Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les questions sur l'économie collaborative.
La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste, pour une première question.
Mme Véronique Massonneau. Je représente mon collègue Éric Alauzet et je m'associe aux trois questions que je vais poser.
En 2015, près d'un Français sur deux a déjà acheté ou vendu à un autre particulier sur Internet : les pratiques ont évolué. L'économie dite collaborative est porteuse de nouveaux enjeux auxquels nous devons réfléchir et nous adapter.
C'est la dynamique que le Gouvernement a enclenchée en proposant au député Pascal Terrasse de produire son rapport, dans lequel quatre grands objectifs sont fixés : permettre à l'économie collaborative de libérer la croissance, garantir le fonctionnement loyal et transparent des plateformes, accompagner les parcours professionnels des travailleurs de ce secteur, faire contribuer les plateformes d'économie collaborative à l'impôt.
Ce dernier point a retenu particulièrement notre attention puisque le rapport Terrasse apporte une nouvelle proposition en ce sens, la numéro 11 : « Assurer la contribution des plateformes aux charges publiques en France ».
En tant que membre de la commission des finances, Éric Alauzet a été particulièrement vigilant aux mesures discutées lors du projet de loi de finances 2016, concernant l'application des mesures du plan d'action BEPS Base Erosion and Profit Shifting. L'objectif est de mettre fin aux montages fiscaux permettant le transfert international des bénéfices.
La France, qui s'est engagée sur cette voie avec la déclaration pays par pays devra donc décliner ces orientations fiscales en pratique. Aussi, Éric Alauzet souhaiterait savoir comment le Gouvernement compte assurer la contribution des plateformes aux charges publiques en France, sachant que le secteur de l'économie numérique est le plus exposé et le plus difficile à réguler.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la députée, depuis le sommet de Los-Cabos en 2012, la France soutient les travaux de l'OCDE et du G20 relatifs à l'optimisation fiscale, notamment celle des multinationales. Le plan d'action BEPS de l'OCDE, adopté par les chefs d'État et de Gouvernement à Antalya en novembre 2015, permettra de mettre fin à ces pratiques qui conduisent à une perte de recettes d'impôts sur les sociétés de 4 à 10 % à l'échelle de la planète. Notre priorité est désormais que ce plan soit mis en uvre le plus rapidement et par le plus grand nombre.
Nous avons déjà adopté en loi de finances initiale 2016 la déclaration pays par pays des principaux agrégats comptables des multinationales, en particulier le chiffre d'affaires, le bénéfice mais aussi l'impôt payé.
Michel Sapin a également signé le 27 janvier un accord avec plus de trente autres pays pour que ces informations puissent être, d'ici à la fin de 2017, échangées automatiquement avec les administrations fiscales des autres pays, ce qui permettra de détecter rapidement les montages d'optimisation fiscale. Un accord multilatéral sera finalisé avant la fin 2016 pour adapter nos conventions fiscales bilatérales au nouveau cadre la France en a 125.
Le 28 janvier dernier, la Commission européenne a également présenté son projet de directive contre l'évasion fiscale, qui vise à appliquer de façon coordonnée en Europe les conclusions de BEPS. La France souhaite donc une adoption rapide de ce projet.
Par ailleurs, des avancées spécifiques ont été réalisées, lors de travaux européens, dans le domaine de la fiscalité des nouveaux modèles économiques et reposant sur les technologies numériques. Pour la première fois, des options innovantes visant à créer des nouveaux principes pour les imposer de manière adaptée ont été examinées. Il s'agit en particulier de la proposition française de présence fiscale numérique, qui permet à un État, si une entreprise utilise internet pour collecter des données de manière massive sur son territoire, d'imposer les bénéfices ainsi réalisés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau pour une deuxième question.
Mme Véronique Massonneau. Pour reprendre les propositions de ce rapport Terrasse et leur application concrète, il serait aussi intéressant de revenir sur la proposition numéro 12, « Clarifier la doctrine de l'administration fiscale sur la distinction entre revenu et partage de frais et celle de l'administration sociale sur la notion d'activité professionnelle ».
Les utilisateurs, qui ont recours aux plateformes pour commander une voiture, un service, de la nourriture, un appartement, attendent des clarifications concernant la notion de revenu imposable et la notion d'activité professionnelle.
La clarification du cadre juridique est importante : les plateformes ne doivent pas être pénalisées ou au contraire favorisées par rapport aux acteurs de l'économie plus traditionnelle hors cadre internet.
L'administration sera sûrement obligée d'expliquer que certaines activités ne créent pas de revenu imposable par exemple le covoiturage se limite à du partage de frais et que, quand elles dépassent la pratique amateur, ces activités exigent que l'utilisateur s'enregistre en tant que professionnel, pour accumuler des droits sociaux.
C'est un vrai enjeu sur lequel nous avons besoin de clarté.
Éric Alauzet souhaiterait donc savoir comment le Gouvernement envisage de clarifier la doctrine de l'administration fiscale sur la distinction entre revenu et partage de frais et celle de l'administration sociale sur la notion d'activité professionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Madame la députée, vous évoquez deux sujets, la frontière entre revenu et partage de frais, et celle entre professionnels et non professionnels. En fonction de ces critères, l'économie collaborative peut prendre plusieurs formes. L'on peut ainsi distinguer deux grandes catégories. La première est l'économie de partage, sans objectif de captation économique, à l'image de BlaBlaCar pour le covoiturage. Elle s'appuie sur l'échange de services et de biens entre particuliers. Il s'agit de partager des frais non professionnels par définition.
La seconde est l'économie des services, qui s'appuie sur des services en ligne générateurs de revenus souvent importants, et dont Uber est un exemple pour le transport de personnes. Nous sommes là dans des activités professionnelles, qui génèrent de surcroît des revenus.
Cette frontière existait déjà dans le cadre de l'économie traditionnelle les brocantes par exemple , bien avant l'émergence d'internet, mais aujourd'hui, ce sujet concerne de plus en plus de personnes, notamment les usagers des plateformes numériques.
Le partage de frais s'apprécie au regard du coût d'une prestation. Il est ainsi assez simple de connaître le coût d'un trajet en voiture et si le prix payé est inférieur à ce coût. L'activité professionnelle s'apprécie en fonction de son caractère habituel et organisé, et de sa finalité, c'est-à-dire le fait d'en tirer un revenu. La jurisprudence a précisé cette notion mais sa complexité reflète la diversité des situations que l'on peut rencontrer.
Le partage de frais non professionnels est exonéré de toute contribution, sauf cas particulier. Les revenus, professionnels ou non, sont soumis à l'impôt, tandis que les revenus professionnels sont soumis aux charges sociales, et donc à l'obligation de créer et d'immatriculer une entreprise.
Le rapport de Pascal Terrasse pose clairement ces deux sujets qui sont les préalables à une meilleure information des usagers des plateformes sur leurs droits et leurs devoirs, et le cas échéant à la mise en place de régulations plus adaptées à l'économie collaborative.
Le Gouvernement s'est donc attelé à préciser ces définitions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau pour sa dernière question.
Mme Véronique Massonneau. Toujours à propos du rapport Terrasse, nous aurions souhaité revenir sur une autre proposition, la numéro 14, « S'engager avec les plateformes dans une démarche d'automatisation des procédures fiscales et sociales »
Il ne s'agit pas ici de la collecte de l'impôt, même si les plateformes ont connaissance des revenus dégagés par leurs utilisateurs, mais de l'organisation d'une télétransmission à destination des organismes sociaux et de l'administration fiscale.
Si cela est déjà en vigueur dans l'économie plus traditionnelle, puisque c'est le cas avec les employeurs pour les salaires ou avec les banques pour les revenus mobiliers, cela serait tout à fait nouveau dans ce domaine.
L'avantage serait plutôt pour l'utilisateur et pour l'administration elle-même. Ce serait également plus cohérent avec l'automatisation progressive du recouvrement de l'impôt.
En revanche, on peut imaginer la complexité que cela pourrait représenter pour ces plateformes dont la force est justement de ne pas fonctionner selon un schéma traditionnel.
Nous devrons déterminer dans un premier temps le périmètre des plateformes concernées, parmi celles qui gèrent les transactions. Il faudra par ailleurs s'assurer de la coopération des plateformes présentes sur le marché français mais qui opèrent depuis l'étranger.
Comment le Gouvernement compte-t-il mettre en uvre cette télétransmission des procédures fiscales et sociales par les plateformes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Madame la députée, j'ai indiqué au cours des questions au Gouvernement que l'économie collaborative n'est pas une zone de non-droit mais une nouvelle forme d'économie dont il convient de soutenir le développement, à condition qu'il soit loyal et équitable à l'endroit des acteurs traditionnels, que sont les hôteliers ou les restaurateurs. Ils m'en parlent à chaque fois que nous nous rencontrons, ce qui est assez fréquent, en rendez-vous ou lors de mes déplacements. C'est cet équilibre que l'État doit trouver et auquel je travaille : une régulation sans surréglementation.
Vous le savez, les dispositions fiscales et sociales applicables aux activités de l'économie collaborative sont celles de droit commun. L'enjeu est également de définir la frontière entre activité professionnelle et activité non professionnelle, en fonction de son caractère habituel et de son but lucratif.
Finalement, la question qui se pose est moins celle de la modification de la fiscalité existante, que celle de son application effective et de son contrôle.
Le rapport de Pascal Terrasse, dans le dessein de garantir cette équité fiscale, fournit des pistes sérieuses pour atteindre cet objectif. La transmission automatique des revenus est une mesure qui pourrait lever les suspicions sur le respect des règles de déclaration fiscale et limiter les risques de fraude.
Vous le rappelez à juste titre : c'est le cas avec les employeurs pour les salaires ou avec les banques pour les revenus mobiliers.
Vous évoquez également les questions qui se posent en termes de périmètre des plateformes concernées et de leur coopération pour celles opérant notamment depuis l'étranger.
Les modalités de mise en uvre de cette proposition soulèvent donc un certain nombre de questions. C'est une perspective intéressante qui facilitera le pré-remplissage des déclarations. À titre personnel, j'y suis favorable.
Bien entendu, cela nécessite un travail important et préalable pour clarifier la fiscalité applicable, et que nous engageons en lien avec les ministres en charge de la fiscalité.
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Stéphane Claireaux,
M. Stéphane Claireaux. Mme la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le volet social de l'économie collaborative. Le rapport de notre collègue Pascal Terrasse préconise en effet de ne pas créer de « statut particulier » à côté de celui de salarié et de travailleur indépendant, ce qui était initialement la piste explorée par l'administration de Bercy.
En effet, notre collègue considère que cette piste « serait une source de complexité et d'insécurité juridique supplémentaire pour les plateformes, sans forcément améliorer la situation des travailleurs, dans la mesure où le troisième statut pourrait être une forme dégradée de salariat ».
Nous le rejoignons sur ce point, car les travailleurs de plateformes ont des profils variés des acteurs de l'économie dite « réelle » qui modernisent leur vitrine commerciale, des artisans, ou encore des particuliers qui souhaitent plutôt amortir leurs biens personnels.
De leur côté, les intervenants des plateformes choisissent en général le régime de la micro-entreprise, bien souvent dans l'espoir de devenir un indépendant classique, voire un salarié.
Introduire dans la loi un statut particulier de l'intervenant précaire des plateformes de l'économie collaborative comporterait donc le risque de sanctuariser leur précarité professionnelle et de leur ôter tout espoir de droit social.
À l'inverse, la mobilisation du « compte personnel d'activité » pour instaurer une véritable portabilité de leurs droits, telle que préconisée par le rapport Terrasse, semble tout à fait adéquate. Comment le Gouvernement entend-il inclure cette réflexion au texte qui sera prochainement présenté par Mme la ministre du travail ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, le régime social applicable aux personnes offrant des services sur les plateformes est régi par nos règles de droit commun mais comme l'économie collaborative se place souvent à la frontière avec une grande diversité de situations, nous devons redoubler d'efforts pour clarifier et lever les doutes.
Lorsque l'activité génère des revenus, qu'elle est habituelle et organisée, elle est professionnelle. Cette notion est simple mais elle se retrouve confrontée à de nouveaux modèles, ce qui appelle une clarification et une lisibilité accrue, auxquelles le Gouvernement s'est attelé, sur les recommandations du rapport Terrasse.
Je mentionnerai deux contre-exemples : la location de meublé peut rester une activité non professionnelle, tandis que les services à la personne sont toujours professionnels, indépendamment des critères que je viens de citer. Pour ces activités professionnelles, le modèle du travailleur indépendant est le plus répandu. Dans le cas des entreprises unipersonnelles qui réalisent un petit chiffre d'affaires, l'entrepreneur peut opter pour le prélèvement forfaitaire du régime micro-social. Il est alors redevable de cotisations sociales en proportion de son chiffre d'affaires, selon le principe « pas de revenus, pas de charges ». Ce régime est particulièrement attractif pour de petits revenus de complément, mais il l'est peu pour des activités à fortes charges d'exploitation, par exemple le transport de personnes avec le coût du véhicule et du carburant.
D'une manière générale, le régime social des indépendants, le RSI, a été considérablement amélioré alors que la réforme qui l'avait institué avait tourné, je n'y reviendrai pas, à la catastrophe. Il reste néanmoins de nombreux points à améliorer, raison pour laquelle on a créé un comité de suivi qui se réunira à nouveau prochainement.
Le compte personnel d'activité, que Myriam El Khomri présentera dans le cadre de son projet de loi sur le travail, prolongera cette modernisation du droit social applicable aux indépendants. Il leur permettra de porter leurs droits sociaux tout au long de leur carrière et, par exemple, de mieux bénéficier du droit à la formation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.
M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, ma question s'inscrit dans la continuité de celle de Stéphane Claireaux.
L'économie collaborative bouscule les pratiques économiques et sociales des citoyens. La révolution numérique met à la portée de l'individu un marché à la fois local et global. Elle multiplie, de manière exponentielle, ses capacités d'échanges sociaux mais aussi lucratifs.
Ce progrès rencontre un succès important. Il s'inscrit dans un contexte où les formes d'emploi indépendant à titre principal ou complémentaire sont encouragées par une conjoncture peu favorable à l'emploi sous statut salarié.
Les questions de la fiscalité ont été récemment posées par l'actualité avec Uber. On connaît la puissance et surtout la rapidité avec laquelle ces intermédiaires s'imposent. Ils perturbent des secteurs entiers par la captation d'une ressource en lieu et place des charges assumées par les entrepreneurs qui ne sont pas, pour leur part, « libérés » de leurs obligations réglementaires, économiques, sociales et fiscales.
L'économie collaborative entretient un certain nombre de confusions avec des formes plus anciennes d'échanges non lucratifs qui poursuivent, elles, des finalités de partage ou de défense d'intérêts collectifs. Il apparaît donc urgent de lever certaines ambivalences entre l'économie collaborative et l'économie sociale et solidaire.
Les démarches de coopération économique qui se développent dans les territoires pour restaurer le tissu économique local s'appuient sur l'implication des citoyens, et des acteurs politiques et économiques. Dans ma circonscription, les exemples ne manquent pas : boutique solidaire avec Yaka demander, ressourceries, AMAP association pour le maintien d'une agriculture paysanne , friperie sociale avec Le Relais, ou encore PATS projets et actions pour des territoires solidaires. Toutes ces structures visent à remédier aux effets environnementaux, économiques et sociaux d'une économie ultralibérale reposant sur la seule rentabilité financière. Ces démarches de coopération se construisent dans des logiques de filières, se structurent en circuits courts et visent des enjeux qui dépassent les seuls intérêts économiques.
La révolution numérique est un défi qu'il faut réguler et clarifier dans la lisibilité, avec une stratégie offensive de reconquête d'une économie plus humaine. Où en sont les dispositions prises pour caractériser la nature lucrative ou non lucrative des transactions opérées par les intermédiaires des plateformes collaboratives et pour appliquer les réglementations juridiques et fiscales en conséquence ? Comme l'écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le Lion et le Rat : « Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde ».
Mme Isabelle Attard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous m'interrogez en réalité sur la nature fiscale des transactions générées par l'économie collaborative. Cette question qui emporte le régime d'imposition auquel les revenus sont soumis est, je l'ai dit, celle de la frontière entre ce que l'on peut appeler le partage des frais et un revenu, c'est-à-dire entre une activité qui ne génère pas de surplus et celle qui dégage une rentabilité. C'est toute la différence entre l'économie de partage, de faible rémunération et qui s'appuie sur l'échange de services et de biens entre particuliers, comme dans le cas de BlaBlaCar, que j'évoquerai à nouveau, et l'économie de services, qui s'appuie sur des services en ligne générateurs de revenus conséquents et dont Uber est un exemple pour le transport de personnes.
Le rapport Terrasse nous recommande de clarifier ces définitions qui sont le préalable à une meilleure information des usagers des plateformes sur leurs droits et devoirs fiscaux. La diversité des situations et des modèles économiques développés par les plateformes ne peut se résumer en un critère ultra-simplifié. Aussi la méthode indiquée par le secrétariat d'État chargé du budget me semble-t-elle être la bonne. La doctrine doit être clarifiée par grandes masses ou par cas particuliers, et vulgarisée pour être comprise et appliquée par chaque plateforme et chaque usager. C'est là, je crois, qu'est tout l'enjeu et c'est le prérequis pour une bonne application des mesures d'information des usagers concernant les plateformes notamment.
C'est aussi le prérequis pour la question qui se pose ensuite, celle de la transmission automatique des informations relatives aux revenus. Une telle mesure pourrait lever les suspicions au sujet du respect des règles de déclaration fiscale et limiter les risques de fraude. Mais elle ne sera possible qu'à condition d'avoir clarifié les règles au préalable.
La méthode est donc claire : l'enjeu est de rendre nos règles lisibles, mais aussi adaptées à la diversité des situations économiques.
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour une première question.
M. Gaby Charroux. Madame la secrétaire d'État, en janvier dernier, le Conseil national du numérique vous a remis un rapport sur le travail et l'emploi numériques. Le CNN recommandait notamment de faire évoluer le droit commun pour assurer une protection effective aux travailleurs indépendants mais économiquement dépendants.
Aujourd'hui, avec le numérique, le nombre de travailleurs juridiquement indépendants mais économiquement dépendants ne cesse en effet d'augmenter.
Parmi les pistes avancées pour offrir une protection juridique et économique à ces travailleurs faussement indépendants figure celle de la constitution d'un droit de l'activité professionnelle composé d'un socle de droits fondamentaux applicables à tous les travailleurs. Si l'idée de mettre en place un tel socle de droits communs aux salariés et aux indépendants peut sembler séduisante, elle présente le risque de servir de prétexte à une remise en cause d'un certain nombre de droits attachés aux statuts actuels. La numérisation de l'économie est devenue une formidable machine à précariser l'emploi qui, sous couvert de valoriser l'entrepreneuriat individuel, encourage le dumping social et la multiplication des travailleurs pauvres et isolés, nous entraînant toujours plus vers une économie low cost et, partant, des emplois low cost.
Plusieurs propositions se font jour pour mieux encadrer les plateformes de l'économie collaborative et éviter qu'elles ne deviennent le nouvel eldorado d'un capitalisme sans foi ni loi. Parmi les pistes intéressantes figure celle de l'extension du salariat par la redéfinition du principe de subordination juridique autour de la notion de dépendance économique.
Madame la secrétaire d'État, quelles pistes le Gouvernement privilégie-t-il actuellement en matière de requalification des relations entre ces travailleurs de l'économie collaborative et les plateformes, et quel est son calendrier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Comme vous le savez, monsieur le député, le droit et le juge français ont choisi le lien de subordination juridique et non la notion de dépendance économique pour caractériser le contrat de travail. Une jurisprudence très nourrie permet donc, en France, de requalifier les relations qui débordent la simple relation commerciale en relations relevant du droit du travail.
Il ne faut pas faire, je crois, de distinction entre les travailleurs indépendants dont l'activité est fournie ou facilitée par des plateformes numériques et les autres travailleurs indépendants. Il n'y a pas de raison de traiter différemment le chauffeur qui est sollicité par le biais d'une application de téléphone mobile et celui qui est sollicité par un central téléphonique. Dans les deux cas, une situation de subordination juridique doit pouvoir être requalifiée.
Quant à la notion de dépendance économique, elle doit être maniée avec précaution. Il nous paraît important, dans une première étape, d'observer les comportements des acteurs avant de statuer sur la nécessité de légiférer ou de prendre des mesures en la manière, car nous en sommes à un stade où cette économie reste en développement.
Le rapport Terrasse va dans ce sens, dégageant pour l'heure comme priorité de rapprocher la protection sociale des indépendants de celle des salariés.
Le Gouvernement, vous le savez, proposera dans le projet de loi de la ministre du travail, qui vous sera présenté très prochainement, les détails du compte personnel d'activité. Ce dispositif permettra de mieux gérer la portabilité des droits entre le statut de salarié et celui d'indépendant, notamment en ce qui concerne la formation, ce qui constitue une première étape importante.
Mme la présidente. Vous avez de nouveau la parole pour votre seconde question, monsieur Charroux.
M. Gaby Charroux. Comme l'a récemment souligné notre collègue Pascal Terrasse dans le rapport remis à M. le Premier ministre sur l'économie collaborative, la contribution des plateformes aux charges publiques représente un enjeu considérable. Selon l'OCDE Organisation de coopération et de développement économiques , les pratiques d'optimisation fiscale abusives auxquelles se livrent nombre d'entreprises numériques induiraient un manque à gagner pour les recettes publiques de l'ordre de 93 à 224 milliards d'euros la fourchette est large ! par an dans le monde.
Les 15 et 16 novembre derniers, les chefs d'État et les ministres des finances des pays du G20 ont approuvé les préconisations de l'OCDE visant à contrer les pratiques fiscales les plus dommageables, notamment en encadrant les règles relatives aux prix de transfert. Le plan d'action de l'OCDE est sans portée contraignante mais, si près de quatre-vingt-dix pays collaborent aujourd'hui à la rédaction d'un instrument pour amender le réseau existant de conventions fiscales bilatérales, cela n'interdit pas à notre pays de prendre des initiatives.
L'obligation faite aux entreprises, par la loi de finances pour 2016, de déclarer à l'administration fiscale dans un rapport, pays par pays, la nature des activités poursuivies et le montant des bénéfices réalisés, va dans ce sens et nous apprécions cette mesure. Il est néanmoins possible d'imaginer d'autres outils. Nous avions formulé, par exemple, la proposition d'instaurer une contrepartie financière au recours aux paradis fiscaux par les établissements bancaires français. Cette disposition pourrait être étendue aux entreprises numériques.
Notre question sera donc double : quelle est la position aujourd'hui défendue sur ces questions par le Gouvernement dans le cadre des négociations internationales et des échanges avec nos partenaires européens, et quelles mesures nouvelles envisagez-vous de proposer lors des prochaines échéances budgétaires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, depuis le sommet de Los Cabos en 2012, la France soutient les travaux de l'OCDE et du G20 sur l'optimisation fiscale pratiquée par les multinationales. Le plan BEPS plan de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices de l'OCDE, adopté par les chefs d'État et de gouvernement à Antalya en novembre 2015 permettra de mettre fin à ces pratiques qui conduisent à une perte de recettes d'impôt sur les sociétés de 4 % à 10 % à l'échelle de la planète. On évalue à 240 milliards d'euros le montant d'impôt non payé par les grands groupes multinationaux grâce à des stratégies d'évitement de l'impôt.
Notre priorité est donc que ce plan soit désormais mis en uvre le plus rapidement possible et par le plus grand nombre.
Vous l'avez dit, nous avons adopté en loi de finances initiale pour 2016 une mesure de déclaration pays par pays des principaux agrégats comptables des multinationales, en particulier le chiffre d'affaires et le bénéfice, mais aussi l'impôt acquitté.
Le 27 janvier dernier, Michel Sapin a signé un accord avec plus de trente pays pour que ces informations puissent être échangées automatiquement d'ici à la fin de 2017 avec les administrations fiscales des autres pays, ce qui permettra de détecter rapidement les montages d'optimisation fiscale. Un accord multilatéral sera finalisé avant la fin de 2016 pour adapter nos conventions fiscales bilatérales la France, je le rappelle, en a conclu 125 au nouveau cadre post-BEPS, afin notamment d'y introduire des clauses anti-abus permettant de lutter contre le treaty shopping.
Ces avancées doivent également être transcrites au niveau européen. C'est pourquoi, en novembre 2014, Michel Sapin et ses homologues allemand et italien Wolfgang Schäuble et Pier Carlo Padoan ont adressé au commissaire européen Pierre Moscovici une lettre l'invitant à présenter des propositions législatives transcrivant les mesures prévues par le plan BEPS. Un premier succès a été obtenu le 8 décembre dernier avec l'adoption d'une directive sur l'échange automatique des tax rulings, dont le rôle dans l'optimisation avait été révélé par l'affaire dite « LuxLeaks ».
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe SRC.
La parole est à M. Serge Bardy.
M. Serge Bardy. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question portera sur l'impact de l'économie collaborative sur le développement durable.
On voit bien les opportunités qu'ouvrent non seulement l'économie collaborative, mais aussi l'économie sociale et solidaire, en matière de développement durable. BlaBlaCar permet de mutualiser des trajets en voiture et d'économiser ainsi du CO2, et ce n'est qu'un exemple parmi de nombreuses plateformes qui nous permettent d'une manière ou d'une autre de partager et, ce faisant, de limiter notre consommation de ressources. L'open data, quant à lui, ouvre des perspectives très intéressantes en matière de protection de l'environnement, de santé et d'amélioration du cadre de vie, et pas forcément sur le plan marchand. Tout cela est bien exposé dans le rapport de mon collègue Pascal Terrasse.
Néanmoins, le « développement durable 2.0 » achoppe sur un point fondamental : les appareils numériques présentent aujourd'hui un bilan écologique peu glorieux. Or les enjeux sont considérables, entre l'utilisation de métaux rares parfois produits dans des conditions scandaleuses comme l'illustre le débat émergent, au niveau européen, sur ce que l'on appelle les « minerais du sang » , l'énergie nécessaire au stockage des données et au refroidissement des serveurs et le manque de recyclabilité des appareils numériques.
Quel regard portez-vous sur ce point ? L'appel à projet pour les « Green Tech », lancé par la ministre Ségolène Royal, intègre-t-il cette dimension ? Il est fondamental de nous emparer de cette question et je suis prêt à travailler avec le Gouvernement si vous le souhaitez.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, l'économie collaborative permet de passer de la possession à l'usage et au service diminuant le besoin matriel en ressources, que ce soit par la mutualisation avec Autolib' ou BlaBlaCar ou par la réutilisation, avec Leboncoin notamment. Ainsi, on vend non plus des produits mais des services, ce qui est vertueux du point de vue environnemental en général.
Vous m'interrogez sur le versant négatif de la numérisation et le mauvais bilan écologique des appareils numériques. Vous avez raison : la fabrication d'un téléphone portable ou d'un ordinateur consomme des matières premières, dont des métaux rares qui ne sont pas produits en France et les ressources sont limitées. L'enjeu est de parvenir à créer des filières de traitement et de recyclage de ces appareils afin de fermer le cycle autant que possible et d'avoir un besoin limité de nouvelles matières premières.
Au niveau européen, une filière de responsabilité élargie du producteur a été mise en place pour les déchets électroniques de manière à assurer leur recyclage.
Enfin, vous avez raison, ces appareils électroniques et les serveurs consomment de l'électricité mais cela représente quelques pourcentages de notre consommation totale.
Plusieurs actions sont menées au niveau européen. La directive Éco-conception vise ainsi à faire en sorte que les équipements électroniques consomment moins d'énergie en fonctionnant. Des initiatives sont également prises au niveau national afin de réutiliser la chaleur dégagée par les serveurs pour d'autres usages.
L'initiative de l'incubateur « Green Tech », quant à elle, a deux composantes principales : un volet d'ouverture de données liées à l'environnement et à l'énergie ; la création d'un incubateur du ministère de l'environnement qui accueillera des start-up des « Clean Tech » travaillant à la réduction des consommations d'énergie ou de matières premières des équipements électroniques et des serveurs elles sont tout à fait éligibles pour en faire partie.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Bardy, pour poser une seconde question.
M. Serge Bardy. Comme le rapport de Pascal Terrasse en fait fort bien état, madame la secrétaire d'État, l'économie collaborative modifie et continuera de modifier notre modèle économique et social en profondeur.
Deux piliers du capitalisme occidental traditionnel sont particulièrement mis à mal : la propriété et le salariat. Nos sociétés sont aujourd'hui entièrement organisées sur un modèle de plein-emploi majoritairement salarié et notre protection sociale repose en grande partie sur le paritarisme.
Or, aujourd'hui, le plein-emploi n'existe plus, cela n'aura échappé à personne, et le salariat s'effrite au profit de l'entrepreneuriat sous l'effet de l'économie collaborative. Au-delà, c'est la notion même de travail qui est bouleversée dans l'économie collaborative et l'économie sociale et solidaire.
De nombreux entrepreneurs travaillent sur des projets à très haute valeur ajoutée qui ne sont pas forcément rentables au sens classique et marchand du terme je pense par exemple aux « Civil Tech » ou aux « Green Tech ».
Pour l'instant, je trouve que nous manquons de vision et j'aimerais nous entendre nous, les députés mais aussi et surtout le Gouvernement tenir un discours sur ce que sera la France dans dix ou vingt ans.
À mon sens, il est clair qu'il faut, d'une part créer les conditions pour parvenir, à terme, à instaurer un revenu universel pour tous et, d'autre part, aboutir à une réduction globale du temps de travail productif et marchand.
Cela suppose évidemment d'avoir une vision des étapes permettant d'y parvenir. Les deux premières me paraissent être l'individualisation des droits et le rapprochement des droits associés aux statuts de salarié et d'entrepreneur.
Qu'en pensez-vous ? Ne croyez-vous pas, par exemple, que le débat sur le compte personnel d'activité mériterait d'être présenté sous cet angle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, bien que l'actualité fasse souvent écho au développement des plateformes collaboratives numériques, il faut, je crois, relativiser leur part dans l'emploi total, tout en gardant à l'esprit leur potentiel important.
Le développement du travail indépendant, donc de l'emploi, constitue un objectif en soi, non pour qu'il se substitue au salariat mais pour permettre à ceux qui le préfèrent d'exercer leur métier sous cette forme je pense également à ceux qui ne parviennent pas à accéder au salariat parce qu'il est plus facile de se trouver un client qu'un patron.
Je rappelle qu'en France le travail indépendant qui connaît un regain est néanmoins plus faible que le niveau historiquement atteint, puisque, en 2013, les travailleurs indépendants sont moins nombreux qu'en 1989. En outre, le taux est inférieur de six points à la moyenne européenne.
Par ailleurs, lorsque certains qu'il s'agisse de plateformes ou de tout autre type de donneur d'ordre débordent dans le recours au travail indépendant et franchissent la ligne de la subordination juridique qui caractérise le contrat de travail, notre droit et le juge n'hésitent pas à procéder à la requalification des relations commerciales en contrat de travail. Nous disposons donc d'un cadre qui réprime très sérieusement les abus.
Enfin, concernant le dernier point que vous avez évoqué, je ne juge pas opportun le recours au droit du travail pour réguler la relation avec le travailleur indépendant. En revanche, je souhaite comme vous le dites que le compte personnel d'activité puisse permettre d'étendre certains droits individuels dont bénéficient les salariés aux indépendants et, en premier lieu, la formation.
Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour une première question.
M. Gilles Lurton. L'économie dite collaborative a aujourd'hui le vent en poupe. Je me réjouis du développement d'entreprises comme BlaBlaCar, qui favorise le covoiturage et qui connaît actuellement une véritable explosion, mais il existe aussi une économie collaborative dont les effets peuvent être dévastateurs sur certains secteurs de notre économie c'est le cas notamment de sociétés comme Airbnb pour les meublés de tourisme.
Certes, les clients de l'économie collaborative y trouvent de nouveaux services plus efficaces et surtout moins chers , mais des personnes voient dans cette nouvelle économie le moyen de produire des revenus à bon compte, voire même d'y trouver leur revenu principal.
Derrière le masque d'une économie moderne, jeune et partageuse, se cache le visage d'une économie prédatrice et clandestine qui échappe à toute réglementation.
Si le prix est aussi bas et attractif, c'est parce qu'il échappe aussi à toute déclaration et à toute imposition.
Dans les communes touristiques, nous ne comptons plus le nombre de logements, de chambres privées mis à la location sur Airbnb, ce qui constitue souvent une concurrence déloyale à l'hôtellerie traditionnelle. Pire, dans certains centres-villes, cela entraîne une véritable pénurie de logements pour les jeunes ménages, obligés dès lors de s'en éloigner.
Madame la secrétaire d'État, cette économie a besoin d'un minimum de règles pour être loyale, faute de quoi elle pourrait aussi être destructrice d'emplois, notamment dans nos communes touristiques.
Pourquoi ne pas envisager une déclaration obligatoire des acteurs de l'économie collaborative auprès des communes qui, en l'état, sont en effet pénalisées et totalement dépourvues de moyens pour faire face aux effets de cette nouvelle économie ?
Pourquoi ne pas exiger des plateformes numériques la transmission d'un récapitulatif de leurs revenus annuels à l'autorité fiscale ?
Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais savoir ce que vous envisagez de faire pour que l'économie dite collaborative soit soumise aux mêmes règles de concurrence que l'ensemble des autres entreprises d'un même secteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, le développement des plateformes collaboratives que vous évoquez, notamment Airbnb, doit être bien évidemment loyal à l'égard de l'industrie hôtelière et de la location de longue durée, mais aussi vous l'avez dit utile à l'économie touristique.
Il convient de rappeler que l'offre d'Airbnb représente 200 000 logements en France, dont 60 000 à Paris. Dans la capitale, 93 % de ces logements sont des résidences principales louées de manière occasionnelle et parfaitement légale. Le chiffre de 40 000 logements soustraits est peut-être un peu surévalué. Le phénomène est certes important et même préoccupant, mais il reste circonscrit et la mise en place des contrôles en réduira l'ampleur.
Pour le Gouvernement, il importe que ces locations de courte durée respectent les textes législatifs et réglementaires en vigueur, à commencer par la législation fiscale et sociale je l'ai dit tout à l'heure. C'est précisément ce que nous nous sommes attachés à faire ces derniers mois.
Le contrôle des activités lucratives exercées au moyen d'internet est permis grâce à la mise en place d'un droit de communication au profit de l'administration fiscale. Plus récemment, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 je sais que vous y êtes attentif, monsieur le député a également doté les administrations de sécurité sociale de cette faculté.
Au-delà de ces procédures de contrôle, des dispositions ont été prises pour établir des rapports commerciaux plus équilibrés entre les hôteliers avec les plateformes de réservation en ligne.
Outre la saisine des tribunaux de commerce et de l'Autorité de la concurrence, la loi pour la croissance et l'activité a permis notamment d'adopter le contrat de mandat, d'interdire la clause générale de parité tarifaire et l'obligation de faire apparaître une information loyale, claire et transparente.
En effet, il importe de favoriser une meilleure application du droit social et du droit fiscal en s'assurant de la connaissance du droit par les utilisateurs. Tel est l'objectif des mesures adoptées au mois de décembre dernier instaurant, je le rappelle, une obligation d'information générale des plateformes à l'attention des usagers sur la législation en vigueur, la remise systématique aux utilisateurs d'un récapitulatif annuel des recettes générées sur la plateforme lorsque celle-ci a connaissance des transactions réalisées, enfin, la certification par les plateformes du respect de leurs obligations sous le contrôle de l'administration fiscale.
Je sais, monsieur le député, que ce sujet constitue une préoccupation pour les professionnels comme pour la représentation nationale, ainsi qu'en ont témoigné les débats sur le projet de loi pour une République numérique.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour une première question.
M. Frédéric Lefebvre. Je souhaite évoquer plusieurs sujets relatifs à l'économie collaborative, madame la secrétaire d'État.
Ma première question concerne ce qui est en train de se dessiner dans notre pays et qui, de mon point de vue, engage le Gouvernement et le Parlement : je veux parler des modifications substantielles de l'organisation du travail.
Très clairement, le salariat est en train de passer de mode dans une grande partie de l'économie de notre pays.
J'ai quant à moi formulé des propositions nouvelles concernant le RSI voilà quelques jours, comme vous le savez sans doute, à la suite de la visite d'une entreprise sise tout près de la tour Eiffel, Illumination Mac Guff.
Je souhaite ainsi que les commerçants et les artisans bénéficient de la liberté d'affiliation au RSI et puissent souscrire des assurances privées dans le cadre, bien évidemment, d'un cahier des charges défini par l'État ou se diriger vers le régime général, lequel devrait être adapté en termes de protection et de cotisation.
Je travaille également à la définition d'un contrat adapté à cette économie collaborative, intégrant la disruption un jeune de 27 ans me disait récemment qu'il avait connu 17 emplois différents, parfois dans le cadre salarial, parfois pas et assurant bien évidemment la protection, notamment par la portabilité des droits.
Il est donc nécessaire c'est notre devoir de faire évoluer les statuts existants. La loi défendue par votre collègue Myriam El Khomri permettra de débattre d'un certain nombre de questions mais, de mon point de vue, il importe aussi de favoriser la création d'un nouveau statut plus adapté.
Je le répète : s'agissant du RSI, il faut enfin bouger car des gens, vous le savez bien, se trouvent dans une vraie misère.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, je vous répondrai tout d'abord sur l'évolution du marché du travail qui, vous l'avez dit, se caractérise par une mobilité accrue des travailleurs.
Une telle évolution peut soulever des problèmes, vous l'avez également dit, dans un système où nos droits sociaux ont été initialement conçus en lien avec l'emploi salarié à partir de la norme du CDI dans le cadre du salariat.
Dans ce contexte, l'idée de rattacher des droits aux individus et non à l'emploi doit permettre de garantir une continuité qui couvre les différents statuts rencontrés ou choisis dans un parcours professionnel.
Vous l'avez évoqué : le compte personnel d'activité auquel serait rattaché l'ensemble des droits s'inscrit dans ce contexte et figurera dans le texte de Myriam El Khomri qui vous sera présenté dans quelques jours.
J'ai eu l'occasion de le rappeler : plus généralement, les droits sociaux des travailleurs indépendants ont été améliorés ces derniers mois même si j'entends vos remarques et vos propositions.
L'effort se poursuit. Au-delà de l'état des lieux qui existe et qui permet de constater un certain nombre de difficultés, nous devons avancer.
Et si vous me permettez, monsieur le député, de m'exprimer sur les propositions que vous faites, je crois qu'il faut être prudent, parce que le RSI, même s'il pose des problèmes sur lesquels nous travaillons est tout de même un système qui assure la protection sociale des indépendants. Recourir à l'assurance privée individuelle, sans forme d'obligation, pourrait être dangereux.
M. Frédéric Lefebvre. J'ai dit qu'il y aurait un cahier des charges obligatoire !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. J'entends bien, mais je répète qu'il faut être très prudent.
La réforme du barème de cotisation minimale, qui a permis de baisser cette cotisation et d'améliorer les droits, est une avancée majeure, notamment pour les indépendants, et surtout pour ceux qui ont des revenus modestes il faut aussi le rappeler. L'amélioration des droits sociaux et le regroupement des droits dans le compte personnel d'activité constituent un ensemble cohérent et pragmatique pour répondre aux besoins de sécurité des indépendants, nouveaux et anciens, mais aussi pour libérer l'activité.
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les entreprises de l'économie collaborative représentent un levier de croissance puissant pour notre pays, et le récent rapport de notre collègue Pascal Terrasse, que je tiens à saluer pour son initiative et la pertinence de son analyse, est éloquent à cet égard. Il précise en effet que ce secteur représentait un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros en 2014 et qu'il pourrait atteindre 7,5 milliards d'euros en 2025.
Ce secteur souffre pourtant d'un problème majeur : la faible capacité d'investissement de notre pays dans ces nouvelles entreprises. Si les entreprises de l'économie collaborative doivent à terme être mieux encadrées, elles doivent aussi être davantage encouragées par les pouvoirs publics. Elles représentent en effet un atout incontestable et inestimable pour nos territoires. Dans ma circonscription, le pôle tarnais de coopération économique, Les Ateliers, à Castres, est un exemple tout à fait innovant et assez exceptionnel, car il regroupe plusieurs activités : la vente de produits locaux en circuit court, la location d'espaces en coworking, ainsi que plusieurs modes de financement participatif.
De tels lieux doivent absolument être préservés, car ils représentent des vecteurs de création d'emplois non délocalisables, ce qui est un élément important, et donc indispensables à l'attractivité économique de nos régions. Pour contribuer au développement de ce secteur, il est donc nécessaire de lui donner des moyens et de piloter une politique économique ambitieuse, notamment au niveau régional.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d'État, les moyens que l'État peut et compte allouer aux territoires pour leur permettre de soutenir ce genre d'initiatives locales ? Certes, French Tech est un excellent dispositif pour valoriser nos start-up, mais il est limité aux métropoles et laisse de côté nombre de territoires ruraux.
Enfin, pour financer le développement de l'innovation, M. Macron a proposé la création d'un fonds de pension à la française. Où en sommes-nous de ce projet ? Et serait-il possible d'envisager qu'il puisse intervenir dans ce domaine d'activité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, votre question en contient en réalité plusieurs !
Je voudrais évoquer d'abord le problème de la création, du développement et du soutien des entreprises, en commençant par rappeler toutes les actions que le Gouvernement a engagées en ce sens. Vous évoquez le développement d'une activité économique ancrée dans les territoires. Les entreprises concernées peuvent prendre des formes diverses, celle d'entreprises individuelles, mais aussi toute autre forme d'entrepreneuriat.
Les micro-crédits et les prêts d'honneur d'associations, comme l'Association pour le droit à l'initiative économique l'ADIE , peuvent répondre à certains besoins dans nos territoires, notamment pour des microentreprises. Il existe également des compléments d'accompagnement, notamment avec le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise le NACRE , les prêts à taux zéro. Je mentionnerai encore les financements spécifiques dans les quartiers prioritaires ou les dispositifs de garantie pour faciliter l'emprunt, par BPI France ou la SIAGI, sans oublier les nombreux dispositifs mis en uvre, soit par les collectivités territoriales, que vous évoquiez, notamment par les régions, dont le développement économique est l'une des compétences, soit par des acteurs privés.
En matière de soutien à l'embauche, je ne citerai que l'aide à l'embauche de 2 000 euros par an et par salarié recruté, inscrite dans le plan pour l'emploi, en précisant par ailleurs que la moitié des entreprises a bénéficié du CICE et du pacte de responsabilité, qui étaient destinés aux TPE et aux PME, ce qui a fait baisser le coût du travail. Vous savez, enfin, qu'une baisse de charges interviendra dans quelques mois.
L'enjeu essentiel est celui de l'accès à ces dispositifs : comment faire en sorte que des entreprises qui souhaitent s'installer, qui souhaitent se développer, aient connaissance des dispositifs existants ? Je conduis actuellement des travaux pour répondre à ce besoin des entreprises, pour faire en sorte qu'elles aient connaissance des dispositifs qui peuvent les aider à s'installer et à se développer, depuis la création du premier emploi jusqu'à l'ouverture à l'export. Tel est, je le répète, l'enjeu essentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour une seconde question.
M. Philippe Folliot. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur la situation des travailleurs dans le secteur de l'économie collaborative. Majoritairement, les intervenants dans ce domaine choisissent le statut d'indépendant, notamment celui de micro-entrepreneur, qui a succédé à celui d'autoentrepreneur.
Or des voix se lèvent pour demander que des droits soient reconnus à ceux qui se lancent dans ces nouvelles activités. La professionnalisation de l'activité sur ces plateformes a en effet créé des situations problématiques : contournement du statut de salarié par celui d'indépendant, travail dissimulé, développement de la multi-activité, émergence d'une nouvelle forme de précarité. Comme tous les travailleurs indépendants, ces professionnels font face à une absence de couverture obligatoire de certains risques sociaux et ont souvent des droits inférieurs à ceux des salariés, en matière notamment de retraite ou de prévoyance. Cela ne manque pas de poser des problèmes.
En outre, les indépendants, qu'ils soient commerçants, artisans, ou qu'ils exercent une profession libérale, se plaignent des lourdeurs administratives et demandent, de manière récurrente, une simplification des démarches auxquelles ils sont soumis, notamment une simplification du bulletin de paie, dont les lignes de cotisations, du reste, ne cessent de se multiplier.
Il serait utile et opportun, madame la secrétaire d'État, que nous sachions ce que le Gouvernement compte faire pour simplifier les choses. Il importe évidemment que nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à se trouver dans cette situation, paient leurs cotisations, mais il faut aussi qu'ils aient des droits sociaux à la hauteur de ces cotisations, et surtout que leur régime juridique soit simplifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, avant d'aborder le problème de la simplification, je vais répondre à votre question relative aux micro-entrepreneurs qui s'installent et qui souhaitent développer leur activité.
Je veux d'abord préciser que ces micro-entreprises doivent s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et faire le stage préalable à l'installation, comme les artisans classiques. Ils doivent par ailleurs s'acquitter de la cotisation foncière des entreprises après deux ans d'activité et justifier des mêmes qualifications professionnelles que les entrepreneurs classiques, vérifiées par les chambres des métiers je crois qu'il est important de le préciser.
En parallèle, les régimes micro-fiscal ou micro-social ont été alignés en termes de plafond, pour que la simplicité du régime, qui tient à la déclaration d'un chiffre d'affaires et au paiement de prélèvements forfaitaires libératoires, joue à plein. On a trop tendance, monsieur le député, à assimiler le régime de la micro-entreprise à ce qu'étaient précédemment les autoentrepreneurs. Or nous avons tenu, dans la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, à simplifier et à rééquilibrer un certain nombre d'inégalités.
Aujourd'hui, les micro-entreprises sont soumises à des obligations très similaires à celles que connaissent les entreprises classiques, même si l'on peut entendre, ici ou là, des critiques persistantes dénonçant une concurrence déloyale. Je crois qu'il était important de rappeler les obligations auxquelles doivent se soumettre ceux qui ont choisi le régime de la micro-entreprise.
Vous soulignez également la nécessité d'une simplification administrative. Ce gouvernement y travaille régulièrement, en présentant tous les six mois un projet de loi de simplification, et nous poursuivons ce travail engagé dès 2012.
Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, permettez-moi tout d'abord de féliciter M. Michel Moreau, qui vient d'être nommé il y a quelques instants aux hautes fonctions de secrétaire général de l'Assemblée nationale, en remplacement de Mme Corinne Luquiens, qui va rejoindre, sur l'initiative du président de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel. À travers ces deux fonctionnaires, c'est l'ensemble des fonctionnaires qui nous accompagnent durant nos travaux que je voudrais saluer. Et je songe notamment, en l'occurrence, aux travaux que j'ai menés dans le cadre de la mission sur l'économie collaborative, que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.
Le rapport que j'ai rendu, et dont il a été question cet après-midi, reposait sur un constat assez simple, à savoir que la part de l'économie collaborative dans notre économie globale se développe très vite beaucoup plus vite que ce que l'on peut imaginer. Vous le voyez : le temps politique, parfois, n'est pas adapté à ce nouveau temps économique.
J'ai donc fait dix-neuf propositions, que certains de mes collègues ont aimablement évoquées, et qui visent à relever les défis qui sont devant nous.
Il convient d'abord de libérer le potentiel et la croissance de l'économie collaborative. L'idée, au fond, est de ne pas la brider, de ne pas l'arrêter, mais au contraire de l'accompagner ; la puissance publique a un rôle indéniable à jouer en la matière.
Ensuite, il est nécessaire de garantir le fonctionnement loyal et transparent de ces plateformes certains de mes collègues l'ont rappelé , notamment au profit des consommateurs. Il y a là un souci d'équité vis-à-vis des acteurs de l'économie traditionnelle.
Le troisième objectif est de mieux accompagner les parcours professionnels des travailleurs de ce secteur. Certains de mes collègues Philippe Folliot notamment ont fait référence au compte personnel d'activité et aux micro-entrepreneurs.
Il reste la question fiscale, celle de la juste contribution des acteurs de l'économie collaborative, qu'il s'agisse de particuliers ou de professionnels : cela fera l'objet de ma seconde question.
Madame la secrétaire d'État, face aux enjeux que je viens de rappeler, et compte tenu des propositions que j'ai formulées, pouvez-vous nous faire part de l'intention du Gouvernement pour répondre aux attentes des consommateurs, des salariés et des citoyens, qui quelquefois, dans cette économie, sont d'ailleurs les mêmes personnes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, je veux tout d'abord vous féliciter et saluer toutes les propositions de qualité que vous avez faites dans votre rapport. Je sais qu'elles sont le fruit de nombreuses auditions et d'une large consultation en ligne, et elles ont fait l'objet d'une expertise de la part du Gouvernement. Je vous remercie vivement pour les travaux que vous avez menés.
En ce qui concerne les grands enjeux, que vous avez rappelés, et pour accompagner ce développement de l'économie collaborative, qui va très vite, le Gouvernement doit répondre à plusieurs exigences. Puisque vous avez annoncé que vous aborderiez le volet fiscal dans votre seconde question, je me concentrerai ici sur deux exigences complémentaires qui concernent plus particulièrement le portefeuille qui m'a été confié.
La première exigence est celle de l'équité réglementaire par rapport aux acteurs traditionnels. Je prendrai deux exemples. En ce qui concerne la location de meublés de courte durée, nous devons nous assurer, pour ceux qui la pratiquent, du respect des règles de changement d'usage et des outils de suivi du développement du secteur collaboratif, et poursuivre notre modernisation du secteur de l'hôtellerie. C'est une préoccupation très forte de ce secteur. S'agissant de la restauration à domicile, un travail à deux niveaux doit être effectué : évaluer la pertinence des règles applicables aux restaurateurs et définir le niveau adapté de normes que devra respecter la restauration collaborative.
Cela rejoint la seconde exigence qui guide notre action : l'information et la protection du consommateur. Les dispositions du projet de loi pour une République numérique favorisent le fonctionnement loyal et transparent des plateformes intermédiaires. Des questions très concrètes se posent sur les règles qui doivent être appliquées. Pour rebondir sur le sujet de la restauration, comment s'assurer, par exemple, que la consommation d'alcool dans des prestations à domicile ne porte pas atteinte à la sécurité des consommateurs ?
Monsieur le député, que ce soit en termes de protection, d'information des consommateurs ou d'équité réglementaire et fiscale avec les acteurs traditionnels, le Gouvernement s'attelle à apporter des réponses pragmatiques et justes aux questions soulevées par le développement de ces nouvelles formes de consommation. Il s'appuiera sur vos recommandations qui tracent un chemin pour atteindre cet objectif.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour une seconde question.
M. Pascal Terrasse. Madame la secrétaire d'État, à la suite des avancées de la loi de finances pour 2016, les particuliers qui proposent des services relevant de l'économie collaborative reçoivent désormais, par le biais des plateformes, annuellement, un relevé des revenus qu'ils ont perçus ainsi qu'un rappel de leurs obligations fiscales tel est le dispositif qui a été voté en loi de finances rectificative , à charge évidemment pour eux de se rapprocher des services fiscaux pour faire leur déclaration.
Toutefois, force est de constater qu'une des principales revendications des professionnels traditionnels est l'équité fiscale vous venez de l'évoquer. Pour l'assurer, le Gouvernement envisage-t-il, en résonance avec les propositions que j'ai formulées, de s'assurer que les revenus générés soient effectivement soumis à fiscalité ou, en tout cas, à contribution de la charge publique pour intégrer notre pacte social ?
Vous le savez, je me suis efforcé, tout au long du rapport que j'ai remis, de différencier ce qui relève d'une activité de professionnel de ce qui relève d'une activité de particulier. Vous avez évoqué à l'instant la question du logement : un propriétaire peut louer quelques semaines durant ses vacances un logement qu'il habite de manière permanente, sans que cela nécessite la perception d'une fiscalité. En revanche, dès lors qu'il en fait quasiment un métier, il entre dans le champ de l'économie dite traditionnelle, au même titre qu'un loueur de gîte ou de chambres d'hôte : il convient alors de satisfaire le besoin d'équité.
La difficulté, vous l'avez soulignée en répondant à un de mes collègues, est qu'il faut recourir au rescrit fiscal. L'administration de Bercy doit se mettre au travail pour préciser la fiscalité par métier, voire établir des fiches métier par secteur d'activité, ce qui est difficile, car la frontière entre professionnels et particuliers est toujours délicate à fixer. Nous devons rapidement réfléchir à cette frontière pour prévenir des risques de déconvenues de la part des acteurs de l'économie collaborative. Quelle est la position du Gouvernement en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, comme je l'ai déjà souligné lors d'une séance des questions au Gouvernement et comme je l'ai rappelé cet après-midi, l'économie collaborative n'est pas une zone de non-droit : c'est une nouvelle forme d'économie, dont il convient de soutenir le développement et à laquelle il faut s'adapter.
Ce développement doit se faire de manière loyale et, surtout, équitable vis-à-vis des acteurs traditionnels, notamment les hôteliers et les restaurateurs qui m'ont déjà entretenue de la question. C'est cet équilibre que l'État doit veiller à mettre en place : Bercy y travaille, monsieur le député, avec l'ensemble des ministres concernés.
Il faut procéder à une régulation sans surréglementation. Je le répète régulièrement : les dispositions fiscales et sociales applicables aux activités de l'économie collaborative sont celles du droit commun. L'enjeu, vous l'avez rappelé, est de fixer la frontière entre activité professionnelle et non professionnelle, en fonction de son caractère habituel et de son but lucratif. La question est donc moins celle de la modification de la fiscalité que celle de son application effective et de son contrôle, les règles devant être rappelées.
Les dernières lois de finances ont amélioré le droit d'accès des services fiscaux et sociaux pour effectuer des contrôles. Vous proposez la transmission automatique des revenus : cette mesure pourrait lever des suspicions sur le respect des règles des déclarations fiscales et limiter les risques de fraude. Il faudra toutefois s'interroger sur l'application de ce principe aux plateformes historiques, notamment téléphoniques, puisqu'un ensemble de plateformes seront concernées. C'est une perspective intéressante qui facilitera le préremplissage des déclarations. J'y suis favorable à titre personnel. Elle nécessite toutefois un travail important et préalable de clarification sur la fiscalité applicable.
Mme la présidente. Nous terminerons avec les deux dernières questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
M. Frédéric Lefebvre. Madame la ministre, il est inutile de vous dire que je n'ai pas été satisfait de votre réponse relative au RSI, notamment lorsque vous avez laissé entendre que les assurances privées pourraient représenter une moindre protection des entrepreneurs et des travailleurs indépendants, alors que, vous le savez, ils sont aujourd'hui malheureusement moins bien protégés que les salariés.
Ce que nous entendons sur ces bancs depuis le commencement de ces questions sur l'économie collaborative me conduit à vous rappeler avec force ce que je répète depuis des mois, à savoir que notre système économique et social est à bout de souffle. Il est inadapté à la réalité du monde d'aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je défends avec force l'idée de l'allocation universelle qui, seule, pourra être à même de répondre à l'effet de ciseau qui fait que, depuis quarante ans, nous sommes passés de 400 000 chômeurs à plus de 6 millions et 8,5 millions de pauvres. Dans le même temps, l'endettement a explosé puisqu'il est passé de 20 % à 97 % du PIB et les prélèvements obligatoires sont passés de 35 % à 45 %. Alors que le MIT nous annonce que 50 % des emplois sont automatisables, que chacun peut constater les dégâts actuels dans les services et qu'un rapport prévoit la destruction de 3 millions d'emplois dans les dix prochaines années, notre débat ne porte que sur les rustines à placer pour pallier les défaillances de tel ou tel secteur, et cela dans une complexité inouïe, puisque plus personne n'y comprend rien.
Alors que j'ai rencontré hier un commerçant qui dort dans sa cave, faute d'avoir trouvé un autre moyen pour continuer de payer ses salariés, ou que d'autres rognent sur leurs retraites pour la même raison, on me répond qu'il faut prendre le temps des réformes. Non, il n'y a plus le temps ! Il y a urgence. Il faut aujourd'hui se mettre autour de la table je ne suis pas le seul à être de cet avis : d'autres le partagent sur d'autres bancs pour bâtir un nouveau modèle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, je ne peux pas laisser passer sans réagir vos propos sur le RSI, qui répond de manière insatisfaisante, j'entends bien
M. Frédéric Lefebvre. Ah bon !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Je connais suffisamment de commerçants et d'artisans pour savoir quels problèmes pose le RSI depuis 2008. Nous travaillons à améliorer son fonctionnement. Nous avons fait le constat des difficultés rencontrées et, je le répète, nous travaillons à améliorer ce régime.
M. Frédéric Lefebvre. Libérez !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Je connais votre attachement à la proposition consistant à remplacer l'ensemble des aides sociales par une allocation universelle mensuelle. Le Conseil national du numérique a récemment présenté ses travaux sur le sujet à Mme El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Convenez toutefois que le lien avec l'économie collaborative, qui nous occupe cet après-midi, est assez indirect.
M. Frédéric Lefebvre. Il est très direct, au contraire, puisque c'est un nouveau modèle !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Les risques sociaux couverts par les aides de l'État et des collectivités territoriales visent des publics bien plus larges que les seules personnes qui lancent une activité professionnelle sur les plateformes numériques. Je m'attache au sujet spécifique que nous avons à traiter cet après-midi.
M. Frédéric Lefebvre. L'économie change !
M. Gaby Charroux. A-t-on le droit de dialoguer avec l'orateur, madame la présidente ?
Mme la présidente. Seule Mme la secrétaire d'État a la parole, et M. Lefebvre le sait parfaitement.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. M. Lefebvre a effectivement l'habitude des débats !
La question que vous soulevez est celle des droits sociaux des individus. Selon vous, l'allocation universelle serait un moyen d'assurer un revenu de subsistance à chacun, quel que soit son statut sur le marché du travail salarié, indépendant, agent public, personne en recherche d'emploi.
Si cette question est pertinente dans un contexte où la mobilité professionnelle entre ces différents statuts s'accélère, le Gouvernement a choisi d'emprunter une autre voie, que vous pourriez considérer comme une première étape : elle consiste à rattacher les droits aux individus et non plus seulement à l'emploi, afin de garantir une continuité qui couvre les différents statuts rencontrés ou choisis dans un parcours professionnel. La réflexion sur le compte personnel d'activité s'inscrit dans ce contexte et sera défendue par la ministre du travail dans son projet de loi. Ce compte personnel d'activité permettra aux travailleurs qui passent d'un statut à un autre de conserver leurs droits, notamment leurs droits à la formation, pour disposer à tout moment de la possibilité de faire évoluer leurs compétences en fonction de leurs choix de parcours.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour poser la dernière question.
M. Gilles Lurton. Madame la secrétaire d'État, l'économie collaborative recouvre à la fois des plateformes d'échanges de biens et de services entre particuliers, sans recherche de profit, et des plateformes d'offre commerciale. La France est en pointe dans ce domaine avec 276 plateformes, dont 70 % françaises, actives sur le marché français. C'est un secteur en plein essor, incarné par une génération d'entrepreneurs plein d'audace, qui tend à faire évoluer notre modèle socio-économique et qui peut concurrencer, voire bousculer, les activités traditionnelles. C'est un secteur que nous devons encourager à la fois pour le développement économique et pour la préservation de notre environnement. Tous, ici, nous voulons faciliter le développement des sociétés de covoiturage.
La société française BlaBlaCar emploie plus de 350 personnes et le nombre d'utilisateurs de la plateforme est passé de 3 millions en 2013 à 20 millions l'année dernière. Ces chiffres induisent cependant une courbe inverse pour la fréquentation de certains trains, puisque la start-up a fait perdre presque 1 million d'utilisateurs à la SNCF, ce qui représente un manque à gagner de presque 80 millions d'euros.
Je l'ai souligné lors de l'examen du projet de loi Macron : nous ne sommes pas opposés au développement du covoiturage, bien au contraire, à partir du moment où le consommateur y trouve son compte. Nous ne sommes pas opposés non plus au développement du transport par autocar sur notre territoire, à partir du moment où il facilite les déplacements de nos concitoyens à des prix défiant, du moins pour le moment, toute concurrence.
Nous craignons toutefois que ce développement ne mette en difficulté les lignes de transport express régional, les TER, pour lesquels les déficits sont financés par les régions.
Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous encourager l'économie collaborative tout en soutenant les lignes ferroviaires, à l'équilibre déjà très fragile, indispensables toutefois au maillage ferroviaire de notre territoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, l'économie collaborative permet de passer de la possession à l'usage et au service, ce qui diminue le besoin matériel en ressources, à l'image des mutualisations que chacun peut constater avec Autolib', organisé par les collectivités territoriales, ou avec BlaBlaCar, service d'une plateforme collaborative sur laquelle vous m'interrogez aujourd'hui.
Vous avez évoqué le covoiturage : le partage des frais pour un trajet vers une destination convenue à l'avance a toujours existé. Le covoiturage est économe, écologique et pratique pour nos concitoyens. Il affecte nécessairement l'ensemble des services de mobilité, plus particulièrement les moyennes et longues distances, vous l'avez rappelé. Je tiens à souligner que certains services mis en place pour des courtes distances par d'autres plateformes étaient illégaux en faisant une concurrence illégale je pense aux taxis et aux VTC.
Concernant la possible concurrence que vous évoquez entre la SNCF et BlaBlaCar, je tiens à rappeler que la SNCF a pris récemment, pour 28 millions d'euros, 75 % du capital de OuiCar, ce qui lui permettra de gonfler son offre de mobilité routière.
La SNCF parie donc elle aussi sur le covoiturage de proximité, avec OuiCar, ce qui atteste en partie que l'économie collaborative n'entre pas obligatoirement en concurrence directe avec les autres mobilités.
L'économie collaborative, économie du partage, ouvre de nouvelles opportunités à ceux qui souhaitent voyager ainsi. Il me semble qu'un grand nombre d'entre eux n'auraient pas pris le train, à en croire le profil des adeptes de cette nouvelle forme de mobilité autour de nous.
Globalement, l'essor de solutions de type BlaBlaCar ou OuiCar bénéficie souvent à l'usager, qui voit l'offre se diversifier, et contribue à la croissance de notre économie.
Si nous devons rester très attentifs à ce que le droit soit respecté et à ce que la concurrence soit loyale, je crois que l'exemple précis sur lequel vous m'interrogez, monsieur Lurton, est davantage une opportunité qu'une menace.
M. Pascal Terrasse. Absolument !
Mme la présidente. Nous avons terminé les questions sur l'économie collaborative.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 22 février 2016
La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste, pour une première question.
Mme Véronique Massonneau. Je représente mon collègue Éric Alauzet et je m'associe aux trois questions que je vais poser.
En 2015, près d'un Français sur deux a déjà acheté ou vendu à un autre particulier sur Internet : les pratiques ont évolué. L'économie dite collaborative est porteuse de nouveaux enjeux auxquels nous devons réfléchir et nous adapter.
C'est la dynamique que le Gouvernement a enclenchée en proposant au député Pascal Terrasse de produire son rapport, dans lequel quatre grands objectifs sont fixés : permettre à l'économie collaborative de libérer la croissance, garantir le fonctionnement loyal et transparent des plateformes, accompagner les parcours professionnels des travailleurs de ce secteur, faire contribuer les plateformes d'économie collaborative à l'impôt.
Ce dernier point a retenu particulièrement notre attention puisque le rapport Terrasse apporte une nouvelle proposition en ce sens, la numéro 11 : « Assurer la contribution des plateformes aux charges publiques en France ».
En tant que membre de la commission des finances, Éric Alauzet a été particulièrement vigilant aux mesures discutées lors du projet de loi de finances 2016, concernant l'application des mesures du plan d'action BEPS Base Erosion and Profit Shifting. L'objectif est de mettre fin aux montages fiscaux permettant le transfert international des bénéfices.
La France, qui s'est engagée sur cette voie avec la déclaration pays par pays devra donc décliner ces orientations fiscales en pratique. Aussi, Éric Alauzet souhaiterait savoir comment le Gouvernement compte assurer la contribution des plateformes aux charges publiques en France, sachant que le secteur de l'économie numérique est le plus exposé et le plus difficile à réguler.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la députée, depuis le sommet de Los-Cabos en 2012, la France soutient les travaux de l'OCDE et du G20 relatifs à l'optimisation fiscale, notamment celle des multinationales. Le plan d'action BEPS de l'OCDE, adopté par les chefs d'État et de Gouvernement à Antalya en novembre 2015, permettra de mettre fin à ces pratiques qui conduisent à une perte de recettes d'impôts sur les sociétés de 4 à 10 % à l'échelle de la planète. Notre priorité est désormais que ce plan soit mis en uvre le plus rapidement et par le plus grand nombre.
Nous avons déjà adopté en loi de finances initiale 2016 la déclaration pays par pays des principaux agrégats comptables des multinationales, en particulier le chiffre d'affaires, le bénéfice mais aussi l'impôt payé.
Michel Sapin a également signé le 27 janvier un accord avec plus de trente autres pays pour que ces informations puissent être, d'ici à la fin de 2017, échangées automatiquement avec les administrations fiscales des autres pays, ce qui permettra de détecter rapidement les montages d'optimisation fiscale. Un accord multilatéral sera finalisé avant la fin 2016 pour adapter nos conventions fiscales bilatérales au nouveau cadre la France en a 125.
Le 28 janvier dernier, la Commission européenne a également présenté son projet de directive contre l'évasion fiscale, qui vise à appliquer de façon coordonnée en Europe les conclusions de BEPS. La France souhaite donc une adoption rapide de ce projet.
Par ailleurs, des avancées spécifiques ont été réalisées, lors de travaux européens, dans le domaine de la fiscalité des nouveaux modèles économiques et reposant sur les technologies numériques. Pour la première fois, des options innovantes visant à créer des nouveaux principes pour les imposer de manière adaptée ont été examinées. Il s'agit en particulier de la proposition française de présence fiscale numérique, qui permet à un État, si une entreprise utilise internet pour collecter des données de manière massive sur son territoire, d'imposer les bénéfices ainsi réalisés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau pour une deuxième question.
Mme Véronique Massonneau. Pour reprendre les propositions de ce rapport Terrasse et leur application concrète, il serait aussi intéressant de revenir sur la proposition numéro 12, « Clarifier la doctrine de l'administration fiscale sur la distinction entre revenu et partage de frais et celle de l'administration sociale sur la notion d'activité professionnelle ».
Les utilisateurs, qui ont recours aux plateformes pour commander une voiture, un service, de la nourriture, un appartement, attendent des clarifications concernant la notion de revenu imposable et la notion d'activité professionnelle.
La clarification du cadre juridique est importante : les plateformes ne doivent pas être pénalisées ou au contraire favorisées par rapport aux acteurs de l'économie plus traditionnelle hors cadre internet.
L'administration sera sûrement obligée d'expliquer que certaines activités ne créent pas de revenu imposable par exemple le covoiturage se limite à du partage de frais et que, quand elles dépassent la pratique amateur, ces activités exigent que l'utilisateur s'enregistre en tant que professionnel, pour accumuler des droits sociaux.
C'est un vrai enjeu sur lequel nous avons besoin de clarté.
Éric Alauzet souhaiterait donc savoir comment le Gouvernement envisage de clarifier la doctrine de l'administration fiscale sur la distinction entre revenu et partage de frais et celle de l'administration sociale sur la notion d'activité professionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Madame la députée, vous évoquez deux sujets, la frontière entre revenu et partage de frais, et celle entre professionnels et non professionnels. En fonction de ces critères, l'économie collaborative peut prendre plusieurs formes. L'on peut ainsi distinguer deux grandes catégories. La première est l'économie de partage, sans objectif de captation économique, à l'image de BlaBlaCar pour le covoiturage. Elle s'appuie sur l'échange de services et de biens entre particuliers. Il s'agit de partager des frais non professionnels par définition.
La seconde est l'économie des services, qui s'appuie sur des services en ligne générateurs de revenus souvent importants, et dont Uber est un exemple pour le transport de personnes. Nous sommes là dans des activités professionnelles, qui génèrent de surcroît des revenus.
Cette frontière existait déjà dans le cadre de l'économie traditionnelle les brocantes par exemple , bien avant l'émergence d'internet, mais aujourd'hui, ce sujet concerne de plus en plus de personnes, notamment les usagers des plateformes numériques.
Le partage de frais s'apprécie au regard du coût d'une prestation. Il est ainsi assez simple de connaître le coût d'un trajet en voiture et si le prix payé est inférieur à ce coût. L'activité professionnelle s'apprécie en fonction de son caractère habituel et organisé, et de sa finalité, c'est-à-dire le fait d'en tirer un revenu. La jurisprudence a précisé cette notion mais sa complexité reflète la diversité des situations que l'on peut rencontrer.
Le partage de frais non professionnels est exonéré de toute contribution, sauf cas particulier. Les revenus, professionnels ou non, sont soumis à l'impôt, tandis que les revenus professionnels sont soumis aux charges sociales, et donc à l'obligation de créer et d'immatriculer une entreprise.
Le rapport de Pascal Terrasse pose clairement ces deux sujets qui sont les préalables à une meilleure information des usagers des plateformes sur leurs droits et leurs devoirs, et le cas échéant à la mise en place de régulations plus adaptées à l'économie collaborative.
Le Gouvernement s'est donc attelé à préciser ces définitions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau pour sa dernière question.
Mme Véronique Massonneau. Toujours à propos du rapport Terrasse, nous aurions souhaité revenir sur une autre proposition, la numéro 14, « S'engager avec les plateformes dans une démarche d'automatisation des procédures fiscales et sociales »
Il ne s'agit pas ici de la collecte de l'impôt, même si les plateformes ont connaissance des revenus dégagés par leurs utilisateurs, mais de l'organisation d'une télétransmission à destination des organismes sociaux et de l'administration fiscale.
Si cela est déjà en vigueur dans l'économie plus traditionnelle, puisque c'est le cas avec les employeurs pour les salaires ou avec les banques pour les revenus mobiliers, cela serait tout à fait nouveau dans ce domaine.
L'avantage serait plutôt pour l'utilisateur et pour l'administration elle-même. Ce serait également plus cohérent avec l'automatisation progressive du recouvrement de l'impôt.
En revanche, on peut imaginer la complexité que cela pourrait représenter pour ces plateformes dont la force est justement de ne pas fonctionner selon un schéma traditionnel.
Nous devrons déterminer dans un premier temps le périmètre des plateformes concernées, parmi celles qui gèrent les transactions. Il faudra par ailleurs s'assurer de la coopération des plateformes présentes sur le marché français mais qui opèrent depuis l'étranger.
Comment le Gouvernement compte-t-il mettre en uvre cette télétransmission des procédures fiscales et sociales par les plateformes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Madame la députée, j'ai indiqué au cours des questions au Gouvernement que l'économie collaborative n'est pas une zone de non-droit mais une nouvelle forme d'économie dont il convient de soutenir le développement, à condition qu'il soit loyal et équitable à l'endroit des acteurs traditionnels, que sont les hôteliers ou les restaurateurs. Ils m'en parlent à chaque fois que nous nous rencontrons, ce qui est assez fréquent, en rendez-vous ou lors de mes déplacements. C'est cet équilibre que l'État doit trouver et auquel je travaille : une régulation sans surréglementation.
Vous le savez, les dispositions fiscales et sociales applicables aux activités de l'économie collaborative sont celles de droit commun. L'enjeu est également de définir la frontière entre activité professionnelle et activité non professionnelle, en fonction de son caractère habituel et de son but lucratif.
Finalement, la question qui se pose est moins celle de la modification de la fiscalité existante, que celle de son application effective et de son contrôle.
Le rapport de Pascal Terrasse, dans le dessein de garantir cette équité fiscale, fournit des pistes sérieuses pour atteindre cet objectif. La transmission automatique des revenus est une mesure qui pourrait lever les suspicions sur le respect des règles de déclaration fiscale et limiter les risques de fraude.
Vous le rappelez à juste titre : c'est le cas avec les employeurs pour les salaires ou avec les banques pour les revenus mobiliers.
Vous évoquez également les questions qui se posent en termes de périmètre des plateformes concernées et de leur coopération pour celles opérant notamment depuis l'étranger.
Les modalités de mise en uvre de cette proposition soulèvent donc un certain nombre de questions. C'est une perspective intéressante qui facilitera le pré-remplissage des déclarations. À titre personnel, j'y suis favorable.
Bien entendu, cela nécessite un travail important et préalable pour clarifier la fiscalité applicable, et que nous engageons en lien avec les ministres en charge de la fiscalité.
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Stéphane Claireaux,
M. Stéphane Claireaux. Mme la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le volet social de l'économie collaborative. Le rapport de notre collègue Pascal Terrasse préconise en effet de ne pas créer de « statut particulier » à côté de celui de salarié et de travailleur indépendant, ce qui était initialement la piste explorée par l'administration de Bercy.
En effet, notre collègue considère que cette piste « serait une source de complexité et d'insécurité juridique supplémentaire pour les plateformes, sans forcément améliorer la situation des travailleurs, dans la mesure où le troisième statut pourrait être une forme dégradée de salariat ».
Nous le rejoignons sur ce point, car les travailleurs de plateformes ont des profils variés des acteurs de l'économie dite « réelle » qui modernisent leur vitrine commerciale, des artisans, ou encore des particuliers qui souhaitent plutôt amortir leurs biens personnels.
De leur côté, les intervenants des plateformes choisissent en général le régime de la micro-entreprise, bien souvent dans l'espoir de devenir un indépendant classique, voire un salarié.
Introduire dans la loi un statut particulier de l'intervenant précaire des plateformes de l'économie collaborative comporterait donc le risque de sanctuariser leur précarité professionnelle et de leur ôter tout espoir de droit social.
À l'inverse, la mobilisation du « compte personnel d'activité » pour instaurer une véritable portabilité de leurs droits, telle que préconisée par le rapport Terrasse, semble tout à fait adéquate. Comment le Gouvernement entend-il inclure cette réflexion au texte qui sera prochainement présenté par Mme la ministre du travail ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, le régime social applicable aux personnes offrant des services sur les plateformes est régi par nos règles de droit commun mais comme l'économie collaborative se place souvent à la frontière avec une grande diversité de situations, nous devons redoubler d'efforts pour clarifier et lever les doutes.
Lorsque l'activité génère des revenus, qu'elle est habituelle et organisée, elle est professionnelle. Cette notion est simple mais elle se retrouve confrontée à de nouveaux modèles, ce qui appelle une clarification et une lisibilité accrue, auxquelles le Gouvernement s'est attelé, sur les recommandations du rapport Terrasse.
Je mentionnerai deux contre-exemples : la location de meublé peut rester une activité non professionnelle, tandis que les services à la personne sont toujours professionnels, indépendamment des critères que je viens de citer. Pour ces activités professionnelles, le modèle du travailleur indépendant est le plus répandu. Dans le cas des entreprises unipersonnelles qui réalisent un petit chiffre d'affaires, l'entrepreneur peut opter pour le prélèvement forfaitaire du régime micro-social. Il est alors redevable de cotisations sociales en proportion de son chiffre d'affaires, selon le principe « pas de revenus, pas de charges ». Ce régime est particulièrement attractif pour de petits revenus de complément, mais il l'est peu pour des activités à fortes charges d'exploitation, par exemple le transport de personnes avec le coût du véhicule et du carburant.
D'une manière générale, le régime social des indépendants, le RSI, a été considérablement amélioré alors que la réforme qui l'avait institué avait tourné, je n'y reviendrai pas, à la catastrophe. Il reste néanmoins de nombreux points à améliorer, raison pour laquelle on a créé un comité de suivi qui se réunira à nouveau prochainement.
Le compte personnel d'activité, que Myriam El Khomri présentera dans le cadre de son projet de loi sur le travail, prolongera cette modernisation du droit social applicable aux indépendants. Il leur permettra de porter leurs droits sociaux tout au long de leur carrière et, par exemple, de mieux bénéficier du droit à la formation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.
M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, ma question s'inscrit dans la continuité de celle de Stéphane Claireaux.
L'économie collaborative bouscule les pratiques économiques et sociales des citoyens. La révolution numérique met à la portée de l'individu un marché à la fois local et global. Elle multiplie, de manière exponentielle, ses capacités d'échanges sociaux mais aussi lucratifs.
Ce progrès rencontre un succès important. Il s'inscrit dans un contexte où les formes d'emploi indépendant à titre principal ou complémentaire sont encouragées par une conjoncture peu favorable à l'emploi sous statut salarié.
Les questions de la fiscalité ont été récemment posées par l'actualité avec Uber. On connaît la puissance et surtout la rapidité avec laquelle ces intermédiaires s'imposent. Ils perturbent des secteurs entiers par la captation d'une ressource en lieu et place des charges assumées par les entrepreneurs qui ne sont pas, pour leur part, « libérés » de leurs obligations réglementaires, économiques, sociales et fiscales.
L'économie collaborative entretient un certain nombre de confusions avec des formes plus anciennes d'échanges non lucratifs qui poursuivent, elles, des finalités de partage ou de défense d'intérêts collectifs. Il apparaît donc urgent de lever certaines ambivalences entre l'économie collaborative et l'économie sociale et solidaire.
Les démarches de coopération économique qui se développent dans les territoires pour restaurer le tissu économique local s'appuient sur l'implication des citoyens, et des acteurs politiques et économiques. Dans ma circonscription, les exemples ne manquent pas : boutique solidaire avec Yaka demander, ressourceries, AMAP association pour le maintien d'une agriculture paysanne , friperie sociale avec Le Relais, ou encore PATS projets et actions pour des territoires solidaires. Toutes ces structures visent à remédier aux effets environnementaux, économiques et sociaux d'une économie ultralibérale reposant sur la seule rentabilité financière. Ces démarches de coopération se construisent dans des logiques de filières, se structurent en circuits courts et visent des enjeux qui dépassent les seuls intérêts économiques.
La révolution numérique est un défi qu'il faut réguler et clarifier dans la lisibilité, avec une stratégie offensive de reconquête d'une économie plus humaine. Où en sont les dispositions prises pour caractériser la nature lucrative ou non lucrative des transactions opérées par les intermédiaires des plateformes collaboratives et pour appliquer les réglementations juridiques et fiscales en conséquence ? Comme l'écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le Lion et le Rat : « Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde ».
Mme Isabelle Attard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous m'interrogez en réalité sur la nature fiscale des transactions générées par l'économie collaborative. Cette question qui emporte le régime d'imposition auquel les revenus sont soumis est, je l'ai dit, celle de la frontière entre ce que l'on peut appeler le partage des frais et un revenu, c'est-à-dire entre une activité qui ne génère pas de surplus et celle qui dégage une rentabilité. C'est toute la différence entre l'économie de partage, de faible rémunération et qui s'appuie sur l'échange de services et de biens entre particuliers, comme dans le cas de BlaBlaCar, que j'évoquerai à nouveau, et l'économie de services, qui s'appuie sur des services en ligne générateurs de revenus conséquents et dont Uber est un exemple pour le transport de personnes.
Le rapport Terrasse nous recommande de clarifier ces définitions qui sont le préalable à une meilleure information des usagers des plateformes sur leurs droits et devoirs fiscaux. La diversité des situations et des modèles économiques développés par les plateformes ne peut se résumer en un critère ultra-simplifié. Aussi la méthode indiquée par le secrétariat d'État chargé du budget me semble-t-elle être la bonne. La doctrine doit être clarifiée par grandes masses ou par cas particuliers, et vulgarisée pour être comprise et appliquée par chaque plateforme et chaque usager. C'est là, je crois, qu'est tout l'enjeu et c'est le prérequis pour une bonne application des mesures d'information des usagers concernant les plateformes notamment.
C'est aussi le prérequis pour la question qui se pose ensuite, celle de la transmission automatique des informations relatives aux revenus. Une telle mesure pourrait lever les suspicions au sujet du respect des règles de déclaration fiscale et limiter les risques de fraude. Mais elle ne sera possible qu'à condition d'avoir clarifié les règles au préalable.
La méthode est donc claire : l'enjeu est de rendre nos règles lisibles, mais aussi adaptées à la diversité des situations économiques.
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour une première question.
M. Gaby Charroux. Madame la secrétaire d'État, en janvier dernier, le Conseil national du numérique vous a remis un rapport sur le travail et l'emploi numériques. Le CNN recommandait notamment de faire évoluer le droit commun pour assurer une protection effective aux travailleurs indépendants mais économiquement dépendants.
Aujourd'hui, avec le numérique, le nombre de travailleurs juridiquement indépendants mais économiquement dépendants ne cesse en effet d'augmenter.
Parmi les pistes avancées pour offrir une protection juridique et économique à ces travailleurs faussement indépendants figure celle de la constitution d'un droit de l'activité professionnelle composé d'un socle de droits fondamentaux applicables à tous les travailleurs. Si l'idée de mettre en place un tel socle de droits communs aux salariés et aux indépendants peut sembler séduisante, elle présente le risque de servir de prétexte à une remise en cause d'un certain nombre de droits attachés aux statuts actuels. La numérisation de l'économie est devenue une formidable machine à précariser l'emploi qui, sous couvert de valoriser l'entrepreneuriat individuel, encourage le dumping social et la multiplication des travailleurs pauvres et isolés, nous entraînant toujours plus vers une économie low cost et, partant, des emplois low cost.
Plusieurs propositions se font jour pour mieux encadrer les plateformes de l'économie collaborative et éviter qu'elles ne deviennent le nouvel eldorado d'un capitalisme sans foi ni loi. Parmi les pistes intéressantes figure celle de l'extension du salariat par la redéfinition du principe de subordination juridique autour de la notion de dépendance économique.
Madame la secrétaire d'État, quelles pistes le Gouvernement privilégie-t-il actuellement en matière de requalification des relations entre ces travailleurs de l'économie collaborative et les plateformes, et quel est son calendrier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Comme vous le savez, monsieur le député, le droit et le juge français ont choisi le lien de subordination juridique et non la notion de dépendance économique pour caractériser le contrat de travail. Une jurisprudence très nourrie permet donc, en France, de requalifier les relations qui débordent la simple relation commerciale en relations relevant du droit du travail.
Il ne faut pas faire, je crois, de distinction entre les travailleurs indépendants dont l'activité est fournie ou facilitée par des plateformes numériques et les autres travailleurs indépendants. Il n'y a pas de raison de traiter différemment le chauffeur qui est sollicité par le biais d'une application de téléphone mobile et celui qui est sollicité par un central téléphonique. Dans les deux cas, une situation de subordination juridique doit pouvoir être requalifiée.
Quant à la notion de dépendance économique, elle doit être maniée avec précaution. Il nous paraît important, dans une première étape, d'observer les comportements des acteurs avant de statuer sur la nécessité de légiférer ou de prendre des mesures en la manière, car nous en sommes à un stade où cette économie reste en développement.
Le rapport Terrasse va dans ce sens, dégageant pour l'heure comme priorité de rapprocher la protection sociale des indépendants de celle des salariés.
Le Gouvernement, vous le savez, proposera dans le projet de loi de la ministre du travail, qui vous sera présenté très prochainement, les détails du compte personnel d'activité. Ce dispositif permettra de mieux gérer la portabilité des droits entre le statut de salarié et celui d'indépendant, notamment en ce qui concerne la formation, ce qui constitue une première étape importante.
Mme la présidente. Vous avez de nouveau la parole pour votre seconde question, monsieur Charroux.
M. Gaby Charroux. Comme l'a récemment souligné notre collègue Pascal Terrasse dans le rapport remis à M. le Premier ministre sur l'économie collaborative, la contribution des plateformes aux charges publiques représente un enjeu considérable. Selon l'OCDE Organisation de coopération et de développement économiques , les pratiques d'optimisation fiscale abusives auxquelles se livrent nombre d'entreprises numériques induiraient un manque à gagner pour les recettes publiques de l'ordre de 93 à 224 milliards d'euros la fourchette est large ! par an dans le monde.
Les 15 et 16 novembre derniers, les chefs d'État et les ministres des finances des pays du G20 ont approuvé les préconisations de l'OCDE visant à contrer les pratiques fiscales les plus dommageables, notamment en encadrant les règles relatives aux prix de transfert. Le plan d'action de l'OCDE est sans portée contraignante mais, si près de quatre-vingt-dix pays collaborent aujourd'hui à la rédaction d'un instrument pour amender le réseau existant de conventions fiscales bilatérales, cela n'interdit pas à notre pays de prendre des initiatives.
L'obligation faite aux entreprises, par la loi de finances pour 2016, de déclarer à l'administration fiscale dans un rapport, pays par pays, la nature des activités poursuivies et le montant des bénéfices réalisés, va dans ce sens et nous apprécions cette mesure. Il est néanmoins possible d'imaginer d'autres outils. Nous avions formulé, par exemple, la proposition d'instaurer une contrepartie financière au recours aux paradis fiscaux par les établissements bancaires français. Cette disposition pourrait être étendue aux entreprises numériques.
Notre question sera donc double : quelle est la position aujourd'hui défendue sur ces questions par le Gouvernement dans le cadre des négociations internationales et des échanges avec nos partenaires européens, et quelles mesures nouvelles envisagez-vous de proposer lors des prochaines échéances budgétaires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, depuis le sommet de Los Cabos en 2012, la France soutient les travaux de l'OCDE et du G20 sur l'optimisation fiscale pratiquée par les multinationales. Le plan BEPS plan de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices de l'OCDE, adopté par les chefs d'État et de gouvernement à Antalya en novembre 2015 permettra de mettre fin à ces pratiques qui conduisent à une perte de recettes d'impôt sur les sociétés de 4 % à 10 % à l'échelle de la planète. On évalue à 240 milliards d'euros le montant d'impôt non payé par les grands groupes multinationaux grâce à des stratégies d'évitement de l'impôt.
Notre priorité est donc que ce plan soit désormais mis en uvre le plus rapidement possible et par le plus grand nombre.
Vous l'avez dit, nous avons adopté en loi de finances initiale pour 2016 une mesure de déclaration pays par pays des principaux agrégats comptables des multinationales, en particulier le chiffre d'affaires et le bénéfice, mais aussi l'impôt acquitté.
Le 27 janvier dernier, Michel Sapin a signé un accord avec plus de trente pays pour que ces informations puissent être échangées automatiquement d'ici à la fin de 2017 avec les administrations fiscales des autres pays, ce qui permettra de détecter rapidement les montages d'optimisation fiscale. Un accord multilatéral sera finalisé avant la fin de 2016 pour adapter nos conventions fiscales bilatérales la France, je le rappelle, en a conclu 125 au nouveau cadre post-BEPS, afin notamment d'y introduire des clauses anti-abus permettant de lutter contre le treaty shopping.
Ces avancées doivent également être transcrites au niveau européen. C'est pourquoi, en novembre 2014, Michel Sapin et ses homologues allemand et italien Wolfgang Schäuble et Pier Carlo Padoan ont adressé au commissaire européen Pierre Moscovici une lettre l'invitant à présenter des propositions législatives transcrivant les mesures prévues par le plan BEPS. Un premier succès a été obtenu le 8 décembre dernier avec l'adoption d'une directive sur l'échange automatique des tax rulings, dont le rôle dans l'optimisation avait été révélé par l'affaire dite « LuxLeaks ».
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe SRC.
La parole est à M. Serge Bardy.
M. Serge Bardy. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question portera sur l'impact de l'économie collaborative sur le développement durable.
On voit bien les opportunités qu'ouvrent non seulement l'économie collaborative, mais aussi l'économie sociale et solidaire, en matière de développement durable. BlaBlaCar permet de mutualiser des trajets en voiture et d'économiser ainsi du CO2, et ce n'est qu'un exemple parmi de nombreuses plateformes qui nous permettent d'une manière ou d'une autre de partager et, ce faisant, de limiter notre consommation de ressources. L'open data, quant à lui, ouvre des perspectives très intéressantes en matière de protection de l'environnement, de santé et d'amélioration du cadre de vie, et pas forcément sur le plan marchand. Tout cela est bien exposé dans le rapport de mon collègue Pascal Terrasse.
Néanmoins, le « développement durable 2.0 » achoppe sur un point fondamental : les appareils numériques présentent aujourd'hui un bilan écologique peu glorieux. Or les enjeux sont considérables, entre l'utilisation de métaux rares parfois produits dans des conditions scandaleuses comme l'illustre le débat émergent, au niveau européen, sur ce que l'on appelle les « minerais du sang » , l'énergie nécessaire au stockage des données et au refroidissement des serveurs et le manque de recyclabilité des appareils numériques.
Quel regard portez-vous sur ce point ? L'appel à projet pour les « Green Tech », lancé par la ministre Ségolène Royal, intègre-t-il cette dimension ? Il est fondamental de nous emparer de cette question et je suis prêt à travailler avec le Gouvernement si vous le souhaitez.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, l'économie collaborative permet de passer de la possession à l'usage et au service diminuant le besoin matriel en ressources, que ce soit par la mutualisation avec Autolib' ou BlaBlaCar ou par la réutilisation, avec Leboncoin notamment. Ainsi, on vend non plus des produits mais des services, ce qui est vertueux du point de vue environnemental en général.
Vous m'interrogez sur le versant négatif de la numérisation et le mauvais bilan écologique des appareils numériques. Vous avez raison : la fabrication d'un téléphone portable ou d'un ordinateur consomme des matières premières, dont des métaux rares qui ne sont pas produits en France et les ressources sont limitées. L'enjeu est de parvenir à créer des filières de traitement et de recyclage de ces appareils afin de fermer le cycle autant que possible et d'avoir un besoin limité de nouvelles matières premières.
Au niveau européen, une filière de responsabilité élargie du producteur a été mise en place pour les déchets électroniques de manière à assurer leur recyclage.
Enfin, vous avez raison, ces appareils électroniques et les serveurs consomment de l'électricité mais cela représente quelques pourcentages de notre consommation totale.
Plusieurs actions sont menées au niveau européen. La directive Éco-conception vise ainsi à faire en sorte que les équipements électroniques consomment moins d'énergie en fonctionnant. Des initiatives sont également prises au niveau national afin de réutiliser la chaleur dégagée par les serveurs pour d'autres usages.
L'initiative de l'incubateur « Green Tech », quant à elle, a deux composantes principales : un volet d'ouverture de données liées à l'environnement et à l'énergie ; la création d'un incubateur du ministère de l'environnement qui accueillera des start-up des « Clean Tech » travaillant à la réduction des consommations d'énergie ou de matières premières des équipements électroniques et des serveurs elles sont tout à fait éligibles pour en faire partie.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Bardy, pour poser une seconde question.
M. Serge Bardy. Comme le rapport de Pascal Terrasse en fait fort bien état, madame la secrétaire d'État, l'économie collaborative modifie et continuera de modifier notre modèle économique et social en profondeur.
Deux piliers du capitalisme occidental traditionnel sont particulièrement mis à mal : la propriété et le salariat. Nos sociétés sont aujourd'hui entièrement organisées sur un modèle de plein-emploi majoritairement salarié et notre protection sociale repose en grande partie sur le paritarisme.
Or, aujourd'hui, le plein-emploi n'existe plus, cela n'aura échappé à personne, et le salariat s'effrite au profit de l'entrepreneuriat sous l'effet de l'économie collaborative. Au-delà, c'est la notion même de travail qui est bouleversée dans l'économie collaborative et l'économie sociale et solidaire.
De nombreux entrepreneurs travaillent sur des projets à très haute valeur ajoutée qui ne sont pas forcément rentables au sens classique et marchand du terme je pense par exemple aux « Civil Tech » ou aux « Green Tech ».
Pour l'instant, je trouve que nous manquons de vision et j'aimerais nous entendre nous, les députés mais aussi et surtout le Gouvernement tenir un discours sur ce que sera la France dans dix ou vingt ans.
À mon sens, il est clair qu'il faut, d'une part créer les conditions pour parvenir, à terme, à instaurer un revenu universel pour tous et, d'autre part, aboutir à une réduction globale du temps de travail productif et marchand.
Cela suppose évidemment d'avoir une vision des étapes permettant d'y parvenir. Les deux premières me paraissent être l'individualisation des droits et le rapprochement des droits associés aux statuts de salarié et d'entrepreneur.
Qu'en pensez-vous ? Ne croyez-vous pas, par exemple, que le débat sur le compte personnel d'activité mériterait d'être présenté sous cet angle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, bien que l'actualité fasse souvent écho au développement des plateformes collaboratives numériques, il faut, je crois, relativiser leur part dans l'emploi total, tout en gardant à l'esprit leur potentiel important.
Le développement du travail indépendant, donc de l'emploi, constitue un objectif en soi, non pour qu'il se substitue au salariat mais pour permettre à ceux qui le préfèrent d'exercer leur métier sous cette forme je pense également à ceux qui ne parviennent pas à accéder au salariat parce qu'il est plus facile de se trouver un client qu'un patron.
Je rappelle qu'en France le travail indépendant qui connaît un regain est néanmoins plus faible que le niveau historiquement atteint, puisque, en 2013, les travailleurs indépendants sont moins nombreux qu'en 1989. En outre, le taux est inférieur de six points à la moyenne européenne.
Par ailleurs, lorsque certains qu'il s'agisse de plateformes ou de tout autre type de donneur d'ordre débordent dans le recours au travail indépendant et franchissent la ligne de la subordination juridique qui caractérise le contrat de travail, notre droit et le juge n'hésitent pas à procéder à la requalification des relations commerciales en contrat de travail. Nous disposons donc d'un cadre qui réprime très sérieusement les abus.
Enfin, concernant le dernier point que vous avez évoqué, je ne juge pas opportun le recours au droit du travail pour réguler la relation avec le travailleur indépendant. En revanche, je souhaite comme vous le dites que le compte personnel d'activité puisse permettre d'étendre certains droits individuels dont bénéficient les salariés aux indépendants et, en premier lieu, la formation.
Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour une première question.
M. Gilles Lurton. L'économie dite collaborative a aujourd'hui le vent en poupe. Je me réjouis du développement d'entreprises comme BlaBlaCar, qui favorise le covoiturage et qui connaît actuellement une véritable explosion, mais il existe aussi une économie collaborative dont les effets peuvent être dévastateurs sur certains secteurs de notre économie c'est le cas notamment de sociétés comme Airbnb pour les meublés de tourisme.
Certes, les clients de l'économie collaborative y trouvent de nouveaux services plus efficaces et surtout moins chers , mais des personnes voient dans cette nouvelle économie le moyen de produire des revenus à bon compte, voire même d'y trouver leur revenu principal.
Derrière le masque d'une économie moderne, jeune et partageuse, se cache le visage d'une économie prédatrice et clandestine qui échappe à toute réglementation.
Si le prix est aussi bas et attractif, c'est parce qu'il échappe aussi à toute déclaration et à toute imposition.
Dans les communes touristiques, nous ne comptons plus le nombre de logements, de chambres privées mis à la location sur Airbnb, ce qui constitue souvent une concurrence déloyale à l'hôtellerie traditionnelle. Pire, dans certains centres-villes, cela entraîne une véritable pénurie de logements pour les jeunes ménages, obligés dès lors de s'en éloigner.
Madame la secrétaire d'État, cette économie a besoin d'un minimum de règles pour être loyale, faute de quoi elle pourrait aussi être destructrice d'emplois, notamment dans nos communes touristiques.
Pourquoi ne pas envisager une déclaration obligatoire des acteurs de l'économie collaborative auprès des communes qui, en l'état, sont en effet pénalisées et totalement dépourvues de moyens pour faire face aux effets de cette nouvelle économie ?
Pourquoi ne pas exiger des plateformes numériques la transmission d'un récapitulatif de leurs revenus annuels à l'autorité fiscale ?
Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais savoir ce que vous envisagez de faire pour que l'économie dite collaborative soit soumise aux mêmes règles de concurrence que l'ensemble des autres entreprises d'un même secteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, le développement des plateformes collaboratives que vous évoquez, notamment Airbnb, doit être bien évidemment loyal à l'égard de l'industrie hôtelière et de la location de longue durée, mais aussi vous l'avez dit utile à l'économie touristique.
Il convient de rappeler que l'offre d'Airbnb représente 200 000 logements en France, dont 60 000 à Paris. Dans la capitale, 93 % de ces logements sont des résidences principales louées de manière occasionnelle et parfaitement légale. Le chiffre de 40 000 logements soustraits est peut-être un peu surévalué. Le phénomène est certes important et même préoccupant, mais il reste circonscrit et la mise en place des contrôles en réduira l'ampleur.
Pour le Gouvernement, il importe que ces locations de courte durée respectent les textes législatifs et réglementaires en vigueur, à commencer par la législation fiscale et sociale je l'ai dit tout à l'heure. C'est précisément ce que nous nous sommes attachés à faire ces derniers mois.
Le contrôle des activités lucratives exercées au moyen d'internet est permis grâce à la mise en place d'un droit de communication au profit de l'administration fiscale. Plus récemment, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 je sais que vous y êtes attentif, monsieur le député a également doté les administrations de sécurité sociale de cette faculté.
Au-delà de ces procédures de contrôle, des dispositions ont été prises pour établir des rapports commerciaux plus équilibrés entre les hôteliers avec les plateformes de réservation en ligne.
Outre la saisine des tribunaux de commerce et de l'Autorité de la concurrence, la loi pour la croissance et l'activité a permis notamment d'adopter le contrat de mandat, d'interdire la clause générale de parité tarifaire et l'obligation de faire apparaître une information loyale, claire et transparente.
En effet, il importe de favoriser une meilleure application du droit social et du droit fiscal en s'assurant de la connaissance du droit par les utilisateurs. Tel est l'objectif des mesures adoptées au mois de décembre dernier instaurant, je le rappelle, une obligation d'information générale des plateformes à l'attention des usagers sur la législation en vigueur, la remise systématique aux utilisateurs d'un récapitulatif annuel des recettes générées sur la plateforme lorsque celle-ci a connaissance des transactions réalisées, enfin, la certification par les plateformes du respect de leurs obligations sous le contrôle de l'administration fiscale.
Je sais, monsieur le député, que ce sujet constitue une préoccupation pour les professionnels comme pour la représentation nationale, ainsi qu'en ont témoigné les débats sur le projet de loi pour une République numérique.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour une première question.
M. Frédéric Lefebvre. Je souhaite évoquer plusieurs sujets relatifs à l'économie collaborative, madame la secrétaire d'État.
Ma première question concerne ce qui est en train de se dessiner dans notre pays et qui, de mon point de vue, engage le Gouvernement et le Parlement : je veux parler des modifications substantielles de l'organisation du travail.
Très clairement, le salariat est en train de passer de mode dans une grande partie de l'économie de notre pays.
J'ai quant à moi formulé des propositions nouvelles concernant le RSI voilà quelques jours, comme vous le savez sans doute, à la suite de la visite d'une entreprise sise tout près de la tour Eiffel, Illumination Mac Guff.
Je souhaite ainsi que les commerçants et les artisans bénéficient de la liberté d'affiliation au RSI et puissent souscrire des assurances privées dans le cadre, bien évidemment, d'un cahier des charges défini par l'État ou se diriger vers le régime général, lequel devrait être adapté en termes de protection et de cotisation.
Je travaille également à la définition d'un contrat adapté à cette économie collaborative, intégrant la disruption un jeune de 27 ans me disait récemment qu'il avait connu 17 emplois différents, parfois dans le cadre salarial, parfois pas et assurant bien évidemment la protection, notamment par la portabilité des droits.
Il est donc nécessaire c'est notre devoir de faire évoluer les statuts existants. La loi défendue par votre collègue Myriam El Khomri permettra de débattre d'un certain nombre de questions mais, de mon point de vue, il importe aussi de favoriser la création d'un nouveau statut plus adapté.
Je le répète : s'agissant du RSI, il faut enfin bouger car des gens, vous le savez bien, se trouvent dans une vraie misère.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, je vous répondrai tout d'abord sur l'évolution du marché du travail qui, vous l'avez dit, se caractérise par une mobilité accrue des travailleurs.
Une telle évolution peut soulever des problèmes, vous l'avez également dit, dans un système où nos droits sociaux ont été initialement conçus en lien avec l'emploi salarié à partir de la norme du CDI dans le cadre du salariat.
Dans ce contexte, l'idée de rattacher des droits aux individus et non à l'emploi doit permettre de garantir une continuité qui couvre les différents statuts rencontrés ou choisis dans un parcours professionnel.
Vous l'avez évoqué : le compte personnel d'activité auquel serait rattaché l'ensemble des droits s'inscrit dans ce contexte et figurera dans le texte de Myriam El Khomri qui vous sera présenté dans quelques jours.
J'ai eu l'occasion de le rappeler : plus généralement, les droits sociaux des travailleurs indépendants ont été améliorés ces derniers mois même si j'entends vos remarques et vos propositions.
L'effort se poursuit. Au-delà de l'état des lieux qui existe et qui permet de constater un certain nombre de difficultés, nous devons avancer.
Et si vous me permettez, monsieur le député, de m'exprimer sur les propositions que vous faites, je crois qu'il faut être prudent, parce que le RSI, même s'il pose des problèmes sur lesquels nous travaillons est tout de même un système qui assure la protection sociale des indépendants. Recourir à l'assurance privée individuelle, sans forme d'obligation, pourrait être dangereux.
M. Frédéric Lefebvre. J'ai dit qu'il y aurait un cahier des charges obligatoire !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. J'entends bien, mais je répète qu'il faut être très prudent.
La réforme du barème de cotisation minimale, qui a permis de baisser cette cotisation et d'améliorer les droits, est une avancée majeure, notamment pour les indépendants, et surtout pour ceux qui ont des revenus modestes il faut aussi le rappeler. L'amélioration des droits sociaux et le regroupement des droits dans le compte personnel d'activité constituent un ensemble cohérent et pragmatique pour répondre aux besoins de sécurité des indépendants, nouveaux et anciens, mais aussi pour libérer l'activité.
Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les entreprises de l'économie collaborative représentent un levier de croissance puissant pour notre pays, et le récent rapport de notre collègue Pascal Terrasse, que je tiens à saluer pour son initiative et la pertinence de son analyse, est éloquent à cet égard. Il précise en effet que ce secteur représentait un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros en 2014 et qu'il pourrait atteindre 7,5 milliards d'euros en 2025.
Ce secteur souffre pourtant d'un problème majeur : la faible capacité d'investissement de notre pays dans ces nouvelles entreprises. Si les entreprises de l'économie collaborative doivent à terme être mieux encadrées, elles doivent aussi être davantage encouragées par les pouvoirs publics. Elles représentent en effet un atout incontestable et inestimable pour nos territoires. Dans ma circonscription, le pôle tarnais de coopération économique, Les Ateliers, à Castres, est un exemple tout à fait innovant et assez exceptionnel, car il regroupe plusieurs activités : la vente de produits locaux en circuit court, la location d'espaces en coworking, ainsi que plusieurs modes de financement participatif.
De tels lieux doivent absolument être préservés, car ils représentent des vecteurs de création d'emplois non délocalisables, ce qui est un élément important, et donc indispensables à l'attractivité économique de nos régions. Pour contribuer au développement de ce secteur, il est donc nécessaire de lui donner des moyens et de piloter une politique économique ambitieuse, notamment au niveau régional.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d'État, les moyens que l'État peut et compte allouer aux territoires pour leur permettre de soutenir ce genre d'initiatives locales ? Certes, French Tech est un excellent dispositif pour valoriser nos start-up, mais il est limité aux métropoles et laisse de côté nombre de territoires ruraux.
Enfin, pour financer le développement de l'innovation, M. Macron a proposé la création d'un fonds de pension à la française. Où en sommes-nous de ce projet ? Et serait-il possible d'envisager qu'il puisse intervenir dans ce domaine d'activité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, votre question en contient en réalité plusieurs !
Je voudrais évoquer d'abord le problème de la création, du développement et du soutien des entreprises, en commençant par rappeler toutes les actions que le Gouvernement a engagées en ce sens. Vous évoquez le développement d'une activité économique ancrée dans les territoires. Les entreprises concernées peuvent prendre des formes diverses, celle d'entreprises individuelles, mais aussi toute autre forme d'entrepreneuriat.
Les micro-crédits et les prêts d'honneur d'associations, comme l'Association pour le droit à l'initiative économique l'ADIE , peuvent répondre à certains besoins dans nos territoires, notamment pour des microentreprises. Il existe également des compléments d'accompagnement, notamment avec le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise le NACRE , les prêts à taux zéro. Je mentionnerai encore les financements spécifiques dans les quartiers prioritaires ou les dispositifs de garantie pour faciliter l'emprunt, par BPI France ou la SIAGI, sans oublier les nombreux dispositifs mis en uvre, soit par les collectivités territoriales, que vous évoquiez, notamment par les régions, dont le développement économique est l'une des compétences, soit par des acteurs privés.
En matière de soutien à l'embauche, je ne citerai que l'aide à l'embauche de 2 000 euros par an et par salarié recruté, inscrite dans le plan pour l'emploi, en précisant par ailleurs que la moitié des entreprises a bénéficié du CICE et du pacte de responsabilité, qui étaient destinés aux TPE et aux PME, ce qui a fait baisser le coût du travail. Vous savez, enfin, qu'une baisse de charges interviendra dans quelques mois.
L'enjeu essentiel est celui de l'accès à ces dispositifs : comment faire en sorte que des entreprises qui souhaitent s'installer, qui souhaitent se développer, aient connaissance des dispositifs existants ? Je conduis actuellement des travaux pour répondre à ce besoin des entreprises, pour faire en sorte qu'elles aient connaissance des dispositifs qui peuvent les aider à s'installer et à se développer, depuis la création du premier emploi jusqu'à l'ouverture à l'export. Tel est, je le répète, l'enjeu essentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour une seconde question.
M. Philippe Folliot. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur la situation des travailleurs dans le secteur de l'économie collaborative. Majoritairement, les intervenants dans ce domaine choisissent le statut d'indépendant, notamment celui de micro-entrepreneur, qui a succédé à celui d'autoentrepreneur.
Or des voix se lèvent pour demander que des droits soient reconnus à ceux qui se lancent dans ces nouvelles activités. La professionnalisation de l'activité sur ces plateformes a en effet créé des situations problématiques : contournement du statut de salarié par celui d'indépendant, travail dissimulé, développement de la multi-activité, émergence d'une nouvelle forme de précarité. Comme tous les travailleurs indépendants, ces professionnels font face à une absence de couverture obligatoire de certains risques sociaux et ont souvent des droits inférieurs à ceux des salariés, en matière notamment de retraite ou de prévoyance. Cela ne manque pas de poser des problèmes.
En outre, les indépendants, qu'ils soient commerçants, artisans, ou qu'ils exercent une profession libérale, se plaignent des lourdeurs administratives et demandent, de manière récurrente, une simplification des démarches auxquelles ils sont soumis, notamment une simplification du bulletin de paie, dont les lignes de cotisations, du reste, ne cessent de se multiplier.
Il serait utile et opportun, madame la secrétaire d'État, que nous sachions ce que le Gouvernement compte faire pour simplifier les choses. Il importe évidemment que nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à se trouver dans cette situation, paient leurs cotisations, mais il faut aussi qu'ils aient des droits sociaux à la hauteur de ces cotisations, et surtout que leur régime juridique soit simplifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, avant d'aborder le problème de la simplification, je vais répondre à votre question relative aux micro-entrepreneurs qui s'installent et qui souhaitent développer leur activité.
Je veux d'abord préciser que ces micro-entreprises doivent s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et faire le stage préalable à l'installation, comme les artisans classiques. Ils doivent par ailleurs s'acquitter de la cotisation foncière des entreprises après deux ans d'activité et justifier des mêmes qualifications professionnelles que les entrepreneurs classiques, vérifiées par les chambres des métiers je crois qu'il est important de le préciser.
En parallèle, les régimes micro-fiscal ou micro-social ont été alignés en termes de plafond, pour que la simplicité du régime, qui tient à la déclaration d'un chiffre d'affaires et au paiement de prélèvements forfaitaires libératoires, joue à plein. On a trop tendance, monsieur le député, à assimiler le régime de la micro-entreprise à ce qu'étaient précédemment les autoentrepreneurs. Or nous avons tenu, dans la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, à simplifier et à rééquilibrer un certain nombre d'inégalités.
Aujourd'hui, les micro-entreprises sont soumises à des obligations très similaires à celles que connaissent les entreprises classiques, même si l'on peut entendre, ici ou là, des critiques persistantes dénonçant une concurrence déloyale. Je crois qu'il était important de rappeler les obligations auxquelles doivent se soumettre ceux qui ont choisi le régime de la micro-entreprise.
Vous soulignez également la nécessité d'une simplification administrative. Ce gouvernement y travaille régulièrement, en présentant tous les six mois un projet de loi de simplification, et nous poursuivons ce travail engagé dès 2012.
Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, permettez-moi tout d'abord de féliciter M. Michel Moreau, qui vient d'être nommé il y a quelques instants aux hautes fonctions de secrétaire général de l'Assemblée nationale, en remplacement de Mme Corinne Luquiens, qui va rejoindre, sur l'initiative du président de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel. À travers ces deux fonctionnaires, c'est l'ensemble des fonctionnaires qui nous accompagnent durant nos travaux que je voudrais saluer. Et je songe notamment, en l'occurrence, aux travaux que j'ai menés dans le cadre de la mission sur l'économie collaborative, que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.
Le rapport que j'ai rendu, et dont il a été question cet après-midi, reposait sur un constat assez simple, à savoir que la part de l'économie collaborative dans notre économie globale se développe très vite beaucoup plus vite que ce que l'on peut imaginer. Vous le voyez : le temps politique, parfois, n'est pas adapté à ce nouveau temps économique.
J'ai donc fait dix-neuf propositions, que certains de mes collègues ont aimablement évoquées, et qui visent à relever les défis qui sont devant nous.
Il convient d'abord de libérer le potentiel et la croissance de l'économie collaborative. L'idée, au fond, est de ne pas la brider, de ne pas l'arrêter, mais au contraire de l'accompagner ; la puissance publique a un rôle indéniable à jouer en la matière.
Ensuite, il est nécessaire de garantir le fonctionnement loyal et transparent de ces plateformes certains de mes collègues l'ont rappelé , notamment au profit des consommateurs. Il y a là un souci d'équité vis-à-vis des acteurs de l'économie traditionnelle.
Le troisième objectif est de mieux accompagner les parcours professionnels des travailleurs de ce secteur. Certains de mes collègues Philippe Folliot notamment ont fait référence au compte personnel d'activité et aux micro-entrepreneurs.
Il reste la question fiscale, celle de la juste contribution des acteurs de l'économie collaborative, qu'il s'agisse de particuliers ou de professionnels : cela fera l'objet de ma seconde question.
Madame la secrétaire d'État, face aux enjeux que je viens de rappeler, et compte tenu des propositions que j'ai formulées, pouvez-vous nous faire part de l'intention du Gouvernement pour répondre aux attentes des consommateurs, des salariés et des citoyens, qui quelquefois, dans cette économie, sont d'ailleurs les mêmes personnes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, je veux tout d'abord vous féliciter et saluer toutes les propositions de qualité que vous avez faites dans votre rapport. Je sais qu'elles sont le fruit de nombreuses auditions et d'une large consultation en ligne, et elles ont fait l'objet d'une expertise de la part du Gouvernement. Je vous remercie vivement pour les travaux que vous avez menés.
En ce qui concerne les grands enjeux, que vous avez rappelés, et pour accompagner ce développement de l'économie collaborative, qui va très vite, le Gouvernement doit répondre à plusieurs exigences. Puisque vous avez annoncé que vous aborderiez le volet fiscal dans votre seconde question, je me concentrerai ici sur deux exigences complémentaires qui concernent plus particulièrement le portefeuille qui m'a été confié.
La première exigence est celle de l'équité réglementaire par rapport aux acteurs traditionnels. Je prendrai deux exemples. En ce qui concerne la location de meublés de courte durée, nous devons nous assurer, pour ceux qui la pratiquent, du respect des règles de changement d'usage et des outils de suivi du développement du secteur collaboratif, et poursuivre notre modernisation du secteur de l'hôtellerie. C'est une préoccupation très forte de ce secteur. S'agissant de la restauration à domicile, un travail à deux niveaux doit être effectué : évaluer la pertinence des règles applicables aux restaurateurs et définir le niveau adapté de normes que devra respecter la restauration collaborative.
Cela rejoint la seconde exigence qui guide notre action : l'information et la protection du consommateur. Les dispositions du projet de loi pour une République numérique favorisent le fonctionnement loyal et transparent des plateformes intermédiaires. Des questions très concrètes se posent sur les règles qui doivent être appliquées. Pour rebondir sur le sujet de la restauration, comment s'assurer, par exemple, que la consommation d'alcool dans des prestations à domicile ne porte pas atteinte à la sécurité des consommateurs ?
Monsieur le député, que ce soit en termes de protection, d'information des consommateurs ou d'équité réglementaire et fiscale avec les acteurs traditionnels, le Gouvernement s'attelle à apporter des réponses pragmatiques et justes aux questions soulevées par le développement de ces nouvelles formes de consommation. Il s'appuiera sur vos recommandations qui tracent un chemin pour atteindre cet objectif.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour une seconde question.
M. Pascal Terrasse. Madame la secrétaire d'État, à la suite des avancées de la loi de finances pour 2016, les particuliers qui proposent des services relevant de l'économie collaborative reçoivent désormais, par le biais des plateformes, annuellement, un relevé des revenus qu'ils ont perçus ainsi qu'un rappel de leurs obligations fiscales tel est le dispositif qui a été voté en loi de finances rectificative , à charge évidemment pour eux de se rapprocher des services fiscaux pour faire leur déclaration.
Toutefois, force est de constater qu'une des principales revendications des professionnels traditionnels est l'équité fiscale vous venez de l'évoquer. Pour l'assurer, le Gouvernement envisage-t-il, en résonance avec les propositions que j'ai formulées, de s'assurer que les revenus générés soient effectivement soumis à fiscalité ou, en tout cas, à contribution de la charge publique pour intégrer notre pacte social ?
Vous le savez, je me suis efforcé, tout au long du rapport que j'ai remis, de différencier ce qui relève d'une activité de professionnel de ce qui relève d'une activité de particulier. Vous avez évoqué à l'instant la question du logement : un propriétaire peut louer quelques semaines durant ses vacances un logement qu'il habite de manière permanente, sans que cela nécessite la perception d'une fiscalité. En revanche, dès lors qu'il en fait quasiment un métier, il entre dans le champ de l'économie dite traditionnelle, au même titre qu'un loueur de gîte ou de chambres d'hôte : il convient alors de satisfaire le besoin d'équité.
La difficulté, vous l'avez soulignée en répondant à un de mes collègues, est qu'il faut recourir au rescrit fiscal. L'administration de Bercy doit se mettre au travail pour préciser la fiscalité par métier, voire établir des fiches métier par secteur d'activité, ce qui est difficile, car la frontière entre professionnels et particuliers est toujours délicate à fixer. Nous devons rapidement réfléchir à cette frontière pour prévenir des risques de déconvenues de la part des acteurs de l'économie collaborative. Quelle est la position du Gouvernement en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, comme je l'ai déjà souligné lors d'une séance des questions au Gouvernement et comme je l'ai rappelé cet après-midi, l'économie collaborative n'est pas une zone de non-droit : c'est une nouvelle forme d'économie, dont il convient de soutenir le développement et à laquelle il faut s'adapter.
Ce développement doit se faire de manière loyale et, surtout, équitable vis-à-vis des acteurs traditionnels, notamment les hôteliers et les restaurateurs qui m'ont déjà entretenue de la question. C'est cet équilibre que l'État doit veiller à mettre en place : Bercy y travaille, monsieur le député, avec l'ensemble des ministres concernés.
Il faut procéder à une régulation sans surréglementation. Je le répète régulièrement : les dispositions fiscales et sociales applicables aux activités de l'économie collaborative sont celles du droit commun. L'enjeu, vous l'avez rappelé, est de fixer la frontière entre activité professionnelle et non professionnelle, en fonction de son caractère habituel et de son but lucratif. La question est donc moins celle de la modification de la fiscalité que celle de son application effective et de son contrôle, les règles devant être rappelées.
Les dernières lois de finances ont amélioré le droit d'accès des services fiscaux et sociaux pour effectuer des contrôles. Vous proposez la transmission automatique des revenus : cette mesure pourrait lever des suspicions sur le respect des règles des déclarations fiscales et limiter les risques de fraude. Il faudra toutefois s'interroger sur l'application de ce principe aux plateformes historiques, notamment téléphoniques, puisqu'un ensemble de plateformes seront concernées. C'est une perspective intéressante qui facilitera le préremplissage des déclarations. J'y suis favorable à titre personnel. Elle nécessite toutefois un travail important et préalable de clarification sur la fiscalité applicable.
Mme la présidente. Nous terminerons avec les deux dernières questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
M. Frédéric Lefebvre. Madame la ministre, il est inutile de vous dire que je n'ai pas été satisfait de votre réponse relative au RSI, notamment lorsque vous avez laissé entendre que les assurances privées pourraient représenter une moindre protection des entrepreneurs et des travailleurs indépendants, alors que, vous le savez, ils sont aujourd'hui malheureusement moins bien protégés que les salariés.
Ce que nous entendons sur ces bancs depuis le commencement de ces questions sur l'économie collaborative me conduit à vous rappeler avec force ce que je répète depuis des mois, à savoir que notre système économique et social est à bout de souffle. Il est inadapté à la réalité du monde d'aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je défends avec force l'idée de l'allocation universelle qui, seule, pourra être à même de répondre à l'effet de ciseau qui fait que, depuis quarante ans, nous sommes passés de 400 000 chômeurs à plus de 6 millions et 8,5 millions de pauvres. Dans le même temps, l'endettement a explosé puisqu'il est passé de 20 % à 97 % du PIB et les prélèvements obligatoires sont passés de 35 % à 45 %. Alors que le MIT nous annonce que 50 % des emplois sont automatisables, que chacun peut constater les dégâts actuels dans les services et qu'un rapport prévoit la destruction de 3 millions d'emplois dans les dix prochaines années, notre débat ne porte que sur les rustines à placer pour pallier les défaillances de tel ou tel secteur, et cela dans une complexité inouïe, puisque plus personne n'y comprend rien.
Alors que j'ai rencontré hier un commerçant qui dort dans sa cave, faute d'avoir trouvé un autre moyen pour continuer de payer ses salariés, ou que d'autres rognent sur leurs retraites pour la même raison, on me répond qu'il faut prendre le temps des réformes. Non, il n'y a plus le temps ! Il y a urgence. Il faut aujourd'hui se mettre autour de la table je ne suis pas le seul à être de cet avis : d'autres le partagent sur d'autres bancs pour bâtir un nouveau modèle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, je ne peux pas laisser passer sans réagir vos propos sur le RSI, qui répond de manière insatisfaisante, j'entends bien
M. Frédéric Lefebvre. Ah bon !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Je connais suffisamment de commerçants et d'artisans pour savoir quels problèmes pose le RSI depuis 2008. Nous travaillons à améliorer son fonctionnement. Nous avons fait le constat des difficultés rencontrées et, je le répète, nous travaillons à améliorer ce régime.
M. Frédéric Lefebvre. Libérez !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Je connais votre attachement à la proposition consistant à remplacer l'ensemble des aides sociales par une allocation universelle mensuelle. Le Conseil national du numérique a récemment présenté ses travaux sur le sujet à Mme El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Convenez toutefois que le lien avec l'économie collaborative, qui nous occupe cet après-midi, est assez indirect.
M. Frédéric Lefebvre. Il est très direct, au contraire, puisque c'est un nouveau modèle !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Les risques sociaux couverts par les aides de l'État et des collectivités territoriales visent des publics bien plus larges que les seules personnes qui lancent une activité professionnelle sur les plateformes numériques. Je m'attache au sujet spécifique que nous avons à traiter cet après-midi.
M. Frédéric Lefebvre. L'économie change !
M. Gaby Charroux. A-t-on le droit de dialoguer avec l'orateur, madame la présidente ?
Mme la présidente. Seule Mme la secrétaire d'État a la parole, et M. Lefebvre le sait parfaitement.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. M. Lefebvre a effectivement l'habitude des débats !
La question que vous soulevez est celle des droits sociaux des individus. Selon vous, l'allocation universelle serait un moyen d'assurer un revenu de subsistance à chacun, quel que soit son statut sur le marché du travail salarié, indépendant, agent public, personne en recherche d'emploi.
Si cette question est pertinente dans un contexte où la mobilité professionnelle entre ces différents statuts s'accélère, le Gouvernement a choisi d'emprunter une autre voie, que vous pourriez considérer comme une première étape : elle consiste à rattacher les droits aux individus et non plus seulement à l'emploi, afin de garantir une continuité qui couvre les différents statuts rencontrés ou choisis dans un parcours professionnel. La réflexion sur le compte personnel d'activité s'inscrit dans ce contexte et sera défendue par la ministre du travail dans son projet de loi. Ce compte personnel d'activité permettra aux travailleurs qui passent d'un statut à un autre de conserver leurs droits, notamment leurs droits à la formation, pour disposer à tout moment de la possibilité de faire évoluer leurs compétences en fonction de leurs choix de parcours.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour poser la dernière question.
M. Gilles Lurton. Madame la secrétaire d'État, l'économie collaborative recouvre à la fois des plateformes d'échanges de biens et de services entre particuliers, sans recherche de profit, et des plateformes d'offre commerciale. La France est en pointe dans ce domaine avec 276 plateformes, dont 70 % françaises, actives sur le marché français. C'est un secteur en plein essor, incarné par une génération d'entrepreneurs plein d'audace, qui tend à faire évoluer notre modèle socio-économique et qui peut concurrencer, voire bousculer, les activités traditionnelles. C'est un secteur que nous devons encourager à la fois pour le développement économique et pour la préservation de notre environnement. Tous, ici, nous voulons faciliter le développement des sociétés de covoiturage.
La société française BlaBlaCar emploie plus de 350 personnes et le nombre d'utilisateurs de la plateforme est passé de 3 millions en 2013 à 20 millions l'année dernière. Ces chiffres induisent cependant une courbe inverse pour la fréquentation de certains trains, puisque la start-up a fait perdre presque 1 million d'utilisateurs à la SNCF, ce qui représente un manque à gagner de presque 80 millions d'euros.
Je l'ai souligné lors de l'examen du projet de loi Macron : nous ne sommes pas opposés au développement du covoiturage, bien au contraire, à partir du moment où le consommateur y trouve son compte. Nous ne sommes pas opposés non plus au développement du transport par autocar sur notre territoire, à partir du moment où il facilite les déplacements de nos concitoyens à des prix défiant, du moins pour le moment, toute concurrence.
Nous craignons toutefois que ce développement ne mette en difficulté les lignes de transport express régional, les TER, pour lesquels les déficits sont financés par les régions.
Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous encourager l'économie collaborative tout en soutenant les lignes ferroviaires, à l'équilibre déjà très fragile, indispensables toutefois au maillage ferroviaire de notre territoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur le député, l'économie collaborative permet de passer de la possession à l'usage et au service, ce qui diminue le besoin matériel en ressources, à l'image des mutualisations que chacun peut constater avec Autolib', organisé par les collectivités territoriales, ou avec BlaBlaCar, service d'une plateforme collaborative sur laquelle vous m'interrogez aujourd'hui.
Vous avez évoqué le covoiturage : le partage des frais pour un trajet vers une destination convenue à l'avance a toujours existé. Le covoiturage est économe, écologique et pratique pour nos concitoyens. Il affecte nécessairement l'ensemble des services de mobilité, plus particulièrement les moyennes et longues distances, vous l'avez rappelé. Je tiens à souligner que certains services mis en place pour des courtes distances par d'autres plateformes étaient illégaux en faisant une concurrence illégale je pense aux taxis et aux VTC.
Concernant la possible concurrence que vous évoquez entre la SNCF et BlaBlaCar, je tiens à rappeler que la SNCF a pris récemment, pour 28 millions d'euros, 75 % du capital de OuiCar, ce qui lui permettra de gonfler son offre de mobilité routière.
La SNCF parie donc elle aussi sur le covoiturage de proximité, avec OuiCar, ce qui atteste en partie que l'économie collaborative n'entre pas obligatoirement en concurrence directe avec les autres mobilités.
L'économie collaborative, économie du partage, ouvre de nouvelles opportunités à ceux qui souhaitent voyager ainsi. Il me semble qu'un grand nombre d'entre eux n'auraient pas pris le train, à en croire le profil des adeptes de cette nouvelle forme de mobilité autour de nous.
Globalement, l'essor de solutions de type BlaBlaCar ou OuiCar bénéficie souvent à l'usager, qui voit l'offre se diversifier, et contribue à la croissance de notre économie.
Si nous devons rester très attentifs à ce que le droit soit respecté et à ce que la concurrence soit loyale, je crois que l'exemple précis sur lequel vous m'interrogez, monsieur Lurton, est davantage une opportunité qu'une menace.
M. Pascal Terrasse. Absolument !
Mme la présidente. Nous avons terminé les questions sur l'économie collaborative.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 22 février 2016