Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs (nos 3261, 3293).
Présentation
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, nous débattons de cette question pour la deuxième fois puisque, après les événements tragiques de Villefontaine et de Rennes, nous avions souhaité faire diligence nous avions donc introduit dans un texte de loi visant à transposer des directives européennes à peu près l'équivalent des dispositions dont nous allons débattre aujourd'hui.
Nous avons en effet été soucieux d'apporter une réponse législative prompte permettant d'organiser de façon plus stricte et plus méthodique la transmission des informations par l'autorité judiciaire à des administrations ou des établissements publics concernant les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation ou de poursuites visant des actes de nature sexuelle.
Après ces événements tragiques, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et moi-même avons réagi immédiatement puisque, dès le lendemain, nous avons diligenté une double inspection de façon à clarifier les circonstances dans lesquelles ils avaient eu lieu la personne mise en cause avait fait l'objet d'une condamnation quelques années auparavant pour détention d'images pédopornographiques et cela n'avait pas été signalé à l'éducation nationale.
Nous avons tous été transis de stupeur en découvrant que cette personne s'était livrée à des agressions sexuelles absolument ignobles sur des enfants.
Nous avons donc réagi à travers cette double inspection mais, également, en prenant rapidement un certain nombre de décisions communes avec la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui les détaillera tout à l'heure.
Je vous rappelle simplement que nous avons convoqué très rapidement une réunion avec les recteurs et les procureurs généraux afin de les sensibiliser à ces nécessaires transmissions.
Nous avons aussi immédiatement mis en place un groupe de travail sous l'autorité de la direction des affaires criminelles et des grâces de façon à mieux définir les conditions dans lesquelles ces transmissions doivent être effectuées et, surtout, l'usage devant être fait des éléments signalés.
Nous avons également installé un autre groupe afin d'élaborer un guide méthodologique qui servira à l'autorité judiciaire mais, surtout, à l'éducation nationale et à toutes les administrations qui emploient des personnes intervenant auprès de mineurs.
Les dispositions que nous avions adoptées dans le cadre d'une loi de transposition de diverses adaptations au droit de l'Union européenne ont fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel, à la suite d'une saisine par les sénateurs. Si cette disposition a été censurée, c'est parce qu'elle est apparue comme un cavalier législatif au sein de ce texte de transposition : ce n'est pas sa pertinence qui a été remise en cause.
Depuis, nous avons veillé, non seulement à réagir très vite, en faisant adopter cette disposition législative, mais aussi à la sécuriser le mieux possible. Nous avons donc élaboré un projet de loi, que le Conseil d'État, auquel nous l'avions soumis, a précisé et consolidé. Le texte que nous vous présentons aujourd'hui n'est pas un texte de circonstance, mais un texte de principe, et les parlementaires l'ont bien compris, puisque les débats qui ont eu lieu en juin et en juillet ont été très approfondis.
Entre-temps, puisque le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, nous avons pris des mesures d'importance : la ministre de l'éducation nationale et moi-même avons diffusé, le 16 septembre, une circulaire rappelant les conditions de diffusion de l'information et transmettant la liste des référents « éducation nationale » au sein des parquets, et des référents « justice » au sein des rectorats, de façon à ce que ce double réseau de référents soit opérationnel dès la rentrée.
Nous avons constaté, sur la base du rapport qui nous a été transmis, qu'il était absolument indispensable d'aménager l'article 11 du code de procédure pénale, de façon à permettre cette dérogation faite au secret de l'enquête et de l'instruction. Même si les observations des députés nous avaient permis d'élaborer des dispositions solides, nous avons souhaité sécuriser davantage le texte, avec l'aide du Conseil d'État.
Je le disais tout à l'heure : ce sont des circonstances tragiques qui nous ont conduits à prendre ces dispositions. Nous avons en effet constaté que, si les circulaires qui énonçaient la nécessité de la transmission d'information de l'autorité judiciaire aux administrations étaient suffisantes dans le cas de condamnations, il était en revanche important, pour les poursuites, de déroger à l'article 11, relatif au secret de l'enquête et de l'instruction.
C'est donc une loi de principe que nous vous proposons, qui vise à répondre à des questions difficiles : celle du moment où il convient de transmettre ces informations ; celle des agents concernés par cette transmission ; celle, enfin, des infractions qui la rendent nécessaire.
Nous introduisons deux articles nouveaux dans le code de procédure pénale. Un alinéa ajouté à l'article 11, qui pose le cadre général de la transmission de l'information par l'autorité judiciaire à toutes les administrations et concerne tous les agents, oblige le procureur de la République à transmettre l'information en cas de condamnation, mais également en cas de mise en examen et de poursuites engagées. Nous modifions par ailleurs l'article 706-47, en y ajoutant un alinéa 4, visant les personnes en contact habituel avec des mineurs, sur des infractions qui sont spécifiquement énumérées. Cet alinéa oblige le procureur de la République à informer les administrations, en cas de condamnation, mais également pour certains contrôles judiciaires. Par ailleurs, cette disposition permet aussi au procureur de la République d'informer les administrations en cours de procédure, c'est-à-dire en cas de mise en examen, mais également en cas de garde à vue, ou même d'audition libre, si des indices graves et concordants permettent d'établir une suspicion avant condamnation.
Nous avons apporté d'autres modifications au code de procédure pénale. S'agissant des contrôles judiciaires, nous introduisons une interdiction supplémentaire : celle d'exercer une activité en contact habituel avec des mineurs. C'est cette interdiction qui va fonder le caractère obligatoire de la transmission de l'information pour les personnes placées sous contrôle judiciaire.
Nous avons également modifié d'autres codes. Dans le code de l'action sociale et des familles, nous introduisons une incapacité juridique, en levant la condition de quantum. Actuellement, c'est une condamnation de plus de deux mois qui permet de déclencher cette incapacité juridique pour les personnes qui exercent dans des établissements accueillant des mineurs, ou qui dirigent de tels établissements. En supprimant cette condition de quantum, nous élargissons le champ de l'interdiction. C'est une disposition que vous avez votée à l'unanimité il y a peu de temps, sur la base d'une proposition de loi du député Claude de Ganay.
Nous modifions également le code du sport, de façon à rendre applicable l'interdiction d'exercer un encadrement sportif, non seulement aux personnes qui sont rémunérées pour cela, mais également aux personnes qui exercent à titre bénévole.
Nous modifions, enfin, le code de l'éducation, pour que les mesures disciplinaires prévues pour les personnels intervenant dans des établissements d'enseignement privé concernent également les établissements du premier degré, qui n'étaient pas mentionnés jusqu'à présent.
Dans ce projet de loi, nous avons fait l'effort et je crois que nous y avons réussi sous l'éclairage des débats que nous avons eus ensemble en juin, de concilier deux exigences difficilement conciliables. D'un côté, nous avions l'ambition d'assurer la meilleure protection possible aux enfants et aux mineurs qui sont placés sous la responsabilité des institutions et des administrations : c'est à la fois une obligation pour la puissance publique, une nécessité morale et un impératif juridique. De l'autre, nous avons tenu à respecter l'un des grands principes de notre droit, la présomption d'innocence, pour les personnes qui n'ont pas encore fait l'objet de condamnations.
Nous avons cherché à concilier ces deux exigences, comme nous avions déjà essayé de le faire au mois de juin. Le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui a été précisé et consolidé par le Conseil d'État, et il me semble que les dispositions, telles que nous les avons écrites, présentent désormais une totale sécurité. Ces dispositions permettent d'informer en cas de condamnation, mais aussi en cours de procédure, c'est-à-dire en amont de la condamnation, en cas de mise en examen, de garde à vue, et même, je le répète, d'audition libre, s'il existe des indices graves et concordants.
Parce que nous avons voulu assurer la meilleure protection possible des enfants, nous sommes remontés très en amont, jusqu'à l'audition libre. Mais nous avons aussi voulu mettre en place des garanties afin d'assurer le respect de la présomption d'innocence. C'est ainsi que la personne mise en cause, et qui fera l'objet d'un signalement à son administration, sera informée de cette transmission d'information. Si celle-ci se fait très en amont, c'est-à-dire au stade de la garde à vue ou de l'audition libre, la personne pourra faire une déclaration, qui sera consignée dans un procès-verbal. Toute transmission s'effectuera par écrit.
Si la décision de justice conclut à l'absence de culpabilité, il faudra, non seulement que l'autorité judiciaire transmette à l'employeur cette décision de justice, mais aussi que la mention antérieure soit effacée du dossier de la personne concernée. Nous rappelons par ailleurs dans ce texte que le secret professionnel s'applique à tout destinataire de ces informations. Nous avons donc réussi, me semble-t-il, à trouver ce chemin extrêmement étroit entre la meilleure protection des mineurs et le respect de la présomption d'innocence.
Votre commission des lois a encore amélioré le texte, notamment au sujet de la non-inscription sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire. En effet, si la juridiction a décidé de ne pas inscrire sa décision dans ce bulletin, il faudra que le parquet s'assure qu'elle n'est pas transmise à l'employeur ; et, si le signalement a été fait plus en amont, il importe que l'administration soit informée de cette décision de la juridiction.
Je veux remercier les parlementaires qui se sont fortement impliqués : vous tous, qui êtes là cet après-midi, qui vous êtes impliqués en juin, mais aussi sur ce projet de loi, puisque vous avez réussi à déposer des amendements, malgré le travail très sérieux effectué par le Gouvernement, et le travail très méticuleux assuré par le Conseil d'État. Malgré tout le travail que nous avons fourni, vous avez trouvé des motifs de déposer des amendements, dont nous débattrons tout à l'heure. Je veux remercier le rapporteur, M. Erwann Binet, mais aussi Mme la députée Joëlle Huillier, ainsi que M. le député Dominique Raimbourg qui, au mois de juin, avait été très actif. Je sais qu'il est resté très fortement impliqué sur ce texte.
Il nous restera à régler la question des personnes qui ont déjà fait l'objet de condamnations. Nos lois n'étant pas rétroactives, les dispositions contenues dans ce texte ne s'appliquent qu'aux situations nouvelles : les condamnations nouvellement prononcées et les procédures nouvellement engagées. Mais il est possible, et même probable, qu'il se trouve, dans ces administrations, des personnes qui ont déjà fait l'objet de condamnations. Jusqu'alors, selon notre droit, l'administration avait accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire au moment du recrutement. Nous avons donc rédigé un projet de décret permettant à l'administration de consulter le bulletin n° 2 en cours de carrière. Ce décret a été soumis au Conseil d'État, qui nous a rendu cet après-midi, à quinze heures cinquante, un avis favorable. Nous avions prévu de publier ce décret au tout début de l'année 2016, mais il pourra finalement l'être dans les tout prochains jours, puisque nous avons prévu de le contresigner très prochainement.
Voilà où nous en sommes : nous avons réussi à trouver un chemin de crête très difficile et très étroit, pour aboutir à ce texte satisfaisant. Nous sommes tous soulagés : nous étions extrêmement choqués, extrêmement malheureux, profondément scandalisés par cette faille incroyable existant dans notre droit, et que nous avions essayé de combler par des circulaires. Il y a longtemps que nous aurions dû nous rendre compte que les circulaires n'étaient pas suffisantes, en tout cas en deçà des condamnations. Il est réconfortant de savoir que nous disposons désormais d'un dispositif qui permettra d'éviter que toute personne qui se sera rendue coupable d'actes délictueux sur des enfants puisse encore avoir un contact avec des enfants, et éventuellement continuer à les mettre en danger ; ou que toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation, même s'il n'a pas commis d'actes délictueux sur des enfants, soit signalée, de façon à ce que les mesures conservatoires soient prises. C'est le moins que nous devions aux enfants qui nous sont confiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Claude de Ganay. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd'hui, avec ma collègue la garde des sceaux, pour soumettre à votre examen un projet de loi tout entier dédié à l'information de l'administration par la justice et à la protection des mineurs.
Vous vous souvenez évidemment qu'au cur de l'été nous avions déjà abordé avec vous ces questions. Lorsque le Conseil constitutionnel s'est prononcé, nous avons décidé ensemble de vous soumettre un nouveau texte et de prendre, en consultant le Conseil d'État, toutes les garanties juridiques pour trouver le bon équilibre entre l'impératif de protection des mineurs et l'exigence, tout aussi importante, du respect de la présomption d'innocence. C'est cet équilibre que le texte assure clairement désormais.
Notre détermination à vous présenter un texte rapidement tenait évidemment à la gravité des dysfonctionnements que nous avaient révélés les inspections générales de nos ministères, et dont nous avons longuement parlé dans cette assemblée. Elle tenait aussi à notre volonté commune d'en finir avec une situation insécurisante pour les magistrats, inconfortable pour les administrations et, à vrai dire, incompréhensible pour les familles que nous avons rencontrées et qui toutes nous ont dit leur attente d'un service public irréprochable et exemplaire.
Ce dont nous discutons ce soir, vous le savez bien, n'est pas virtuel. Ce n'est pas davantage un phénomène isolé, malheureusement.
À l'école, par exemple, en dépit des efforts accomplis il y a plus de dix ans pour lever le tabou sur les crimes et délits sexuels sur les mineurs, ces violences existent. Mes services m'ont ainsi fait part de plus de quatre cents situations qui avaient déjà donné lieu entre 2012 et 2014 à des échanges entre la justice et l'éducation nationale. Mais depuis les événements dramatiques de Villefontaine, qui ont sans aucun doute libéré également la parole, il n'est pas une semaine sans que nous soyons informés d'un ou plusieurs événements dramatiques qui sont couverts par ce projet de loi.
C'est dire l'importance de ce texte dont la garde des sceaux vous a rappelé la lettre et l'esprit. En vous proposant un dispositif d'ensemble, c'est une rupture majeure que nous avons voulu introduire dans les relations entre l'autorité judiciaire et l'administration, afin que les dysfonctionnements systémiques identifiés à Villefontaine ne se reproduisent pas.
Ce n'est pas que rien n'ait été fait depuis deux cents ans, mais nous avions toléré collectivement d'en rester à un cadre incertain, laissant apparaître des failles pourtant visibles à tous ; visibles aux prédateurs aussi, il ne faut pas en douter.
Face à cette réalité, nous avions besoin d'adresser à la société un signal fort quant à notre intransigeance à l'égard de ces violences insoutenables et quant à la cohésion de nos deux institutions pour les combattre.
Empêcher les prédateurs de nuire aux enfants, tel est notre objectif. Mais cela ne veut évidemment pas dire agir sans discernement dès qu'une rumeur se propage ; cela ne veut pas dire se contenter de procédures qui seraient activées ici par une indiscrétion, là par une information apportée par la presse. Parce que les faits sont trop graves, parce que les situations sont trop sensibles, nous avions besoin d'un cadre clair et rigoureux, un cadre indispensable pour assurer la protection des usagers, mais aussi pour apporter les indispensables garanties aux personnes mises en cause.
C'est là tout le sens de ce texte, que nous avons patiemment travaillé, la garde des sceaux l'a dit, en reprenant avec attention les débats que nous avons eus ici, à l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat, avec les parlementaires de la majorité comme de l'opposition. Et je sais que cette attention, ce pragmatisme, se sont aussi manifestés dans les travaux de votre commission grâce à l'excellent travail de votre rapporteur Erwann Binet, que je salue, mais aussi grâce aux contributions des parlementaires de notre majorité qui, dès le mois de juin, ont débattu avec nous des enjeux de ce texte.
Je veux aussi rendre hommage à l'esprit de responsabilité de l'opposition républicaine, qui a souhaité joindre ses réflexions à cette initiative gouvernementale. Je pense en particulier à MM. Claude de Ganay et Guy Geoffroy, dont les préoccupations en matière de lutte contre la pédophilie et la détention d'images pédopornographiques se trouvent pleinement prises en compte dans ce texte. Un accord s'est formé dans votre assemblée la semaine passée. Il sera pleinement respecté.
Je vous le dis, la force de ce texte tiendra à l'impulsion politique que votre assemblée saura lui donner et à l'engagement que nous prendrons, Gouvernement et Parlement réunis, de donner enfin aux professionnels les outils nécessaires pour que la situation que nous avons déplorée à Villefontaine ne se reproduise plus.
Mais la force de ce texte tiendra aussi, j'en suis certaine, au fait que nous avons, avec la garde des sceaux, déjà créé les conditions d'un changement radical des pratiques de nos professionnels. Dès le printemps, vous le savez, nous avons réuni en Sorbonne les procureurs généraux et les recteurs d'académie afin de leur rappeler toutes les deux l'immense vigilance dont ils doivent faire preuve dans ces domaines. Nous les avions alors chargés de travailler pour améliorer la fluidité des échanges d'information entre nos services.
Les inspections générales, de leur côté, ont produit dès l'été des recommandations pour que les liens aléatoires qui existaient entre nos services deviennent des procédures claires et sécurisées.
Dès la rentrée, nous nous sommes saisies de l'ensemble de ces préconisations et nous les avons mis en uvre. Nous avons installé des « référents éducation nationale » dans tous les parquets et des « référents justice » dans chaque rectorat. Nous avons, par circulaire commune du 16 septembre dernier, mis en place des procédures officielles et sécurisées d'échange d'informations. Heureux hasard du calendrier, c'est à partir de demain que plus de soixante référents de mon ministère seront formés pendant trois jours, avec l'appui de la chancellerie, que je remercie, pour que chacun maîtrise au mieux les procédures en question et pour que chacun sache le cadre juridique dans lequel s'inscrit cette transmission d'informations, mais aussi les décisions que l'administration sera amenée à prendre, à titre conservatoire ou à titre disciplinaire.
Avec le renfort de ce texte de loi, nous devons construire ce que vingt-deux circulaires n'étaient pas parvenues à construire depuis deux cents ans. Voilà notre ambition et voilà le défi que nous devons collectivement relever.
Je crois d'ailleurs que le partenariat étroit que nous avons engagé avec la garde des sceaux pourra servir de modèle à d'autres administrations évidemment touchées par ces phénomènes. Je pense aux collectivités territoriales, qui sont elles aussi concernées par ce texte et avec lesquelles nous avons d'ores et déjà eu des échanges. Nous sensibiliserons les élus locaux à ces nouvelles procédures.
En fin de compte, ce projet de loi viendra accompagner un changement de pratiques des acteurs. C'est son objectif et c'est la condition de son efficacité. Il est attendu par nos services, qui veulent être sécurisés et qui seront aussi pleinement responsabilisés, car les deux vont naturellement de pair.
C'est pour cela qu'avec la garde des sceaux, nous avons tenu à ce que les garanties ne soient pas seulement celles que doit prendre le parquet avant de transmettre une information, mais qu'elles soient celles aussi de l'administration détentrice d'une information communiquée par l'autorité judiciaire. C'est pour cela que tous les destinataires de l'information seront soumis au secret professionnel. C'est pour cela aussi que les transmissions devront se faire par écrit. C'est pour cela enfin que les informations figurant au dossier de l'agent devront bien entendu être effacées lorsque l'enquête se sera conclue par une décision de non-culpabilité.
Et je peux vous assurer je m'adresse en particulier à M. Dominique Raimbourg et à Mme Marie-Anne Chapdelaine que, s'ils ne sont pas mentionnés dans ce texte qui touche au code de procédure pénale, les droits des fonctionnaires mis en cause sont bien entendu garantis par le statut général.
Mesdames et messieurs les députés, la garde des sceaux et moi-même vous présentons ce soir un texte qui ne vise pas seulement à dénoncer les dysfonctionnements, mais un texte pour agir. En nous apportant votre soutien sur un projet enrichi de vos propositions et du travail conduit par le rapporteur et l'ensemble des membres de la commission des lois, vous donnerez à nos professionnels les instruments d'une véritable efficacité institutionnelle, sans renoncer à aucune des garanties qui sont accordées aux personnes. C'était au fond votre demande. C'est ce que nous vous proposons aujourd'hui d'adopter. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 décembre 2015