Interview de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à France 2 le 23 août 2001, sur l'action de la Confédération paysanne contre les cultures OGM, le débat sur la réouverture du tunnel du Mont Blanc, les restrictions du trafic automobile à Paris et la candidature d'Alain Lipietz pour Les Verts à l'élection présidentielle de 2002.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

T. Hay Ce matin, grande rentrée politique avec le Conseil des ministres et à côté de moi, un ministre on ne peut plus concerné par l'actualité, celui de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire. Hier, à l'initiative de José Bové, les militants de la Confédération paysanne ont arraché 1 000 m² de maïs génétiquement modifié dans le Gard. Qu'en pensez-vous ?
- "En tant que membre du gouvernement, je ne peux pas, évidemment, soutenir ces actes illégaux. En revanche, sur le fond, je crois que les problèmes posés par les militants de la Confédération paysanne sont des vrais problèmes et que un débat sur la finalité et les objectifs de la culture grands champs, plein champs, des OGM est indispensable."
La Confédération paysanne veut en effet réserver ces cultures OGM à des milieux confinés. Etes-vous pour ?
- "La recherche doit continuer, on ne peut pas arrêter la recherche scientifique. Ceci étant dit, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments a montré que lorsque l'on cultivait les OGM en plein champs, il y avait une certaine fécondation, dissémination, un peu partout avec d'autres plantes naturelles. Par conséquent, il est difficile, sauf si précisément c'est en milieu confiné ou dans certaines régions très isolées, de pouvoir ne pas mélanger les OGM avec les autres. Ce problème est posé, il faut le résoudre de manière démocratique. Il y a un débat sur ce point."
Vous vous êtes déjà prononcé contre la réouverture du tunnel du Mont-Blanc au passage des camions mais Noël Mamère a été encore plus loin en précisant que cela pourrait être un casus belli avec le Gouvernement en cas de réouverture du Tunnel et que les Verts seraient prêts à quitter le Gouvernement. Vous confirmez, vous allez quitter le Gouvernement ?
- "Non, je n'ai pas dit ce que vous dites. J'ai précisé que dans l'état actuel, il était inopportun de songer à la réouverture du tunnel parce que du point de vue de la sécurité, du point de vue écologique, du point de vue de la pollution et du point de vue, du débat démocratique, je crois que les choses ne sont pas encore avancées. Le Gouvernement, et notamment M. Gayssot, veut organiser la concertation. Je souhaite simplement qu'elle soit la plus large possible, en n'oubliant pas les associations et les syndicats."
Noël Mamère a donc été trop loin ?
- "Noël Mamère a sa propre liberté de parole, on le sait bien."
Une surprise attendait les Parisiens en cette rentrée : 7 km de couloirs bus de 4,50 m, réservés aux vélos, bus et taxis et 34 km supplémentaires prévus. La Mairie de Paris a été extrêmement rapide : c'est une bonne méthode de mettre les Parisiens devant le fait accompli ?
- "Ce n'est pas un fait accompli du tout ! Pendant toute la campagne des municipales à Paris, l'équipe Delanoë et l'équipe des Verts n'ont cessé de dire : " voilà ce que l'on va faire ". Et curieusement, ils tiennent leurs promesses, dans les délais d'ailleurs qu'ils avaient indiqués au moment de la campagne. Je ne vois pas ce qu'on peut leur reprocher ! En plus, du point de vue de la circulation et du point de vue de la lutte contre la pollution, c'est une très bonne chose. Des gens qui font ce qu'ils avaient dit, il me semble que c'est légitime."
Vous ne craignez pas la grogne des automobilistes ?
- "Il y aura sans doute en septembre, à la rentrée, peut-être quelques petites adaptations de la part des automobilistes. Mais l'idée est bien de diminuer le poids de la voiture et le nombre des voitures à Paris. Actuellement, 94 % de la voirie à Paris est pour les "bagnoles" et simplement 6 % pour le reste. Il faut partager la voirie : un peu plus pour les transports en commun et pour les vélos, un peu moins pour les voitures."
Les chasseurs de la Gironde n'ont pas été très gentils avec vous, ils vous ont traité de "ministre militant", ils ont dit qu'ils ne voulaient plus avoir à faire à vous et qu'ils voulaient traiter directement avec L. Jospin. Qu'est-ce que vous leur répondez aujourd'hui ?
- "Je pense que le problème de la chasse a été bien réglé avec la loi chasse qui a été une transposition d'une directive européenne de plus de 20 ans l'an dernier par Mme Voynet. Maintenant, il y a une minorité d'extrêmes chasseurs, qui sont d'ailleurs souvent influencés par l'extrême droite aussi, qui continue à faire de l'agitation. Nous dialoguons avec les chasseurs en général, dont l'immense majorité a de bons rapports avec le ministère de l'Environnement. Sur les dates d'ouverture par exemple du gibier d'eau, on avait proposé qu'il puisse y avoir une certaine souplesse mais il se trouve que la justice a interprété cette souplesse comme contraire au droit européen. Il faut donc maintenant que la justice soit appliquée."
Mercredi s'ouvre l'université d'été des Verts, Alain Lipietz y parlera mais ni D. Cohn-Bendit ni Noël Mamère ne seront là pour l'écouter. Est-ce que c'est encore la preuve d'un malaise chez les Verts ? Est-ce que vous n'êtes pas le parti le plus pluriel de la majorité plurielle ?
- "D'une certaine manière oui, parce qu'en tout cas, nous on ne fait pas de huis-clos et que tous nos débats sont publics, pour ceux qui veulent s'y intéresser. Mais je crois que par rapport à la situation d'il y a 6 mois, la situation à l'intérieur des Verts et du coup la situation aussi des Verts dans la majorité plurielle est beaucoup plus claire : chacun sait exactement maintenant quel est son poste, quelle est sa fonction, quelle est sa mission. Lipietz est candidat à la présidentielle, moi je suis ministre de l'Environnement, Mme Voynet est à la tête des Verts, M. Noël Mamère fait les commentaires, il est porte-parole des députés Verts. Chacun a sa place. Je ne vois pas que cela amène plus de cahot. Cela va amener plus de responsabilités, peut-être plus de concertation et il en est de même des Verts au sein de la majorité plurielle : alors que c'est un enrichissement pour nous, on le voit bien avec le débat qu'il y a actuellement, du côté de la droite par contre, c'est plutôt la cacophonie."
M. Alain Lipietz est crédité d'un assez mauvais score dans les sondages, aux environs de 3 %. Il s'est prononcé en faveur d'une amnistie pour les extrémistes corses. Est-ce que vous allez faire partie de ceux qui vont remettre en cause sa candidature à l'Université des Verts ou est-ce que vous allez le soutenir ?
- " Alain Lipietz est le candidat des Verts à l'élection présidentielle. Sur la Corse, notre première préoccupation, évidemment, c'est la cessation de toute violence. Il n'est pas question que ce soit une manière de résoudre le problème politique en Corse. Nous soutenons le processus de Matignon, c'est la seule voie possible actuellement. C'est une voie évidemment difficile mais il faut aller jusqu'au bout. La Corse, ce n'est pas le terrorisme, c'est un pays magnifique, avec des gens généreux et c'est bien autre chose que ces histoires."
Il n'y a pas de cas Lipietz au sein des Verts ?
- "Il y a simplement le fait qu'il a été tellement content d'être candidat, de manière un peu surprenante parce qu'on pensait que ça allait être peut-être Noël Mamère"
... mais vous allez continuer à le soutenir ?
- "Bien entendu."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 août 2001)