Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, en réponse à une question sur le projet de révision constitutionnelle des articles 16 et 36 de la Constitution régissant les situations exceptionnelles, au Sénat le 17 novembre 2015.

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Circonstance : Question au gouvernement posée par M. Philippe Bas, sénateur (Les Républicains) de la Manche, au Sénat le 17 novembre 2015

Texte intégral

Monsieur le Sénateur, comme vous, je veux saluer une nouvelle fois la dignité et la force du peuple français.
J'ai eu l'occasion de souligner tout à l'heure à l'Assemblée nationale, dans une autre ambiance, combien nous devions être attentifs - Marisol Touraine l'a rappelé - à la situation des victimes.
Nous, nous allons vite, dans nos analyses et dans l'action. C'est ce que nous proposons, sous l'autorité du président de la République. Mais les Français sont choqués ; ils posent des questions, expriment des inquiétudes. Il y a de la peur. Il y a également, bien entendu, de la colère. Je veux penser aux victimes, à leurs familles, à leurs proches. Les corps n'ont pas été rendus ; les obsèques n'ont pas eu lieu. Il faut accompagner ces victimes.
(...)
Une réforme constitutionnelle a été proposée par le président de la République. Je comprends votre impatience. Nous trouverons, je n'en doute pas, le temps pour la préparer ; c'est la mission que le président de la République m'a confiée.
J'ai déjà répondu sur la prorogation de l'état d'urgence ; je n'y reviens pas.
Nous voulons apporter une réponse juridique efficace au défi du terrorisme.
Comme M. le président de la République l'a annoncé hier, nous souhaitons élargir les possibilités de déchéance de la nationalité. Le code civil permet cette déchéance pour une personne ayant acquis la nationalité française qui serait condamnée pour terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.
La révision constitutionnelle proposée - nous aurons l'occasion d'y travailler - visera à étendre cette possibilité aux personnes nées françaises qui disposent de la double nationalité et qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Apporter une réponse juridique efficace au défi du terrorisme, c'est également créer un permis de retour pour les Français convaincus d'avoir participé à l'étranger à des activités en lien avec le terrorisme. Cela s'est fait au Royaume-Uni. D'ailleurs, des personnalités de l'opposition ont formulé de semblables propositions ; j'imagine qu'elles avaient bien dû réfléchir à la question constitutionnelle. L'obtention de ce permis de retour serait une étape obligatoire avant le retour sur le territoire national.
Telles sont les raisons ayant conduit le président de la République à proposer la modification de la Constitution, qui constitue, comme il le soulignait, notre pacte collectif. Il s'agit de permettre aux pouvoirs publics d'agir conformément à l'État de droit contre le terrorisme de guerre.
Des propositions relatives au fichage d'un certain nombre de personnes ont également été émises. M. le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de répondre sur ce point à l'Assemblée nationale tout à l'heure, et j'ai moi-même répondu. Des réformes sont incontestablement nécessaires pour que de telles mesures puissent être conformes à notre droit constitutionnel.
Mettons les choses sur la table ! Vous avez émis des propositions ; nous avons engagé beaucoup de réformes. Si nous voulons avancer ensemble et nous montrer dignes de l'attitude du peuple français, refusons les invectives et les interruptions, pour rester droit debout, avec la volonté de répondre de manière efficace aux Français !
(Intervention d'un parlementaire)
L'état d'urgence est déclaré pour douze jours. Il sera prolongé par voie législative pour trois mois.
La loi de 1955 avait été imaginée dans d'autres circonstances. Elle a été appliquée dans d'autres conditions. Rien n'est comparable avec la situation actuelle, qu'il s'agisse des événements de Nouvelle-Calédonie ou des émeutes urbaines de 2005, qui avaient conduit le Premier ministre d'alors, M. Dominique de Villepin, à recourir à ce dispositif.
Il s'agit à présent d'imaginer comment, à l'issue de cette période de trois mois, nous pourrons continuer à bénéficier d'un certain nombre d'éléments, en les intégrant dans la Constitution, notre loi fondamentale. C'est l'engagement du président de la République. Le mien, c'est que nous puissions y travailler ensemble.
Nous sommes au début d'un processus. Je ne peux pas vous répondre avec précision sur chaque point aujourd'hui. Mais je ne doute pas que nous avancerons ensemble, dans la sincérité.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2015