblir les dispositifs liés à la lutte contre le terrorisme et la délinquance, nous avons donc décidé, sur proposition du ministre de l'intérieur, de renforcer les effectifs de police et de gendarmerie, notamment la police aux frontières, à hauteur de 900 personnels. En tout, ce sont, Mesdames, Messieurs les Députés, 5 330 postes supplémentaires - rappelez-vous de ce chiffre - dans la police et la gendarmerie qui ont été créés depuis 2012. Nous assurons, nous, la sécurité de nos compatriotes.
Oui, nous agissons avec méthode dans tous les domaines. Je veux rappeler la présentation en juin, par Bernard Cazeneuve et la ministre du logement, Sylvia Pinel, du plan migrants. Il prévoit la création de places supplémentaires d'accueil : 4 000 pour des demandeurs d'asile et 5 500 pour répondre à l'urgence de ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié mais qui demeurent dans une situation précaire. Toutes ces places s'ajoutent à une capacité exceptionnelle de mise à l'abri de 1 500 personnes.
Il nous faut aujourd'hui aller plus loin, mobiliser très rapidement, dès le mois d'octobre, les moyens nécessaires. Le ministre de l'intérieur l'a indiqué samedi dernier devant les maires : d'ici 2017, une aide de 1 000 euros par place d'hébergement créée sera attribuée aux communes et intercommunalités qui participeront à l'effort de solidarité. Ce soutien exceptionnel vient en complément de la politique d'hébergement, qui relève, elle, de l'État. Et je veux saluer ici l'ensemble des élus qui se sont mobilisés, partout sur le territoire, dans un esprit républicain, pour donner corps à cet élan de solidarité. Monsieur le Ministre de l'intérieur, la réunion de samedi dernier à la Maison de la chimie avec tous les maires qui représentaient les territoires de la République montrait elle aussi un beau visage de la France.
Je veux aussi saluer le monde associatif, les organisations non gouvernementales ?ONG -, les cultes, que nous avons reçus, les bailleurs sociaux, qui se sont mobilisés. Et bien sûr, je n'oublie pas - nous en avons tous les jours des témoignages -, ces citoyens qui s'engagent de manière désintéressée et qui se portent volontaires pour l'accueil des réfugiés. Je veux que nous retenions de ce moment cet engagement de nos compatriotes, parce que c'est cela, aussi, le visage de la France.
Au total, ce sont 279 millions d'euros qui seront mobilisés d'ici à la fin de 2016 au titre du premier accueil, de l'hébergement d'urgence, de l'aide forfaitaire aux communes. Ils seront mobilisés aussi pour renforcer les effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA -, que nous n'avons eu de cesse d'augmenter depuis 2012, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration -OFII - mais aussi de l'Éducation nationale, qui doit assurer l'accueil des élèves et des parents, l'apprentissage du français et la transmission de nos valeurs républicaines. La solidarité, c'est garantir un accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile. Mais, j'en prends l'engagement devant vous, cette solidarité - et ce point est très important pour nos compatriotes - ne pourra pas dégrader la situation de celles et ceux de nos concitoyens qui ont besoin d'être aidés, qui ont besoin de la solidarité nationale. En effet, nous entendons déjà le débat qui peut s'ouvrir : nous agirions pour ceux qui viennent d'arriver mais non pour ceux qui sont en difficulté depuis longtemps. Ce débat peut créer des fractures nouvelles où s'engouffreront tous les populismes et la démagogie.
Mettre en lumière une situation d'urgence, ce n'est pas renvoyer dans l'ombre tous les autres. On ne peut pas un jour porter sur les fractures de notre société un diagnostic sans concessions - nous l'avons fait, ici même, dans cet hémicycle, le 13 janvier dernier - et le lendemain oublier cette priorité.
À nous, donc, de veiller à ce que chacun soit accompagné comme il doit l'être. Aussi, au cours des douze prochains mois, les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale augmenteront de 250 millions d'euros dont 130 seront disponibles dès le mois prochain, car nous devons appliquer ces principes de solidarité.
Cette solidarité envers les réfugiés s'inscrit dans le cadre d'une politique migratoire globale qui ne perd pas de vue ces objectifs et qui prend en compte la réalité de la France, sa démographie comme sa situation économique.
Le visage de la France changera-t-il ? Ce n'est pas de cela dont il est question. Ce que nous voulons, c'est que la France reste à la hauteur de ce qu'elle est, qu'elle reste fidèle au message d'accueil pour les réfugiés qu'elle a toujours porté, tout en étant capable de maintenir et de consolider la cohésion nationale, la cohésion sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés, ce gouvernement agit avec lucidité, méthode et fermeté. Mais j'y reviens : tout ce que nous faisons n'aura de sens que si l'Europe parvient à trouver et à mettre en oeuvre des solutions efficaces et durables : tel est le sens des propositions que portent le président de la République et la chancelière allemande et nos deux pays.
Je veux y insister, car l'actualité le commande : pour nous, il y a de la constance, notamment dans nos rapports avec l'Allemagne. Ce que fait l'Allemagne n'est pas un jour extraordinaire, et, un autre, mauvais pour l'Europe.
Telle est la force de la France : la constance et l'engagement qui est celui du président de la République.
Face aux flux qui ne cessent de croître, je dis avec gravité que l'Europe, peut-être plus que jamais dans son histoire, doit être capable de trouver les solutions adaptées et coordonnées qui permettent d'anticiper l'événement au lieu de le subir. Nous sommes vingt-huit États : chacun a son histoire, sa culture et sa géographie. Nous appréhendons nécessairement les choses de manière différente et - ce n'est pas nouveau - il peut y avoir des divisions : le Conseil justice et affaires intérieures du 14 septembre l'a montré.
Mais l'Europe doit parvenir à dépasser ses divisions. Elle se trouve face à son destin, et peut sortir de l'histoire. Chacun mesure, de nouveau, la gravité du moment que nous vivons. Nous devons donc faire preuve d'audace et d'imagination pour combler les lacunes qui apparaissent sous nos yeux.
J'en donnerai deux exemples précis : le premier a trait à nos politiques d'asile, qui sont aujourd'hui trop disparates d'un pays à l'autre. Les filières d'immigration clandestine en profitent.
Second exemple : nos frontières externes doivent être tenues, et tenues collectivement.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui comme depuis de nombreuses années : la situation de la Grèce le montre chaque jour, tout comme la décision de rétablir temporairement les contrôles aux frontières prise dimanche par l'Allemagne puis par d'autres pays.
Je le répète, nous n'hésiterons pas à prendre ce type de décision.
Mais dans ce contexte, il nous faut un plan d'ensemble qui combine réponse à l'urgence et action de long terme. L'urgence, c'est d'organiser l'accueil des réfugiés en Europe et de maîtriser les flux migratoires. Le Conseil justice et affaires intérieures a cependant, je veux le dire, permis d'arrêter des orientations importantes qui constituent autant d'acquis.
Premier point : nous allons mettre en place - la France portait cette idée depuis plusieurs mois - des centres d'accueil et d'enregistrement - qu'on appelle des hot spots - dans les pays de première entrée, c'est-à-dire en Italie, en Grèce, en Hongrie, et peut-être demain en Serbie. Ce pays le demande en effet, même s'il n'est pas membre de l'Union européenne.
Ces centres vont permettre d'identifier, dans tous les sens du terme, et d'enregistrer chaque migrant. Nous pourrons ainsi distinguer rapidement ceux qui ont besoin de protection de ceux qui ne sont pas concernés par l'asile. Ces centres doivent maintenant être opérationnels le plus rapidement possible.
Le premier ouvrira dans les prochains jours en Grèce. La France est une nouvelle fois - elle l'a fait ces derniers jours à Munich - prête à apporter son expertise en déléguant des personnels de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la police de l'air et des frontières.
Je veux être très clair, car ce point est essentiel pour la réussite du plan global et pour l'Europe, comme pour la réussite de Schengen ainsi que pour l'idée que nous nous faisons du droit d'asile : le processus de relocalisation doit se faire à partir de ces centres d'accueil et non à partir de l'Allemagne ou de l'Autriche. C'est, encore une fois, essentiel si nous voulons avancer ensemble en Europe.
Deuxième point : pour accueillir les personnes ayant besoin de protection, les Européens doivent s'accorder sur un processus de répartition équitable. Un accord proposé par la Commission - qu'on oublie parfois - existe déjà, et il fut au mois de juin dernier particulièrement difficile à obtenir. Il porte sur l'accueil de 40.000 personnes, parmi lesquelles, nous l'avions déjà annoncé, 6.700 viennent ou viendront s'installer dans notre pays.
C'est pour cette raison que nous ne parlons pas de quotas : ce mot prête à confusion, il n'est pas adapté à la problématique des réfugiés et du droit d'asile, en outre, vous le savez, il est connoté dans notre débat national.
Pour faire face à l'accroissement des flux, la Commission propose, aujourd'hui, de porter ce nombre à 160 000. Une large majorité d'États membres a souscrit à cet objectif.
Pour notre pays, cela suppose d'accueillir, comme le président de la République s'y est engagé, sur deux ans, 24.000 personnes de plus. La France y est prête.
Il me serait difficile d'être opposé à ce chiffre de 24.000 alors que nous étions d'accord sur près de 7 000 au mois de juin. Nous sommes, nous, cohérents, et ma position, Monsieur le Député, est toujours cohérente.
Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Or plusieurs pays refusent cependant aujourd'hui de jouer le jeu : c'est - je le dis à la tribune de l'Assemblée nationale - inacceptable. Ces pays oublient en effet leur propre histoire, ainsi que ces hommes et ces femmes que nous avons accueillis en France lorsqu'ils fuyaient la dictature et la persécution communistes.
Chacun doit prendre sa part de l'effort, en fonction bien sûr de ses capacités. Cela implique d'expliquer, de convaincre, et aussi d'assumer une décision devant son opinion publique.
La solidarité n'est pas une valeur à la carte : elle vaut pour tous, et est donc aussi exigible de tous. Sinon, c'est le sens même du projet européen qui s'effondre. Un nouveau Conseil justice et affaires intérieures devrait se tenir en début de semaine prochaine : nous devrons impérativement avancer sur ce sujet.
Nous sommes à l'initiative, notamment grâce à notre diplomatie, à Laurent Fabius et à Harlem Désir. Le président de la République rencontrera demain le président du Conseil italien Matteo Renzi. Je serai moi-même jeudi et vendredi en Suède et en Autriche.
Troisième point : nous devons mettre en place une politique de retour effective pour les personnes en situation irrégulière sur le sol européen : il en va de la crédibilité de l'ensemble de ces politiques. Le sérieux, la maîtrise, c'est aussi cela.
Nous devons donc renforcer le rôle de Frontex et la France soutiendra les propositions de la Commission. Le système d'information Schengen devra également être mis à contribution pour empêcher que les migrants auxquels l'accès a déjà été refusé puissent entrer sur le territoire.
Par ailleurs, l'Union européenne a décidé d'autoriser désormais des opérations militaires coercitives dans les eaux internationales contre les bateaux affrétés par les filières de passeurs, dans le respect, bien sûr, de la sécurité des personnes. La France, qui participe déjà à toute une série d'actions en Méditerranée mettra, dans les prochains jours, une frégate à disposition à cet effet.
Quatrième point, qui est essentiel, car il s'agit de la condition sans laquelle rien n'est possible : nous devons coopérer plus étroitement avec les pays de transit et d'origine des migrants en fournissant notamment une aide humanitaire massive aux pays qui consentent des efforts considérables pour accueillir des camps de réfugiés. Il y a, vous le savez et nous l'avons rappelé hier, quatre millions de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban ainsi que des centaines de milliers dans la Corne de l'Afrique.
Cette coopération est nécessaire pour démanteler les réseaux criminels de traite des êtres humains, et pour aider à la mise en oeuvre rapide, dans les pays de transit, de centres d'aide au retour des migrants et de prévention des départs, ce que nous sommes en train de faire au Niger.
Plus généralement, nous n'aurons pas de politique de retour effective sans des dialogues politiques - sous l'égide de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec le soutien de notre diplomatie - avec les pays de départ. Ces dialogues doivent se nouer rapidement, et en particulier promouvoir la réadmission des migrants en situation irrégulière dans leur pays.
Faut-il s'arrêter là ? La réponse est clairement non. Nous devons aider les pays d'origine à mieux se développer économiquement, à donner plus de perspectives à leur population, et notamment à leur jeunesse. Ces objectifs seront au coeur du sommet de La Valette qui se tiendra le 11 novembre prochain.
D'ores et déjà, l'Union envisage de créer un fonds dédié, doté de 1,8 milliard d'euros, afin de résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel, du lac Tchad et la corne de l'Afrique. Et je veux une nouvelle fois rappeler la proposition du président de la République d'organiser, afin d'amplifier ce mouvement, une conférence que Paris pourrait accueillir début 2016.
Nous devons, ensuite, consolider une politique migratoire à l'échelle européenne. Cela passe par une plus grande harmonisation des procédures en matière d'asile. À cet égard, la proposition de la Commission d'établir une liste commune de pays sûrs, en particulier les Balkans occidentaux, va dans le bon sens. Son principe a d'ailleurs été validé par les États membres : il faut qu'elle entre dans les faits.
Enfin, nous devons renforcer l'espace Schengen. Je connais le débat relatif aux frontières, qui peut nous passionner. Les États-nations n'ont pas disparu avec l'Union européenne, la monnaie unique ni avec l'espace Schengen. La France est toujours là, et il existe toujours des frontières nationales.
Schengen, c'est la libre circulation des personnes. Il s'agit d'un élément essentiel de notre identité européenne, mais aussi de notre sécurité. Mais Schengen, c'est aussi le contrôle efficace des frontières externes, car sinon cela ne marche pas.
Je me réjouis donc que le président Juncker ait clairement indiqué que la Commission proposerait d'ici la fin de l'année la mise en place de gardes-frontières européens, car c'est une idée que la France porte depuis longtemps.
Je sais que certains voudraient faire croire que la solution serait dans l'abolition de Schengen. L'extrême droite nous dit : «j'avais raison !». Cette formule est le condensé parfait de ce qu'est le populisme : une pensée qui se nourrit de la catastrophe et des difficultés, qui n'apporte aucune solution et qui, traduite dans les faits, mettrait notre sécurité en difficulté.
Nous avons besoin de plus d'Europe pour faire face aujourd'hui aux défis des réfugiés, et non pas de moins d'Europe.
D'autres proposent, dans le cadre d'un débat républicain, un Schengen 2. Mais qu'y a-t-il derrière cette proposition ? J'ai compris qu'elle impliquait le respect des règles de Schengen 1 : elle a donc pour principal avantage et pour principale vertu de ne pouvoir susciter que l'unanimité et le rassemblement.
J'ai aussi compris qu'il s'agissait de mettre en oeuvre une politique européenne de l'asile et un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union européenne. Cela revient à faire ce que nous faisons et ce que je vous propose : j'en déduis donc que, s'agissant de Schengen 2, le bon sens inspire le gouvernement et qu'à cette proposition s'ajoute parfois le goût de la polémique inutile sur les sujets migratoires.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous proposons un plan global, qui permettra -en le consolidant, je le répète - de préserver cet acquis fondamental de la construction européenne. Toute proposition qui bloque l'Europe, ou qui met en cause Schengen, met en cause l'Europe et met en cause ce que nous sommes, c'est-à-dire l'identité et la sécurité de la France.
Mesdames et Messieurs les Députés, la question des réfugiés, comme celle de l'accueil interroge toujours ce que nous sommes. La question de savoir qui est celui qui est accueilli renvoie toujours, en miroir, à celle de savoir qui est celui qui accueille.
Face à cet afflux considérable aux portes de l'Europe, face aux destins brisés, face aux images, le coeur des Français parle mais ils sont également saisis par l'inquiétude.
La France doute souvent : de sa force, de ses capacités ou de son identité. Le défi des réfugiés, c'est l'occasion pour nous de nous révéler tels que nous sommes : une nation forte et généreuse, une nation qui a toujours guidé le monde et les peuples vers l'émancipation, la liberté, le droit, la dignité et la culture, une nation qui accueille l'opprimé tout en restant ferme sur ses valeurs : liberté, égalité, fraternité et laïcité, car consciente que c'est cette fermeté qui garantit la pérennité et la force des principes qui la constituent.
Oui, c'est son honneur, la France accueillera les migrants qui, sinon, mourraient aux portes de l'Europe.
Elle assumera ses valeurs, à la hauteur de son rang, à la hauteur de l'exigence que, nous-même, nous nous fixons, à la hauteur de ce qu'elle attend de la solidarité européenne.
Si la France agissait sans maîtrise, sans fermeté, elle affaiblirait la réalité de son message universel et les conditions concrètes de l'accueil des réfugiés, que nous voulons exemplaires. C'est toute la différence entre le devoir d'accueillir celui qui est entre la vie et la mort et la possibilité de faire venir celui qui, légitimement, voudrait faire évoluer ses conditions de vie.
Au fond, nous le voyons bien, le moment que nous vivons est empli de gravité : crise des migrants, défi climatique, menace terroriste. Dans ce monde instable, nos nations peuvent courir le risque de basculer.
Aussi, plus que jamais, la responsabilité de ce gouvernement, et peut-être aussi de ceux qui ont gouverné, c'est de tenir bon, d'envoyer au monde, à l'Europe, à nos partenaires, à nos voisins, mais aussi aux Français, ce message de constance, de maîtrise et d'unité indispensable sur un tel sujet, car ceux qui voudront, pour des raisons électorales, utiliser l'immigration, la crise des réfugiés se trompent lourdement et le paieront cher à un moment ou à un autre.
La France, souveraine dans l'Europe qu'elle a contribué à bâtir, assume ses devoirs, reste fidèle à ses valeurs et assume pleinement ses choix.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
Avec le ministre de l'intérieur, nous partageons, depuis le début de cette crise, un souci de vérité et de précision. La vérité, je le rappelle, c'est que nous affrontons une crise. Une crise majeure pour l'Europe, avec un flux de réfugiés et de migrants d'une ampleur que nous n'avons pas connue depuis le dernier conflit mondial. Face à cela, il faut une mobilisation et des réponses exceptionnelles.
Il importe également de rappeler quelles sont les valeurs de la France et de l'Europe. Tous les orateurs qui sont intervenus ont fait référence, avec des nuances, cela va de soi, et chacun selon son style, à ces valeurs. C'est une bonne chose que l'Assemblée nationale ait réaffirmé ces valeurs cet après-midi, comme le Sénat le fera ce soir, je n'en doute pas, à l'occasion du débat qui s'y tiendra en présence du ministre de l'intérieur. Il est très important de rappeler ces valeurs, afin d'éviter que ce type de débat ne bascule.
Nous avons évoqué le risque terroriste, mais aussi l'urgence climatique, qui a elle aussi un lien avec ces migrations. À cet égard, Monsieur le Député a eu raison de rappeler que les migrations, aujourd'hui, se font d'abord du Sud vers le Sud. Le climat y est évidemment pour beaucoup, en plus des situations politiques, économiques, ou des situations de guerre. Chacun est donc bien conscient qu'une solution strictement franco-française n'aurait aucun sens : une fermeture totale des frontières n'aboutirait à rien. Les solutions à trouver sont difficiles, et il ne faut donc pas céder à la facilité.
Il s'agit évidemment de trouver, au niveau méditerranéen, dans nos relations avec l'Afrique et au niveau mondial, des solutions diplomatiques et militaires. Mais c'est au niveau européen que nous devons trouver une solution : il importe de ne pas remettre en cause ce principe. L'Europe pourrait-elle faire mieux ou plus ? Bien évidemment ! Et c'est pour cela que, contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre, la France a été, depuis le début, à l'offensive. Et j'ai rappelé tout à l'heure que nous aurions aimé être suivis par tous les pays concernant le plan français préparé et présenté il y a un an. Un an !
Ce goût, qu'on ne retrouve pas nécessairement dans les autres pays, du bon mot ou de la petite phrase, proférés dans le seul but de s'opposer au gouvernement, sans que ceux qui le critiquent ne connaissent rien des initiatives qu'il a prises depuis un an sur la scène européenne, est regrettable. Au mois de juin, les Italiens et les Français ont été bien seuls pour défendre l'idée d'une répartition. Madame Auroi, vous avez affirmé que nous étions opposés à la répartition. Je suis désolé de vous le dire en dépit de l'amitié qui je nous lie : vous vous trompez. C'est au contraire à ce moment-là que nous avons accepté la proposition de la Commission européenne. Je récuse, en revanche, toujours le mot «quota» qui ne peut pas s'appliquer au cas de l'asile. Toutefois, il fallait que chaque pays prenne ses responsabilités.
Monsieur le Député a eu raison de rappeler la césure existant entre le Nord et le Sud, plus particulièrement entre les pays qui sont entrés plus récemment dans la démocratie et au sein de l'Union européenne et les autres. L'histoire doit rester présente à l'esprit de chacun : nous ne pouvons pas, aujourd'hui, ne pas nous montrer solidaires devant les événements qui se déroulent en Europe. Oui, il faut une solution européenne, ce qui interdit de manier le concept de Schengen avec légèreté. Ce traité est perfectible pour une seule raison : il doit être effectivement mis en oeuvre, notamment à nos frontières extérieures. En revanche, mettre en cause Schengen en faisant des propositions qui, à terme, rendraient impossible son fonctionnement, c'est mettre en cause l'idée même d'Europe.
Chacun doit prendre position dans ce débat, où il convient de rester pragmatique. Il appartient à la Commission et aux États membres de fournir les moyens nécessaires. Il ne faut pas non plus hésiter à recourir à tous les aspects de Schengen, notamment en rétablissant temporairement les contrôles aux frontières en cas de difficulté majeure. Nous l'avons fait et n'hésiterons pas à le faire de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire. Je tiens toutefois à rappeler que, lorsque je me suis rendu, en tant que ministre de l'intérieur, à mon premier conseil JAI, la première décision que j'ai eu à prendre fut de rassurer mes homologues européens. En effet, en raison de l'attitude du gouvernement précédent dans la crise tunisienne, Schengen ne fonctionnait plus bien.
Un grand pays comme la France, qui a contribué à la construction européenne et qui souhaite compter et voir d'autres pays suivre ses propositions, ne doit pas oublier les valeurs de l'Europe, surtout lorsqu'il s'agit de gouverner au coeur de difficultés. Je regrette d'entendre, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, des propositions inconséquentes, qui ne sont pas fiables et ne pourraient pas être mises en oeuvre tout simplement parce qu'elles ne correspondent pas au compromis nécessaire sur lequel doit reposer l'Europe. Je tiens à prévenir les Républicains : attention ! À force de chercher à courir derrière certains, vous mettez en cause le combat européen qui a été le vôtre.
Monsieur le Député, je vous ai si souvent entendu sur la Roumanie et la Bulgarie ainsi que sur des questions relatives à la politique de défense ou aux affaires étrangères, que je me demande si la tradition de construire l'Europe vous habite encore. Sachez, en tout cas, qu'elle nous habite toujours. Sur l'Europe, nous ne transigerons pas, tout simplement parce qu'il faut plus d'Europe et lui donner les moyens de fonctionner. C'est du reste le message que j'ai entendu dans la bouche de la plupart des orateurs : l'essentiel est notre volonté de construire une réponse au plan européen. Qui peut aider la Turquie, si ce n'est l'Europe ? Qui peut aider le Haut Conseil aux réfugiés, en dehors de la communauté internationale et des Nations unies, si ce n'est l'Europe ? Qui peut, aujourd'hui, intervenir sur nos frontières extérieures ? C'est évidemment l'Europe, qui devra, naturellement, tenir compte de la situation.
Monsieur le Député, il y a quelques mois, d'aucuns, à droite et à gauche, reprenant certaines positions allemandes, expliquaient que la Grèce devait sortir de l'euro. Quel message aurions-nous envoyé si nous avions dit à la Grèce de quitter l'Europe alors qu'elle affronte un tel afflux de migrants ! Il faut être conséquent, il faut être cohérent : quand on a gouverné et qu'on aspire de nouveau à le faire, on ne peut pas dire n'importe quoi aux Français, parce qu'ils jugent chacun sur sa capacité à tenir un discours cohérent. Or le président de la République et le gouvernement font preuve de cohérence en matière d'accueil des réfugiés et de maîtrise de la situation.
Madame la Députée, je peux me retrouver dans une grande partie des propos que vous avez tenus. Toutefois, est-ce parce qu'il y a des élections au mois de décembre, est-ce parce que vous êtes dans l'opposition, que vous vous sentez obligée de fustiger notre politique migratoire ? Vos arguments ne tiennent pas devant les chiffres que le ministre de l'intérieur a rappelés à l'instant.
Si je voulais polémiquer avec vous je rappellerai que, sous Nicolas Sarkozy et François Fillon, la France a perdu 13 000 postes de gendarmes et de policiers et que c'est notre gouvernement qui redonne des moyens à la police et à la gendarmerie.
Pour reconduire les immigrés en situation irrégulière à la frontière, Madame la Députée, la police n'a besoin ni de discours ni d'attitudes ni de voyages à l'étranger, mais de moyens. L'asile a, lui aussi, besoin de moyens : nous continuerons d'en donner, notamment à l'OFPRA. Il était également nécessaire d'adopter une loi «asile» pour réduire les délais : c'est votre collègue qui l'a défendue à l'Assemblée nationale. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les chiffres que, sur cette question aussi, M. Cazeneuve a fournis.
Plutôt que de polémiquer dans ces moments de gravité, cessez de mettre en cause notre politique migratoire, d'asile ou d'accueil. Je le répète : les chiffres sont de notre côté. Il est temps d'entendre le changement qui perce dans le pays, que ce soit sur la sécurité, l'asile ou les politiques migratoires.
La responsabilité est du côté de la gauche, qui assume pleinement le gouvernement du pays, ne raconte pas n'importe quoi aux Français, maîtrise ces sujets dans la difficulté et cherche des solutions aux plans national et européen. Je suis prêt à vous répondre sur tous les sujets.
Il y a ce qui se dit ici, à la tribune, et ce qu'on profère dans les matinales à la radio ou ce qu'on peut lire dans la presse. Madame la Députée, sur le terrorisme, vous n'avez pas tenu ici les propos que vous avez pu tenir ailleurs. Ne faisons pas peur à nos concitoyens. Le risque terroriste existe, bien sûr. Mais faire croire qu'il passerait par les demandeurs d'asile est une idée absurde. Nous prenons évidemment les moyens nécessaires. Lorsqu'il s'est agi, récemment, à Munich, d'identifier des réfugiés, la direction générale de la sécurité intérieure était présente, en vue de contrôler chacun avec précision. Madame la Députée, vous ne nous prendrez pas en défaut sur une question sur laquelle j'espère pouvoir compter sur chacun. Nous sommes déterminés à protéger nos concitoyens.
S'agissant du codéveloppement - un autre sujet que vous avez abordé -, Pascal Canfin, alors ministre délégué, et moi-même, en tant que ministre de l'intérieur, avons mis fin au véritable chantage que Brice Hortefeux avait imaginé et qu'il faisait peser sur les pays d'origine : ce chantage était du reste inefficace puisqu'il n'y avait pas de contrat possible avec un pays comme le Mali. Il ne sert à rien de proposer de nouveau des solutions qui, par le passé, se sont révélées être des erreurs.
Mesdames et Messieurs les Députés, je me félicite de la tenue de ce débat, tout en regrettant qu'il n'ait pas mobilisé un plus grand nombre d'entre vous car il est important pour le pays. La fermeté, la maîtrise, la solidarité et le rappel de nos valeurs sont les lignes de conduite de ce gouvernement. Je suis convaincu que c'est autour de celles-ci qu'il est possible de rassembler une très large majorité de Français. Le pays, je tiens à le répéter, a besoin non seulement d'unité et de rassemblement mais également de sérieux sur des sujets tels que ceux que nous avons abordés.
* Propos de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames les Ministres, Mesdames les Présidentes de commission, Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaite tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants, qui ont contribué à nourrir de leurs propositions ce débat important dans un contexte migratoire particulièrement difficile.
Le Premier ministre devant intervenir, je me concentrerai sur des éléments évoqués par quelques orateurs appelant de nécessaires précisions si nous voulons que notre débat puisse aller à son terme conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre sur un sujet qui renvoie à l'essentiel, soit, à l'avenir de l'humanité et aux drames que connaissent des populations persécutées dans leur pays.
Nous avons donc besoin de précision, d'une exigence de rigueur intellectuelle et, pendant notre dialogue commun, nous nous devons de revenir à la réalité des chiffres et des faits.
Premier point sur lequel je souhaite insister : la réalité des flux migratoires auxquels notre pays est confronté.
En dépit d'un contexte migratoire extrêmement difficile exposant un certain nombre de pays de l'Union européenne, et non des moindres, à des flux migratoires importants - comme nous l'avons vu en Allemagne - existe-t-il actuellement en France un déferlement de migrants qui traverseraient, au nord, la frontière séparant la France de l'Allemagne ou, au sud, celle qui sépare notre pays de la Suisse ou de l'Italie ? Quels sont les chiffres ?
En 2014, alors que la pression migratoire s'exerçait déjà - il ne faut pas oublier que, pendant les huit premiers mois de l'année dernière, près de 160.000 personnes ont franchi les frontières extérieures de l'Union européenne - nous avons assisté à une diminution des demandes d'asile en France, de l'ordre de 2,34%.
Depuis le début de l'année, les demandes d'asiles sont étales. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que, dans les semaines et les mois qui viennent - le Premier ministre l'a dit dans son intervention - notre système de l'asile sera mis sous tension, la France ayant souhaité, sans discuter et avec fierté, prendre sa pleine et entière part dans le dispositif de relocalisation et de réinstallation proposé par la Commission européenne et, ce, pour une raison très simple : elle a contribué à son élaboration.
Nous accueillerons donc 30.000 migrants pendant les deux prochaines années soit 15.000 par an. La décision que nous avons prise mettra donc notre système d'asile sous tension.
Qu'avons-nous fait pour nous préparer à cela, tout d'abord sur le plan national ? Je vais communiquer des chiffres, outre ceux que je viens de donner concernant la réalité de l'asile - j'aurais d'ailleurs pu aussi parler de la réalité des flux migratoires : 200 000 titres de séjour sont attribués chaque année, ce qui correspond à 0,3% de la population, ce chiffre étant le même depuis de nombreuses années, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays de l'Union européenne.
Je prends un exemple très simple, celui du Royaume-Uni, pays dont le traitement des flux migratoires est souvent cité comme rigoureux : l'an dernier, 750.000 migrants et demandeurs d'asile sont arrivés dans ce pays, ce qui correspondait à une augmentation très significative du nombre de ceux qui avaient décidé d'y trouver refuge ou d'y travailler.
Voilà ce qu'il en est donc de la réalité des flux.
Deuxième point : qu'avons-nous fait ?
Tout d'abord, nous avons trouvé un systme d'asile que des rapports parlementaires transpartisans ont jugé «embolisé». Pourquoi ? Pour des raisons très simples.
L'insuffisance de moyens au sein de l'OFII et de l'OFPRA était patente, le traitement des dossiers des demandeurs d'asile étant quant à lui insuffisamment performant. Ainsi nous situions-nous au moins bon niveau de l'Union européenne en termes de délai : la moyenne des pays de l'Union européenne était de neuf mois quand nous nous situions à 24 mois.
Un deuxième sujet soulevait des problèmes : non seulement les délais étaient donc trop longs mais les conditions d'accueil étaient très détériorées et dégradées par rapport aux standards des conditions d'asile dans les autres pays de l'Union européenne puisque nous avions créé très peu de places en CADA.
En outre, la détérioration des conditions d'accueil qui conduisait beaucoup de demandeurs d'asile - et même, parfois, beaucoup de réfugiés bénéficiant de ce statut - à se retrouver soit dans les rues, soit dans des hébergements d'urgence rendait le retour très difficile : plus les délais étaient longs, moins l'hébergement était digne, plus le retour des déboutés était difficile.
Le Premier ministre a décidé d'appliquer les conditions qu'il avait données lorsqu'il était ministre de l'intérieur et dont il m'a confié la charge : il a décidé d'augmenter significativement les moyens de l'OFPRA afin de réduire les délais.
Je tiens à me montrer extrêmement précis s'agissant des moyens de l'OFPRA. Nous avons créé 50 postes en son sein pendant les deux dernières années. Pendant les cinq années du précédent quinquennat, 40 avaient été créés.
Suite aux annonces que le Premier ministre vient de faire à l'instant, concernant l'OFPRA, l'OFII et les préfectures - dans le cadre de la mise en place des guichets uniques - ce sont en tout 240 emplois qui seront créés.
Voilà la réalité de notre action pour mettre le système d'asile à niveau !
Le précédent gouvernement a créé 2 000 places d'hébergement en CADA en cinq ans. Or, année budgétaire après année budgétaire et en tenant compte des annonces faites par le Premier ministre, ce sont 18 500 places en CADA qui auront été créées pendant le quinquennat alors que, selon les rapports parlementaires, il en fallait 20 000 pour remettre le système d'asile à niveau.
Par ailleurs, des collectivités locales se sont mobilisées face aux drames humanitaires en accompagnant la volonté de l'État d'être à la hauteur. Nous ne les avons pas appelées à la rescousse parce que nous ne faisions pas notre devoir - je viens de rappeler notre action.
C'est précisément parce que nous agissons ainsi que les collectivités locales se sont manifestées afin que nous travaillions ensemble. Dès lors que l'État prenait ses responsabilités à 100%, nous avons décidé de couvrir également 100% des dépenses résiduelles des collectivités dès lors qu'elles acceptaient d'accompagner l'État.
Je le dis pour Monsieur le Député, qui estimait que 1 000 euros, ce n'était pas assez. Mais cette somme correspond très exactement, sur la base des calculs que j'ai faits, à la part résiduelle à la charge des collectivités locales, en tenant compte de ce qu'elles font pour accompagner les demandeurs d'asile lorsqu'ils arrivent - éducation ou aide sociale, par exemple.
Pourquoi cette somme paraît-elle faible, en comparaison de ce qui se fait en Allemagne ? Tout simplement parce que nous, nous assurons 100% de la couverture de la dépense en exerçant nos compétences régaliennes, et que nous pouvons ainsi couvrir 100 % de la dépense résiduelle des collectivités.
Premièrement, nous donnons des moyens à l'OFPRA et à la CADA ; deuxièmement, nous couvrons les dépenses des collectivités locales. Troisièmement, un débat est ouvert, concernant les déboutés du droit d'asile, et ce débat doit avoir lieu.
Pour ma part, je ne suis pas du tout choqué, lorsque Mme la députée dit que la soutenabilité du dispositif impose de reconduire à la frontière les déboutés du droit d'asile. Pour que vous ne quittiez pas cet hémicycle avec une angoisse rentrée, je voudrais vous donner des chiffres, qui sont de nature à vous rassurer totalement.
Il a été procédé à 13 908 éloignements forcés en 2009 - et je parle des éloignements hors Union européenne. Vous savez en effet que les éloignements au sein de l'Union étaient financés à hauteur de 1 000 euros, ce qui conduisait un certain nombre de personnes à partir à Noël en touchant les 1 000 euros, à passer Noël dans leur pays puis à revenir entre Noël et Pâques, avant de retourner passer Pâques en famille, non sans avoir à nouveau touché ces 1 000 euros. C'est l'actuel Premier ministre, Manuel Valls, qui a mis fin à ce dispositif lorsqu'il était ministre de l'intérieur.
Permettez-moi de vous donner les chiffres, qui sont précis et dont vous pouvez vérifier l'exactitude dans les documents qui sont mis à la disposition des parlementaires : il a été procédé à 13 908 éloignements forcés en 2009 ; leur nombre a ensuite baissé en 2010, puisqu'on n'en a compté que 12 034. Il y en eut 12 547 en 2011, 13 386 en 2012, 14 076 en 2013 et 15 161 en 2014. En 2015, nous augmentons encore de 40% les éloignements de déboutés et d'étrangers en situation irrégulière, hors l'Union européenne.
Telle est la réalité des chiffres que nous affichons, et qui ne correspondent pas du tout aux vôtres, pour une raison que je comprends d'ailleurs : c'est que vos chiffres incluaient les retours aidés internes à l'Union européenne. Or il s'agit de faux retours.
Les vrais retours sont ceux qui concernent les pays extérieurs à l'Union européenne : ce sont aussi les plus difficiles à mettre en oeuvre. Et, de ce point de vue, nous avons augmenté très significativement les retours.
Pourquoi l'avons-nous fait, Madame la Députée ? Nous ne l'avons pas fait parce que nous avions plus de volonté que vous - je veux être extrêmement scrupuleux dans ce débat. Nous l'avons fait, parce que nous avions plus de moyens, parce que nous avons donné davantage de moyens à nos forces de police et de sécurité. Sur ce point aussi, je veux être extrêmement précis, car ce fut une difficulté pour nous : lorsque nous avons dû mobiliser des moyens significatifs en unités de force mobile pour assurer le plan Vigipirate, dans un contexte de risque terroriste dont le Premier ministre n'a cessé de rappeler qu'il était extrêmement élevé ; lorsque nous avons dû mobiliser des unités de force mobile à la frontière nord, puis à la frontière sud, pour assurer la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière, nous avons constaté que les quinze unités de force mobile qui ont été supprimées entre 2007 et 2012 nous manquaient cruellement.
Et si le Premier ministre n'avait pas pris la décision, alors qu'il était ministre de l'intérieur, de créer ces 500 emplois par an, auxquels se sont ajoutés 1 500 emplois à l'occasion du plan antiterroriste, puis les 900 emplois dont la création a été annoncée aujourd'hui par le Premier ministre, nous n'aurions pas obtenu de tels résultats en matière d'éloignement et de lutte contre l'immigration irrégulière.
Ces résultats, quels sont-ils, au-delà les éloignements dont je viens de parler ? S'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière et contre ses filières, nous avons démantelé 25% de filières supplémentaires en 2014 par rapport à 2013. Et, dans les huit premiers mois de l'année 2015, nous en sommes à 177 filières, ce qui correspond à 3.300 individus arrêtés ; 800 d'entre eux ont été judiciarisés et un certain nombre emprisonnés - quant aux autres, ils sont suivis. En comparaison, l'Allemagne, qui accueille 800.000 migrants, en a neutralisé 1.800 seulement. Nous sommes résolus, dans la lutte contre l'immigration irrégulière, à procéder à l'éloignement à la frontière de ceux qui ne relèvent pas de l'asile et n'ont pas vocation à rester sur le territoire national, parce que la soutenabilité de notre politique de l'asile dépend de notre capacité à éloigner ceux qui doivent l'être.
Je veux aussi donner des chiffres précis pour répondre à M. le député qui, lorsque le Premier ministre a évoqué Calais, a demandé combien d'éloignements y avaient eu lieu. Je vais vous donner un chiffre très précis : sur Calais, nous avons procédé, depuis le début de l'année 2015, à 1 630 éloignements, ce qui est un chiffre record.
J'ai donné hier des instructions au préfet Cordet pour que nous ayons à Dunkerque la même stratégie qu'à Calais concernant les éloignements, mais aussi la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière et l'accès à l'asile de ceux qui relèvent en Europe du statut de réfugié et qui doivent savoir qu'ils ne passeront pas en Angleterre et qu'ils ont intérêt à demander l'asile en France. Tout cela, nous le faisons parce que des moyens substantiels, significatifs, dont nous avons besoin, viennent conforter à la fois les effectifs et les moyens matériels des forces de police - je pense aux moyens numériques, mais aussi aux moyens de la police scientifique et technique. De ce point de vue, la décision prise en janvier d'augmenter de 261 millions d'euros sur trois ans les moyens de la police dans la lutte contre le terrorisme, et pas seulement, relève d'une politique tout à fait intéressante.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, après avoir donné ces éléments de réponse précis à tous les orateurs qui se sont exprimés, j'aimerais conclure mon propos en m'arrêtant sur un point précis : le statut de l'asile.
Premièrement, le statut de l'asile est-il divisible ? Non, le statut de l'asile est comme la République : un et indivisible. Comme le Premier ministre l'a dit avec beaucoup de force, les réfugiés qui sont persécutés dans leur pays ne peuvent pas être distingués en fonction de leurs origines ethniques ou religieuses, de leur provenance ou des raisons pour lesquelles ils sont persécutés. Cette unité, cette indivisibilité du statut de réfugié, semblable à l'indivisibilité de la République, dont nous partageons les valeurs, doit être porté avec force par notre pays, parce que c'est ce qui fait sa grandeur au sein de l'Union européenne.
J'ai vu que l'on nous proposait un nouveau statut, celui de réfugié de guerre. Ce statut, il faut l'examiner avec intérêt, parce qu'il n'y a aucune raison de rejeter a priori une idée, sous prétexte qu'elle vient de l'opposition, si elle peut être utile. Quelle est l'idée qui préside à cette proposition, formulée dans Le Figaro par le président des Républicains ? C'est l'idée que ceux qui sont en situation de conflit, et qui ne sont pas nécessairement persécutés, pourraient se voir accorder une protection en France et en Europe.
C'est une très bonne idée, et elle est à ce point excellente, qu'elle existe depuis plusieurs décennies en droit français : cela s'appelle la protection subsidiaire. Et je veux, sur ce sujet aussi, vous donner des chiffres extrêmement précis : nous accordons chaque année le statut de réfugié à 11.000 personnes, dont 3.000 ne sont pas nécessairement persécutées dans leur pays. Elles bénéficient néanmoins en France de la protection subsidiaire, qu'elles se voient accorder par le gouvernement français, en raison de ce qu'est l'état du droit.
Je voudrais vous remercier de faire cette proposition, car il vaut mieux faire une proposition qui existe, plutôt qu'une proposition impossible à mettre en oeuvre.
Votre proposition est totalement pertinente : elle l'est à ce point qu'elle existe depuis longtemps en droit français.
Le président des Républicains a également proposé que l'on mette en oeuvre cette protection subsidiaire en vertu d'une directive de 2001. Il existe en effet, dans la directive de 2001, un dispositif de ce type, que l'on appelle la «protection temporaire». Mais il faut, pour la mettre en oeuvre - et c'est sans doute la raison pour laquelle cela n'a jamais été fait - obtenir une décision du Conseil, ce qui implique une procédure extrêmement lourde. Et je dois dire, pour avoir testé l'idée à l'occasion des derniers conseils Justice et affaires intérieures - JAI - que cette proposition n'avait pas suscité l'enthousiasme des 27 autres pays de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle je doute que l'on puisse la mettre en oeuvre tout seuls.
Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne l'idée d'un «Schengen 2», qui succéderait à «Schengen 1». Les meilleures séries ont des numéros : il n'y a pas de raison que Schengen, qui est un bon dispositif, ne connaisse pas les mêmes possibilités de se développer. Mais encore faut-il savoir ce que l'on met dans Schengen 2. Plusieurs versions ont été proposées : selon la première, Schengen 2 serait une sorte de Schengen 1, dont on appliquerait les règles. Voilà une interprétation qui pourrait facilement faire l'unanimité au sein du Conseil européen, puisque celui-ci n'entend pas que l'on n'applique pas les règles de Schengen. Cette idée est donc tout à fait recevable et devrait recueillir un consensus très large au sein des institutions européennes.
Une deuxième interprétation de Schengen 2 consiste à dire que l'on va exercer des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne, en faisant une distinction entre les réfugiés et les migrants économiques irréguliers, de manière à assurer la soutenabilité de l'accueil des réfugiés. Nous avons appelé cela, de manière un peu barbare, les hotspots. C'est une très bonne idée, qui a été proposée par la France. Elle est désormais reprise par l'Union européenne comme une orientation à mettre en oeuvre. Ce projet ne devrait pas, lui non plus, susciter de débat.
Une troisième idée a été avancée plus récemment dans l'interview du Figaro : Schengen 2 consisterait à rétablir des frontières, au sein de l'Union européenne, qui ne concerneraient que les ressortissants étrangers, et pas ceux de l'Union. Ce concept est plus difficile à saisir et nécessite sans doute un effort de pédagogie supplémentaire : il faudra quand même chiffrer le coût du rétablissement des contrôles aux frontières - qui ne concerneraient, donc, que les Européens. Il faudra également déterminer des critères très précis - je ne suis pas sûr que ce soit facile à faire et que cela soulève de bons débats - pour permettre aux policiers de distinguer immédiatement les Européens des étrangers.
Sur des sujets aussi sérieux, sur des questions aussi graves, qui devraient faire l'objet d'un consensus, ou au moins d'un compromis, on ne peut se livrer à de telles approximations, dans le seul et unique but de créer des divisions à l'approche des élections.
À tous les autres orateurs, qui ont évoqué avec beaucoup de force et de talent ce que sont les valeurs de la République et ce que sont les principes du droit d'asile, je crois que le Premier ministre sera d'accord pour que nous adressions des remerciements chaleureux, parce que notre débat nécessite du rassemblement et de la force.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2015 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Députés,
L'Europe fait face à une crise migratoire d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. Cette crise est la conséquence des déséquilibres et des désordres qui traversent le monde : les conflits ouverts ou larvés en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Érythrée ou au Soudan, les États qui s'effondrent - je pense notamment à la Libye - ou les dérèglements climatiques et leurs conséquences - inondations, sécheresse et, par conséquent, diminution des terres cultivables. Il y a enfin les conditions de vie difficiles : la misère, la faim, la maladie, qui poussent tant d'individus à partir vers un ailleurs plus prometteur, et majoritairement, je veux le rappeler ici, de pays du Sud vers d'autres pays du Sud.
Cette crise migratoire - la plus forte, en Europe, depuis la Seconde guerre mondiale - met l'Union européenne face à une responsabilité historique. Elle exige également que la France soit à la hauteur de son rang, à la hauteur de son histoire. Saisis par la violence des faits, par la dureté des images et par l'émotion - nous avons tous en tête, cela a encore été rappelé hier, l'image d'Aylan, et je pourrais parler de toutes les autres victimes, celles que l'on ne voit pas, tels les vingt-deux morts dans un naufrage en Turquie hier -, notre pays, me semble-t-il, a démontré une fois de plus qu'il est capable du meilleur. Il y a la mobilisation des dernières semaines, j'y reviendrai ; mais, bien avant cela, le président de la République et le gouvernement avaient pris la mesure de ce défi, et nous avons agi avec méthode.
La France, fidèle à ses valeurs, sait qui elle est. Elle regarde la situation avec une très grande lucidité. La question des réfugiés, parce qu'elle touche à des vies, à des destins, à des espoirs, oblige à la lucidité et oblige à la rectitude.
Le droit d'asile, Mesdames et Messieurs les Députés, est un droit fondamental, qui puise sa source dans notre histoire, dans nos engagements internationaux et dans nos obligations communautaires. Il est de la vocation de la France d'accueillir celui ou celle qui est persécuté pour ses idées ou exposé à des risques pour son intégrité. Le Gouvernement français, quelles que soient les circonstances, ne remettra pas, ne remettra jamais en cause ce droit qui est son honneur et constitue une référence de liberté pour tous ceux qui, à travers le monde, subissent la violence ou l'oppression. L'émotion peut soulever des montagnes : nous la ressentons et elle nous donne de la force. Mais elle ne peut être le seul guide de l'action publique.
Ce que nous devons à ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions, ce ne sont pas seulement les bons sentiments - qui d'ailleurs peuvent toujours se retourner au gré des circonstances. Nous devons agir en suivant des principes : humanité et solidarité, mais aussi sérieux et maîtrise.
Il faut du coeur, bien sûr, mais un coeur intelligent, un coeur ferme et un coeur lucide. Et la lucidité, devant la représentation nationale - et, à travers elle, devant les Français -, c'est d'abord nommer et décrire les situations avec précision.
Le nombre des entrées irrégulières dans l'espace Schengen a augmenté, en deux ans, de façon spectaculaire. En 2014, c'est essentiellement l'Italie qui était le point d'attention majeure, avec 170 000 entrées irrégulières, soit 60% du total européen.
Depuis le début de l'année, alors que les entrées par la voie italienne, principalement en provenance de la Libye, diminuent légèrement, deux routes nouvelles, massivement empruntées, viennent s'ajouter : l'une en provenance des Balkans, avec un volume multiplié par quinze ; l'autre en provenance de la Turquie, empruntée par des Syriens, des Irakiens et des Afghans. À compter de la mi-juillet, ce dernier flux s'est brutalement intensifié ; il a été multiplié par dix par rapport à 2014. En tout, on compte ainsi 230 000 entrées depuis janvier.
Hier, l'agence Frontex estimait à 500 000 le nombre d'entrées irrégulières, en huit mois, à la frontière extérieure de l'Union. Bien sûr, les pays européens sont affectés très différemment, d'abord en fonction de la géographie. L'Allemagne l'est beaucoup : on parle d'un million d'arrivées possibles, après les 400 000 déjà dénombrées en 2014. La situation de la France est, à ce stade, totalement différente, avec une demande d'asile pratiquement stable, autour de 65 000, avec même une légère baisse en 2014. Mais il n'en reste pas moins qu'une incroyable pression pèse sur le continent tout entier.
La lucidité, c'est aussi d'analyser ces flux, de poser le bon diagnostic pour agir comme il se doit. Il y a les réfugiés qui viennent de Syrie, d'Irak, d'Érythrée, du Soudan, et qui ont besoin de protection.
Il y a aussi les migrants qui ne relèvent pas du statut de réfugiés. Ils proviennent, par exemple, des Balkans - Albanie ou Kosovo -, donc de pays sûrs, voisins de l'Union. Ils proviennent aussi d'Afrique de l'Ouest. Ces migrants entrent, pour une immense majorité, dans l'immigration irrégulière. La vérité est là, elle nous oblige. Il faut le rappeler : ils doivent retourner dans leur pays d'origine, dans le respect des personnes et du droit, mais avec fermeté. Sinon, nous mettrions en cause le principe même du droit d'asile.
Je sais que certains proposent de créer un nouveau statut reconnu aux seuls réfugiés fuyant la guerre et qui durerait le temps du conflit. J'examine toute proposition avec intérêt. Mais quel est donc ce besoin de créer quelque chose qui existe déjà, qu'il s'agisse de la protection temporaire européenne ou de la protection subsidiaire prévue par le droit français ?
Ceux qui pensent faire par ce biais échec au droit d'asile se trompent. Qu'ils relisent la directive européenne en question ! Moi, je l'ai fait. Octroyer une protection temporaire ne prive en en aucun cas du droit de demander l'asile. Et ceux qui l'obtiendront - c'est cela, l'asile - pourront décider de rester parce qu'ils ont fait leur vie ici ou de rentrer dans leur pays d'origine quand les conditions le permettront. Il ne faut pas semer la confusion dans ce débat, qui mérite de la clarté.
Une fois encore : il faut de la lucidité, de la méthode, du sérieux car, face aux vies brisées, aux images qui giflent nos consciences, face au nombre, il y a, nous le savons, chez nos compatriotes, un malaise, une inquiétude, un sentiment de désordre - encore ces derniers jours. Or, le désordre du monde c'est, trop souvent, le désordre des messages et des positions. Et le désordre des positions, c'est le désordre des valeurs, au point que certains en sont venus à vouloir - comment pouvions-nous l'accepter ? - trier en fonction des religions, entre les chrétiens et les musulmans. Ce n'est pas cela, la France ! Ce n'est pas cela, le droit à l'asile !
La France doit rester, aux yeux du monde, ce phare qui ne vacille pas au coeur de la tempête, qui ne se laisse pas aller à la tentation de l'aveuglement, à la facilité. Certains nous disent : «Il faut tout fermer». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réfugiés qui meurent à nos portes. D'autres disent, à l'inverse : «Il faut tout ouvrir». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réalités et les difficultés de la société française. Mon devoir, celui du gouvernement, c'est d'être lucide car nous sommes aux responsabilités, nous gouvernons. Notre devoir, c'est d'agir, avec méthode, et d'abord sur la scène internationale.
Nous intervenons militairement en Afrique, en Irak, en Syrie. Nous luttons contre la barbarie pour venir en aide aux peuples, pour restaurer la paix. Je l'ai dit hier à cette tribune et tous l'ont dit : nos armées, notre diplomatie, sous la conduite du chef de l'État, sont pleinement mobilisées car, nous le savons, la solution à la crise de réfugiés est d'abord là-bas !
Mais la solution est aussi européenne. Dès août 2014 - il est important de le rappeler car il faut de la mémoire dans un débat -, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, à la demande du président de la République, se rendant dans plusieurs capitales européennes, invitait l'Europe à prendre des mesures devant l'aggravation de la situation migratoire. Non pas en août 2015, mais en août 2014 ! Nous avions alors proposé une feuille de route reprenant nos principes d'humanité, de solidarité, de maîtrise, de fermeté. Cette feuille de route, pour la première fois, proposait une solution globale, traitant de l'ensemble des sujets.
D'abord, le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne - c'est évidemment le point essentiel - par le renforcement des actions de Frontex en Méditerranée, qui se sont progressivement substituées à l'opération italienne Mare Nostrum. Car Mare Nostrum fut une opération courageuse initiée par la seule Italie pour sauver des vies, mais qui s'est traduite à la fois, vous le savez, par davantage de sauvetages mais aussi davantage de morts, les passeurs ayant pris prétexte des sauvetages en mer pour intensifier leur funeste trafic. Le contrôle des frontières extérieures passe également par la mise en place d'une meilleure identification, dans le respect du règlement de Dublin - j'insiste sur ce respect -, des personnes susceptibles de bénéficier d'une protection internationale. Enfin, je le répète, il passe par une politique active de retour pour celles qui n'y sont pas éligibles.
Deuxième volet de cette même feuille de route : la lutte déterminée contre les filières d'immigration clandestine, contre les passeurs, les trafiquants - l'un d'entre vous les qualifiait d'esclavagistes des temps modernes.
Troisième volet : le renforcement de la coopération de l'Union européenne avec les pays d'origine, ainsi qu'avec les pays de transit, pour stabiliser les populations, pour les aider à contrôler leurs frontières et pour apporter, bien sûr, l'aide humanitaire nécessaire.
Cette feuille de route que nous avions proposée a beaucoup contribué à la politique décidée par l'Union européenne. Elle a été formalisée, en particulier, dans l'agenda européen pour les migrations du 13 mai dernier. Depuis, notre position, malgré le contexte d'émotion, de tumulte et de débats, n'a pas changé. Mais là aussi, nous devons la vérité. Nous pouvons regretter que la prise de conscience de la France, son action et ses propositions n'aient pas été assez partagées, notamment lors du dernier Conseil européen, en juin.
C'est enfin au plan intérieur que nous devons agir. Nous avons réformé l'asile. Personne ne l'avait fait à ce niveau. La situation - et tout le monde partageait ce constat - n'était plus tenable : la demande avait augmenté de 73% entre 2008 et 2012. Nous avons voulu réduire les délais, passer de 24 à 9 mois pour statuer sur les demandes, afin de désengorger nos capacités d'accueil, pour rétablir une procédure plus efficace et plus digne. Cela veut dire aussi que les déboutés du droit d'asile doivent être reconduits dans leur pays d'origine, ce qui se fait peu depuis très longtemps.
Cette loi, présentée par Bernard Cazeneuve, a fait l'objet d'un large travail de préparation, grâce, notamment, à la concertation nationale bipartisane que j'ai organisée, non pas en 2015, ni en 2014, mais en 2013, comme ministre de l'intérieur, autour de la sénatrice UDI Valérie Létard et du député socialiste Jean-Louis Touraine. Cette loi a fait l'objet d'un accord, en commission mixte paritaire, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à avancer ensemble sur ces sujets car ensemble la représentation nationale, donc la France, sont plus fortes pour rallier l'Europe à nos positions.
Vous avez également adopté, en première lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers, complément nécessaire à la réforme de l'asile. Vous en débattrez de nouveau cet automne. Son but, c'est de restaurer l'attractivité de la France pour les talents internationaux, par la mise en place de titres de séjours pluriannuels. Mais c'est aussi de rendre plus efficace encore la lutte contre l'immigration irrégulière, dans toutes ses dimensions : fraudes documentaires, détournement de procédure, filières d'immigration clandestine.
Sans attendre l'entrée en vigueur de cette loi, le gouvernement a intensifié les efforts contre les filières. Bernard Cazeneuve a souvent rappelé les chiffres, ces derniers jours : 177 d'entre elles ont été démantelées depuis le début de l'année, représentant plus de 3.300 individus, contre 1.800 en Allemagne pendant la même période. À Calais - cela a été évoqué cet après-midi -, les effectifs des forces de l'ordre ont été multipliés par cinq en trois ans.
Depuis le mois de juin, 42 000 interpellations ont été effectuées. Il faut poursuivre ce travail car nous connaissons les difficultés. Un accord a été passé avec la Grande-Bretagne, qui contribuera, Bernard Cazeneuve le rappelait il y a un instant, à hauteur de 35 millions d'euros, afin de sécuriser les infrastructures de transport et de soutenir l'accompagnement humanitaire des plus vulnérables des migrants. Cet engagement du Royaume-Uni vient ainsi rééquilibrer les accords du Touquet.
À Menton et dans les Alpes-Maritimes, où je me suis rendu dès le 16 mai, comme l'a fait régulièrement le ministre de l'intérieur, les contrôles ont été renforcés, dans le respect des accords de Schengen. En huit mois, 20.450 individus ont été interpellés.
Cette fermeté paie : malgré le contexte, les flux à Menton sont stabilisés. Mais nous n'ignorons rien des défis qu'il reste à relever.
Nous avons déjà rétabli, ce printemps, des contrôles temporaires à cette frontière. Et nous n'hésiterons pas à le faire de nouveau comme les règles de Schengen le permettent à chaque fois que les circonstances l'imposent, si c'est nécessaire dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines. Je sais combien cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière est exigeante et mobilise les forces de l'ordre et les fonctionnaires des préfectures - je veux leur rendre hommage. En 2014, 15 000 éloignements forcés ont été réalisés et ce chiffre devrait être porté à 16 000 en 2015. Les retours forcés vers les pays n'appartenant pas à l'Union européenne sont les plus difficiles car, vous le savez, rien n'est facile dans ce domaine - le ministre de l'intérieur pourrait d'ailleurs rappeler le nombre de retours en avion organisés depuis Calais. Mais ces retours ont augmenté de 40% en 2014. C'est un effort sans précédent. Il est indispensable si nous voulons mettre en oeuvre une politique migratoire soutenable et si nous voulons préserver le droit d'asile.
Compte tenu de cette nouvelle charge qui pèse sur les services et pour ne pas affaiblir les dispositifs liés à la lutte contre le terrorisme et la délinquance, nous avons donc décidé, sur proposition du ministre de l'intérieur, de renforcer les effectifs de police et de gendarmerie, notamment la police aux frontières, à hauteur de 900 personnels. En tout, ce sont, Mesdames, Messieurs les Députés, 5 330 postes supplémentaires - rappelez-vous de ce chiffre - dans la police et la gendarmerie qui ont été créés depuis 2012. Nous assurons, nous, la sécurité de nos compatriotes.
Oui, nous agissons avec méthode dans tous les domaines. Je veux rappeler la présentation en juin, par Bernard Cazeneuve et la ministre du logement, Sylvia Pinel, du plan migrants. Il prévoit la création de places supplémentaires d'accueil : 4 000 pour des demandeurs d'asile et 5 500 pour répondre à l'urgence de ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié mais qui demeurent dans une situation précaire. Toutes ces places s'ajoutent à une capacité exceptionnelle de mise à l'abri de 1 500 personnes.
Il nous faut aujourd'hui aller plus loin, mobiliser très rapidement, dès le mois d'octobre, les moyens nécessaires. Le ministre de l'intérieur l'a indiqué samedi dernier devant les maires : d'ici 2017, une aide de 1 000 euros par place d'hébergement créée sera attribuée aux communes et intercommunalités qui participeront à l'effort de solidarité. Ce soutien exceptionnel vient en complément de la politique d'hébergement, qui relève, elle, de l'État. Et je veux saluer ici l'ensemble des élus qui se sont mobilisés, partout sur le territoire, dans un esprit républicain, pour donner corps à cet élan de solidarité. Monsieur le Ministre de l'intérieur, la réunion de samedi dernier à la Maison de la chimie avec tous les maires qui représentaient les territoires de la République montrait elle aussi un beau visage de la France.
Je veux aussi saluer le monde associatif, les organisations non gouvernementales ?ONG -, les cultes, que nous avons reçus, les bailleurs sociaux, qui se sont mobilisés. Et bien sûr, je n'oublie pas - nous en avons tous les jours des témoignages -, ces citoyens qui s'engagent de manière désintéressée et qui se portent volontaires pour l'accueil des réfugiés. Je veux que nous retenions de ce moment cet engagement de nos compatriotes, parce que c'est cela, aussi, le visage de la France.
Au total, ce sont 279 millions d'euros qui seront mobilisés d'ici à la fin de 2016 au titre du premier accueil, de l'hébergement d'urgence, de l'aide forfaitaire aux communes. Ils seront mobilisés aussi pour renforcer les effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA -, que nous n'avons eu de cesse d'augmenter depuis 2012, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration -OFII - mais aussi de l'Éducation nationale, qui doit assurer l'accueil des élèves et des parents, l'apprentissage du français et la transmission de nos valeurs républicaines. La solidarité, c'est garantir un accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile. Mais, j'en prends l'engagement devant vous, cette solidarité - et ce point est très important pour nos compatriotes - ne pourra pas dégrader la situation de celles et ceux de nos concitoyens qui ont besoin d'être aidés, qui ont besoin de la solidarité nationale. En effet, nous entendons déjà le débat qui peut s'ouvrir : nous agirions pour ceux qui viennent d'arriver mais non pour ceux qui sont en difficulté depuis longtemps. Ce débat peut créer des fractures nouvelles où s'engouffreront tous les populismes et la démagogie.
Mettre en lumière une situation d'urgence, ce n'est pas renvoyer dans l'ombre tous les autres. On ne peut pas un jour porter sur les fractures de notre société un diagnostic sans concessions - nous l'avons fait, ici même, dans cet hémicycle, le 13 janvier dernier - et le lendemain oublier cette priorité.
À nous, donc, de veiller à ce que chacun soit accompagné comme il doit l'être. Aussi, au cours des douze prochains mois, les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale augmenteront de 250 millions d'euros dont 130 seront disponibles dès le mois prochain, car nous devons appliquer ces principes de solidarité.
Cette solidarité envers les réfugiés s'inscrit dans le cadre d'une politique migratoire globale qui ne perd pas de vue ces objectifs et qui prend en compte la réalité de la France, sa démographie comme sa situation économique.
Le visage de la France changera-t-il ? Ce n'est pas de cela dont il est question. Ce que nous voulons, c'est que la France reste à la hauteur de ce qu'elle est, qu'elle reste fidèle au message d'accueil pour les réfugiés qu'elle a toujours porté, tout en étant capable de maintenir et de consolider la cohésion nationale, la cohésion sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés, ce gouvernement agit avec lucidité, méthode et fermeté. Mais j'y reviens : tout ce que nous faisons n'aura de sens que si l'Europe parvient à trouver et à mettre en oeuvre des solutions efficaces et durables : tel est le sens des propositions que portent le président de la République et la chancelière allemande et nos deux pays.
Je veux y insister, car l'actualité le commande : pour nous, il y a de la constance, notamment dans nos rapports avec l'Allemagne. Ce que fait l'Allemagne n'est pas un jour extraordinaire, et, un autre, mauvais pour l'Europe.
Telle est la force de la France : la constance et l'engagement qui est celui du président de la République.
Face aux flux qui ne cessent de croître, je dis avec gravité que l'Europe, peut-être plus que jamais dans son histoire, doit être capable de trouver les solutions adaptées et coordonnées qui permettent d'anticiper l'événement au lieu de le subir. Nous sommes vingt-huit États : chacun a son histoire, sa culture et sa géographie. Nous appréhendons nécessairement les choses de manière différente et - ce n'est pas nouveau - il peut y avoir des divisions : le Conseil justice et affaires intérieures du 14 septembre l'a montré.
Mais l'Europe doit parvenir à dépasser ses divisions. Elle se trouve face à son destin, et peut sortir de l'histoire. Chacun mesure, de nouveau, la gravité du moment que nous vivons. Nous devons donc faire preuve d'audace et d'imagination pour combler les lacunes qui apparaissent sous nos yeux.
J'en donnerai deux exemples précis : le premier a trait à nos politiques d'asile, qui sont aujourd'hui trop disparates d'un pays à l'autre. Les filières d'immigration clandestine en profitent.
Second exemple : nos frontières externes doivent être tenues, et tenues collectivement.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui comme depuis de nombreuses années : la situation de la Grèce le montre chaque jour, tout comme la décision de rétablir temporairement les contrôles aux frontières prise dimanche par l'Allemagne puis par d'autres pays.
Je le répète, nous n'hésiterons pas à prendre ce type de décision.
Mais dans ce contexte, il nous faut un plan d'ensemble qui combine réponse à l'urgence et action de long terme. L'urgence, c'est d'organiser l'accueil des réfugiés en Europe et de maîtriser les flux migratoires. Le Conseil justice et affaires intérieures a cependant, je veux le dire, permis d'arrêter des orientations importantes qui constituent autant d'acquis.
Premier point : nous allons mettre en place - la France portait cette idée depuis plusieurs mois - des centres d'accueil et d'enregistrement - qu'on appelle des hot spots - dans les pays de première entrée, c'est-à-dire en Italie, en Grèce, en Hongrie, et peut-être demain en Serbie. Ce pays le demande en effet, même s'il n'est pas membre de l'Union européenne.
Ces centres vont permettre d'identifier, dans tous les sens du terme, et d'enregistrer chaque migrant. Nous pourrons ainsi distinguer rapidement ceux qui ont besoin de protection de ceux qui ne sont pas concernés par l'asile. Ces centres doivent maintenant être opérationnels le plus rapidement possible.
Le premier ouvrira dans les prochains jours en Grèce. La France est une nouvelle fois - elle l'a fait ces derniers jours à Munich - prête à apporter son expertise en déléguant des personnels de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la police de l'air et des frontières.
Je veux être très clair, car ce point est essentiel pour la réussite du plan global et pour l'Europe, comme pour la réussite de Schengen ainsi que pour l'idée que nous nous faisons du droit d'asile : le processus de relocalisation doit se faire à partir de ces centres d'accueil et non à partir de l'Allemagne ou de l'Autriche. C'est, encore une fois, essentiel si nous voulons avancer ensemble en Europe.
Deuxième point : pour accueillir les personnes ayant besoin de protection, les Européens doivent s'accorder sur un processus de répartition équitable. Un accord proposé par la Commission - qu'on oublie parfois - existe déjà, et il fut au mois de juin dernier particulièrement difficile à obtenir. Il porte sur l'accueil de 40.000 personnes, parmi lesquelles, nous l'avions déjà annoncé, 6.700 viennent ou viendront s'installer dans notre pays.
C'est pour cette raison que nous ne parlons pas de quotas : ce mot prête à confusion, il n'est pas adapté à la problématique des réfugiés et du droit d'asile, en outre, vous le savez, il est connoté dans notre débat national.
Pour faire face à l'accroissement des flux, la Commission propose, aujourd'hui, de porter ce nombre à 160 000. Une large majorité d'États membres a souscrit à cet objectif.
Pour notre pays, cela suppose d'accueillir, comme le président de la République s'y est engagé, sur deux ans, 24.000 personnes de plus. La France y est prête.
Il me serait difficile d'être opposé à ce chiffre de 24.000 alors que nous étions d'accord sur près de 7 000 au mois de juin. Nous sommes, nous, cohérents, et ma position, Monsieur le Député, est toujours cohérente.
Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Or plusieurs pays refusent cependant aujourd'hui de jouer le jeu : c'est - je le dis à la tribune de l'Assemblée nationale - inacceptable. Ces pays oublient en effet leur propre histoire, ainsi que ces hommes et ces femmes que nous avons accueillis en France lorsqu'ils fuyaient la dictature et la persécution communistes.
Chacun doit prendre sa part de l'effort, en fonction bien sûr de ses capacités. Cela implique d'expliquer, de convaincre, et aussi d'assumer une décision devant son opinion publique.
La solidarité n'est pas une valeur à la carte : elle vaut pour tous, et est donc aussi exigible de tous. Sinon, c'est le sens même du projet européen qui s'effondre. Un nouveau Conseil justice et affaires intérieures devrait se tenir en début de semaine prochaine : nous devrons impérativement avancer sur ce sujet.
Nous sommes à l'initiative, notamment grâce à notre diplomatie, à Laurent Fabius et à Harlem Désir. Le président de la République rencontrera demain le président du Conseil italien Matteo Renzi. Je serai moi-même jeudi et vendredi en Suède et en Autriche.
Troisième point : nous devons mettre en place une politique de retour effective pour les personnes en situation irrégulière sur le sol européen : il en va de la crédibilité de l'ensemble de ces politiques. Le sérieux, la maîtrise, c'est aussi cela.
Nous devons donc renforcer le rôle de Frontex et la France soutiendra les propositions de la Commission. Le système d'information Schengen devra également être mis à contribution pour empêcher que les migrants auxquels l'accès a déjà été refusé puissent entrer sur le territoire.
Par ailleurs, l'Union européenne a décidé d'autoriser désormais des opérations militaires coercitives dans les eaux internationales contre les bateaux affrétés par les filières de passeurs, dans le respect, bien sûr, de la sécurité des personnes. La France, qui participe déjà à toute une série d'actions en Méditerranée mettra, dans les prochains jours, une frégate à disposition à cet effet.
Quatrième point, qui est essentiel, car il s'agit de la condition sans laquelle rien n'est possible : nous devons coopérer plus étroitement avec les pays de transit et d'origine des migrants en fournissant notamment une aide humanitaire massive aux pays qui consentent des efforts considérables pour accueillir des camps de réfugiés. Il y a, vous le savez et nous l'avons rappelé hier, quatre millions de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban ainsi que des centaines de milliers dans la Corne de l'Afrique.
Cette coopération est nécessaire pour démanteler les réseaux criminels de traite des êtres humains, et pour aider à la mise en oeuvre rapide, dans les pays de transit, de centres d'aide au retour des migrants et de prévention des départs, ce que nous sommes en train de faire au Niger.
Plus généralement, nous n'aurons pas de politique de retour effective sans des dialogues politiques - sous l'égide de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec le soutien de notre diplomatie - avec les pays de départ. Ces dialogues doivent se nouer rapidement, et en particulier promouvoir la réadmission des migrants en situation irrégulière dans leur pays.
Faut-il s'arrêter là ? La réponse est clairement non. Nous devons aider les pays d'origine à mieux se développer économiquement, à donner plus de perspectives à leur population, et notamment à leur jeunesse. Ces objectifs seront au coeur du sommet de La Valette qui se tiendra le 11 novembre prochain.
D'ores et déjà, l'Union envisage de créer un fonds dédié, doté de 1,8 milliard d'euros, afin de résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel, du lac Tchad et la corne de l'Afrique. Et je veux une nouvelle fois rappeler la proposition du président de la République d'organiser, afin d'amplifier ce mouvement, une conférence que Paris pourrait accueillir début 2016.
Nous devons, ensuite, consolider une politique migratoire à l'échelle européenne. Cela passe par une plus grande harmonisation des procédures en matière d'asile. À cet égard, la proposition de la Commission d'établir une liste commune de pays sûrs, en particulier les Balkans occidentaux, va dans le bon sens. Son principe a d'ailleurs été validé par les États membres : il faut qu'elle entre dans les faits.
Enfin, nous devons renforcer l'espace Schengen. Je connais le débat relatif aux frontières, qui peut nous passionner. Les États-nations n'ont pas disparu avec l'Union européenne, la monnaie unique ni avec l'espace Schengen. La France est toujours là, et il existe toujours des frontières nationales.
Schengen, c'est la libre circulation des personnes. Il s'agit d'un élément essentiel de notre identité européenne, mais aussi de notre sécurité. Mais Schengen, c'est aussi le contrôle efficace des frontières externes, car sinon cela ne marche pas.
Je me réjouis donc que le président Juncker ait clairement indiqué que la Commission proposerait d'ici la fin de l'année la mise en place de gardes-frontières européens, car c'est une idée que la France porte depuis longtemps.
Je sais que certains voudraient faire croire que la solution serait dans l'abolition de Schengen. L'extrême droite nous dit : «j'avais raison !». Cette formule est le condensé parfait de ce qu'est le populisme : une pensée qui se nourrit de la catastrophe et des difficultés, qui n'apporte aucune solution et qui, traduite dans les faits, mettrait notre sécurité en difficulté.
Nous avons besoin de plus d'Europe pour faire face aujourd'hui aux défis des réfugiés, et non pas de moins d'Europe.
D'autres proposent, dans le cadre d'un débat républicain, un Schengen 2. Mais qu'y a-t-il derrière cette proposition ? J'ai compris qu'elle impliquait le respect des règles de Schengen 1 : elle a donc pour principal avantage et pour principale vertu de ne pouvoir susciter que l'unanimité et le rassemblement.
J'ai aussi compris qu'il s'agissait de mettre en oeuvre une politique européenne de l'asile et un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union européenne. Cela revient à faire ce que nous faisons et ce que je vous propose : j'en déduis donc que, s'agissant de Schengen 2, le bon sens inspire le gouvernement et qu'à cette proposition s'ajoute parfois le goût de la polémique inutile sur les sujets migratoires.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous proposons un plan global, qui permettra -en le consolidant, je le répète - de préserver cet acquis fondamental de la construction européenne. Toute proposition qui bloque l'Europe, ou qui met en cause Schengen, met en cause l'Europe et met en cause ce que nous sommes, c'est-à-dire l'identité et la sécurité de la France.
Mesdames et Messieurs les Députés, la question des réfugiés, comme celle de l'accueil interroge toujours ce que nous sommes. La question de savoir qui est celui qui est accueilli renvoie toujours, en miroir, à celle de savoir qui est celui qui accueille.
Face à cet afflux considérable aux portes de l'Europe, face aux destins brisés, face aux images, le coeur des Français parle mais ils sont également saisis par l'inquiétude.
La France doute souvent : de sa force, de ses capacités ou de son identité. Le défi des réfugiés, c'est l'occasion pour nous de nous révéler tels que nous sommes : une nation forte et généreuse, une nation qui a toujours guidé le monde et les peuples vers l'émancipation, la liberté, le droit, la dignité et la culture, une nation qui accueille l'opprimé tout en restant ferme sur ses valeurs : liberté, égalité, fraternité et laïcité, car consciente que c'est cette fermeté qui garantit la pérennité et la force des principes qui la constituent.
Oui, c'est son honneur, la France accueillera les migrants qui, sinon, mourraient aux portes de l'Europe.
Elle assumera ses valeurs, à la hauteur de son rang, à la hauteur de l'exigence que, nous-même, nous nous fixons, à la hauteur de ce qu'elle attend de la solidarité européenne.
Si la France agissait sans maîtrise, sans fermeté, elle affaiblirait la réalité de son message universel et les conditions concrètes de l'accueil des réfugiés, que nous voulons exemplaires. C'est toute la différence entre le devoir d'accueillir celui qui est entre la vie et la mort et la possibilité de faire venir celui qui, légitimement, voudrait faire évoluer ses conditions de vie.
Au fond, nous le voyons bien, le moment que nous vivons est empli de gravité : crise des migrants, défi climatique, menace terroriste. Dans ce monde instable, nos nations peuvent courir le risque de basculer.
Aussi, plus que jamais, la responsabilité de ce gouvernement, et peut-être aussi de ceux qui ont gouverné, c'est de tenir bon, d'envoyer au monde, à l'Europe, à nos partenaires, à nos voisins, mais aussi aux Français, ce message de constance, de maîtrise et d'unité indispensable sur un tel sujet, car ceux qui voudront, pour des raisons électorales, utiliser l'immigration, la crise des réfugiés se trompent lourdement et le paieront cher à un moment ou à un autre.
La France, souveraine dans l'Europe qu'elle a contribué à bâtir, assume ses devoirs, reste fidèle à ses valeurs et assume pleinement ses choix.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
Avec le ministre de l'intérieur, nous partageons, depuis le début de cette crise, un souci de vérité et de précision. La vérité, je le rappelle, c'est que nous affrontons une crise. Une crise majeure pour l'Europe, avec un flux de réfugiés et de migrants d'une ampleur que nous n'avons pas connue depuis le dernier conflit mondial. Face à cela, il faut une mobilisation et des réponses exceptionnelles.
Il importe également de rappeler quelles sont les valeurs de la France et de l'Europe. Tous les orateurs qui sont intervenus ont fait référence, avec des nuances, cela va de soi, et chacun selon son style, à ces valeurs. C'est une bonne chose que l'Assemblée nationale ait réaffirmé ces valeurs cet après-midi, comme le Sénat le fera ce soir, je n'en doute pas, à l'occasion du débat qui s'y tiendra en présence du ministre de l'intérieur. Il est très important de rappeler ces valeurs, afin d'éviter que ce type de débat ne bascule.
Nous avons évoqué le risque terroriste, mais aussi l'urgence climatique, qui a elle aussi un lien avec ces migrations. À cet égard, Monsieur le Député a eu raison de rappeler que les migrations, aujourd'hui, se font d'abord du Sud vers le Sud. Le climat y est évidemment pour beaucoup, en plus des situations politiques, économiques, ou des situations de guerre. Chacun est donc bien conscient qu'une solution strictement franco-française n'aurait aucun sens : une fermeture totale des frontières n'aboutirait à rien. Les solutions à trouver sont difficiles, et il ne faut donc pas céder à la facilité.
Il s'agit évidemment de trouver, au niveau méditerranéen, dans nos relations avec l'Afrique et au niveau mondial, des solutions diplomatiques et militaires. Mais c'est au niveau européen que nous devons trouver une solution : il importe de ne pas remettre en cause ce principe. L'Europe pourrait-elle faire mieux ou plus ? Bien évidemment ! Et c'est pour cela que, contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre, la France a été, depuis le début, à l'offensive. Et j'ai rappelé tout à l'heure que nous aurions aimé être suivis par tous les pays concernant le plan français préparé et présenté il y a un an. Un an !
Ce goût, qu'on ne retrouve pas nécessairement dans les autres pays, du bon mot ou de la petite phrase, proférés dans le seul but de s'opposer au gouvernement, sans que ceux qui le critiquent ne connaissent rien des initiatives qu'il a prises depuis un an sur la scène européenne, est regrettable. Au mois de juin, les Italiens et les Français ont été bien seuls pour défendre l'idée d'une répartition. Madame Auroi, vous avez affirmé que nous étions opposés à la répartition. Je suis désolé de vous le dire en dépit de l'amitié qui je nous lie : vous vous trompez. C'est au contraire à ce moment-là que nous avons accepté la proposition de la Commission européenne. Je récuse, en revanche, toujours le mot «quota» qui ne peut pas s'appliquer au cas de l'asile. Toutefois, il fallait que chaque pays prenne ses responsabilités.
Monsieur le Député a eu raison de rappeler la césure existant entre le Nord et le Sud, plus particulièrement entre les pays qui sont entrés plus récemment dans la démocratie et au sein de l'Union européenne et les autres. L'histoire doit rester présente à l'esprit de chacun : nous ne pouvons pas, aujourd'hui, ne pas nous montrer solidaires devant les événements qui se déroulent en Europe. Oui, il faut une solution européenne, ce qui interdit de manier le concept de Schengen avec légèreté. Ce traité est perfectible pour une seule raison : il doit être effectivement mis en oeuvre, notamment à nos frontières extérieures. En revanche, mettre en cause Schengen en faisant des propositions qui, à terme, rendraient impossible son fonctionnement, c'est mettre en cause l'idée même d'Europe.
Chacun doit prendre position dans ce débat, où il convient de rester pragmatique. Il appartient à la Commission et aux États membres de fournir les moyens nécessaires. Il ne faut pas non plus hésiter à recourir à tous les aspects de Schengen, notamment en rétablissant temporairement les contrôles aux frontières en cas de difficulté majeure. Nous l'avons fait et n'hésiterons pas à le faire de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire. Je tiens toutefois à rappeler que, lorsque je me suis rendu, en tant que ministre de l'intérieur, à mon premier conseil JAI, la première décision que j'ai eu à prendre fut de rassurer mes homologues européens. En effet, en raison de l'attitude du gouvernement précédent dans la crise tunisienne, Schengen ne fonctionnait plus bien.
Un grand pays comme la France, qui a contribué à la construction européenne et qui souhaite compter et voir d'autres pays suivre ses propositions, ne doit pas oublier les valeurs de l'Europe, surtout lorsqu'il s'agit de gouverner au coeur de difficultés. Je regrette d'entendre, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, des propositions inconséquentes, qui ne sont pas fiables et ne pourraient pas être mises en oeuvre tout simplement parce qu'elles ne correspondent pas au compromis nécessaire sur lequel doit reposer l'Europe. Je tiens à prévenir les Républicains : attention ! À force de chercher à courir derrière certains, vous mettez en cause le combat européen qui a été le vôtre.
Monsieur le Député, je vous ai si souvent entendu sur la Roumanie et la Bulgarie ainsi que sur des questions relatives à la politique de défense ou aux affaires étrangères, que je me demande si la tradition de construire l'Europe vous habite encore. Sachez, en tout cas, qu'elle nous habite toujours. Sur l'Europe, nous ne transigerons pas, tout simplement parce qu'il faut plus d'Europe et lui donner les moyens de fonctionner. C'est du reste le message que j'ai entendu dans la bouche de la plupart des orateurs : l'essentiel est notre volonté de construire une réponse au plan européen. Qui peut aider la Turquie, si ce n'est l'Europe ? Qui peut aider le Haut Conseil aux réfugiés, en dehors de la communauté internationale et des Nations unies, si ce n'est l'Europe ? Qui peut, aujourd'hui, intervenir sur nos frontières extérieures ? C'est évidemment l'Europe, qui devra, naturellement, tenir compte de la situation.
Monsieur le Député, il y a quelques mois, d'aucuns, à droite et à gauche, reprenant certaines positions allemandes, expliquaient que la Grèce devait sortir de l'euro. Quel message aurions-nous envoyé si nous avions dit à la Grèce de quitter l'Europe alors qu'elle affronte un tel afflux de migrants ! Il faut être conséquent, il faut être cohérent : quand on a gouverné et qu'on aspire de nouveau à le faire, on ne peut pas dire n'importe quoi aux Français, parce qu'ils jugent chacun sur sa capacité à tenir un discours cohérent. Or le président de la République et le gouvernement font preuve de cohérence en matière d'accueil des réfugiés et de maîtrise de la situation.
Madame la Députée, je peux me retrouver dans une grande partie des propos que vous avez tenus. Toutefois, est-ce parce qu'il y a des élections au mois de décembre, est-ce parce que vous êtes dans l'opposition, que vous vous sentez obligée de fustiger notre politique migratoire ? Vos arguments ne tiennent pas devant les chiffres que le ministre de l'intérieur a rappelés à l'instant.
Si je voulais polémiquer avec vous je rappellerai que, sous Nicolas Sarkozy et François Fillon, la France a perdu 13 000 postes de gendarmes et de policiers et que c'est notre gouvernement qui redonne des moyens à la police et à la gendarmerie.
Pour reconduire les immigrés en situation irrégulière à la frontière, Madame la Députée, la police n'a besoin ni de discours ni d'attitudes ni de voyages à l'étranger, mais de moyens. L'asile a, lui aussi, besoin de moyens : nous continuerons d'en donner, notamment à l'OFPRA. Il était également nécessaire d'adopter une loi «asile» pour réduire les délais : c'est votre collègue qui l'a défendue à l'Assemblée nationale. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les chiffres que, sur cette question aussi, M. Cazeneuve a fournis.
Plutôt que de polémiquer dans ces moments de gravité, cessez de mettre en cause notre politique migratoire, d'asile ou d'accueil. Je le répète : les chiffres sont de notre côté. Il est temps d'entendre le changement qui perce dans le pays, que ce soit sur la sécurité, l'asile ou les politiques migratoires.
La responsabilité est du côté de la gauche, qui assume pleinement le gouvernement du pays, ne raconte pas n'importe quoi aux Français, maîtrise ces sujets dans la difficulté et cherche des solutions aux plans national et européen. Je suis prêt à vous répondre sur tous les sujets.
Il y a ce qui se dit ici, à la tribune, et ce qu'on profère dans les matinales à la radio ou ce qu'on peut lire dans la presse. Madame la Députée, sur le terrorisme, vous n'avez pas tenu ici les propos que vous avez pu tenir ailleurs. Ne faisons pas peur à nos concitoyens. Le risque terroriste existe, bien sûr. Mais faire croire qu'il passerait par les demandeurs d'asile est une idée absurde. Nous prenons évidemment les moyens nécessaires. Lorsqu'il s'est agi, récemment, à Munich, d'identifier des réfugiés, la direction générale de la sécurité intérieure était présente, en vue de contrôler chacun avec précision. Madame la Députée, vous ne nous prendrez pas en défaut sur une question sur laquelle j'espère pouvoir compter sur chacun. Nous sommes déterminés à protéger nos concitoyens.
S'agissant du codéveloppement - un autre sujet que vous avez abordé -, Pascal Canfin, alors ministre délégué, et moi-même, en tant que ministre de l'intérieur, avons mis fin au véritable chantage que Brice Hortefeux avait imaginé et qu'il faisait peser sur les pays d'origine : ce chantage était du reste inefficace puisqu'il n'y avait pas de contrat possible avec un pays comme le Mali. Il ne sert à rien de proposer de nouveau des solutions qui, par le passé, se sont révélées être des erreurs.
Mesdames et Messieurs les Députés, je me félicite de la tenue de ce débat, tout en regrettant qu'il n'ait pas mobilisé un plus grand nombre d'entre vous car il est important pour le pays. La fermeté, la maîtrise, la solidarité et le rappel de nos valeurs sont les lignes de conduite de ce gouvernement. Je suis convaincu que c'est autour de celles-ci qu'il est possible de rassembler une très large majorité de Français. Le pays, je tiens à le répéter, a besoin non seulement d'unité et de rassemblement mais également de sérieux sur des sujets tels que ceux que nous avons abordés.
* Propos de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames les Ministres, Mesdames les Présidentes de commission, Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaite tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants, qui ont contribué à nourrir de leurs propositions ce débat important dans un contexte migratoire particulièrement difficile.
Le Premier ministre devant intervenir, je me concentrerai sur des éléments évoqués par quelques orateurs appelant de nécessaires précisions si nous voulons que notre débat puisse aller à son terme conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre sur un sujet qui renvoie à l'essentiel, soit, à l'avenir de l'humanité et aux drames que connaissent des populations persécutées dans leur pays.
Nous avons donc besoin de précision, d'une exigence de rigueur intellectuelle et, pendant notre dialogue commun, nous nous devons de revenir à la réalité des chiffres et des faits.
Premier point sur lequel je souhaite insister : la réalité des flux migratoires auxquels notre pays est confronté.
En dépit d'un contexte migratoire extrêmement difficile exposant un certain nombre de pays de l'Union européenne, et non des moindres, à des flux migratoires importants - comme nous l'avons vu en Allemagne - existe-t-il actuellement en France un déferlement de migrants qui traverseraient, au nord, la frontière séparant la France de l'Allemagne ou, au sud, celle qui sépare notre pays de la Suisse ou de l'Italie ? Quels sont les chiffres ?
En 2014, alors que la pression migratoire s'exerçait déjà - il ne faut pas oublier que, pendant les huit premiers mois de l'année dernière, près de 160.000 personnes ont franchi les frontières extérieures de l'Union européenne - nous avons assisté à une diminution des demandes d'asile en France, de l'ordre de 2,34%.
Depuis le début de l'année, les demandes d'asiles sont étales. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que, dans les semaines et les mois qui viennent - le Premier ministre l'a dit dans son intervention - notre système de l'asile sera mis sous tension, la France ayant souhaité, sans discuter et avec fierté, prendre sa pleine et entière part dans le dispositif de relocalisation et de réinstallation proposé par la Commission européenne et, ce, pour une raison très simple : elle a contribué à son élaboration.
Nous accueillerons donc 30.000 migrants pendant les deux prochaines années soit 15.000 par an. La décision que nous avons prise mettra donc notre système d'asile sous tension.
Qu'avons-nous fait pour nous préparer à cela, tout d'abord sur le plan national ? Je vais communiquer des chiffres, outre ceux que je viens de donner concernant la réalité de l'asile - j'aurais d'ailleurs pu aussi parler de la réalité des flux migratoires : 200 000 titres de séjour sont attribués chaque année, ce qui correspond à 0,3% de la population, ce chiffre étant le même depuis de nombreuses années, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays de l'Union européenne.
Je prends un exemple très simple, celui du Royaume-Uni, pays dont le traitement des flux migratoires est souvent cité comme rigoureux : l'an dernier, 750.000 migrants et demandeurs d'asile sont arrivés dans ce pays, ce qui correspondait à une augmentation très significative du nombre de ceux qui avaient décidé d'y trouver refuge ou d'y travailler.
Voilà ce qu'il en est donc de la réalité des flux.
Deuxième point : qu'avons-nous fait ?
Tout d'abord, nous avons trouvé un système d'asile que des rapports parlementaires transpartisans ont jugé «embolisé». Pourquoi ? Pour des raisons très simples.
L'insuffisance de moyens au sein de l'OFII et de l'OFPRA était patente, le traitement des dossiers des demandeurs d'asile étant quant à lui insuffisamment performant. Ainsi nous situions-nous au moins bon niveau de l'Union européenne en termes de délai : la moyenne des pays de l'Union européenne était de neuf mois quand nous nous situions à 24 mois.
Un deuxième sujet soulevait des problèmes : non seulement les délais étaient donc trop longs mais les conditions d'accueil étaient très détériorées et dégradées par rapport aux standards des conditions d'asile dans les autres pays de l'Union européenne puisque nous avions créé très peu de places en CADA.
En outre, la détérioration des conditions d'accueil qui conduisait beaucoup de demandeurs d'asile - et même, parfois, beaucoup de réfugiés bénéficiant de ce statut - à se retrouver soit dans les rues, soit dans des hébergements d'urgence rendait le retour très difficile : plus les délais étaient longs, moins l'hébergement était digne, plus le retour des déboutés était difficile.
Le Premier ministre a décidé d'appliquer les conditions qu'il avait données lorsqu'il était ministre de l'intérieur et dont il m'a confié la charge : il a décidé d'augmenter significativement les moyens de l'OFPRA afin de réduire les délais.
Je tiens à me montrer extrêmement précis s'agissant des moyens de l'OFPRA. Nous avons créé 50 postes en son sein pendant les deux dernières années. Pendant les cinq années du précédent quinquennat, 40 avaient été créés.
Suite aux annonces que le Premier ministre vient de faire à l'instant, concernant l'OFPRA, l'OFII et les préfectures - dans le cadre de la mise en place des guichets uniques - ce sont en tout 240 emplois qui seront créés.
Voilà la réalité de notre action pour mettre le système d'asile à niveau !
Le précédent gouvernement a créé 2 000 places d'hébergement en CADA en cinq ans. Or, année budgétaire après année budgétaire et en tenant compte des annonces faites par le Premier ministre, ce sont 18 500 places en CADA qui auront été créées pendant le quinquennat alors que, selon les rapports parlementaires, il en fallait 20 000 pour remettre le système d'asile à niveau.
Par ailleurs, des collectivités locales se sont mobilisées face aux drames humanitaires en accompagnant la volonté de l'État d'être à la hauteur. Nous ne les avons pas appelées à la rescousse parce que nous ne faisions pas notre devoir - je viens de rappeler notre action.
C'est précisément parce que nous agissons ainsi que les collectivités locales se sont manifestées afin que nous travaillions ensemble. Dès lors que l'État prenait ses responsabilités à 100%, nous avons décidé de couvrir également 100% des dépenses résiduelles des collectivités dès lors qu'elles acceptaient d'accompagner l'État.
Je le dis pour Monsieur le Député, qui estimait que 1 000 euros, ce n'était pas assez. Mais cette somme correspond très exactement, sur la base des calculs que j'ai faits, à la part résiduelle à la charge des collectivités locales, en tenant compte de ce qu'elles font pour accompagner les demandeurs d'asile lorsqu'ils arrivent - éducation ou aide sociale, par exemple.
Pourquoi cette somme paraît-elle faible, en comparaison de ce qui se fait en Allemagne ? Tout simplement parce que nous, nous assurons 100% de la couverture de la dépense en exerçant nos compétences régaliennes, et que nous pouvons ainsi couvrir 100 % de la dépense résiduelle des collectivités.
Premièrement, nous donnons des moyens à l'OFPRA et à la CADA ; deuxièmement, nous couvrons les dépenses des collectivités locales. Troisièmement, un débat est ouvert, concernant les déboutés du droit d'asile, et ce débat doit avoir lieu.
Pour ma part, je ne suis pas du tout choqué, lorsque Mme la députée dit que la soutenabilité du dispositif impose de reconduire à la frontière les déboutés du droit d'asile. Pour que vous ne quittiez pas cet hémicycle avec une angoisse rentrée, je voudrais vous donner des chiffres, qui sont de nature à vous rassurer totalement.
Il a été procédé à 13 908 éloignements forcés en 2009 - et je parle des éloignements hors Union européenne. Vous savez en effet que les éloignements au sein de l'Union étaient financés à hauteur de 1 000 euros, ce qui conduisait un certain nombre de personnes à partir à Noël en touchant les 1 000 euros, à passer Noël dans leur pays puis à revenir entre Noël et Pâques, avant de retourner passer Pâques en famille, non sans avoir à nouveau touché ces 1 000 euros. C'est l'actuel Premier ministre, Manuel Valls, qui a mis fin à ce dispositif lorsqu'il était ministre de l'intérieur.
Permettez-moi de vous donner les chiffres, qui sont précis et dont vous pouvez vérifier l'exactitude dans les documents qui sont mis à la disposition des parlementaires : il a été procéd à 13 908 éloignements forcés en 2009 ; leur nombre a ensuite baissé en 2010, puisqu'on n'en a compté que 12 034. Il y en eut 12 547 en 2011, 13 386 en 2012, 14 076 en 2013 et 15 161 en 2014. En 2015, nous augmentons encore de 40% les éloignements de déboutés et d'étrangers en situation irrégulière, hors l'Union européenne.
Telle est la réalité des chiffres que nous affichons, et qui ne correspondent pas du tout aux vôtres, pour une raison que je comprends d'ailleurs : c'est que vos chiffres incluaient les retours aidés internes à l'Union européenne. Or il s'agit de faux retours.
Les vrais retours sont ceux qui concernent les pays extérieurs à l'Union européenne : ce sont aussi les plus difficiles à mettre en oeuvre. Et, de ce point de vue, nous avons augmenté très significativement les retours.
Pourquoi l'avons-nous fait, Madame la Députée ? Nous ne l'avons pas fait parce que nous avions plus de volonté que vous - je veux être extrêmement scrupuleux dans ce débat. Nous l'avons fait, parce que nous avions plus de moyens, parce que nous avons donné davantage de moyens à nos forces de police et de sécurité. Sur ce point aussi, je veux être extrêmement précis, car ce fut une difficulté pour nous : lorsque nous avons dû mobiliser des moyens significatifs en unités de force mobile pour assurer le plan Vigipirate, dans un contexte de risque terroriste dont le Premier ministre n'a cessé de rappeler qu'il était extrêmement élevé ; lorsque nous avons dû mobiliser des unités de force mobile à la frontière nord, puis à la frontière sud, pour assurer la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière, nous avons constaté que les quinze unités de force mobile qui ont été supprimées entre 2007 et 2012 nous manquaient cruellement.
Et si le Premier ministre n'avait pas pris la décision, alors qu'il était ministre de l'intérieur, de créer ces 500 emplois par an, auxquels se sont ajoutés 1 500 emplois à l'occasion du plan antiterroriste, puis les 900 emplois dont la création a été annoncée aujourd'hui par le Premier ministre, nous n'aurions pas obtenu de tels résultats en matière d'éloignement et de lutte contre l'immigration irrégulière.
Ces résultats, quels sont-ils, au-delà les éloignements dont je viens de parler ? S'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière et contre ses filières, nous avons démantelé 25% de filières supplémentaires en 2014 par rapport à 2013. Et, dans les huit premiers mois de l'année 2015, nous en sommes à 177 filières, ce qui correspond à 3.300 individus arrêtés ; 800 d'entre eux ont été judiciarisés et un certain nombre emprisonnés - quant aux autres, ils sont suivis. En comparaison, l'Allemagne, qui accueille 800.000 migrants, en a neutralisé 1.800 seulement. Nous sommes résolus, dans la lutte contre l'immigration irrégulière, à procéder à l'éloignement à la frontière de ceux qui ne relèvent pas de l'asile et n'ont pas vocation à rester sur le territoire national, parce que la soutenabilité de notre politique de l'asile dépend de notre capacité à éloigner ceux qui doivent l'être.
Je veux aussi donner des chiffres précis pour répondre à M. le député qui, lorsque le Premier ministre a évoqué Calais, a demandé combien d'éloignements y avaient eu lieu. Je vais vous donner un chiffre très précis : sur Calais, nous avons procédé, depuis le début de l'année 2015, à 1 630 éloignements, ce qui est un chiffre record.
J'ai donné hier des instructions au préfet Cordet pour que nous ayons à Dunkerque la même stratégie qu'à Calais concernant les éloignements, mais aussi la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière et l'accès à l'asile de ceux qui relèvent en Europe du statut de réfugié et qui doivent savoir qu'ils ne passeront pas en Angleterre et qu'ils ont intérêt à demander l'asile en France. Tout cela, nous le faisons parce que des moyens substantiels, significatifs, dont nous avons besoin, viennent conforter à la fois les effectifs et les moyens matériels des forces de police - je pense aux moyens numériques, mais aussi aux moyens de la police scientifique et technique. De ce point de vue, la décision prise en janvier d'augmenter de 261 millions d'euros sur trois ans les moyens de la police dans la lutte contre le terrorisme, et pas seulement, relève d'une politique tout à fait intéressante.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, après avoir donné ces éléments de réponse précis à tous les orateurs qui se sont exprimés, j'aimerais conclure mon propos en m'arrêtant sur un point précis : le statut de l'asile.
Premièrement, le statut de l'asile est-il divisible ? Non, le statut de l'asile est comme la République : un et indivisible. Comme le Premier ministre l'a dit avec beaucoup de force, les réfugiés qui sont persécutés dans leur pays ne peuvent pas être distingués en fonction de leurs origines ethniques ou religieuses, de leur provenance ou des raisons pour lesquelles ils sont persécutés. Cette unité, cette indivisibilité du statut de réfugié, semblable à l'indivisibilité de la République, dont nous partageons les valeurs, doit être porté avec force par notre pays, parce que c'est ce qui fait sa grandeur au sein de l'Union européenne.
J'ai vu que l'on nous proposait un nouveau statut, celui de réfugié de guerre. Ce statut, il faut l'examiner avec intérêt, parce qu'il n'y a aucune raison de rejeter a priori une idée, sous prétexte qu'elle vient de l'opposition, si elle peut être utile. Quelle est l'idée qui préside à cette proposition, formulée dans Le Figaro par le président des Républicains ? C'est l'idée que ceux qui sont en situation de conflit, et qui ne sont pas nécessairement persécutés, pourraient se voir accorder une protection en France et en Europe.
C'est une très bonne idée, et elle est à ce point excellente, qu'elle existe depuis plusieurs décennies en droit français : cela s'appelle la protection subsidiaire. Et je veux, sur ce sujet aussi, vous donner des chiffres extrêmement précis : nous accordons chaque année le statut de réfugié à 11.000 personnes, dont 3.000 ne sont pas nécessairement persécutées dans leur pays. Elles bénéficient néanmoins en France de la protection subsidiaire, qu'elles se voient accorder par le gouvernement français, en raison de ce qu'est l'état du droit.
Je voudrais vous remercier de faire cette proposition, car il vaut mieux faire une proposition qui existe, plutôt qu'une proposition impossible à mettre en oeuvre.
Votre proposition est totalement pertinente : elle l'est à ce point qu'elle existe depuis longtemps en droit français.
Le président des Républicains a également proposé que l'on mette en oeuvre cette protection subsidiaire en vertu d'une directive de 2001. Il existe en effet, dans la directive de 2001, un dispositif de ce type, que l'on appelle la «protection temporaire». Mais il faut, pour la mettre en oeuvre - et c'est sans doute la raison pour laquelle cela n'a jamais été fait - obtenir une décision du Conseil, ce qui implique une procédure extrêmement lourde. Et je dois dire, pour avoir testé l'idée à l'occasion des derniers conseils Justice et affaires intérieures - JAI - que cette proposition n'avait pas suscité l'enthousiasme des 27 autres pays de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle je doute que l'on puisse la mettre en oeuvre tout seuls.
Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne l'idée d'un «Schengen 2», qui succéderait à «Schengen 1». Les meilleures séries ont des numéros : il n'y a pas de raison que Schengen, qui est un bon dispositif, ne connaisse pas les mêmes possibilités de se développer. Mais encore faut-il savoir ce que l'on met dans Schengen 2. Plusieurs versions ont été proposées : selon la première, Schengen 2 serait une sorte de Schengen 1, dont on appliquerait les règles. Voilà une interprétation qui pourrait facilement faire l'unanimité au sein du Conseil européen, puisque celui-ci n'entend pas que l'on n'applique pas les règles de Schengen. Cette idée est donc tout à fait recevable et devrait recueillir un consensus très large au sein des institutions européennes.
Une deuxième interprétation de Schengen 2 consiste à dire que l'on va exercer des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne, en faisant une distinction entre les réfugiés et les migrants économiques irréguliers, de manière à assurer la soutenabilité de l'accueil des réfugiés. Nous avons appelé cela, de manière un peu barbare, les hotspots. C'est une très bonne idée, qui a été proposée par la France. Elle est désormais reprise par l'Union européenne comme une orientation à mettre en oeuvre. Ce projet ne devrait pas, lui non plus, susciter de débat.
Une troisième idée a été avancée plus récemment dans l'interview du Figaro : Schengen 2 consisterait à rétablir des frontières, au sein de l'Union européenne, qui ne concerneraient que les ressortissants étrangers, et pas ceux de l'Union. Ce concept est plus difficile à saisir et nécessite sans doute un effort de pédagogie supplémentaire : il faudra quand même chiffrer le coût du rétablissement des contrôles aux frontières - qui ne concerneraient, donc, que les Européens. Il faudra également déterminer des critères très précis - je ne suis pas sûr que ce soit facile à faire et que cela soulève de bons débats - pour permettre aux policiers de distinguer immédiatement les Européens des étrangers.
Sur des sujets aussi sérieux, sur des questions aussi graves, qui devraient faire l'objet d'un consensus, ou au moins d'un compromis, on ne peut se livrer à de telles approximations, dans le seul et unique but de créer des divisions à l'approche des élections.
À tous les autres orateurs, qui ont évoqué avec beaucoup de force et de talent ce que sont les valeurs de la République et ce que sont les principes du droit d'asile, je crois que le Premier ministre sera d'accord pour que nous adressions des remerciements chaleureux, parce que notre débat nécessite du rassemblement et de la force.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2015
L'Europe fait face à une crise migratoire d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. Cette crise est la conséquence des déséquilibres et des désordres qui traversent le monde : les conflits ouverts ou larvés en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Érythrée ou au Soudan, les États qui s'effondrent - je pense notamment à la Libye - ou les dérèglements climatiques et leurs conséquences - inondations, sécheresse et, par conséquent, diminution des terres cultivables. Il y a enfin les conditions de vie difficiles : la misère, la faim, la maladie, qui poussent tant d'individus à partir vers un ailleurs plus prometteur, et majoritairement, je veux le rappeler ici, de pays du Sud vers d'autres pays du Sud.
Cette crise migratoire - la plus forte, en Europe, depuis la Seconde guerre mondiale - met l'Union européenne face à une responsabilité historique. Elle exige également que la France soit à la hauteur de son rang, à la hauteur de son histoire. Saisis par la violence des faits, par la dureté des images et par l'émotion - nous avons tous en tête, cela a encore été rappelé hier, l'image d'Aylan, et je pourrais parler de toutes les autres victimes, celles que l'on ne voit pas, tels les vingt-deux morts dans un naufrage en Turquie hier -, notre pays, me semble-t-il, a démontré une fois de plus qu'il est capable du meilleur. Il y a la mobilisation des dernières semaines, j'y reviendrai ; mais, bien avant cela, le président de la République et le gouvernement avaient pris la mesure de ce défi, et nous avons agi avec méthode.
La France, fidèle à ses valeurs, sait qui elle est. Elle regarde la situation avec une très grande lucidité. La question des réfugiés, parce qu'elle touche à des vies, à des destins, à des espoirs, oblige à la lucidité et oblige à la rectitude.
Le droit d'asile, Mesdames et Messieurs les Députés, est un droit fondamental, qui puise sa source dans notre histoire, dans nos engagements internationaux et dans nos obligations communautaires. Il est de la vocation de la France d'accueillir celui ou celle qui est persécuté pour ses idées ou exposé à des risques pour son intégrité. Le Gouvernement français, quelles que soient les circonstances, ne remettra pas, ne remettra jamais en cause ce droit qui est son honneur et constitue une référence de liberté pour tous ceux qui, à travers le monde, subissent la violence ou l'oppression. L'émotion peut soulever des montagnes : nous la ressentons et elle nous donne de la force. Mais elle ne peut être le seul guide de l'action publique.
Ce que nous devons à ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions, ce ne sont pas seulement les bons sentiments - qui d'ailleurs peuvent toujours se retourner au gré des circonstances. Nous devons agir en suivant des principes : humanité et solidarité, mais aussi sérieux et maîtrise.
Il faut du coeur, bien sûr, mais un coeur intelligent, un coeur ferme et un coeur lucide. Et la lucidité, devant la représentation nationale - et, à travers elle, devant les Français -, c'est d'abord nommer et décrire les situations avec précision.
Le nombre des entrées irrégulières dans l'espace Schengen a augmenté, en deux ans, de façon spectaculaire. En 2014, c'est essentiellement l'Italie qui était le point d'attention majeure, avec 170 000 entrées irrégulières, soit 60% du total européen.
Depuis le début de l'année, alors que les entrées par la voie italienne, principalement en provenance de la Libye, diminuent légèrement, deux routes nouvelles, massivement empruntées, viennent s'ajouter : l'une en provenance des Balkans, avec un volume multiplié par quinze ; l'autre en provenance de la Turquie, empruntée par des Syriens, des Irakiens et des Afghans. À compter de la mi-juillet, ce dernier flux s'est brutalement intensifié ; il a été multiplié par dix par rapport à 2014. En tout, on compte ainsi 230 000 entrées depuis janvier.
Hier, l'agence Frontex estimait à 500 000 le nombre d'entrées irrégulières, en huit mois, à la frontière extérieure de l'Union. Bien sûr, les pays européens sont affectés très différemment, d'abord en fonction de la géographie. L'Allemagne l'est beaucoup : on parle d'un million d'arrivées possibles, après les 400 000 déjà dénombrées en 2014. La situation de la France est, à ce stade, totalement différente, avec une demande d'asile pratiquement stable, autour de 65 000, avec même une légère baisse en 2014. Mais il n'en reste pas moins qu'une incroyable pression pèse sur le continent tout entier.
La lucidité, c'est aussi d'analyser ces flux, de poser le bon diagnostic pour agir comme il se doit. Il y a les réfugiés qui viennent de Syrie, d'Irak, d'Érythrée, du Soudan, et qui ont besoin de protection.
Il y a aussi les migrants qui ne relèvent pas du statut de réfugiés. Ils proviennent, par exemple, des Balkans - Albanie ou Kosovo -, donc de pays sûrs, voisins de l'Union. Ils proviennent aussi d'Afrique de l'Ouest. Ces migrants entrent, pour une immense majorité, dans l'immigration irrégulière. La vérité est là, elle nous oblige. Il faut le rappeler : ils doivent retourner dans leur pays d'origine, dans le respect des personnes et du droit, mais avec fermeté. Sinon, nous mettrions en cause le principe même du droit d'asile.
Je sais que certains proposent de créer un nouveau statut reconnu aux seuls réfugiés fuyant la guerre et qui durerait le temps du conflit. J'examine toute proposition avec intérêt. Mais quel est donc ce besoin de créer quelque chose qui existe déjà, qu'il s'agisse de la protection temporaire européenne ou de la protection subsidiaire prévue par le droit français ?
Ceux qui pensent faire par ce biais échec au droit d'asile se trompent. Qu'ils relisent la directive européenne en question ! Moi, je l'ai fait. Octroyer une protection temporaire ne prive en en aucun cas du droit de demander l'asile. Et ceux qui l'obtiendront - c'est cela, l'asile - pourront décider de rester parce qu'ils ont fait leur vie ici ou de rentrer dans leur pays d'origine quand les conditions le permettront. Il ne faut pas semer la confusion dans ce débat, qui mérite de la clarté.
Une fois encore : il faut de la lucidité, de la méthode, du sérieux car, face aux vies brisées, aux images qui giflent nos consciences, face au nombre, il y a, nous le savons, chez nos compatriotes, un malaise, une inquiétude, un sentiment de désordre - encore ces derniers jours. Or, le désordre du monde c'est, trop souvent, le désordre des messages et des positions. Et le désordre des positions, c'est le désordre des valeurs, au point que certains en sont venus à vouloir - comment pouvions-nous l'accepter ? - trier en fonction des religions, entre les chrétiens et les musulmans. Ce n'est pas cela, la France ! Ce n'est pas cela, le droit à l'asile !
La France doit rester, aux yeux du monde, ce phare qui ne vacille pas au coeur de la tempête, qui ne se laisse pas aller à la tentation de l'aveuglement, à la facilité. Certains nous disent : «Il faut tout fermer». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réfugiés qui meurent à nos portes. D'autres disent, à l'inverse : «Il faut tout ouvrir». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réalités et les difficultés de la société française. Mon devoir, celui du gouvernement, c'est d'être lucide car nous sommes aux responsabilités, nous gouvernons. Notre devoir, c'est d'agir, avec méthode, et d'abord sur la scène internationale.
Nous intervenons militairement en Afrique, en Irak, en Syrie. Nous luttons contre la barbarie pour venir en aide aux peuples, pour restaurer la paix. Je l'ai dit hier à cette tribune et tous l'ont dit : nos armées, notre diplomatie, sous la conduite du chef de l'État, sont pleinement mobilisées car, nous le savons, la solution à la crise de réfugiés est d'abord là-bas !
Mais la solution est aussi européenne. Dès août 2014 - il est important de le rappeler car il faut de la mémoire dans un débat -, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, à la demande du président de la République, se rendant dans plusieurs capitales européennes, invitait l'Europe à prendre des mesures devant l'aggravation de la situation migratoire. Non pas en août 2015, mais en août 2014 ! Nous avions alors proposé une feuille de route reprenant nos principes d'humanité, de solidarité, de maîtrise, de fermeté. Cette feuille de route, pour la première fois, proposait une solution globale, traitant de l'ensemble des sujets.
D'abord, le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne - c'est évidemment le point essentiel - par le renforcement des actions de Frontex en Méditerranée, qui se sont progressivement substituées à l'opération italienne Mare Nostrum. Car Mare Nostrum fut une opération courageuse initiée par la seule Italie pour sauver des vies, mais qui s'est traduite à la fois, vous le savez, par davantage de sauvetages mais aussi davantage de morts, les passeurs ayant pris prétexte des sauvetages en mer pour intensifier leur funeste trafic. Le contrôle des frontières extérieures passe également par la mise en place d'une meilleure identification, dans le respect du règlement de Dublin - j'insiste sur ce respect -, des personnes susceptibles de bénéficier d'une protection internationale. Enfin, je le répète, il passe par une politique active de retour pour celles qui n'y sont pas éligibles.
Deuxième volet de cette même feuille de route : la lutte déterminée contre les filières d'immigration clandestine, contre les passeurs, les trafiquants - l'un d'entre vous les qualifiait d'esclavagistes des temps modernes.
Troisième volet : le renforcement de la coopération de l'Union européenne avec les pays d'origine, ainsi qu'avec les pays de transit, pour stabiliser les populations, pour les aider à contrôler leurs frontières et pour apporter, bien sûr, l'aide humanitaire nécessaire.
Cette feuille de route que nous avions proposée a beaucoup contribué à la politique décidée par l'Union européenne. Elle a été formalisée, en particulier, dans l'agenda européen pour les migrations du 13 mai dernier. Depuis, notre position, malgré le contexte d'émotion, de tumulte et de débats, n'a pas changé. Mais là aussi, nous devons la vérité. Nous pouvons regretter que la prise de conscience de la France, son action et ses propositions n'aient pas été assez partagées, notamment lors du dernier Conseil européen, en juin.
C'est enfin au plan intérieur que nous devons agir. Nous avons réformé l'asile. Personne ne l'avait fait à ce niveau. La situation - et tout le monde partageait ce constat - n'était plus tenable : la demande avait augmenté de 73% entre 2008 et 2012. Nous avons voulu réduire les délais, passer de 24 à 9 mois pour statuer sur les demandes, afin de désengorger nos capacités d'accueil, pour rétablir une procédure plus efficace et plus digne. Cela veut dire aussi que les déboutés du droit d'asile doivent être reconduits dans leur pays d'origine, ce qui se fait peu depuis très longtemps.
Cette loi, présentée par Bernard Cazeneuve, a fait l'objet d'un large travail de préparation, grâce, notamment, à la concertation nationale bipartisane que j'ai organisée, non pas en 2015, ni en 2014, mais en 2013, comme ministre de l'intérieur, autour de la sénatrice UDI Valérie Létard et du député socialiste Jean-Louis Touraine. Cette loi a fait l'objet d'un accord, en commission mixte paritaire, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à avancer ensemble sur ces sujets car ensemble la représentation nationale, donc la France, sont plus fortes pour rallier l'Europe à nos positions.
Vous avez également adopté, en première lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers, complément nécessaire à la réforme de l'asile. Vous en débattrez de nouveau cet automne. Son but, c'est de restaurer l'attractivité de la France pour les talents internationaux, par la mise en place de titres de séjours pluriannuels. Mais c'est aussi de rendre plus efficace encore la lutte contre l'immigration irrégulière, dans toutes ses dimensions : fraudes documentaires, détournement de procédure, filières d'immigration clandestine.
Sans attendre l'entrée en vigueur de cette loi, le gouvernement a intensifié les efforts contre les filières. Bernard Cazeneuve a souvent rappelé les chiffres, ces derniers jours : 177 d'entre elles ont été démantelées depuis le début de l'année, représentant plus de 3.300 individus, contre 1.800 en Allemagne pendant la même période. À Calais - cela a été évoqué cet après-midi -, les effectifs des forces de l'ordre ont été multipliés par cinq en trois ans.
Depuis le mois de juin, 42 000 interpellations ont été effectuées. Il faut poursuivre ce travail car nous connaissons les difficultés. Un accord a été passé avec la Grande-Bretagne, qui contribuera, Bernard Cazeneuve le rappelait il y a un instant, à hauteur de 35 millions d'euros, afin de sécuriser les infrastructures de transport et de soutenir l'accompagnement humanitaire des plus vulnérables des migrants. Cet engagement du Royaume-Uni vient ainsi rééquilibrer les accords du Touquet.
À Menton et dans les Alpes-Maritimes, où je me suis rendu dès le 16 mai, comme l'a fait régulièrement le ministre de l'intérieur, les contrôles ont été renforcés, dans le respect des accords de Schengen. En huit mois, 20.450 individus ont été interpellés.
Cette fermeté paie : malgré le contexte, les flux à Menton sont stabilisés. Mais nous n'ignorons rien des défis qu'il reste à relever.
Nous avons déjà rétabli, ce printemps, des contrôles temporaires à cette frontière. Et nous n'hésiterons pas à le faire de nouveau comme les règles de Schengen le permettent à chaque fois que les circonstances l'imposent, si c'est nécessaire dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines. Je sais combien cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière est exigeante et mobilise les forces de l'ordre et les fonctionnaires des préfectures - je veux leur rendre hommage. En 2014, 15 000 éloignements forcés ont été réalisés et ce chiffre devrait être porté à 16 000 en 2015. Les retours forcés vers les pays n'appartenant pas à l'Union européenne sont les plus difficiles car, vous le savez, rien n'est facile dans ce domaine - le ministre de l'intérieur pourrait d'ailleurs rappeler le nombre de retours en avion organisés depuis Calais. Mais ces retours ont augmenté de 40% en 2014. C'est un effort sans précédent. Il est indispensable si nous voulons mettre en oeuvre une politique migratoire soutenable et si nous voulons préserver le droit d'asile.
Compte tenu de cette nouvelle charge qui pèse sur les services et pour ne pas affaiblir les dispositifs liés à la lutte contre le terrorisme et la délinquance, nous avons donc décidé, sur proposition du ministre de l'intérieur, de renforcer les effectifs de police et de gendarmerie, notamment la police aux frontières, à hauteur de 900 personnels. En tout, ce sont, Mesdames, Messieurs les Députés, 5 330 postes supplémentaires - rappelez-vous de ce chiffre - dans la police et la gendarmerie qui ont été créés depuis 2012. Nous assurons, nous, la sécurité de nos compatriotes.
Oui, nous agissons avec méthode dans tous les domaines. Je veux rappeler la présentation en juin, par Bernard Cazeneuve et la ministre du logement, Sylvia Pinel, du plan migrants. Il prévoit la création de places supplémentaires d'accueil : 4 000 pour des demandeurs d'asile et 5 500 pour répondre à l'urgence de ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié mais qui demeurent dans une situation précaire. Toutes ces places s'ajoutent à une capacité exceptionnelle de mise à l'abri de 1 500 personnes.
Il nous faut aujourd'hui aller plus loin, mobiliser très rapidement, dès le mois d'octobre, les moyens nécessaires. Le ministre de l'intérieur l'a indiqué samedi dernier devant les maires : d'ici 2017, une aide de 1 000 euros par place d'hébergement créée sera attribuée aux communes et intercommunalités qui participeront à l'effort de solidarité. Ce soutien exceptionnel vient en complément de la politique d'hébergement, qui relève, elle, de l'État. Et je veux saluer ici l'ensemble des élus qui se sont mobilisés, partout sur le territoire, dans un esprit républicain, pour donner corps à cet élan de solidarité. Monsieur le Ministre de l'intérieur, la réunion de samedi dernier à la Maison de la chimie avec tous les maires qui représentaient les territoires de la République montrait elle aussi un beau visage de la France.
Je veux aussi saluer le monde associatif, les organisations non gouvernementales ?ONG -, les cultes, que nous avons reçus, les bailleurs sociaux, qui se sont mobilisés. Et bien sûr, je n'oublie pas - nous en avons tous les jours des témoignages -, ces citoyens qui s'engagent de manière désintéressée et qui se portent volontaires pour l'accueil des réfugiés. Je veux que nous retenions de ce moment cet engagement de nos compatriotes, parce que c'est cela, aussi, le visage de la France.
Au total, ce sont 279 millions d'euros qui seront mobilisés d'ici à la fin de 2016 au titre du premier accueil, de l'hébergement d'urgence, de l'aide forfaitaire aux communes. Ils seront mobilisés aussi pour renforcer les effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA -, que nous n'avons eu de cesse d'augmenter depuis 2012, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration -OFII - mais aussi de l'Éducation nationale, qui doit assurer l'accueil des élèves et des parents, l'apprentissage du français et la transmission de nos valeurs républicaines. La solidarité, c'est garantir un accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile. Mais, j'en prends l'engagement devant vous, cette solidarité - et ce point est très important pour nos compatriotes - ne pourra pas dégrader la situation de celles et ceux de nos concitoyens qui ont besoin d'être aidés, qui ont besoin de la solidarité nationale. En effet, nous entendons déjà le débat qui peut s'ouvrir : nous agirions pour ceux qui viennent d'arriver mais non pour ceux qui sont en difficulté depuis longtemps. Ce débat peut créer des fractures nouvelles où s'engouffreront tous les populismes et la démagogie.
Mettre en lumière une situation d'urgence, ce n'est pas renvoyer dans l'ombre tous les autres. On ne peut pas un jour porter sur les fractures de notre société un diagnostic sans concessions - nous l'avons fait, ici même, dans cet hémicycle, le 13 janvier dernier - et le lendemain oublier cette priorité.
À nous, donc, de veiller à ce que chacun soit accompagné comme il doit l'être. Aussi, au cours des douze prochains mois, les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale augmenteront de 250 millions d'euros dont 130 seront disponibles dès le mois prochain, car nous devons appliquer ces principes de solidarité.
Cette solidarité envers les réfugiés s'inscrit dans le cadre d'une politique migratoire globale qui ne perd pas de vue ces objectifs et qui prend en compte la réalité de la France, sa démographie comme sa situation économique.
Le visage de la France changera-t-il ? Ce n'est pas de cela dont il est question. Ce que nous voulons, c'est que la France reste à la hauteur de ce qu'elle est, qu'elle reste fidèle au message d'accueil pour les réfugiés qu'elle a toujours porté, tout en étant capable de maintenir et de consolider la cohésion nationale, la cohésion sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés, ce gouvernement agit avec lucidité, méthode et fermeté. Mais j'y reviens : tout ce que nous faisons n'aura de sens que si l'Europe parvient à trouver et à mettre en oeuvre des solutions efficaces et durables : tel est le sens des propositions que portent le président de la République et la chancelière allemande et nos deux pays.
Je veux y insister, car l'actualité le commande : pour nous, il y a de la constance, notamment dans nos rapports avec l'Allemagne. Ce que fait l'Allemagne n'est pas un jour extraordinaire, et, un autre, mauvais pour l'Europe.
Telle est la force de la France : la constance et l'engagement qui est celui du président de la République.
Face aux flux qui ne cessent de croître, je dis avec gravité que l'Europe, peut-être plus que jamais dans son histoire, doit être capable de trouver les solutions adaptées et coordonnées qui permettent d'anticiper l'événement au lieu de le subir. Nous sommes vingt-huit États : chacun a son histoire, sa culture et sa géographie. Nous appréhendons nécessairement les choses de manière différente et - ce n'est pas nouveau - il peut y avoir des divisions : le Conseil justice et affaires intérieures du 14 septembre l'a montré.
Mais l'Europe doit parvenir à dépasser ses divisions. Elle se trouve face à son destin, et peut sortir de l'histoire. Chacun mesure, de nouveau, la gravité du moment que nous vivons. Nous devons donc faire preuve d'audace et d'imagination pour combler les lacunes qui apparaissent sous nos yeux.
J'en donnerai deux exemples précis : le premier a trait à nos politiques d'asile, qui sont aujourd'hui trop disparates d'un pays à l'autre. Les filières d'immigration clandestine en profitent.
Second exemple : nos frontières externes doivent être tenues, et tenues collectivement.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui comme depuis de nombreuses années : la situation de la Grèce le montre chaque jour, tout comme la décision de rétablir temporairement les contrôles aux frontières prise dimanche par l'Allemagne puis par d'autres pays.
Je le répète, nous n'hésiterons pas à prendre ce type de décision.
Mais dans ce contexte, il nous faut un plan d'ensemble qui combine réponse à l'urgence et action de long terme. L'urgence, c'est d'organiser l'accueil des réfugiés en Europe et de maîtriser les flux migratoires. Le Conseil justice et affaires intérieures a cependant, je veux le dire, permis d'arrêter des orientations importantes qui constituent autant d'acquis.
Premier point : nous allons mettre en place - la France portait cette idée depuis plusieurs mois - des centres d'accueil et d'enregistrement - qu'on appelle des hot spots - dans les pays de première entrée, c'est-à-dire en Italie, en Grèce, en Hongrie, et peut-être demain en Serbie. Ce pays le demande en effet, même s'il n'est pas membre de l'Union européenne.
Ces centres vont permettre d'identifier, dans tous les sens du terme, et d'enregistrer chaque migrant. Nous pourrons ainsi distinguer rapidement ceux qui ont besoin de protection de ceux qui ne sont pas concernés par l'asile. Ces centres doivent maintenant être opérationnels le plus rapidement possible.
Le premier ouvrira dans les prochains jours en Grèce. La France est une nouvelle fois - elle l'a fait ces derniers jours à Munich - prête à apporter son expertise en déléguant des personnels de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la police de l'air et des frontières.
Je veux être très clair, car ce point est essentiel pour la réussite du plan global et pour l'Europe, comme pour la réussite de Schengen ainsi que pour l'idée que nous nous faisons du droit d'asile : le processus de relocalisation doit se faire à partir de ces centres d'accueil et non à partir de l'Allemagne ou de l'Autriche. C'est, encore une fois, essentiel si nous voulons avancer ensemble en Europe.
Deuxième point : pour accueillir les personnes ayant besoin de protection, les Européens doivent s'accorder sur un processus de répartition équitable. Un accord proposé par la Commission - qu'on oublie parfois - existe déjà, et il fut au mois de juin dernier particulièrement difficile à obtenir. Il porte sur l'accueil de 40.000 personnes, parmi lesquelles, nous l'avions déjà annoncé, 6.700 viennent ou viendront s'installer dans notre pays.
C'est pour cette raison que nous ne parlons pas de quotas : ce mot prête à confusion, il n'est pas adapté à la problématique des réfugiés et du droit d'asile, en outre, vous le savez, il est connoté dans notre débat national.
Pour faire face à l'accroissement des flux, la Commission propose, aujourd'hui, de porter ce nombre à 160 000. Une large majorité d'États membres a souscrit à cet objectif.
Pour notre pays, cela suppose d'accueillir, comme le président de la République s'y est engagé, sur deux ans, 24.000 personnes de plus. La France y est prête.
Il me serait difficile d'être opposé à ce chiffre de 24.000 alors que nous étions d'accord sur près de 7 000 au mois de juin. Nous sommes, nous, cohérents, et ma position, Monsieur le Député, est toujours cohérente.
Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Or plusieurs pays refusent cependant aujourd'hui de jouer le jeu : c'est - je le dis à la tribune de l'Assemblée nationale - inacceptable. Ces pays oublient en effet leur propre histoire, ainsi que ces hommes et ces femmes que nous avons accueillis en France lorsqu'ils fuyaient la dictature et la persécution communistes.
Chacun doit prendre sa part de l'effort, en fonction bien sûr de ses capacités. Cela implique d'expliquer, de convaincre, et aussi d'assumer une décision devant son opinion publique.
La solidarité n'est pas une valeur à la carte : elle vaut pour tous, et est donc aussi exigible de tous. Sinon, c'est le sens même du projet européen qui s'effondre. Un nouveau Conseil justice et affaires intérieures devrait se tenir en début de semaine prochaine : nous devrons impérativement avancer sur ce sujet.
Nous sommes à l'initiative, notamment grâce à notre diplomatie, à Laurent Fabius et à Harlem Désir. Le président de la République rencontrera demain le président du Conseil italien Matteo Renzi. Je serai moi-même jeudi et vendredi en Suède et en Autriche.
Troisième point : nous devons mettre en place une politique de retour effective pour les personnes en situation irrégulière sur le sol européen : il en va de la crédibilité de l'ensemble de ces politiques. Le sérieux, la maîtrise, c'est aussi cela.
Nous devons donc renforcer le rôle de Frontex et la France soutiendra les propositions de la Commission. Le système d'information Schengen devra également être mis à contribution pour empêcher que les migrants auxquels l'accès a déjà été refusé puissent entrer sur le territoire.
Par ailleurs, l'Union européenne a décidé d'autoriser désormais des opérations militaires coercitives dans les eaux internationales contre les bateaux affrétés par les filières de passeurs, dans le respect, bien sûr, de la sécurité des personnes. La France, qui participe déjà à toute une série d'actions en Méditerranée mettra, dans les prochains jours, une frégate à disposition à cet effet.
Quatrième point, qui est essentiel, car il s'agit de la condition sans laquelle rien n'est possible : nous devons coopérer plus étroitement avec les pays de transit et d'origine des migrants en fournissant notamment une aide humanitaire massive aux pays qui consentent des efforts considérables pour accueillir des camps de réfugiés. Il y a, vous le savez et nous l'avons rappelé hier, quatre millions de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban ainsi que des centaines de milliers dans la Corne de l'Afrique.
Cette coopération est nécessaire pour démanteler les réseaux criminels de traite des êtres humains, et pour aider à la mise en oeuvre rapide, dans les pays de transit, de centres d'aide au retour des migrants et de prévention des départs, ce que nous sommes en train de faire au Niger.
Plus généralement, nous n'aurons pas de politique de retour effective sans des dialogues politiques - sous l'égide de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec le soutien de notre diplomatie - avec les pays de départ. Ces dialogues doivent se nouer rapidement, et en particulier promouvoir la réadmission des migrants en situation irrégulière dans leur pays.
Faut-il s'arrêter là ? La réponse est clairement non. Nous devons aider les pays d'origine à mieux se développer économiquement, à donner plus de perspectives à leur population, et notamment à leur jeunesse. Ces objectifs seront au coeur du sommet de La Valette qui se tiendra le 11 novembre prochain.
D'ores et déjà, l'Union envisage de créer un fonds dédié, doté de 1,8 milliard d'euros, afin de résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel, du lac Tchad et la corne de l'Afrique. Et je veux une nouvelle fois rappeler la proposition du président de la République d'organiser, afin d'amplifier ce mouvement, une conférence que Paris pourrait accueillir début 2016.
Nous devons, ensuite, consolider une politique migratoire à l'échelle européenne. Cela passe par une plus grande harmonisation des procédures en matière d'asile. À cet égard, la proposition de la Commission d'établir une liste commune de pays sûrs, en particulier les Balkans occidentaux, va dans le bon sens. Son principe a d'ailleurs été validé par les États membres : il faut qu'elle entre dans les faits.
Enfin, nous devons renforcer l'espace Schengen. Je connais le débat relatif aux frontières, qui peut nous passionner. Les États-nations n'ont pas disparu avec l'Union européenne, la monnaie unique ni avec l'espace Schengen. La France est toujours là, et il existe toujours des frontières nationales.
Schengen, c'est la libre circulation des personnes. Il s'agit d'un élément essentiel de notre identité européenne, mais aussi de notre sécurité. Mais Schengen, c'est aussi le contrôle efficace des frontières externes, car sinon cela ne marche pas.
Je me réjouis donc que le président Juncker ait clairement indiqué que la Commission proposerait d'ici la fin de l'année la mise en place de gardes-frontières européens, car c'est une idée que la France porte depuis longtemps.
Je sais que certains voudraient faire croire que la solution serait dans l'abolition de Schengen. L'extrême droite nous dit : «j'avais raison !». Cette formule est le condensé parfait de ce qu'est le populisme : une pensée qui se nourrit de la catastrophe et des difficultés, qui n'apporte aucune solution et qui, traduite dans les faits, mettrait notre sécurité en difficulté.
Nous avons besoin de plus d'Europe pour faire face aujourd'hui aux défis des réfugiés, et non pas de moins d'Europe.
D'autres proposent, dans le cadre d'un débat républicain, un Schengen 2. Mais qu'y a-t-il derrière cette proposition ? J'ai compris qu'elle impliquait le respect des règles de Schengen 1 : elle a donc pour principal avantage et pour principale vertu de ne pouvoir susciter que l'unanimité et le rassemblement.
J'ai aussi compris qu'il s'agissait de mettre en oeuvre une politique européenne de l'asile et un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union européenne. Cela revient à faire ce que nous faisons et ce que je vous propose : j'en déduis donc que, s'agissant de Schengen 2, le bon sens inspire le gouvernement et qu'à cette proposition s'ajoute parfois le goût de la polémique inutile sur les sujets migratoires.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous proposons un plan global, qui permettra -en le consolidant, je le répète - de préserver cet acquis fondamental de la construction européenne. Toute proposition qui bloque l'Europe, ou qui met en cause Schengen, met en cause l'Europe et met en cause ce que nous sommes, c'est-à-dire l'identité et la sécurité de la France.
Mesdames et Messieurs les Députés, la question des réfugiés, comme celle de l'accueil interroge toujours ce que nous sommes. La question de savoir qui est celui qui est accueilli renvoie toujours, en miroir, à celle de savoir qui est celui qui accueille.
Face à cet afflux considérable aux portes de l'Europe, face aux destins brisés, face aux images, le coeur des Français parle mais ils sont également saisis par l'inquiétude.
La France doute souvent : de sa force, de ses capacités ou de son identité. Le défi des réfugiés, c'est l'occasion pour nous de nous révéler tels que nous sommes : une nation forte et généreuse, une nation qui a toujours guidé le monde et les peuples vers l'émancipation, la liberté, le droit, la dignité et la culture, une nation qui accueille l'opprimé tout en restant ferme sur ses valeurs : liberté, égalité, fraternité et laïcité, car consciente que c'est cette fermeté qui garantit la pérennité et la force des principes qui la constituent.
Oui, c'est son honneur, la France accueillera les migrants qui, sinon, mourraient aux portes de l'Europe.
Elle assumera ses valeurs, à la hauteur de son rang, à la hauteur de l'exigence que, nous-même, nous nous fixons, à la hauteur de ce qu'elle attend de la solidarité européenne.
Si la France agissait sans maîtrise, sans fermeté, elle affaiblirait la réalité de son message universel et les conditions concrètes de l'accueil des réfugiés, que nous voulons exemplaires. C'est toute la différence entre le devoir d'accueillir celui qui est entre la vie et la mort et la possibilité de faire venir celui qui, légitimement, voudrait faire évoluer ses conditions de vie.
Au fond, nous le voyons bien, le moment que nous vivons est empli de gravité : crise des migrants, défi climatique, menace terroriste. Dans ce monde instable, nos nations peuvent courir le risque de basculer.
Aussi, plus que jamais, la responsabilité de ce gouvernement, et peut-être aussi de ceux qui ont gouverné, c'est de tenir bon, d'envoyer au monde, à l'Europe, à nos partenaires, à nos voisins, mais aussi aux Français, ce message de constance, de maîtrise et d'unité indispensable sur un tel sujet, car ceux qui voudront, pour des raisons électorales, utiliser l'immigration, la crise des réfugiés se trompent lourdement et le paieront cher à un moment ou à un autre.
La France, souveraine dans l'Europe qu'elle a contribué à bâtir, assume ses devoirs, reste fidèle à ses valeurs et assume pleinement ses choix.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
Avec le ministre de l'intérieur, nous partageons, depuis le début de cette crise, un souci de vérité et de précision. La vérité, je le rappelle, c'est que nous affrontons une crise. Une crise majeure pour l'Europe, avec un flux de réfugiés et de migrants d'une ampleur que nous n'avons pas connue depuis le dernier conflit mondial. Face à cela, il faut une mobilisation et des réponses exceptionnelles.
Il importe également de rappeler quelles sont les valeurs de la France et de l'Europe. Tous les orateurs qui sont intervenus ont fait référence, avec des nuances, cela va de soi, et chacun selon son style, à ces valeurs. C'est une bonne chose que l'Assemblée nationale ait réaffirmé ces valeurs cet après-midi, comme le Sénat le fera ce soir, je n'en doute pas, à l'occasion du débat qui s'y tiendra en présence du ministre de l'intérieur. Il est très important de rappeler ces valeurs, afin d'éviter que ce type de débat ne bascule.
Nous avons évoqué le risque terroriste, mais aussi l'urgence climatique, qui a elle aussi un lien avec ces migrations. À cet égard, Monsieur le Député a eu raison de rappeler que les migrations, aujourd'hui, se font d'abord du Sud vers le Sud. Le climat y est évidemment pour beaucoup, en plus des situations politiques, économiques, ou des situations de guerre. Chacun est donc bien conscient qu'une solution strictement franco-française n'aurait aucun sens : une fermeture totale des frontières n'aboutirait à rien. Les solutions à trouver sont difficiles, et il ne faut donc pas céder à la facilité.
Il s'agit évidemment de trouver, au niveau méditerranéen, dans nos relations avec l'Afrique et au niveau mondial, des solutions diplomatiques et militaires. Mais c'est au niveau européen que nous devons trouver une solution : il importe de ne pas remettre en cause ce principe. L'Europe pourrait-elle faire mieux ou plus ? Bien évidemment ! Et c'est pour cela que, contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre, la France a été, depuis le début, à l'offensive. Et j'ai rappelé tout à l'heure que nous aurions aimé être suivis par tous les pays concernant le plan français préparé et présenté il y a un an. Un an !
Ce goût, qu'on ne retrouve pas nécessairement dans les autres pays, du bon mot ou de la petite phrase, proférés dans le seul but de s'opposer au gouvernement, sans que ceux qui le critiquent ne connaissent rien des initiatives qu'il a prises depuis un an sur la scène européenne, est regrettable. Au mois de juin, les Italiens et les Français ont été bien seuls pour défendre l'idée d'une répartition. Madame Auroi, vous avez affirmé que nous étions opposés à la répartition. Je suis désolé de vous le dire en dépit de l'amitié qui je nous lie : vous vous trompez. C'est au contraire à ce moment-là que nous avons accepté la proposition de la Commission européenne. Je récuse, en revanche, toujours le mot «quota» qui ne peut pas s'appliquer au cas de l'asile. Toutefois, il fallait que chaque pays prenne ses responsabilités.
Monsieur le Député a eu raison de rappeler la césure existant entre le Nord et le Sud, plus particulièrement entre les pays qui sont entrés plus récemment dans la démocratie et au sein de l'Union européenne et les autres. L'histoire doit rester présente à l'esprit de chacun : nous ne pouvons pas, aujourd'hui, ne pas nous montrer solidaires devant les événements qui se déroulent en Europe. Oui, il faut une solution européenne, ce qui interdit de manier le concept de Schengen avec légèreté. Ce traité est perfectible pour une seule raison : il doit être effectivement mis en oeuvre, notamment à nos frontières extérieures. En revanche, mettre en cause Schengen en faisant des propositions qui, à terme, rendraient impossible son fonctionnement, c'est mettre en cause l'idée même d'Europe.
Chacun doit prendre position dans ce débat, où il convient de rester pragmatique. Il appartient à la Commission et aux États membres de fournir les moyens nécessaires. Il ne faut pas non plus hésiter à recourir à tous les aspects de Schengen, notamment en rétablissant temporairement les contrôles aux frontières en cas de difficulté majeure. Nous l'avons fait et n'hésiterons pas à le faire de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire. Je tiens toutefois à rappeler que, lorsque je me suis rendu, en tant que ministre de l'intérieur, à mon premier conseil JAI, la première décision que j'ai eu à prendre fut de rassurer mes homologues européens. En effet, en raison de l'attitude du gouvernement précédent dans la crise tunisienne, Schengen ne fonctionnait plus bien.
Un grand pays comme la France, qui a contribué à la construction européenne et qui souhaite compter et voir d'autres pays suivre ses propositions, ne doit pas oublier les valeurs de l'Europe, surtout lorsqu'il s'agit de gouverner au coeur de difficultés. Je regrette d'entendre, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, des propositions inconséquentes, qui ne sont pas fiables et ne pourraient pas être mises en oeuvre tout simplement parce qu'elles ne correspondent pas au compromis nécessaire sur lequel doit reposer l'Europe. Je tiens à prévenir les Républicains : attention ! À force de chercher à courir derrière certains, vous mettez en cause le combat européen qui a été le vôtre.
Monsieur le Député, je vous ai si souvent entendu sur la Roumanie et la Bulgarie ainsi que sur des questions relatives à la politique de défense ou aux affaires étrangères, que je me demande si la tradition de construire l'Europe vous habite encore. Sachez, en tout cas, qu'elle nous habite toujours. Sur l'Europe, nous ne transigerons pas, tout simplement parce qu'il faut plus d'Europe et lui donner les moyens de fonctionner. C'est du reste le message que j'ai entendu dans la bouche de la plupart des orateurs : l'essentiel est notre volonté de construire une réponse au plan européen. Qui peut aider la Turquie, si ce n'est l'Europe ? Qui peut aider le Haut Conseil aux réfugiés, en dehors de la communauté internationale et des Nations unies, si ce n'est l'Europe ? Qui peut, aujourd'hui, intervenir sur nos frontières extérieures ? C'est évidemment l'Europe, qui devra, naturellement, tenir compte de la situation.
Monsieur le Député, il y a quelques mois, d'aucuns, à droite et à gauche, reprenant certaines positions allemandes, expliquaient que la Grèce devait sortir de l'euro. Quel message aurions-nous envoyé si nous avions dit à la Grèce de quitter l'Europe alors qu'elle affronte un tel afflux de migrants ! Il faut être conséquent, il faut être cohérent : quand on a gouverné et qu'on aspire de nouveau à le faire, on ne peut pas dire n'importe quoi aux Français, parce qu'ils jugent chacun sur sa capacité à tenir un discours cohérent. Or le président de la République et le gouvernement font preuve de cohérence en matière d'accueil des réfugiés et de maîtrise de la situation.
Madame la Députée, je peux me retrouver dans une grande partie des propos que vous avez tenus. Toutefois, est-ce parce qu'il y a des élections au mois de décembre, est-ce parce que vous êtes dans l'opposition, que vous vous sentez obligée de fustiger notre politique migratoire ? Vos arguments ne tiennent pas devant les chiffres que le ministre de l'intérieur a rappelés à l'instant.
Si je voulais polémiquer avec vous je rappellerai que, sous Nicolas Sarkozy et François Fillon, la France a perdu 13 000 postes de gendarmes et de policiers et que c'est notre gouvernement qui redonne des moyens à la police et à la gendarmerie.
Pour reconduire les immigrés en situation irrégulière à la frontière, Madame la Députée, la police n'a besoin ni de discours ni d'attitudes ni de voyages à l'étranger, mais de moyens. L'asile a, lui aussi, besoin de moyens : nous continuerons d'en donner, notamment à l'OFPRA. Il était également nécessaire d'adopter une loi «asile» pour réduire les délais : c'est votre collègue qui l'a défendue à l'Assemblée nationale. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les chiffres que, sur cette question aussi, M. Cazeneuve a fournis.
Plutôt que de polémiquer dans ces moments de gravité, cessez de mettre en cause notre politique migratoire, d'asile ou d'accueil. Je le répète : les chiffres sont de notre côté. Il est temps d'entendre le changement qui perce dans le pays, que ce soit sur la sécurité, l'asile ou les politiques migratoires.
La responsabilité est du côté de la gauche, qui assume pleinement le gouvernement du pays, ne raconte pas n'importe quoi aux Français, maîtrise ces sujets dans la difficulté et cherche des solutions aux plans national et européen. Je suis prêt à vous répondre sur tous les sujets.
Il y a ce qui se dit ici, à la tribune, et ce qu'on profère dans les matinales à la radio ou ce qu'on peut lire dans la presse. Madame la Députée, sur le terrorisme, vous n'avez pas tenu ici les propos que vous avez pu tenir ailleurs. Ne faisons pas peur à nos concitoyens. Le risque terroriste existe, bien sûr. Mais faire croire qu'il passerait par les demandeurs d'asile est une idée absurde. Nous prenons évidemment les moyens nécessaires. Lorsqu'il s'est agi, récemment, à Munich, d'identifier des réfugiés, la direction générale de la sécurité intérieure était présente, en vue de contrôler chacun avec précision. Madame la Députée, vous ne nous prendrez pas en défaut sur une question sur laquelle j'espère pouvoir compter sur chacun. Nous sommes déterminés à protéger nos concitoyens.
S'agissant du codéveloppement - un autre sujet que vous avez abordé -, Pascal Canfin, alors ministre délégué, et moi-même, en tant que ministre de l'intérieur, avons mis fin au véritable chantage que Brice Hortefeux avait imaginé et qu'il faisait peser sur les pays d'origine : ce chantage était du reste inefficace puisqu'il n'y avait pas de contrat possible avec un pays comme le Mali. Il ne sert à rien de proposer de nouveau des solutions qui, par le passé, se sont révélées être des erreurs.
Mesdames et Messieurs les Députés, je me félicite de la tenue de ce débat, tout en regrettant qu'il n'ait pas mobilisé un plus grand nombre d'entre vous car il est important pour le pays. La fermeté, la maîtrise, la solidarité et le rappel de nos valeurs sont les lignes de conduite de ce gouvernement. Je suis convaincu que c'est autour de celles-ci qu'il est possible de rassembler une très large majorité de Français. Le pays, je tiens à le répéter, a besoin non seulement d'unité et de rassemblement mais également de sérieux sur des sujets tels que ceux que nous avons abordés.
* Propos de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames les Ministres, Mesdames les Présidentes de commission, Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaite tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants, qui ont contribué à nourrir de leurs propositions ce débat important dans un contexte migratoire particulièrement difficile.
Le Premier ministre devant intervenir, je me concentrerai sur des éléments évoqués par quelques orateurs appelant de nécessaires précisions si nous voulons que notre débat puisse aller à son terme conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre sur un sujet qui renvoie à l'essentiel, soit, à l'avenir de l'humanité et aux drames que connaissent des populations persécutées dans leur pays.
Nous avons donc besoin de précision, d'une exigence de rigueur intellectuelle et, pendant notre dialogue commun, nous nous devons de revenir à la réalité des chiffres et des faits.
Premier point sur lequel je souhaite insister : la réalité des flux migratoires auxquels notre pays est confronté.
En dépit d'un contexte migratoire extrêmement difficile exposant un certain nombre de pays de l'Union européenne, et non des moindres, à des flux migratoires importants - comme nous l'avons vu en Allemagne - existe-t-il actuellement en France un déferlement de migrants qui traverseraient, au nord, la frontière séparant la France de l'Allemagne ou, au sud, celle qui sépare notre pays de la Suisse ou de l'Italie ? Quels sont les chiffres ?
En 2014, alors que la pression migratoire s'exerçait déjà - il ne faut pas oublier que, pendant les huit premiers mois de l'année dernière, près de 160.000 personnes ont franchi les frontières extérieures de l'Union européenne - nous avons assisté à une diminution des demandes d'asile en France, de l'ordre de 2,34%.
Depuis le début de l'année, les demandes d'asiles sont étales. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que, dans les semaines et les mois qui viennent - le Premier ministre l'a dit dans son intervention - notre système de l'asile sera mis sous tension, la France ayant souhaité, sans discuter et avec fierté, prendre sa pleine et entière part dans le dispositif de relocalisation et de réinstallation proposé par la Commission européenne et, ce, pour une raison très simple : elle a contribué à son élaboration.
Nous accueillerons donc 30.000 migrants pendant les deux prochaines années soit 15.000 par an. La décision que nous avons prise mettra donc notre système d'asile sous tension.
Qu'avons-nous fait pour nous préparer à cela, tout d'abord sur le plan national ? Je vais communiquer des chiffres, outre ceux que je viens de donner concernant la réalité de l'asile - j'aurais d'ailleurs pu aussi parler de la réalité des flux migratoires : 200 000 titres de séjour sont attribués chaque année, ce qui correspond à 0,3% de la population, ce chiffre étant le même depuis de nombreuses années, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays de l'Union européenne.
Je prends un exemple très simple, celui du Royaume-Uni, pays dont le traitement des flux migratoires est souvent cité comme rigoureux : l'an dernier, 750.000 migrants et demandeurs d'asile sont arrivés dans ce pays, ce qui correspondait à une augmentation très significative du nombre de ceux qui avaient décidé d'y trouver refuge ou d'y travailler.
Voilà ce qu'il en est donc de la réalité des flux.
Deuxième point : qu'avons-nous fait ?
Tout d'abord, nous avons trouvé un systme d'asile que des rapports parlementaires transpartisans ont jugé «embolisé». Pourquoi ? Pour des raisons très simples.
L'insuffisance de moyens au sein de l'OFII et de l'OFPRA était patente, le traitement des dossiers des demandeurs d'asile étant quant à lui insuffisamment performant. Ainsi nous situions-nous au moins bon niveau de l'Union européenne en termes de délai : la moyenne des pays de l'Union européenne était de neuf mois quand nous nous situions à 24 mois.
Un deuxième sujet soulevait des problèmes : non seulement les délais étaient donc trop longs mais les conditions d'accueil étaient très détériorées et dégradées par rapport aux standards des conditions d'asile dans les autres pays de l'Union européenne puisque nous avions créé très peu de places en CADA.
En outre, la détérioration des conditions d'accueil qui conduisait beaucoup de demandeurs d'asile - et même, parfois, beaucoup de réfugiés bénéficiant de ce statut - à se retrouver soit dans les rues, soit dans des hébergements d'urgence rendait le retour très difficile : plus les délais étaient longs, moins l'hébergement était digne, plus le retour des déboutés était difficile.
Le Premier ministre a décidé d'appliquer les conditions qu'il avait données lorsqu'il était ministre de l'intérieur et dont il m'a confié la charge : il a décidé d'augmenter significativement les moyens de l'OFPRA afin de réduire les délais.
Je tiens à me montrer extrêmement précis s'agissant des moyens de l'OFPRA. Nous avons créé 50 postes en son sein pendant les deux dernières années. Pendant les cinq années du précédent quinquennat, 40 avaient été créés.
Suite aux annonces que le Premier ministre vient de faire à l'instant, concernant l'OFPRA, l'OFII et les préfectures - dans le cadre de la mise en place des guichets uniques - ce sont en tout 240 emplois qui seront créés.
Voilà la réalité de notre action pour mettre le système d'asile à niveau !
Le précédent gouvernement a créé 2 000 places d'hébergement en CADA en cinq ans. Or, année budgétaire après année budgétaire et en tenant compte des annonces faites par le Premier ministre, ce sont 18 500 places en CADA qui auront été créées pendant le quinquennat alors que, selon les rapports parlementaires, il en fallait 20 000 pour remettre le système d'asile à niveau.
Par ailleurs, des collectivités locales se sont mobilisées face aux drames humanitaires en accompagnant la volonté de l'État d'être à la hauteur. Nous ne les avons pas appelées à la rescousse parce que nous ne faisions pas notre devoir - je viens de rappeler notre action.
C'est précisément parce que nous agissons ainsi que les collectivités locales se sont manifestées afin que nous travaillions ensemble. Dès lors que l'État prenait ses responsabilités à 100%, nous avons décidé de couvrir également 100% des dépenses résiduelles des collectivités dès lors qu'elles acceptaient d'accompagner l'État.
Je le dis pour Monsieur le Député, qui estimait que 1 000 euros, ce n'était pas assez. Mais cette somme correspond très exactement, sur la base des calculs que j'ai faits, à la part résiduelle à la charge des collectivités locales, en tenant compte de ce qu'elles font pour accompagner les demandeurs d'asile lorsqu'ils arrivent - éducation ou aide sociale, par exemple.
Pourquoi cette somme paraît-elle faible, en comparaison de ce qui se fait en Allemagne ? Tout simplement parce que nous, nous assurons 100% de la couverture de la dépense en exerçant nos compétences régaliennes, et que nous pouvons ainsi couvrir 100 % de la dépense résiduelle des collectivités.
Premièrement, nous donnons des moyens à l'OFPRA et à la CADA ; deuxièmement, nous couvrons les dépenses des collectivités locales. Troisièmement, un débat est ouvert, concernant les déboutés du droit d'asile, et ce débat doit avoir lieu.
Pour ma part, je ne suis pas du tout choqué, lorsque Mme la députée dit que la soutenabilité du dispositif impose de reconduire à la frontière les déboutés du droit d'asile. Pour que vous ne quittiez pas cet hémicycle avec une angoisse rentrée, je voudrais vous donner des chiffres, qui sont de nature à vous rassurer totalement.
Il a été procédé à 13 908 éloignements forcés en 2009 - et je parle des éloignements hors Union européenne. Vous savez en effet que les éloignements au sein de l'Union étaient financés à hauteur de 1 000 euros, ce qui conduisait un certain nombre de personnes à partir à Noël en touchant les 1 000 euros, à passer Noël dans leur pays puis à revenir entre Noël et Pâques, avant de retourner passer Pâques en famille, non sans avoir à nouveau touché ces 1 000 euros. C'est l'actuel Premier ministre, Manuel Valls, qui a mis fin à ce dispositif lorsqu'il était ministre de l'intérieur.
Permettez-moi de vous donner les chiffres, qui sont précis et dont vous pouvez vérifier l'exactitude dans les documents qui sont mis à la disposition des parlementaires : il a été procédé à 13 908 éloignements forcés en 2009 ; leur nombre a ensuite baissé en 2010, puisqu'on n'en a compté que 12 034. Il y en eut 12 547 en 2011, 13 386 en 2012, 14 076 en 2013 et 15 161 en 2014. En 2015, nous augmentons encore de 40% les éloignements de déboutés et d'étrangers en situation irrégulière, hors l'Union européenne.
Telle est la réalité des chiffres que nous affichons, et qui ne correspondent pas du tout aux vôtres, pour une raison que je comprends d'ailleurs : c'est que vos chiffres incluaient les retours aidés internes à l'Union européenne. Or il s'agit de faux retours.
Les vrais retours sont ceux qui concernent les pays extérieurs à l'Union européenne : ce sont aussi les plus difficiles à mettre en oeuvre. Et, de ce point de vue, nous avons augmenté très significativement les retours.
Pourquoi l'avons-nous fait, Madame la Députée ? Nous ne l'avons pas fait parce que nous avions plus de volonté que vous - je veux être extrêmement scrupuleux dans ce débat. Nous l'avons fait, parce que nous avions plus de moyens, parce que nous avons donné davantage de moyens à nos forces de police et de sécurité. Sur ce point aussi, je veux être extrêmement précis, car ce fut une difficulté pour nous : lorsque nous avons dû mobiliser des moyens significatifs en unités de force mobile pour assurer le plan Vigipirate, dans un contexte de risque terroriste dont le Premier ministre n'a cessé de rappeler qu'il était extrêmement élevé ; lorsque nous avons dû mobiliser des unités de force mobile à la frontière nord, puis à la frontière sud, pour assurer la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière, nous avons constaté que les quinze unités de force mobile qui ont été supprimées entre 2007 et 2012 nous manquaient cruellement.
Et si le Premier ministre n'avait pas pris la décision, alors qu'il était ministre de l'intérieur, de créer ces 500 emplois par an, auxquels se sont ajoutés 1 500 emplois à l'occasion du plan antiterroriste, puis les 900 emplois dont la création a été annoncée aujourd'hui par le Premier ministre, nous n'aurions pas obtenu de tels résultats en matière d'éloignement et de lutte contre l'immigration irrégulière.
Ces résultats, quels sont-ils, au-delà les éloignements dont je viens de parler ? S'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière et contre ses filières, nous avons démantelé 25% de filières supplémentaires en 2014 par rapport à 2013. Et, dans les huit premiers mois de l'année 2015, nous en sommes à 177 filières, ce qui correspond à 3.300 individus arrêtés ; 800 d'entre eux ont été judiciarisés et un certain nombre emprisonnés - quant aux autres, ils sont suivis. En comparaison, l'Allemagne, qui accueille 800.000 migrants, en a neutralisé 1.800 seulement. Nous sommes résolus, dans la lutte contre l'immigration irrégulière, à procéder à l'éloignement à la frontière de ceux qui ne relèvent pas de l'asile et n'ont pas vocation à rester sur le territoire national, parce que la soutenabilité de notre politique de l'asile dépend de notre capacité à éloigner ceux qui doivent l'être.
Je veux aussi donner des chiffres précis pour répondre à M. le député qui, lorsque le Premier ministre a évoqué Calais, a demandé combien d'éloignements y avaient eu lieu. Je vais vous donner un chiffre très précis : sur Calais, nous avons procédé, depuis le début de l'année 2015, à 1 630 éloignements, ce qui est un chiffre record.
J'ai donné hier des instructions au préfet Cordet pour que nous ayons à Dunkerque la même stratégie qu'à Calais concernant les éloignements, mais aussi la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière et l'accès à l'asile de ceux qui relèvent en Europe du statut de réfugié et qui doivent savoir qu'ils ne passeront pas en Angleterre et qu'ils ont intérêt à demander l'asile en France. Tout cela, nous le faisons parce que des moyens substantiels, significatifs, dont nous avons besoin, viennent conforter à la fois les effectifs et les moyens matériels des forces de police - je pense aux moyens numériques, mais aussi aux moyens de la police scientifique et technique. De ce point de vue, la décision prise en janvier d'augmenter de 261 millions d'euros sur trois ans les moyens de la police dans la lutte contre le terrorisme, et pas seulement, relève d'une politique tout à fait intéressante.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, après avoir donné ces éléments de réponse précis à tous les orateurs qui se sont exprimés, j'aimerais conclure mon propos en m'arrêtant sur un point précis : le statut de l'asile.
Premièrement, le statut de l'asile est-il divisible ? Non, le statut de l'asile est comme la République : un et indivisible. Comme le Premier ministre l'a dit avec beaucoup de force, les réfugiés qui sont persécutés dans leur pays ne peuvent pas être distingués en fonction de leurs origines ethniques ou religieuses, de leur provenance ou des raisons pour lesquelles ils sont persécutés. Cette unité, cette indivisibilité du statut de réfugié, semblable à l'indivisibilité de la République, dont nous partageons les valeurs, doit être porté avec force par notre pays, parce que c'est ce qui fait sa grandeur au sein de l'Union européenne.
J'ai vu que l'on nous proposait un nouveau statut, celui de réfugié de guerre. Ce statut, il faut l'examiner avec intérêt, parce qu'il n'y a aucune raison de rejeter a priori une idée, sous prétexte qu'elle vient de l'opposition, si elle peut être utile. Quelle est l'idée qui préside à cette proposition, formulée dans Le Figaro par le président des Républicains ? C'est l'idée que ceux qui sont en situation de conflit, et qui ne sont pas nécessairement persécutés, pourraient se voir accorder une protection en France et en Europe.
C'est une très bonne idée, et elle est à ce point excellente, qu'elle existe depuis plusieurs décennies en droit français : cela s'appelle la protection subsidiaire. Et je veux, sur ce sujet aussi, vous donner des chiffres extrêmement précis : nous accordons chaque année le statut de réfugié à 11.000 personnes, dont 3.000 ne sont pas nécessairement persécutées dans leur pays. Elles bénéficient néanmoins en France de la protection subsidiaire, qu'elles se voient accorder par le gouvernement français, en raison de ce qu'est l'état du droit.
Je voudrais vous remercier de faire cette proposition, car il vaut mieux faire une proposition qui existe, plutôt qu'une proposition impossible à mettre en oeuvre.
Votre proposition est totalement pertinente : elle l'est à ce point qu'elle existe depuis longtemps en droit français.
Le président des Républicains a également proposé que l'on mette en oeuvre cette protection subsidiaire en vertu d'une directive de 2001. Il existe en effet, dans la directive de 2001, un dispositif de ce type, que l'on appelle la «protection temporaire». Mais il faut, pour la mettre en oeuvre - et c'est sans doute la raison pour laquelle cela n'a jamais été fait - obtenir une décision du Conseil, ce qui implique une procédure extrêmement lourde. Et je dois dire, pour avoir testé l'idée à l'occasion des derniers conseils Justice et affaires intérieures - JAI - que cette proposition n'avait pas suscité l'enthousiasme des 27 autres pays de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle je doute que l'on puisse la mettre en oeuvre tout seuls.
Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne l'idée d'un «Schengen 2», qui succéderait à «Schengen 1». Les meilleures séries ont des numéros : il n'y a pas de raison que Schengen, qui est un bon dispositif, ne connaisse pas les mêmes possibilités de se développer. Mais encore faut-il savoir ce que l'on met dans Schengen 2. Plusieurs versions ont été proposées : selon la première, Schengen 2 serait une sorte de Schengen 1, dont on appliquerait les règles. Voilà une interprétation qui pourrait facilement faire l'unanimité au sein du Conseil européen, puisque celui-ci n'entend pas que l'on n'applique pas les règles de Schengen. Cette idée est donc tout à fait recevable et devrait recueillir un consensus très large au sein des institutions européennes.
Une deuxième interprétation de Schengen 2 consiste à dire que l'on va exercer des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne, en faisant une distinction entre les réfugiés et les migrants économiques irréguliers, de manière à assurer la soutenabilité de l'accueil des réfugiés. Nous avons appelé cela, de manière un peu barbare, les hotspots. C'est une très bonne idée, qui a été proposée par la France. Elle est désormais reprise par l'Union européenne comme une orientation à mettre en oeuvre. Ce projet ne devrait pas, lui non plus, susciter de débat.
Une troisième idée a été avancée plus récemment dans l'interview du Figaro : Schengen 2 consisterait à rétablir des frontières, au sein de l'Union européenne, qui ne concerneraient que les ressortissants étrangers, et pas ceux de l'Union. Ce concept est plus difficile à saisir et nécessite sans doute un effort de pédagogie supplémentaire : il faudra quand même chiffrer le coût du rétablissement des contrôles aux frontières - qui ne concerneraient, donc, que les Européens. Il faudra également déterminer des critères très précis - je ne suis pas sûr que ce soit facile à faire et que cela soulève de bons débats - pour permettre aux policiers de distinguer immédiatement les Européens des étrangers.
Sur des sujets aussi sérieux, sur des questions aussi graves, qui devraient faire l'objet d'un consensus, ou au moins d'un compromis, on ne peut se livrer à de telles approximations, dans le seul et unique but de créer des divisions à l'approche des élections.
À tous les autres orateurs, qui ont évoqué avec beaucoup de force et de talent ce que sont les valeurs de la République et ce que sont les principes du droit d'asile, je crois que le Premier ministre sera d'accord pour que nous adressions des remerciements chaleureux, parce que notre débat nécessite du rassemblement et de la force.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2015 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Députés,
L'Europe fait face à une crise migratoire d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. Cette crise est la conséquence des déséquilibres et des désordres qui traversent le monde : les conflits ouverts ou larvés en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Érythrée ou au Soudan, les États qui s'effondrent - je pense notamment à la Libye - ou les dérèglements climatiques et leurs conséquences - inondations, sécheresse et, par conséquent, diminution des terres cultivables. Il y a enfin les conditions de vie difficiles : la misère, la faim, la maladie, qui poussent tant d'individus à partir vers un ailleurs plus prometteur, et majoritairement, je veux le rappeler ici, de pays du Sud vers d'autres pays du Sud.
Cette crise migratoire - la plus forte, en Europe, depuis la Seconde guerre mondiale - met l'Union européenne face à une responsabilité historique. Elle exige également que la France soit à la hauteur de son rang, à la hauteur de son histoire. Saisis par la violence des faits, par la dureté des images et par l'émotion - nous avons tous en tête, cela a encore été rappelé hier, l'image d'Aylan, et je pourrais parler de toutes les autres victimes, celles que l'on ne voit pas, tels les vingt-deux morts dans un naufrage en Turquie hier -, notre pays, me semble-t-il, a démontré une fois de plus qu'il est capable du meilleur. Il y a la mobilisation des dernières semaines, j'y reviendrai ; mais, bien avant cela, le président de la République et le gouvernement avaient pris la mesure de ce défi, et nous avons agi avec méthode.
La France, fidèle à ses valeurs, sait qui elle est. Elle regarde la situation avec une très grande lucidité. La question des réfugiés, parce qu'elle touche à des vies, à des destins, à des espoirs, oblige à la lucidité et oblige à la rectitude.
Le droit d'asile, Mesdames et Messieurs les Députés, est un droit fondamental, qui puise sa source dans notre histoire, dans nos engagements internationaux et dans nos obligations communautaires. Il est de la vocation de la France d'accueillir celui ou celle qui est persécuté pour ses idées ou exposé à des risques pour son intégrité. Le Gouvernement français, quelles que soient les circonstances, ne remettra pas, ne remettra jamais en cause ce droit qui est son honneur et constitue une référence de liberté pour tous ceux qui, à travers le monde, subissent la violence ou l'oppression. L'émotion peut soulever des montagnes : nous la ressentons et elle nous donne de la force. Mais elle ne peut être le seul guide de l'action publique.
Ce que nous devons à ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions, ce ne sont pas seulement les bons sentiments - qui d'ailleurs peuvent toujours se retourner au gré des circonstances. Nous devons agir en suivant des principes : humanité et solidarité, mais aussi sérieux et maîtrise.
Il faut du coeur, bien sûr, mais un coeur intelligent, un coeur ferme et un coeur lucide. Et la lucidité, devant la représentation nationale - et, à travers elle, devant les Français -, c'est d'abord nommer et décrire les situations avec précision.
Le nombre des entrées irrégulières dans l'espace Schengen a augmenté, en deux ans, de façon spectaculaire. En 2014, c'est essentiellement l'Italie qui était le point d'attention majeure, avec 170 000 entrées irrégulières, soit 60% du total européen.
Depuis le début de l'année, alors que les entrées par la voie italienne, principalement en provenance de la Libye, diminuent légèrement, deux routes nouvelles, massivement empruntées, viennent s'ajouter : l'une en provenance des Balkans, avec un volume multiplié par quinze ; l'autre en provenance de la Turquie, empruntée par des Syriens, des Irakiens et des Afghans. À compter de la mi-juillet, ce dernier flux s'est brutalement intensifié ; il a été multiplié par dix par rapport à 2014. En tout, on compte ainsi 230 000 entrées depuis janvier.
Hier, l'agence Frontex estimait à 500 000 le nombre d'entrées irrégulières, en huit mois, à la frontière extérieure de l'Union. Bien sûr, les pays européens sont affectés très différemment, d'abord en fonction de la géographie. L'Allemagne l'est beaucoup : on parle d'un million d'arrivées possibles, après les 400 000 déjà dénombrées en 2014. La situation de la France est, à ce stade, totalement différente, avec une demande d'asile pratiquement stable, autour de 65 000, avec même une légère baisse en 2014. Mais il n'en reste pas moins qu'une incroyable pression pèse sur le continent tout entier.
La lucidité, c'est aussi d'analyser ces flux, de poser le bon diagnostic pour agir comme il se doit. Il y a les réfugiés qui viennent de Syrie, d'Irak, d'Érythrée, du Soudan, et qui ont besoin de protection.
Il y a aussi les migrants qui ne relèvent pas du statut de réfugiés. Ils proviennent, par exemple, des Balkans - Albanie ou Kosovo -, donc de pays sûrs, voisins de l'Union. Ils proviennent aussi d'Afrique de l'Ouest. Ces migrants entrent, pour une immense majorité, dans l'immigration irrégulière. La vérité est là, elle nous oblige. Il faut le rappeler : ils doivent retourner dans leur pays d'origine, dans le respect des personnes et du droit, mais avec fermeté. Sinon, nous mettrions en cause le principe même du droit d'asile.
Je sais que certains proposent de créer un nouveau statut reconnu aux seuls réfugiés fuyant la guerre et qui durerait le temps du conflit. J'examine toute proposition avec intérêt. Mais quel est donc ce besoin de créer quelque chose qui existe déjà, qu'il s'agisse de la protection temporaire européenne ou de la protection subsidiaire prévue par le droit français ?
Ceux qui pensent faire par ce biais échec au droit d'asile se trompent. Qu'ils relisent la directive européenne en question ! Moi, je l'ai fait. Octroyer une protection temporaire ne prive en en aucun cas du droit de demander l'asile. Et ceux qui l'obtiendront - c'est cela, l'asile - pourront décider de rester parce qu'ils ont fait leur vie ici ou de rentrer dans leur pays d'origine quand les conditions le permettront. Il ne faut pas semer la confusion dans ce débat, qui mérite de la clarté.
Une fois encore : il faut de la lucidité, de la méthode, du sérieux car, face aux vies brisées, aux images qui giflent nos consciences, face au nombre, il y a, nous le savons, chez nos compatriotes, un malaise, une inquiétude, un sentiment de désordre - encore ces derniers jours. Or, le désordre du monde c'est, trop souvent, le désordre des messages et des positions. Et le désordre des positions, c'est le désordre des valeurs, au point que certains en sont venus à vouloir - comment pouvions-nous l'accepter ? - trier en fonction des religions, entre les chrétiens et les musulmans. Ce n'est pas cela, la France ! Ce n'est pas cela, le droit à l'asile !
La France doit rester, aux yeux du monde, ce phare qui ne vacille pas au coeur de la tempête, qui ne se laisse pas aller à la tentation de l'aveuglement, à la facilité. Certains nous disent : «Il faut tout fermer». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réfugiés qui meurent à nos portes. D'autres disent, à l'inverse : «Il faut tout ouvrir». Dire cela, c'est fermer les yeux sur les réalités et les difficultés de la société française. Mon devoir, celui du gouvernement, c'est d'être lucide car nous sommes aux responsabilités, nous gouvernons. Notre devoir, c'est d'agir, avec méthode, et d'abord sur la scène internationale.
Nous intervenons militairement en Afrique, en Irak, en Syrie. Nous luttons contre la barbarie pour venir en aide aux peuples, pour restaurer la paix. Je l'ai dit hier à cette tribune et tous l'ont dit : nos armées, notre diplomatie, sous la conduite du chef de l'État, sont pleinement mobilisées car, nous le savons, la solution à la crise de réfugiés est d'abord là-bas !
Mais la solution est aussi européenne. Dès août 2014 - il est important de le rappeler car il faut de la mémoire dans un débat -, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, à la demande du président de la République, se rendant dans plusieurs capitales européennes, invitait l'Europe à prendre des mesures devant l'aggravation de la situation migratoire. Non pas en août 2015, mais en août 2014 ! Nous avions alors proposé une feuille de route reprenant nos principes d'humanité, de solidarité, de maîtrise, de fermeté. Cette feuille de route, pour la première fois, proposait une solution globale, traitant de l'ensemble des sujets.
D'abord, le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne - c'est évidemment le point essentiel - par le renforcement des actions de Frontex en Méditerranée, qui se sont progressivement substituées à l'opération italienne Mare Nostrum. Car Mare Nostrum fut une opération courageuse initiée par la seule Italie pour sauver des vies, mais qui s'est traduite à la fois, vous le savez, par davantage de sauvetages mais aussi davantage de morts, les passeurs ayant pris prétexte des sauvetages en mer pour intensifier leur funeste trafic. Le contrôle des frontières extérieures passe également par la mise en place d'une meilleure identification, dans le respect du règlement de Dublin - j'insiste sur ce respect -, des personnes susceptibles de bénéficier d'une protection internationale. Enfin, je le répète, il passe par une politique active de retour pour celles qui n'y sont pas éligibles.
Deuxième volet de cette même feuille de route : la lutte déterminée contre les filières d'immigration clandestine, contre les passeurs, les trafiquants - l'un d'entre vous les qualifiait d'esclavagistes des temps modernes.
Troisième volet : le renforcement de la coopération de l'Union européenne avec les pays d'origine, ainsi qu'avec les pays de transit, pour stabiliser les populations, pour les aider à contrôler leurs frontières et pour apporter, bien sûr, l'aide humanitaire nécessaire.
Cette feuille de route que nous avions proposée a beaucoup contribué à la politique décidée par l'Union européenne. Elle a été formalisée, en particulier, dans l'agenda européen pour les migrations du 13 mai dernier. Depuis, notre position, malgré le contexte d'émotion, de tumulte et de débats, n'a pas changé. Mais là aussi, nous devons la vérité. Nous pouvons regretter que la prise de conscience de la France, son action et ses propositions n'aient pas été assez partagées, notamment lors du dernier Conseil européen, en juin.
C'est enfin au plan intérieur que nous devons agir. Nous avons réformé l'asile. Personne ne l'avait fait à ce niveau. La situation - et tout le monde partageait ce constat - n'était plus tenable : la demande avait augmenté de 73% entre 2008 et 2012. Nous avons voulu réduire les délais, passer de 24 à 9 mois pour statuer sur les demandes, afin de désengorger nos capacités d'accueil, pour rétablir une procédure plus efficace et plus digne. Cela veut dire aussi que les déboutés du droit d'asile doivent être reconduits dans leur pays d'origine, ce qui se fait peu depuis très longtemps.
Cette loi, présentée par Bernard Cazeneuve, a fait l'objet d'un large travail de préparation, grâce, notamment, à la concertation nationale bipartisane que j'ai organisée, non pas en 2015, ni en 2014, mais en 2013, comme ministre de l'intérieur, autour de la sénatrice UDI Valérie Létard et du député socialiste Jean-Louis Touraine. Cette loi a fait l'objet d'un accord, en commission mixte paritaire, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à avancer ensemble sur ces sujets car ensemble la représentation nationale, donc la France, sont plus fortes pour rallier l'Europe à nos positions.
Vous avez également adopté, en première lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers, complément nécessaire à la réforme de l'asile. Vous en débattrez de nouveau cet automne. Son but, c'est de restaurer l'attractivité de la France pour les talents internationaux, par la mise en place de titres de séjours pluriannuels. Mais c'est aussi de rendre plus efficace encore la lutte contre l'immigration irrégulière, dans toutes ses dimensions : fraudes documentaires, détournement de procédure, filières d'immigration clandestine.
Sans attendre l'entrée en vigueur de cette loi, le gouvernement a intensifié les efforts contre les filières. Bernard Cazeneuve a souvent rappelé les chiffres, ces derniers jours : 177 d'entre elles ont été démantelées depuis le début de l'année, représentant plus de 3.300 individus, contre 1.800 en Allemagne pendant la même période. À Calais - cela a été évoqué cet après-midi -, les effectifs des forces de l'ordre ont été multipliés par cinq en trois ans.
Depuis le mois de juin, 42 000 interpellations ont été effectuées. Il faut poursuivre ce travail car nous connaissons les difficultés. Un accord a été passé avec la Grande-Bretagne, qui contribuera, Bernard Cazeneuve le rappelait il y a un instant, à hauteur de 35 millions d'euros, afin de sécuriser les infrastructures de transport et de soutenir l'accompagnement humanitaire des plus vulnérables des migrants. Cet engagement du Royaume-Uni vient ainsi rééquilibrer les accords du Touquet.
À Menton et dans les Alpes-Maritimes, où je me suis rendu dès le 16 mai, comme l'a fait régulièrement le ministre de l'intérieur, les contrôles ont été renforcés, dans le respect des accords de Schengen. En huit mois, 20.450 individus ont été interpellés.
Cette fermeté paie : malgré le contexte, les flux à Menton sont stabilisés. Mais nous n'ignorons rien des défis qu'il reste à relever.
Nous avons déjà rétabli, ce printemps, des contrôles temporaires à cette frontière. Et nous n'hésiterons pas à le faire de nouveau comme les règles de Schengen le permettent à chaque fois que les circonstances l'imposent, si c'est nécessaire dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines. Je sais combien cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière est exigeante et mobilise les forces de l'ordre et les fonctionnaires des préfectures - je veux leur rendre hommage. En 2014, 15 000 éloignements forcés ont été réalisés et ce chiffre devrait être porté à 16 000 en 2015. Les retours forcés vers les pays n'appartenant pas à l'Union européenne sont les plus difficiles car, vous le savez, rien n'est facile dans ce domaine - le ministre de l'intérieur pourrait d'ailleurs rappeler le nombre de retours en avion organisés depuis Calais. Mais ces retours ont augmenté de 40% en 2014. C'est un effort sans précédent. Il est indispensable si nous voulons mettre en oeuvre une politique migratoire soutenable et si nous voulons préserver le droit d'asile.
Compte tenu de cette nouvelle charge qui pèse sur les services et pour ne pas affaiblir les dispositifs liés à la lutte contre le terrorisme et la délinquance, nous avons donc décidé, sur proposition du ministre de l'intérieur, de renforcer les effectifs de police et de gendarmerie, notamment la police aux frontières, à hauteur de 900 personnels. En tout, ce sont, Mesdames, Messieurs les Députés, 5 330 postes supplémentaires - rappelez-vous de ce chiffre - dans la police et la gendarmerie qui ont été créés depuis 2012. Nous assurons, nous, la sécurité de nos compatriotes.
Oui, nous agissons avec méthode dans tous les domaines. Je veux rappeler la présentation en juin, par Bernard Cazeneuve et la ministre du logement, Sylvia Pinel, du plan migrants. Il prévoit la création de places supplémentaires d'accueil : 4 000 pour des demandeurs d'asile et 5 500 pour répondre à l'urgence de ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié mais qui demeurent dans une situation précaire. Toutes ces places s'ajoutent à une capacité exceptionnelle de mise à l'abri de 1 500 personnes.
Il nous faut aujourd'hui aller plus loin, mobiliser très rapidement, dès le mois d'octobre, les moyens nécessaires. Le ministre de l'intérieur l'a indiqué samedi dernier devant les maires : d'ici 2017, une aide de 1 000 euros par place d'hébergement créée sera attribuée aux communes et intercommunalités qui participeront à l'effort de solidarité. Ce soutien exceptionnel vient en complément de la politique d'hébergement, qui relève, elle, de l'État. Et je veux saluer ici l'ensemble des élus qui se sont mobilisés, partout sur le territoire, dans un esprit républicain, pour donner corps à cet élan de solidarité. Monsieur le Ministre de l'intérieur, la réunion de samedi dernier à la Maison de la chimie avec tous les maires qui représentaient les territoires de la République montrait elle aussi un beau visage de la France.
Je veux aussi saluer le monde associatif, les organisations non gouvernementales ?ONG -, les cultes, que nous avons reçus, les bailleurs sociaux, qui se sont mobilisés. Et bien sûr, je n'oublie pas - nous en avons tous les jours des témoignages -, ces citoyens qui s'engagent de manière désintéressée et qui se portent volontaires pour l'accueil des réfugiés. Je veux que nous retenions de ce moment cet engagement de nos compatriotes, parce que c'est cela, aussi, le visage de la France.
Au total, ce sont 279 millions d'euros qui seront mobilisés d'ici à la fin de 2016 au titre du premier accueil, de l'hébergement d'urgence, de l'aide forfaitaire aux communes. Ils seront mobilisés aussi pour renforcer les effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA -, que nous n'avons eu de cesse d'augmenter depuis 2012, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration -OFII - mais aussi de l'Éducation nationale, qui doit assurer l'accueil des élèves et des parents, l'apprentissage du français et la transmission de nos valeurs républicaines. La solidarité, c'est garantir un accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile. Mais, j'en prends l'engagement devant vous, cette solidarité - et ce point est très important pour nos compatriotes - ne pourra pas dégrader la situation de celles et ceux de nos concitoyens qui ont besoin d'être aidés, qui ont besoin de la solidarité nationale. En effet, nous entendons déjà le débat qui peut s'ouvrir : nous agirions pour ceux qui viennent d'arriver mais non pour ceux qui sont en difficulté depuis longtemps. Ce débat peut créer des fractures nouvelles où s'engouffreront tous les populismes et la démagogie.
Mettre en lumière une situation d'urgence, ce n'est pas renvoyer dans l'ombre tous les autres. On ne peut pas un jour porter sur les fractures de notre société un diagnostic sans concessions - nous l'avons fait, ici même, dans cet hémicycle, le 13 janvier dernier - et le lendemain oublier cette priorité.
À nous, donc, de veiller à ce que chacun soit accompagné comme il doit l'être. Aussi, au cours des douze prochains mois, les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale augmenteront de 250 millions d'euros dont 130 seront disponibles dès le mois prochain, car nous devons appliquer ces principes de solidarité.
Cette solidarité envers les réfugiés s'inscrit dans le cadre d'une politique migratoire globale qui ne perd pas de vue ces objectifs et qui prend en compte la réalité de la France, sa démographie comme sa situation économique.
Le visage de la France changera-t-il ? Ce n'est pas de cela dont il est question. Ce que nous voulons, c'est que la France reste à la hauteur de ce qu'elle est, qu'elle reste fidèle au message d'accueil pour les réfugiés qu'elle a toujours porté, tout en étant capable de maintenir et de consolider la cohésion nationale, la cohésion sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés, ce gouvernement agit avec lucidité, méthode et fermeté. Mais j'y reviens : tout ce que nous faisons n'aura de sens que si l'Europe parvient à trouver et à mettre en oeuvre des solutions efficaces et durables : tel est le sens des propositions que portent le président de la République et la chancelière allemande et nos deux pays.
Je veux y insister, car l'actualité le commande : pour nous, il y a de la constance, notamment dans nos rapports avec l'Allemagne. Ce que fait l'Allemagne n'est pas un jour extraordinaire, et, un autre, mauvais pour l'Europe.
Telle est la force de la France : la constance et l'engagement qui est celui du président de la République.
Face aux flux qui ne cessent de croître, je dis avec gravité que l'Europe, peut-être plus que jamais dans son histoire, doit être capable de trouver les solutions adaptées et coordonnées qui permettent d'anticiper l'événement au lieu de le subir. Nous sommes vingt-huit États : chacun a son histoire, sa culture et sa géographie. Nous appréhendons nécessairement les choses de manière différente et - ce n'est pas nouveau - il peut y avoir des divisions : le Conseil justice et affaires intérieures du 14 septembre l'a montré.
Mais l'Europe doit parvenir à dépasser ses divisions. Elle se trouve face à son destin, et peut sortir de l'histoire. Chacun mesure, de nouveau, la gravité du moment que nous vivons. Nous devons donc faire preuve d'audace et d'imagination pour combler les lacunes qui apparaissent sous nos yeux.
J'en donnerai deux exemples précis : le premier a trait à nos politiques d'asile, qui sont aujourd'hui trop disparates d'un pays à l'autre. Les filières d'immigration clandestine en profitent.
Second exemple : nos frontières externes doivent être tenues, et tenues collectivement.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui comme depuis de nombreuses années : la situation de la Grèce le montre chaque jour, tout comme la décision de rétablir temporairement les contrôles aux frontières prise dimanche par l'Allemagne puis par d'autres pays.
Je le répète, nous n'hésiterons pas à prendre ce type de décision.
Mais dans ce contexte, il nous faut un plan d'ensemble qui combine réponse à l'urgence et action de long terme. L'urgence, c'est d'organiser l'accueil des réfugiés en Europe et de maîtriser les flux migratoires. Le Conseil justice et affaires intérieures a cependant, je veux le dire, permis d'arrêter des orientations importantes qui constituent autant d'acquis.
Premier point : nous allons mettre en place - la France portait cette idée depuis plusieurs mois - des centres d'accueil et d'enregistrement - qu'on appelle des hot spots - dans les pays de première entrée, c'est-à-dire en Italie, en Grèce, en Hongrie, et peut-être demain en Serbie. Ce pays le demande en effet, même s'il n'est pas membre de l'Union européenne.
Ces centres vont permettre d'identifier, dans tous les sens du terme, et d'enregistrer chaque migrant. Nous pourrons ainsi distinguer rapidement ceux qui ont besoin de protection de ceux qui ne sont pas concernés par l'asile. Ces centres doivent maintenant être opérationnels le plus rapidement possible.
Le premier ouvrira dans les prochains jours en Grèce. La France est une nouvelle fois - elle l'a fait ces derniers jours à Munich - prête à apporter son expertise en déléguant des personnels de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la police de l'air et des frontières.
Je veux être très clair, car ce point est essentiel pour la réussite du plan global et pour l'Europe, comme pour la réussite de Schengen ainsi que pour l'idée que nous nous faisons du droit d'asile : le processus de relocalisation doit se faire à partir de ces centres d'accueil et non à partir de l'Allemagne ou de l'Autriche. C'est, encore une fois, essentiel si nous voulons avancer ensemble en Europe.
Deuxième point : pour accueillir les personnes ayant besoin de protection, les Européens doivent s'accorder sur un processus de répartition équitable. Un accord proposé par la Commission - qu'on oublie parfois - existe déjà, et il fut au mois de juin dernier particulièrement difficile à obtenir. Il porte sur l'accueil de 40.000 personnes, parmi lesquelles, nous l'avions déjà annoncé, 6.700 viennent ou viendront s'installer dans notre pays.
C'est pour cette raison que nous ne parlons pas de quotas : ce mot prête à confusion, il n'est pas adapté à la problématique des réfugiés et du droit d'asile, en outre, vous le savez, il est connoté dans notre débat national.
Pour faire face à l'accroissement des flux, la Commission propose, aujourd'hui, de porter ce nombre à 160 000. Une large majorité d'États membres a souscrit à cet objectif.
Pour notre pays, cela suppose d'accueillir, comme le président de la République s'y est engagé, sur deux ans, 24.000 personnes de plus. La France y est prête.
Il me serait difficile d'être opposé à ce chiffre de 24.000 alors que nous étions d'accord sur près de 7 000 au mois de juin. Nous sommes, nous, cohérents, et ma position, Monsieur le Député, est toujours cohérente.
Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Or plusieurs pays refusent cependant aujourd'hui de jouer le jeu : c'est - je le dis à la tribune de l'Assemblée nationale - inacceptable. Ces pays oublient en effet leur propre histoire, ainsi que ces hommes et ces femmes que nous avons accueillis en France lorsqu'ils fuyaient la dictature et la persécution communistes.
Chacun doit prendre sa part de l'effort, en fonction bien sûr de ses capacités. Cela implique d'expliquer, de convaincre, et aussi d'assumer une décision devant son opinion publique.
La solidarité n'est pas une valeur à la carte : elle vaut pour tous, et est donc aussi exigible de tous. Sinon, c'est le sens même du projet européen qui s'effondre. Un nouveau Conseil justice et affaires intérieures devrait se tenir en début de semaine prochaine : nous devrons impérativement avancer sur ce sujet.
Nous sommes à l'initiative, notamment grâce à notre diplomatie, à Laurent Fabius et à Harlem Désir. Le président de la République rencontrera demain le président du Conseil italien Matteo Renzi. Je serai moi-même jeudi et vendredi en Suède et en Autriche.
Troisième point : nous devons mettre en place une politique de retour effective pour les personnes en situation irrégulière sur le sol européen : il en va de la crédibilité de l'ensemble de ces politiques. Le sérieux, la maîtrise, c'est aussi cela.
Nous devons donc renforcer le rôle de Frontex et la France soutiendra les propositions de la Commission. Le système d'information Schengen devra également être mis à contribution pour empêcher que les migrants auxquels l'accès a déjà été refusé puissent entrer sur le territoire.
Par ailleurs, l'Union européenne a décidé d'autoriser désormais des opérations militaires coercitives dans les eaux internationales contre les bateaux affrétés par les filières de passeurs, dans le respect, bien sûr, de la sécurité des personnes. La France, qui participe déjà à toute une série d'actions en Méditerranée mettra, dans les prochains jours, une frégate à disposition à cet effet.
Quatrième point, qui est essentiel, car il s'agit de la condition sans laquelle rien n'est possible : nous devons coopérer plus étroitement avec les pays de transit et d'origine des migrants en fournissant notamment une aide humanitaire massive aux pays qui consentent des efforts considérables pour accueillir des camps de réfugiés. Il y a, vous le savez et nous l'avons rappelé hier, quatre millions de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban ainsi que des centaines de milliers dans la Corne de l'Afrique.
Cette coopération est nécessaire pour démanteler les réseaux criminels de traite des êtres humains, et pour aider à la mise en oeuvre rapide, dans les pays de transit, de centres d'aide au retour des migrants et de prévention des départs, ce que nous sommes en train de faire au Niger.
Plus généralement, nous n'aurons pas de politique de retour effective sans des dialogues politiques - sous l'égide de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec le soutien de notre diplomatie - avec les pays de départ. Ces dialogues doivent se nouer rapidement, et en particulier promouvoir la réadmission des migrants en situation irrégulière dans leur pays.
Faut-il s'arrêter là ? La réponse est clairement non. Nous devons aider les pays d'origine à mieux se développer économiquement, à donner plus de perspectives à leur population, et notamment à leur jeunesse. Ces objectifs seront au coeur du sommet de La Valette qui se tiendra le 11 novembre prochain.
D'ores et déjà, l'Union envisage de créer un fonds dédié, doté de 1,8 milliard d'euros, afin de résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel, du lac Tchad et la corne de l'Afrique. Et je veux une nouvelle fois rappeler la proposition du président de la République d'organiser, afin d'amplifier ce mouvement, une conférence que Paris pourrait accueillir début 2016.
Nous devons, ensuite, consolider une politique migratoire à l'échelle européenne. Cela passe par une plus grande harmonisation des procédures en matière d'asile. À cet égard, la proposition de la Commission d'établir une liste commune de pays sûrs, en particulier les Balkans occidentaux, va dans le bon sens. Son principe a d'ailleurs été validé par les États membres : il faut qu'elle entre dans les faits.
Enfin, nous devons renforcer l'espace Schengen. Je connais le débat relatif aux frontières, qui peut nous passionner. Les États-nations n'ont pas disparu avec l'Union européenne, la monnaie unique ni avec l'espace Schengen. La France est toujours là, et il existe toujours des frontières nationales.
Schengen, c'est la libre circulation des personnes. Il s'agit d'un élément essentiel de notre identité européenne, mais aussi de notre sécurité. Mais Schengen, c'est aussi le contrôle efficace des frontières externes, car sinon cela ne marche pas.
Je me réjouis donc que le président Juncker ait clairement indiqué que la Commission proposerait d'ici la fin de l'année la mise en place de gardes-frontières européens, car c'est une idée que la France porte depuis longtemps.
Je sais que certains voudraient faire croire que la solution serait dans l'abolition de Schengen. L'extrême droite nous dit : «j'avais raison !». Cette formule est le condensé parfait de ce qu'est le populisme : une pensée qui se nourrit de la catastrophe et des difficultés, qui n'apporte aucune solution et qui, traduite dans les faits, mettrait notre sécurité en difficulté.
Nous avons besoin de plus d'Europe pour faire face aujourd'hui aux défis des réfugiés, et non pas de moins d'Europe.
D'autres proposent, dans le cadre d'un débat républicain, un Schengen 2. Mais qu'y a-t-il derrière cette proposition ? J'ai compris qu'elle impliquait le respect des règles de Schengen 1 : elle a donc pour principal avantage et pour principale vertu de ne pouvoir susciter que l'unanimité et le rassemblement.
J'ai aussi compris qu'il s'agissait de mettre en oeuvre une politique européenne de l'asile et un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union européenne. Cela revient à faire ce que nous faisons et ce que je vous propose : j'en déduis donc que, s'agissant de Schengen 2, le bon sens inspire le gouvernement et qu'à cette proposition s'ajoute parfois le goût de la polémique inutile sur les sujets migratoires.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous proposons un plan global, qui permettra -en le consolidant, je le répète - de préserver cet acquis fondamental de la construction européenne. Toute proposition qui bloque l'Europe, ou qui met en cause Schengen, met en cause l'Europe et met en cause ce que nous sommes, c'est-à-dire l'identité et la sécurité de la France.
Mesdames et Messieurs les Députés, la question des réfugiés, comme celle de l'accueil interroge toujours ce que nous sommes. La question de savoir qui est celui qui est accueilli renvoie toujours, en miroir, à celle de savoir qui est celui qui accueille.
Face à cet afflux considérable aux portes de l'Europe, face aux destins brisés, face aux images, le coeur des Français parle mais ils sont également saisis par l'inquiétude.
La France doute souvent : de sa force, de ses capacités ou de son identité. Le défi des réfugiés, c'est l'occasion pour nous de nous révéler tels que nous sommes : une nation forte et généreuse, une nation qui a toujours guidé le monde et les peuples vers l'émancipation, la liberté, le droit, la dignité et la culture, une nation qui accueille l'opprimé tout en restant ferme sur ses valeurs : liberté, égalité, fraternité et laïcité, car consciente que c'est cette fermeté qui garantit la pérennité et la force des principes qui la constituent.
Oui, c'est son honneur, la France accueillera les migrants qui, sinon, mourraient aux portes de l'Europe.
Elle assumera ses valeurs, à la hauteur de son rang, à la hauteur de l'exigence que, nous-même, nous nous fixons, à la hauteur de ce qu'elle attend de la solidarité européenne.
Si la France agissait sans maîtrise, sans fermeté, elle affaiblirait la réalité de son message universel et les conditions concrètes de l'accueil des réfugiés, que nous voulons exemplaires. C'est toute la différence entre le devoir d'accueillir celui qui est entre la vie et la mort et la possibilité de faire venir celui qui, légitimement, voudrait faire évoluer ses conditions de vie.
Au fond, nous le voyons bien, le moment que nous vivons est empli de gravité : crise des migrants, défi climatique, menace terroriste. Dans ce monde instable, nos nations peuvent courir le risque de basculer.
Aussi, plus que jamais, la responsabilité de ce gouvernement, et peut-être aussi de ceux qui ont gouverné, c'est de tenir bon, d'envoyer au monde, à l'Europe, à nos partenaires, à nos voisins, mais aussi aux Français, ce message de constance, de maîtrise et d'unité indispensable sur un tel sujet, car ceux qui voudront, pour des raisons électorales, utiliser l'immigration, la crise des réfugiés se trompent lourdement et le paieront cher à un moment ou à un autre.
La France, souveraine dans l'Europe qu'elle a contribué à bâtir, assume ses devoirs, reste fidèle à ses valeurs et assume pleinement ses choix.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
Avec le ministre de l'intérieur, nous partageons, depuis le début de cette crise, un souci de vérité et de précision. La vérité, je le rappelle, c'est que nous affrontons une crise. Une crise majeure pour l'Europe, avec un flux de réfugiés et de migrants d'une ampleur que nous n'avons pas connue depuis le dernier conflit mondial. Face à cela, il faut une mobilisation et des réponses exceptionnelles.
Il importe également de rappeler quelles sont les valeurs de la France et de l'Europe. Tous les orateurs qui sont intervenus ont fait référence, avec des nuances, cela va de soi, et chacun selon son style, à ces valeurs. C'est une bonne chose que l'Assemblée nationale ait réaffirmé ces valeurs cet après-midi, comme le Sénat le fera ce soir, je n'en doute pas, à l'occasion du débat qui s'y tiendra en présence du ministre de l'intérieur. Il est très important de rappeler ces valeurs, afin d'éviter que ce type de débat ne bascule.
Nous avons évoqué le risque terroriste, mais aussi l'urgence climatique, qui a elle aussi un lien avec ces migrations. À cet égard, Monsieur le Député a eu raison de rappeler que les migrations, aujourd'hui, se font d'abord du Sud vers le Sud. Le climat y est évidemment pour beaucoup, en plus des situations politiques, économiques, ou des situations de guerre. Chacun est donc bien conscient qu'une solution strictement franco-française n'aurait aucun sens : une fermeture totale des frontières n'aboutirait à rien. Les solutions à trouver sont difficiles, et il ne faut donc pas céder à la facilité.
Il s'agit évidemment de trouver, au niveau méditerranéen, dans nos relations avec l'Afrique et au niveau mondial, des solutions diplomatiques et militaires. Mais c'est au niveau européen que nous devons trouver une solution : il importe de ne pas remettre en cause ce principe. L'Europe pourrait-elle faire mieux ou plus ? Bien évidemment ! Et c'est pour cela que, contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre, la France a été, depuis le début, à l'offensive. Et j'ai rappelé tout à l'heure que nous aurions aimé être suivis par tous les pays concernant le plan français préparé et présenté il y a un an. Un an !
Ce goût, qu'on ne retrouve pas nécessairement dans les autres pays, du bon mot ou de la petite phrase, proférés dans le seul but de s'opposer au gouvernement, sans que ceux qui le critiquent ne connaissent rien des initiatives qu'il a prises depuis un an sur la scène européenne, est regrettable. Au mois de juin, les Italiens et les Français ont été bien seuls pour défendre l'idée d'une répartition. Madame Auroi, vous avez affirmé que nous étions opposés à la répartition. Je suis désolé de vous le dire en dépit de l'amitié qui je nous lie : vous vous trompez. C'est au contraire à ce moment-là que nous avons accepté la proposition de la Commission européenne. Je récuse, en revanche, toujours le mot «quota» qui ne peut pas s'appliquer au cas de l'asile. Toutefois, il fallait que chaque pays prenne ses responsabilités.
Monsieur le Député a eu raison de rappeler la césure existant entre le Nord et le Sud, plus particulièrement entre les pays qui sont entrés plus récemment dans la démocratie et au sein de l'Union européenne et les autres. L'histoire doit rester présente à l'esprit de chacun : nous ne pouvons pas, aujourd'hui, ne pas nous montrer solidaires devant les événements qui se déroulent en Europe. Oui, il faut une solution européenne, ce qui interdit de manier le concept de Schengen avec légèreté. Ce traité est perfectible pour une seule raison : il doit être effectivement mis en oeuvre, notamment à nos frontières extérieures. En revanche, mettre en cause Schengen en faisant des propositions qui, à terme, rendraient impossible son fonctionnement, c'est mettre en cause l'idée même d'Europe.
Chacun doit prendre position dans ce débat, où il convient de rester pragmatique. Il appartient à la Commission et aux États membres de fournir les moyens nécessaires. Il ne faut pas non plus hésiter à recourir à tous les aspects de Schengen, notamment en rétablissant temporairement les contrôles aux frontières en cas de difficulté majeure. Nous l'avons fait et n'hésiterons pas à le faire de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire. Je tiens toutefois à rappeler que, lorsque je me suis rendu, en tant que ministre de l'intérieur, à mon premier conseil JAI, la première décision que j'ai eu à prendre fut de rassurer mes homologues européens. En effet, en raison de l'attitude du gouvernement précédent dans la crise tunisienne, Schengen ne fonctionnait plus bien.
Un grand pays comme la France, qui a contribué à la construction européenne et qui souhaite compter et voir d'autres pays suivre ses propositions, ne doit pas oublier les valeurs de l'Europe, surtout lorsqu'il s'agit de gouverner au coeur de difficultés. Je regrette d'entendre, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, des propositions inconséquentes, qui ne sont pas fiables et ne pourraient pas être mises en oeuvre tout simplement parce qu'elles ne correspondent pas au compromis nécessaire sur lequel doit reposer l'Europe. Je tiens à prévenir les Républicains : attention ! À force de chercher à courir derrière certains, vous mettez en cause le combat européen qui a été le vôtre.
Monsieur le Député, je vous ai si souvent entendu sur la Roumanie et la Bulgarie ainsi que sur des questions relatives à la politique de défense ou aux affaires étrangères, que je me demande si la tradition de construire l'Europe vous habite encore. Sachez, en tout cas, qu'elle nous habite toujours. Sur l'Europe, nous ne transigerons pas, tout simplement parce qu'il faut plus d'Europe et lui donner les moyens de fonctionner. C'est du reste le message que j'ai entendu dans la bouche de la plupart des orateurs : l'essentiel est notre volonté de construire une réponse au plan européen. Qui peut aider la Turquie, si ce n'est l'Europe ? Qui peut aider le Haut Conseil aux réfugiés, en dehors de la communauté internationale et des Nations unies, si ce n'est l'Europe ? Qui peut, aujourd'hui, intervenir sur nos frontières extérieures ? C'est évidemment l'Europe, qui devra, naturellement, tenir compte de la situation.
Monsieur le Député, il y a quelques mois, d'aucuns, à droite et à gauche, reprenant certaines positions allemandes, expliquaient que la Grèce devait sortir de l'euro. Quel message aurions-nous envoyé si nous avions dit à la Grèce de quitter l'Europe alors qu'elle affronte un tel afflux de migrants ! Il faut être conséquent, il faut être cohérent : quand on a gouverné et qu'on aspire de nouveau à le faire, on ne peut pas dire n'importe quoi aux Français, parce qu'ils jugent chacun sur sa capacité à tenir un discours cohérent. Or le président de la République et le gouvernement font preuve de cohérence en matière d'accueil des réfugiés et de maîtrise de la situation.
Madame la Députée, je peux me retrouver dans une grande partie des propos que vous avez tenus. Toutefois, est-ce parce qu'il y a des élections au mois de décembre, est-ce parce que vous êtes dans l'opposition, que vous vous sentez obligée de fustiger notre politique migratoire ? Vos arguments ne tiennent pas devant les chiffres que le ministre de l'intérieur a rappelés à l'instant.
Si je voulais polémiquer avec vous je rappellerai que, sous Nicolas Sarkozy et François Fillon, la France a perdu 13 000 postes de gendarmes et de policiers et que c'est notre gouvernement qui redonne des moyens à la police et à la gendarmerie.
Pour reconduire les immigrés en situation irrégulière à la frontière, Madame la Députée, la police n'a besoin ni de discours ni d'attitudes ni de voyages à l'étranger, mais de moyens. L'asile a, lui aussi, besoin de moyens : nous continuerons d'en donner, notamment à l'OFPRA. Il était également nécessaire d'adopter une loi «asile» pour réduire les délais : c'est votre collègue qui l'a défendue à l'Assemblée nationale. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les chiffres que, sur cette question aussi, M. Cazeneuve a fournis.
Plutôt que de polémiquer dans ces moments de gravité, cessez de mettre en cause notre politique migratoire, d'asile ou d'accueil. Je le répète : les chiffres sont de notre côté. Il est temps d'entendre le changement qui perce dans le pays, que ce soit sur la sécurité, l'asile ou les politiques migratoires.
La responsabilité est du côté de la gauche, qui assume pleinement le gouvernement du pays, ne raconte pas n'importe quoi aux Français, maîtrise ces sujets dans la difficulté et cherche des solutions aux plans national et européen. Je suis prêt à vous répondre sur tous les sujets.
Il y a ce qui se dit ici, à la tribune, et ce qu'on profère dans les matinales à la radio ou ce qu'on peut lire dans la presse. Madame la Députée, sur le terrorisme, vous n'avez pas tenu ici les propos que vous avez pu tenir ailleurs. Ne faisons pas peur à nos concitoyens. Le risque terroriste existe, bien sûr. Mais faire croire qu'il passerait par les demandeurs d'asile est une idée absurde. Nous prenons évidemment les moyens nécessaires. Lorsqu'il s'est agi, récemment, à Munich, d'identifier des réfugiés, la direction générale de la sécurité intérieure était présente, en vue de contrôler chacun avec précision. Madame la Députée, vous ne nous prendrez pas en défaut sur une question sur laquelle j'espère pouvoir compter sur chacun. Nous sommes déterminés à protéger nos concitoyens.
S'agissant du codéveloppement - un autre sujet que vous avez abordé -, Pascal Canfin, alors ministre délégué, et moi-même, en tant que ministre de l'intérieur, avons mis fin au véritable chantage que Brice Hortefeux avait imaginé et qu'il faisait peser sur les pays d'origine : ce chantage était du reste inefficace puisqu'il n'y avait pas de contrat possible avec un pays comme le Mali. Il ne sert à rien de proposer de nouveau des solutions qui, par le passé, se sont révélées être des erreurs.
Mesdames et Messieurs les Députés, je me félicite de la tenue de ce débat, tout en regrettant qu'il n'ait pas mobilisé un plus grand nombre d'entre vous car il est important pour le pays. La fermeté, la maîtrise, la solidarité et le rappel de nos valeurs sont les lignes de conduite de ce gouvernement. Je suis convaincu que c'est autour de celles-ci qu'il est possible de rassembler une très large majorité de Français. Le pays, je tiens à le répéter, a besoin non seulement d'unité et de rassemblement mais également de sérieux sur des sujets tels que ceux que nous avons abordés.
* Propos de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames les Ministres, Mesdames les Présidentes de commission, Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaite tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants, qui ont contribué à nourrir de leurs propositions ce débat important dans un contexte migratoire particulièrement difficile.
Le Premier ministre devant intervenir, je me concentrerai sur des éléments évoqués par quelques orateurs appelant de nécessaires précisions si nous voulons que notre débat puisse aller à son terme conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre sur un sujet qui renvoie à l'essentiel, soit, à l'avenir de l'humanité et aux drames que connaissent des populations persécutées dans leur pays.
Nous avons donc besoin de précision, d'une exigence de rigueur intellectuelle et, pendant notre dialogue commun, nous nous devons de revenir à la réalité des chiffres et des faits.
Premier point sur lequel je souhaite insister : la réalité des flux migratoires auxquels notre pays est confronté.
En dépit d'un contexte migratoire extrêmement difficile exposant un certain nombre de pays de l'Union européenne, et non des moindres, à des flux migratoires importants - comme nous l'avons vu en Allemagne - existe-t-il actuellement en France un déferlement de migrants qui traverseraient, au nord, la frontière séparant la France de l'Allemagne ou, au sud, celle qui sépare notre pays de la Suisse ou de l'Italie ? Quels sont les chiffres ?
En 2014, alors que la pression migratoire s'exerçait déjà - il ne faut pas oublier que, pendant les huit premiers mois de l'année dernière, près de 160.000 personnes ont franchi les frontières extérieures de l'Union européenne - nous avons assisté à une diminution des demandes d'asile en France, de l'ordre de 2,34%.
Depuis le début de l'année, les demandes d'asiles sont étales. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que, dans les semaines et les mois qui viennent - le Premier ministre l'a dit dans son intervention - notre système de l'asile sera mis sous tension, la France ayant souhaité, sans discuter et avec fierté, prendre sa pleine et entière part dans le dispositif de relocalisation et de réinstallation proposé par la Commission européenne et, ce, pour une raison très simple : elle a contribué à son élaboration.
Nous accueillerons donc 30.000 migrants pendant les deux prochaines années soit 15.000 par an. La décision que nous avons prise mettra donc notre système d'asile sous tension.
Qu'avons-nous fait pour nous préparer à cela, tout d'abord sur le plan national ? Je vais communiquer des chiffres, outre ceux que je viens de donner concernant la réalité de l'asile - j'aurais d'ailleurs pu aussi parler de la réalité des flux migratoires : 200 000 titres de séjour sont attribués chaque année, ce qui correspond à 0,3% de la population, ce chiffre étant le même depuis de nombreuses années, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays de l'Union européenne.
Je prends un exemple très simple, celui du Royaume-Uni, pays dont le traitement des flux migratoires est souvent cité comme rigoureux : l'an dernier, 750.000 migrants et demandeurs d'asile sont arrivés dans ce pays, ce qui correspondait à une augmentation très significative du nombre de ceux qui avaient décidé d'y trouver refuge ou d'y travailler.
Voilà ce qu'il en est donc de la réalité des flux.
Deuxième point : qu'avons-nous fait ?
Tout d'abord, nous avons trouvé un système d'asile que des rapports parlementaires transpartisans ont jugé «embolisé». Pourquoi ? Pour des raisons très simples.
L'insuffisance de moyens au sein de l'OFII et de l'OFPRA était patente, le traitement des dossiers des demandeurs d'asile étant quant à lui insuffisamment performant. Ainsi nous situions-nous au moins bon niveau de l'Union européenne en termes de délai : la moyenne des pays de l'Union européenne était de neuf mois quand nous nous situions à 24 mois.
Un deuxième sujet soulevait des problèmes : non seulement les délais étaient donc trop longs mais les conditions d'accueil étaient très détériorées et dégradées par rapport aux standards des conditions d'asile dans les autres pays de l'Union européenne puisque nous avions créé très peu de places en CADA.
En outre, la détérioration des conditions d'accueil qui conduisait beaucoup de demandeurs d'asile - et même, parfois, beaucoup de réfugiés bénéficiant de ce statut - à se retrouver soit dans les rues, soit dans des hébergements d'urgence rendait le retour très difficile : plus les délais étaient longs, moins l'hébergement était digne, plus le retour des déboutés était difficile.
Le Premier ministre a décidé d'appliquer les conditions qu'il avait données lorsqu'il était ministre de l'intérieur et dont il m'a confié la charge : il a décidé d'augmenter significativement les moyens de l'OFPRA afin de réduire les délais.
Je tiens à me montrer extrêmement précis s'agissant des moyens de l'OFPRA. Nous avons créé 50 postes en son sein pendant les deux dernières années. Pendant les cinq années du précédent quinquennat, 40 avaient été créés.
Suite aux annonces que le Premier ministre vient de faire à l'instant, concernant l'OFPRA, l'OFII et les préfectures - dans le cadre de la mise en place des guichets uniques - ce sont en tout 240 emplois qui seront créés.
Voilà la réalité de notre action pour mettre le système d'asile à niveau !
Le précédent gouvernement a créé 2 000 places d'hébergement en CADA en cinq ans. Or, année budgétaire après année budgétaire et en tenant compte des annonces faites par le Premier ministre, ce sont 18 500 places en CADA qui auront été créées pendant le quinquennat alors que, selon les rapports parlementaires, il en fallait 20 000 pour remettre le système d'asile à niveau.
Par ailleurs, des collectivités locales se sont mobilisées face aux drames humanitaires en accompagnant la volonté de l'État d'être à la hauteur. Nous ne les avons pas appelées à la rescousse parce que nous ne faisions pas notre devoir - je viens de rappeler notre action.
C'est précisément parce que nous agissons ainsi que les collectivités locales se sont manifestées afin que nous travaillions ensemble. Dès lors que l'État prenait ses responsabilités à 100%, nous avons décidé de couvrir également 100% des dépenses résiduelles des collectivités dès lors qu'elles acceptaient d'accompagner l'État.
Je le dis pour Monsieur le Député, qui estimait que 1 000 euros, ce n'était pas assez. Mais cette somme correspond très exactement, sur la base des calculs que j'ai faits, à la part résiduelle à la charge des collectivités locales, en tenant compte de ce qu'elles font pour accompagner les demandeurs d'asile lorsqu'ils arrivent - éducation ou aide sociale, par exemple.
Pourquoi cette somme paraît-elle faible, en comparaison de ce qui se fait en Allemagne ? Tout simplement parce que nous, nous assurons 100% de la couverture de la dépense en exerçant nos compétences régaliennes, et que nous pouvons ainsi couvrir 100 % de la dépense résiduelle des collectivités.
Premièrement, nous donnons des moyens à l'OFPRA et à la CADA ; deuxièmement, nous couvrons les dépenses des collectivités locales. Troisièmement, un débat est ouvert, concernant les déboutés du droit d'asile, et ce débat doit avoir lieu.
Pour ma part, je ne suis pas du tout choqué, lorsque Mme la députée dit que la soutenabilité du dispositif impose de reconduire à la frontière les déboutés du droit d'asile. Pour que vous ne quittiez pas cet hémicycle avec une angoisse rentrée, je voudrais vous donner des chiffres, qui sont de nature à vous rassurer totalement.
Il a été procédé à 13 908 éloignements forcés en 2009 - et je parle des éloignements hors Union européenne. Vous savez en effet que les éloignements au sein de l'Union étaient financés à hauteur de 1 000 euros, ce qui conduisait un certain nombre de personnes à partir à Noël en touchant les 1 000 euros, à passer Noël dans leur pays puis à revenir entre Noël et Pâques, avant de retourner passer Pâques en famille, non sans avoir à nouveau touché ces 1 000 euros. C'est l'actuel Premier ministre, Manuel Valls, qui a mis fin à ce dispositif lorsqu'il était ministre de l'intérieur.
Permettez-moi de vous donner les chiffres, qui sont précis et dont vous pouvez vérifier l'exactitude dans les documents qui sont mis à la disposition des parlementaires : il a été procéd à 13 908 éloignements forcés en 2009 ; leur nombre a ensuite baissé en 2010, puisqu'on n'en a compté que 12 034. Il y en eut 12 547 en 2011, 13 386 en 2012, 14 076 en 2013 et 15 161 en 2014. En 2015, nous augmentons encore de 40% les éloignements de déboutés et d'étrangers en situation irrégulière, hors l'Union européenne.
Telle est la réalité des chiffres que nous affichons, et qui ne correspondent pas du tout aux vôtres, pour une raison que je comprends d'ailleurs : c'est que vos chiffres incluaient les retours aidés internes à l'Union européenne. Or il s'agit de faux retours.
Les vrais retours sont ceux qui concernent les pays extérieurs à l'Union européenne : ce sont aussi les plus difficiles à mettre en oeuvre. Et, de ce point de vue, nous avons augmenté très significativement les retours.
Pourquoi l'avons-nous fait, Madame la Députée ? Nous ne l'avons pas fait parce que nous avions plus de volonté que vous - je veux être extrêmement scrupuleux dans ce débat. Nous l'avons fait, parce que nous avions plus de moyens, parce que nous avons donné davantage de moyens à nos forces de police et de sécurité. Sur ce point aussi, je veux être extrêmement précis, car ce fut une difficulté pour nous : lorsque nous avons dû mobiliser des moyens significatifs en unités de force mobile pour assurer le plan Vigipirate, dans un contexte de risque terroriste dont le Premier ministre n'a cessé de rappeler qu'il était extrêmement élevé ; lorsque nous avons dû mobiliser des unités de force mobile à la frontière nord, puis à la frontière sud, pour assurer la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière, nous avons constaté que les quinze unités de force mobile qui ont été supprimées entre 2007 et 2012 nous manquaient cruellement.
Et si le Premier ministre n'avait pas pris la décision, alors qu'il était ministre de l'intérieur, de créer ces 500 emplois par an, auxquels se sont ajoutés 1 500 emplois à l'occasion du plan antiterroriste, puis les 900 emplois dont la création a été annoncée aujourd'hui par le Premier ministre, nous n'aurions pas obtenu de tels résultats en matière d'éloignement et de lutte contre l'immigration irrégulière.
Ces résultats, quels sont-ils, au-delà les éloignements dont je viens de parler ? S'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière et contre ses filières, nous avons démantelé 25% de filières supplémentaires en 2014 par rapport à 2013. Et, dans les huit premiers mois de l'année 2015, nous en sommes à 177 filières, ce qui correspond à 3.300 individus arrêtés ; 800 d'entre eux ont été judiciarisés et un certain nombre emprisonnés - quant aux autres, ils sont suivis. En comparaison, l'Allemagne, qui accueille 800.000 migrants, en a neutralisé 1.800 seulement. Nous sommes résolus, dans la lutte contre l'immigration irrégulière, à procéder à l'éloignement à la frontière de ceux qui ne relèvent pas de l'asile et n'ont pas vocation à rester sur le territoire national, parce que la soutenabilité de notre politique de l'asile dépend de notre capacité à éloigner ceux qui doivent l'être.
Je veux aussi donner des chiffres précis pour répondre à M. le député qui, lorsque le Premier ministre a évoqué Calais, a demandé combien d'éloignements y avaient eu lieu. Je vais vous donner un chiffre très précis : sur Calais, nous avons procédé, depuis le début de l'année 2015, à 1 630 éloignements, ce qui est un chiffre record.
J'ai donné hier des instructions au préfet Cordet pour que nous ayons à Dunkerque la même stratégie qu'à Calais concernant les éloignements, mais aussi la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière et l'accès à l'asile de ceux qui relèvent en Europe du statut de réfugié et qui doivent savoir qu'ils ne passeront pas en Angleterre et qu'ils ont intérêt à demander l'asile en France. Tout cela, nous le faisons parce que des moyens substantiels, significatifs, dont nous avons besoin, viennent conforter à la fois les effectifs et les moyens matériels des forces de police - je pense aux moyens numériques, mais aussi aux moyens de la police scientifique et technique. De ce point de vue, la décision prise en janvier d'augmenter de 261 millions d'euros sur trois ans les moyens de la police dans la lutte contre le terrorisme, et pas seulement, relève d'une politique tout à fait intéressante.
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, après avoir donné ces éléments de réponse précis à tous les orateurs qui se sont exprimés, j'aimerais conclure mon propos en m'arrêtant sur un point précis : le statut de l'asile.
Premièrement, le statut de l'asile est-il divisible ? Non, le statut de l'asile est comme la République : un et indivisible. Comme le Premier ministre l'a dit avec beaucoup de force, les réfugiés qui sont persécutés dans leur pays ne peuvent pas être distingués en fonction de leurs origines ethniques ou religieuses, de leur provenance ou des raisons pour lesquelles ils sont persécutés. Cette unité, cette indivisibilité du statut de réfugié, semblable à l'indivisibilité de la République, dont nous partageons les valeurs, doit être porté avec force par notre pays, parce que c'est ce qui fait sa grandeur au sein de l'Union européenne.
J'ai vu que l'on nous proposait un nouveau statut, celui de réfugié de guerre. Ce statut, il faut l'examiner avec intérêt, parce qu'il n'y a aucune raison de rejeter a priori une idée, sous prétexte qu'elle vient de l'opposition, si elle peut être utile. Quelle est l'idée qui préside à cette proposition, formulée dans Le Figaro par le président des Républicains ? C'est l'idée que ceux qui sont en situation de conflit, et qui ne sont pas nécessairement persécutés, pourraient se voir accorder une protection en France et en Europe.
C'est une très bonne idée, et elle est à ce point excellente, qu'elle existe depuis plusieurs décennies en droit français : cela s'appelle la protection subsidiaire. Et je veux, sur ce sujet aussi, vous donner des chiffres extrêmement précis : nous accordons chaque année le statut de réfugié à 11.000 personnes, dont 3.000 ne sont pas nécessairement persécutées dans leur pays. Elles bénéficient néanmoins en France de la protection subsidiaire, qu'elles se voient accorder par le gouvernement français, en raison de ce qu'est l'état du droit.
Je voudrais vous remercier de faire cette proposition, car il vaut mieux faire une proposition qui existe, plutôt qu'une proposition impossible à mettre en oeuvre.
Votre proposition est totalement pertinente : elle l'est à ce point qu'elle existe depuis longtemps en droit français.
Le président des Républicains a également proposé que l'on mette en oeuvre cette protection subsidiaire en vertu d'une directive de 2001. Il existe en effet, dans la directive de 2001, un dispositif de ce type, que l'on appelle la «protection temporaire». Mais il faut, pour la mettre en oeuvre - et c'est sans doute la raison pour laquelle cela n'a jamais été fait - obtenir une décision du Conseil, ce qui implique une procédure extrêmement lourde. Et je dois dire, pour avoir testé l'idée à l'occasion des derniers conseils Justice et affaires intérieures - JAI - que cette proposition n'avait pas suscité l'enthousiasme des 27 autres pays de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle je doute que l'on puisse la mettre en oeuvre tout seuls.
Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne l'idée d'un «Schengen 2», qui succéderait à «Schengen 1». Les meilleures séries ont des numéros : il n'y a pas de raison que Schengen, qui est un bon dispositif, ne connaisse pas les mêmes possibilités de se développer. Mais encore faut-il savoir ce que l'on met dans Schengen 2. Plusieurs versions ont été proposées : selon la première, Schengen 2 serait une sorte de Schengen 1, dont on appliquerait les règles. Voilà une interprétation qui pourrait facilement faire l'unanimité au sein du Conseil européen, puisque celui-ci n'entend pas que l'on n'applique pas les règles de Schengen. Cette idée est donc tout à fait recevable et devrait recueillir un consensus très large au sein des institutions européennes.
Une deuxième interprétation de Schengen 2 consiste à dire que l'on va exercer des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne, en faisant une distinction entre les réfugiés et les migrants économiques irréguliers, de manière à assurer la soutenabilité de l'accueil des réfugiés. Nous avons appelé cela, de manière un peu barbare, les hotspots. C'est une très bonne idée, qui a été proposée par la France. Elle est désormais reprise par l'Union européenne comme une orientation à mettre en oeuvre. Ce projet ne devrait pas, lui non plus, susciter de débat.
Une troisième idée a été avancée plus récemment dans l'interview du Figaro : Schengen 2 consisterait à rétablir des frontières, au sein de l'Union européenne, qui ne concerneraient que les ressortissants étrangers, et pas ceux de l'Union. Ce concept est plus difficile à saisir et nécessite sans doute un effort de pédagogie supplémentaire : il faudra quand même chiffrer le coût du rétablissement des contrôles aux frontières - qui ne concerneraient, donc, que les Européens. Il faudra également déterminer des critères très précis - je ne suis pas sûr que ce soit facile à faire et que cela soulève de bons débats - pour permettre aux policiers de distinguer immédiatement les Européens des étrangers.
Sur des sujets aussi sérieux, sur des questions aussi graves, qui devraient faire l'objet d'un consensus, ou au moins d'un compromis, on ne peut se livrer à de telles approximations, dans le seul et unique but de créer des divisions à l'approche des élections.
À tous les autres orateurs, qui ont évoqué avec beaucoup de force et de talent ce que sont les valeurs de la République et ce que sont les principes du droit d'asile, je crois que le Premier ministre sera d'accord pour que nous adressions des remerciements chaleureux, parce que notre débat nécessite du rassemblement et de la force.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2015