Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'installation de l'Agence des PME (ADPME), structure visant à être un véritable pôle de soutien des entreprises et à coordonner l'ensemble des actions et des acteurs publics en faveur de la création d'entreprises, Paris, le 6 juillet 2001.

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Circonstance : Installation de l'Agence des PME (ADPME) à Paris le 6 juillet 2001

Texte intégral

INSTALLATION DE L'ADPME
Intervention de M. Laurent FABIUS,
Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie
VENDREDI 6 JUILLET 2001
Mesdames et Messieurs,
Longtemps placée sous une mauvaise étoile, la création d'entreprises bénéficie aujourd'hui dans notre pays d'une conjonction nettement plus favorable. Les liens entre créations d'emplois et créations d'entreprises sont mieux compris. La révolution des technologies bouleverse les modes de production et les styles de vie, créant de nouvelles attentes et exigeant de nouveaux services. La compétition internationale place les nations en concurrence, faisant de l'attractivité des territoires un enjeu décisif du développement. La dégradation de la conjoncture mondiale rend plus impérieux encore le soutien à l'initiative, à l'innovation, à la prise de risque : chacun comprend qu'une entreprise qui se crée, c'est la croissance renforcée et l'emploi consolidé.
En installant aujourd'hui l'ADPME, futur pôle de développement des PME et des TPE en France, je souhaite dire mon attachement à une économie qui ne sépare pas travail et capital, où pouvoirs publics et acteurs économiques agissent en partenaires, où régions et quartiers profitent équitablement de l'activité, où l'acte d'entreprendre est clairement encouragé.
1 -Je veux d'abord réaffirmer une conviction : le développement économique se mesure largement à la vigueur de la création d'entreprises. Il y a peu, créer son entreprise était souvent subi comme un choix contraint, par le chômage de longue durée par exemple, vécu comme une mise en danger d'un parcours personnel ou d'une vie familiale, jugé même "mission impossible" face aux lourdeurs administratives et aux obstacles. Cette perception et cette réalité sont en train de changer. Entreprendre est un acte volontaire, d'inventivité et d'autonomie. L'entreprise est un lieu privilégié de la création de richesses, de la socialisation et de la formation, sachant que le richesse doit être justement partagée. L'entrepreneur est un créateur, un producteur, un employeur. De ces évolutions, je suis heureux, comme François Patriat qui, à mes côtés, suit avec compétence et efficacité ces questions.
Aujourd'hui, en effet, le désir d'entreprendre est fort : plus d'un Français sur deux déclare vouloir créer son entreprise, la proportion atteint même les deux tiers chez les jeunes de 18 à 24 ans. Près de 3 millions de nos concitoyens déclarent avoir un projet précis de création à court terme. Ces chiffres montrent que l'esprit entrepreneurial s'est développé. L'annonce spectaculaire des récents plans massifs de restructurations industrielles, qui mettent malheureusement en jeu l'avenir de milliers de salariés, ne peut ni ne doit occulter le rôle et la part des 2,4 millions de PME-TPE dans la croissance et l'emploi de notre pays. Celles-ci représentent 99 % du nombre de nos entreprises et leur nombre absolu ne cesse de croître : en 2000, 177 000 créations ont été recensées, elles ont généré plus de 300 000 emplois et près de 540 000 si l'on intègre à ces chiffres les reprises d'entreprises qui sont, en réalité, souvent des créations. En dépit d'un contexte économique international plus incertain, les résultats du 1er trimestre confirment cette tendance favorable avec un gain de 4 % par rapport à l'an dernier. Pour le Gouvernement, singulièrement pour le Minéfi, il s'agit de développer une politique d'appui aux PME/TPE, donnant à ce que j'appellerai une " économie populaire " la reconnaissance qu'elle mérite et prenant en compte, de façon harmonieuse, les besoins de tous les segments d'entreprises : entreprises innovantes, entreprises artisanales et commerciales classiques, entreprises créées par des personnes en difficulté.
2 -Soutenir, encourager, faciliter : c'est le sens de l'action que mène le Gouvernement. Les entreprises naissent et se développent grâce à l'énergie de leurs promoteurs et de leurs salariés : dans 3 cas sur 4, le démarrage s'effectue sans aucun salarié. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas l'esprit d'entreprise qui manque en France, mais un environnement qui soit encore plus favorable à l'initiative et au développement économique. Sous l'impulsion notamment du Minéfi, des progrès ont été accomplis. Mais, il faut tenir un langage de vérité : trop souvent, les entrepreneurs individuels et les responsables de PME se heurtent encore à la complexité administrative et au poids des cotisations sociales au démarrage. Sur un revenu moyen de 7 000 euros, un créateur inscrit au régime de la microentreprise paie 3 350 euros de cotisations par an tandis qu'un créateur soumis au réel simplifié se voit prélever près de 6 000 euros sur 15 000 euros de revenu moyen. Plus l'entreprise est petite, plus elle peine à accéder au financement bancaire et exige un accompagnement approprié.
Chercher à y remédier, c'est le sens des mesures actuellement mises en uvre ou en cours de préparation, en s'inspirant largement des travaux accomplis par les États Généraux de la Création d'entreprise souhaités par Lionel Jospin et au sein de la mission menée par le député Jean-Marie Bockel.
En matière d'enregistrement des entreprises, un décret clarifiera et simplifiera très prochainement les obligations des déclarants et celles des Centres de Formalités d'Entreprises (CFE). Un livret d'accueil permettra aux usagers de connaître précisément les services dont ils peuvent bénéficier gratuitement. Parallèlement, un CFE virtuel facilitera l'immatriculation des nouvelles entreprises sur le Net.
En matière de cotisations sociales, la mise en ligne d'une "déclaration unifiée des cotisations" devrait rendre service aux entreprises qui ont déjà accès à l'Internet. Pour celles qui ne sont pas encore connectées, des plates-formes d'accueil communes aux 3 caisses de cotisations sociales seront expérimentées avant la fin de cette année. Elles faciliteront l'information des cotisants et la prévention des difficultés de paiement. Ce principe sera généralisé à l'ensemble du territoire en 2002.
En matière fiscale, le dispositif d'incitation à l'investissement par les particuliers dans les entreprises non cotées - qui arrive à échéance à la fin de l'année - sera remodelé. Plusieurs mesures d'harmonisation et de simplification des régimes fiscaux, préconisées par la mission Bockel, sont étudiées dans la perspective du budget 2002.
En matière de financement, les entreprises ont besoin autant de fonds propres que d'accès au crédit. Le développement rapide des fonds de capital risque et des fonds d'amorçage doit résoudre le problème du capital de démarrage pour les entreprises à potentiel. La situation est plus complexe pour les petites entreprises artisanales et commerciales et pour les entreprises créées par les publics fragiles, le plus souvent sous forme d'entreprise individuelle. A côté du dispositif EDEN réservé aux allocataires des minima sociaux, les primes régionales et les prêts d'honneur financés avec l'appui de la Caisse des Dépôts et du secteur privé répondent partiellement aux besoins de capital de départ.
L'accès au crédit est loin d'être ouvert à toutes les petites entreprises et plus particulièrement aux entreprises nouvelles. La marge perçue sur les prêts de faible montant ne permet pas aux banques de couvrir leurs risques et leurs frais opérationnels. Le soutien de l'État en matière d'accès au crédit s'exerce surtout à travers la garantie du risque apportée par la Sofaris, qui a connu au cours des dernières années une montée en puissance remarquable, et par le Fonds de garantie d'Insertion par l'Économique, géré par l'IDES. La mise en place du prêt à la création d'entreprise a connu un démarrage relativement lent - à ce jour environ 3 400 prêts ont été décaissés - mais le rythme va s'accélérer à mesure que les banques s'approprieront cet outil.
La fonction d'accompagnement est insuffisamment assurée en France malgré l'intervention de nombreux acteurs, des chambres consulaires aux réseaux associatifs. 10 000 entreprises nouvelles, particulièrement les plus innovantes et les plus fragiles, en bénéficient déjà mais les besoins sont 4 fois supérieurs. En considérant cette mission d'accompagnement comme une formation-action, les partenaires institutionnels et sociaux accomplissent une évolution utile : cette ouverture permettra, je l'espère, d'accroître les moyens de financement futurs avec, en contrepartie, un effort d'évaluation des actions financées.
Pour s'imposer comme un fondement de notre culture économique, la création d'entreprises doit, enfin, trouver toute sa place dans notre système éducatif et universitaire. Des actions de sensibilisation commencent à se développer dans le secondaire et des filières spécialisées ont été mises en place dans l'enseignement supérieur, je pense aux modules d'initiation créés par de nombreuses écoles d'ingénieurs. Je souhaite qu'on renforce cette dimension. Mais l'école n'est pas toujours une entrée obligatoire. Beaucoup de nos concitoyens, dont le niveau de formation est faible, ont l'esprit d'entreprise et disposent de savoir-faire professionnels qui pourront désormais être validés dans le cadre de la loi de modernisation sociale. La création d'entreprises est une chance pour les jeunes mais aussi une deuxième chance pour tous ceux qui ne trouvent pas leur place sur le marché de l'emploi salarié.
3 -Dans ce contexte, nous sommes décidés à faire de nouveaux pas en avant pour la création d'entreprises. Il y a un peu plus d'un an, avec Lionel Jospin, lors des États généraux de la Création d'entreprises, j'avais parlé de " grande cause nationale " et souhaité que les pouvoirs publics encouragent concrètement l'acte d'entreprendre avec le même dynamisme que les chefs d'entreprises manifestent dans leur action. Parce que l'entreprise est le socle d'une économie ouverte, prospère, créatrice d'emplois, je suis heureux d'installer aujourd'hui, en présence de son Président Christian Marbach, l'Agence de développement pour les PME.
Le développement des PME et des TPE exige en effet un cadre institutionnel simple et stable. Les informations administratives ne manquent pas, les initiatives pour les comprendre et les appliquer non plus. Elles seront désormais rassemblées dans l'Agence des PME, véritable pôle de soutien des entreprises. Au sein d'un groupement d'intérêt économique, les 3 grands acteurs de la création et du développement des entreprises en France seront désormais réunis : l'APCE (indispensable soutien à la création), la BDPME dont chacun connaît la fonction de cofinancement et de garantie, la CDC qui joue un rôle essentiel en matière de capital risque, de garantie et de soutien aux réseaux associatifs.
Chacune de ces institutions est performante, toutes gagneront à une plus grande synergie des missions, des moyens et des personnels. De façon inédite, l'Agence permettra de coordonner l'ensemble des actions et des acteurs publics en faveur de la création d'entreprise. Elle a vocation à devenir l'interface d'information commun entre entreprises et acteurs institutionnels - État, collectivités locales, institutions financières, réseaux consulaires et associatifs. Aux premières, elle apportera une information exhaustive sur les aides et mesures prises en leur faveur. Aux seconds, elle fournira des données pertinentes sur l'évolution des différents secteurs professionnels, leurs besoins en matière de financement et d'accompagnement, la concurrence internationale, les contraintes réglementaires éventuelles. Comme vigie des réglementations en cours et en voie de préparation, l'ADPME pourra et devra alerter le Minéfi, le cas échéant, sur leur excessive complexité, leur pesanteur, parfois leurs contradictions et assurer des services pour le compte des collectivités publiques sous forme d'études, d'ingénierie financière, de gestion et d'évaluation des aides. Enfin, l'ADPME aura vocation à encourager l'offre de services financiers ou non financiers du secteur privé en cas de défaillance du marché, d'évaluer et le cas échéant de gérer certaines aides publiques. Ni les entreprises, ni les contribuables n'ont besoin d'une institution supplémentaire. Ils attendent une meilleure coordination entre les institutions existantes, une plus grande transparence et une réelle efficacité de l'aide publique. Ce sera le rôle de l'ADPME.
Simplifier, coordonner, développer - ces objectifs fondent aussi la deuxième initiative que je veux annoncer aujourd'hui le dispositif " une entreprise, une seule formalité ". D'ores et déjà, les CFE permettent aux entreprises de souscrire, dans un lieu unique et au moyen d'un seul document, les diverses déclarations administratives préalables nécessaires. Mais il faut aller nettement au-delà :
*simplifier tout d'abord les formulaires, alléger les pièces justificatives et harmoniser les procédures sur l'ensemble du territoire. C'est dans cette perspective que je souhaite que le texte de juillet 1996 relatif aux CFE soit rapidement révisé ; de même pour la mise en place, en liaison avec les ministères et partenaires concernés d'un " chèque premier salarié ", à l'image du chèque emploi service. Nous devons simplifier et -si j'osais ce néologisme- souplifier.
*mieux coordonner, ensuite, l'ensemble des organismes qui interviennent dans la création d'entreprise afin de rendre celle-ci quasi immédiate. Un effort particulier doit par exemple être mené pour réduire drastiquement le délai qui sépare le dépôt de la déclaration au CFE de la création effective de l'entreprise. Ce délai atteint aujourd'hui souvent trois semaines en raison des interventions successives des CFE, de l'INSEE qui délivre un numéro SIREN et des greffes des tribunaux de commerce qui délivrent le fameux formulaire K-bis. Pourquoi une entreprise ne pourrait-elle être réputée créée dès le dépôt de déclaration au CFE ?
*développer, enfin. La complexité apparaît davantage encore après la procédure d'immatriculation dans les relations multiples que doit entretenir l'entrepreneur avec les différents interlocuteurs publics, notamment fiscaux et sociaux. La phase qui suit la création proprement dite est la phase au cours de laquelle l'entreprise est la plus vulnérable, celle des choix de gestion et des arbitrages décisifs pour son avenir. L'entrepreneur ne doit pas avoir à se disperser entre de multiples interlocuteurs. Dans cette perspective, les missions des CFE devront être élargies à une fonction de relais vis-à-vis des administrations, par exemple en matière fiscale pour faciliter l'enregistrement auprès des centres des impôts et le dépôt de la déclaration de taxe professionnelle. De nouveaux pas devront être également franchis en matière de coordination des régimes sociaux et d'allégement des cotisations au cours de cette phase.
C'est pourquoi j'ai demandé à Christian Marbach de me présenter un plan d'action afin que le dispositif soit opérationnel au plus tard le 31 décembre 2001. Ce programme d'action prévoira notamment que toute création d'entreprise devra pouvoir s'effectuer désormais en moins de 30 minutes dans l'ensemble des CFE. Parce que créer, innover, inventer est consommateur de temps et d'énergie, j'estime qu'un entrepreneur ou candidat-entrepreneur ne doit avoir à dilapider ni l'un ni l'autre dans un labyrinthe de textes sédimentés, de services dispersés, de démarches d'une complexité rebutante. Ramener la création d'entreprises du compliqué au simple, c'est engager une réforme majeure qui répondra à l'attente des futurs ou actuels chefs d'entreprises et permettra d'accomplir un pas supplémentaire vers l'État partenaire que j'appelle de mes vux, un État qui sait que pour simplifier les procédures, il faut savoir les alléger et en supprimer. C'est l'objectif que nous pouvons nous fixer pour les semaines qui viennent, dont -sous l'autorité du Premier ministre- je m'occuperai personnellement avec François Patriat, en liaison avec nos collègues, particulièrement Elisabeth Guigou, et avec tous les partenaires concernés.
Mesdames et Messieurs, comprendre les besoins des entrepreneurs et connaître les contraintes qui pèsent sur les entreprises afin de les alléger, c'est un moyen d'affiner notre stratégie de croissance et de nous moderniser. N'oublions jamais que les PME et TPE sont les premiers employeurs de France. L'ADPME apportera un soutien efficace et durable à ces créateurs d'emplois. En assurant ses missions, elle servira l'intérêt général.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 10 juillet 2001)