Texte intégral
ALLOCUTION DE ROBERT HUE
Cher(e)s camarades,
Le congrès vient de ratifier le vote des communistes pour la désignation de leur candidat à l'élection présidentielle. Je veux d'abord vous dire combien je suis sensible à la confiance qui m'est ainsi témoignée, et combien je mesure la responsabilité qui est la mienne.
Nous venons de franchir la première étape de la mobilisation du Parti, de l'ensemble de ses militantes et militants, pour une campagne électorale dynamique, ouverte sur la société, au cur des préoccupations et des espoirs de notre peuple.
C'est à cela que nous allons maintenant travailler. Tous ensemble, comme vient de le souligner Marie-George Buffet, notre nouvelle secrétaire nationale qui va y consacrer, dans sa responsabilité d'animation du travail de la direction du Parti, son intelligence, son sens politique, sa rigueur et sa détermination.
Je sais, également, par expérience personnelle, que l'élection présidentielle n'est jamais facile pour le candidat présenté par le Parti communiste. Il n'en sera certainement pas autrement cette fois-ci J'ai cependant la conviction qu'un espace nous est ouvert. Le congrès a confirmé que nous avons la capacité de l'investir. Dès les prochains jours, je me propose d'en discuter avec les communistes eux-mêmes, à l'occasion de rencontres que nous organiserons dans un maximum de régions, de départements.
La bataille que nous engageons doit être celle de tous les communistes, rassemblés pour affronter ensemble cette échéance importante. Je veux donc, avant tout, les écouter, discuter directement avec les militantes et les militants, les élu-e-s, les responsables du Parti, et les candidates et candidats aux prochaines législatives. C'est, à mes yeux, une condition indispensable pour élaborer et conduire ensemble notre campagne.
Cher-e-s camarades,
Nous avons voulu, en décidant il y a quelques mois de mettre en chantier un projet communiste de notre temps, contribuer à répondre au besoin d'ouvrir, à la civilisation humaine en ce début de 21ème siècle, des perspectives politiques neuves
Pour cela, l'effort de réflexion et d'élaboration des communistes s'est constamment appuyé sur les réalités que vivent les femmes et les hommes aujourd'hui, en France et dans le monde.
De multiples événements ont jalonné l'actualité. Ils ont contribué à nourrir notre réflexion. Ils ont notamment montré que le besoin de perspectives neuves ne se traduit pas par l'attente de grands projets globaux sensés donner pour demain la recette du bonheur et de la paix, mais par l'exigence - souvent critique à notre égard - de réponses à des questions précises, et parfois angoissées, concernant aussi bien la vie quotidienne de chacune et de chacun que la marche du monde, et l'avenir de l'humanité.
Les attentats du 11 septembre, avec les conséquences qu'ils ont et qu'ils auront durablement sur la vie internationale, sont un événement majeur. Au-delà de l'émotion et de la détermination contre le terrorisme, cet événement nous appelle à davantage d'exigence envers nous-mêmes ; comme parti politique ; comme parti communiste. Ce qu'il révèle en effet - et avec quelle brutalité ! C'est l'ampleur des dangers qui pèsent sur une humanité, à laquelle le capitalisme mondialisé impose sa loi, au mépris des êtres humains et des peuples.
Ce que l'on peut attendre du Parti communiste ce n'est pas tant la dénonciation de cette mondialisation capitaliste que des réponses concrètes aux hommes et aux femmes, aux forces sociales et politiques qui s'inquiètent de l'avenir et s'interrogent sur la possibilité et l'efficacité de leur intervention pour changer radicalement le cours des choses.
Il y a besoin de rêve, d'utopie pour changer le monde ? Evidemment ! Et inséparablement de propositions concrètes, d'actes précis, pour ne pas installer, une nouvelle fois, l'idée que le bonheur et la paix ne pourraient qu'être des objectifs lointains, désincarnés, et pour tout dire hypothétiques.
Les rapports entre les peuples, les nations, sont-ils concevables en termes de paix, de respect mutuel, de coopération plutôt qu'en termes d'affrontements, de guerres ?
L'environnement humain est-il voué à une constante dégradation. Jusqu'à mettre en péril les grands équilibres naturels indispensables non seulement à la qualité de la vie, mais à sa préservation même?
Les êtres humains peuvent-ils espérer accéder à une liberté, une citoyenneté pleinement épanouies, les rendant maîtres enfin de leur destin individuel aussi bien que du cours de leur vie ensemble, en société ? Ou bien doivent-ils, au contraire, se résoudre à n'être toujours que des sujets et, pour beaucoup - pour la majorité de l'humanité en vérité - à subir la loi de quelques puissants qui méprisent leur dignité ?
Nous le savons bien : il existe des potentialités considérables - et elles ne cessent de s'accroître - d'affranchir l'humanité des multiples contraintes des dominations et des aliénations qu'elle subit..
Et en même temps, les dangers sont immenses d'aller vers d'autres régressions ; vers un renforcement de la soumission des peuples à l'ordre du capitalisme mondialisé. Il ne peut qu'en résulter la montée des tensions, des oppositions, des haines partout dans le monde.
Les femmes et les hommes du 21ème siècle veulent savoir si, oui ou non, ils peuvent contrarier cette logique destructrice. A cette question, pour notre part, nous répondons par l'affirmative. Et nous voulons montrer comment, en ouvrant des pistes pour rassembler sur chaque question les forces capables d'élaborer et de faire entrer dans la vie des solutions neuves, répondant aux attentes, aux inquiétudes, aux angoisses exprimées.
C'est dans ce travail, à partir de ce que vivent les femmes et les hommes, individuellement et collectivement, de ce qu'ils ressentent, de ce à quoi ils aspirent, de ce dont ils se sentent capables, que nous ancrons nos propositions communistes pour changer la société, changer le monde. C'est de ce travail des communistes, ouvert à toutes celles et tous ceux qui voudront y contribuer, que peut naître une perspective positive pour les citoyens du monde du 21ème siècle. Pour les sociétés. Pour la civilisation humaine.
Je voudrais que l'on comprenne bien mon insistance sur cette question de l'existence ou non d'une perspective d'avenir crédible, et capable de mobiliser les énergies - notamment les énergies de la jeunesse. Elle ne se résume pas au souci, par ailleurs légitime, que le Parti communiste ait un projet à proposer. C'est l'humanité en ce début du 21ème siècle, ce sont les hommes et les femmes d'aujourd'hui, qui vivent douloureusement et dangereusement ce qu'ils ressentent comme une absence de perspective, face à un capitalisme qui s'autoproclame " la fin de l'histoire " alors même qu'il est de plus en plus prédateur des peuples et des individus.
Mesure-t-on bien toutes les conséquences d'une telle situation ? Absence de perspective - c'est-à-dire sentiment qu'aucun des problèmes qui vous assaillent ne peut trouver de solution satisfaisante - c'est, pour beaucoup, synonyme de repli sur soi sur soi dans un individualisme qui pousse naturellement à considérer l'autre comme le concurrent, voire l'adversaire. C'est aussi - dans la tradition anglo-saxonne, mais à l'opposé de notre culture française, républicaine et laïque - le repli sur de petits collectifs, sur un communautarisme isolant et opposant entre eux des groupes constitués en fonction de leurs origines géographiques, ethniques ou religieuses. C'est encore le refuge dans des formes de spiritualité du désespoir et de la haine - réprouvées comme de dangereux retours à un passé révolu par les principaux responsables des différentes religions. Elles conduisent à s'isoler du monde réel et des êtres humains qui le composent, jusqu'à mépriser totalement leur vie. Elles conduisent à reporter les rêves de justice et de solidarité sur un autre monde, dont la mort recherchée serait l'unique porte d'accès. Et l'absence de perspective, c'est aussi le recours à la violence comme seule façon d'exprimer et d'exorciser la révolte et l'angoisse : c'est sur ce terreau que nait et se développe le terrorisme.
Qu'on me permette de rappeler - et chacun comprendra que ce n'est pas pour solliciter l'histoire passée mais pour mieux intervenir dans celle qui s'écrit aujourd'hui - que le communisme, en France, est né au 19ème siècle comme courant politique dans l'affrontement avec ceux qui voulaient conduire - à vrai dire : dévoyer - le sentiment de révolte des " damnés de la terre " vers la violence, vers l'action minoritaire et secrète de petits groupes organisant des " coups de main ", des attentats contre des institutions ou des représentants de l'ordre établi.
Ces pratiques terroristes dans le mouvement ouvrier ont longtemps été répandues en Europe. Elles ont commencé à reculer là où le communisme de l'époque a conquis suffisamment d'influence pour faire prévaloir la nécessité d'autres moyens d'actions. A l'inverse, dans le dernier tiers du 20ème siècle, quand il s'est s'affaiblit sensiblement, on a vu, dans de nouvelles conditions, resurgir et se développer le terrorisme actuel.
Rappeler cela c'est souligner l'ardente obligation " pour nous communistes, d'ouvrir des perspectives face à la désespérance et aux dérives auxquelles elle conduit. Nous le savions en engageant notre travail sur le projet: Nous en avons aujourd'hui la confirmation.
Ouvrir des perspectives de changement radical : pour une vie plus sûre et plus belle, aux millions d'hommes et de femmes qui composent dans leur riche diversité le monde ouvrier, le monde salarié d'aujourd'hui, et sont à la merci d'actionnaires le plus souvent invisibles, n'hésitant pas à sacrifier leur vie et leur avenir sur l'autel de la sacro-sainte rentabilité financière.
Ouvrir des perspectives aux jeunes, en contribuant à montrer que leurs rêves de concorde entre les peuples, de justice, de connaissances partagées ne sont pas vains. En cherchant avec eux les chemins à emprunter pour rassembler et agir, afin d'obtenir les moyens d'une vie digne, responsable, pleinement citoyenne, exigeant aujourd'hui les moyens de ce que nous appelons une véritable " autonomie de la jeunesse ".
Ouvrir des perspectives aux intellectuels, à toutes celles et tous ceux qui oeuvrent dans le monde de la création, de la culture et de la recherche, et que révoltent la marchandisation systématique de toutes les activités humaines et l'abaissement de la pensée critique.
Ouvrir des perspectives aux " déracinés ", à celles et ceux dont le mode de vie, parfois depuis l'enfance, est borné par le recours aux expédients, aux petits boulots, sans aucun espoir d'intégration sociale fondée sur l'emploi stable, les garanties sociales, les revenus assurés. A celles et ceux, encore, obligés de vivre chez nous dans une quasi-clandestinité parce qu'on refuse de reconnaître leur légitime revendication à appartenir à la communauté nationale ; parce qu'on refuse de les reconnaître dans leur identité d'êtres humains..
Il ne s'agit pas seulement de faire rêver à un monde meilleur pour demain. J'y insiste encore : il faut bien plus que du rêve, après les déceptions, les désillusions de la fin de 20ème siècle. Face aux frustrations, aux angoisses et aux peurs, il faut proposer des perspectives auxquelles travailler ensemble pour changer dès aujourd'hui la vie pour toutes et tous. Dans tous les domaines. Ouvrir des perspectives c'est n'exclure a priori aucune des grandes questions qui préoccupent les citoyennes et les citoyens.
Par exemple, l'angoissante question de la sécurité. Comment ne pas voir à quel point l'insécurité grandit dans notre société, et empoisonne littéralement la vie de la majorité de nos concitoyens ? Il faut ouvrir la perspective crédible d'une société sachant se débarrasser du fléau de la violence dans les rapports humains. Cela passe par des moyens réels pour une pédagogie citoyenne enseignant le respect de l'autre dans sa vie individuelle comme dans la vie de la collectivité, de la nation à laquelle on appartient. Cela implique une lutte conséquence contre " l'économie parallèle " qui, avec ses trafics et ses violences, gangrène la vie collective et installe des zones de non-droit dans lesquelles des jeunes, souvent même des enfants, sont " formés " à mépriser et à violer les lois, les règles de vie de la société. Il faut l'affirmer par des actes concrets : l'avenir de la ville est du côté du développement de la citoyenneté, et du droit à la beauté pour tous. Il ne s'agit pas seulement d'un droit au logement, qu'il est urgent d'assurer pour tous, mais, inséparablement, d'un droit à l'urbanité pour tous, afin d'en finir avec les formes d'apartheid que l'on connaît aujourd'hui, avec leurs conséquences catastrophiques. Il faut dans la ville - et aussi, ne l'oublions pas, dans le monde rural - réinventer du projet commun. Faute de quoi c'est le repli sur soi, le communautarisme et la violence qui continuent à se développer.
Ouvrir la perspective d'une société débarrassée de la violence et de l'insécurité, cela passe aussi par les moyens humains et matériels considérables à engager pour assurer aujourd'hui les missions de prévention et de répression de la justice et de la police, mais aussi pour la sécurité des installations industrielles, des moyens de communication, des concentrations urbaines. La perspective à ouvrir c'est celle d'une vie sécurisée pour tous - en matière de formation, d'emploi, de santé, d'alimentation, d'environnement, de droit à la tranquillité, etc Bref en tous domaines et en tous lieux : dans l'entreprise, à l'école et à l'université, dans les transports, les loisirs, les lieux d'habitation. Avec les moyens que cela implique en personnels hautement qualifiés et rétribués en conséquence. Et en voyant bien que le respect de l'autre que l'on doit exiger de tous à pour corollaire indispensable le respect et la reconnaissance que la société doit à toutes et à tous.
Sur cette question de l'insécurité comme sur toutes les questions de société, ouvrir des perspectives c'est contribuer à éclairer les défis, les possibilités de les relever et l'exigence de ne pas en déléguer le règlement à quelques politiques " éclairés ". Et notre ambition, l'ambition des communistes qui décident ensemble de proposer un projet politique et une autre façon de faire de la politique, c'est précisément de permettre l'intrusion des citoyennes et des citoyens dans tous les lieux - et il y en a d'autres à inventer - où se discutent ces questions et où s'élaborent ou peuvent s'élaborer des réponses.
Le projet communiste ne peut être seulement un texte de référence, établissant arbitrairement une hiérarchie des questions à traiter. Il doit déboucher sur des actions concrètes, sur des efforts tenaces pour contribuer à créer les rapports de forces nouveaux permettant d'avancer vers des solutions neuves.
Au fond, c'est à la politique elle-même qu'il faut ouvrir des perspectives. Afin qu'elle permette aux hommes d'en faire usage pour maîtriser eux-mêmes leur vie et leur destin.
Cet objectif est à notre portée. Chez une majorité de femmes et d'hommes cohabitent le rejet de la politique et l'exigence à son égard. Pourquoi cette situation nous ferait-elle peur ? Nous ne redoutons pas de voir s'affermir encore ces exigences. C'est au contraire nécessaire pour changer radicalement la situation actuelle.
Et c'est par là, par notre engagement sur tous les terrains, sur toutes les questions, avec l'objectif que toutes soient partagées, débattues, décidées par le plus grand nombre que nous pourrons faire la démonstration de l'utilité concrète du communisme.
Nous nous sommes efforcés de réfléchir au contenu de notre projet en lien avec la réalité et l'actualité. C'est dans le même esprit, en liaison avec les questions touchant à l'avenir de notre société, et, au-delà, de notre nation, de l'Europe, et du monde que je veux à présent, en partant de ce projet, évoquer quatre grands thèmes qui seront à n'en pas douter au cur des grandes échéances électorales à venir, l'élection présidentielle puis les élections législatives.
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Le premier de ces thèmes, c'est la mondialisation. Je ne veux pas répéter ici, les analyses, les arguments développés à ce propos par Michel Duffour et par d'autres camarades dans la discussion du congrès. J'y ai trouvé personnellement matière à enrichir ma réflexion, et je ne crois pas être le seul dans ce cas.
Ce sur quoi je veux attirer l'attention c'est sur le fait que la mondialisation actuelle pose en termes totalement inédits la question de l'internationalisme communiste, constitutif de notre identité.
Une longue période du 20ème siècle, débutée après 1917 et amplifiée après la seconde guerre mondiale, a été marquée par les luttes de libération des peuples, contre le colonialisme. Les communistes du monde entier - et naturellement les communistes français - y ont pris toute leur part.
Au lendemain de ce vaste mouvement pour la décolonisation et l'indépendance des peuples, l'impérialisme américain a pris le relais des puissances colonisatrices vaincues. Et dès lors, il a multiplié, partout dans le monde, les interventions multiformes pour établir un nouvel ordre : celui du capitalisme mondialisé.
Au plan économique, ce fut la création et le poids grandissant d'un certain nombre d'institutions internationales, comme le G7 - à présent G8 - l'OMC, le FMI, en dépit des résistances de l'organisation des Nations unies.
Au plan politique et militaire, ce fut l'omniprésence américaine dans de multiples Etats du monde, pour y contenir tout mouvement contraire à leurs intérêts, au besoin par la force, et l'on se souvient de l'assassinat d'Allende au Chili, des interventions au Vietnam, en Somalie, à La Grenade Et dans le même temps la vague du libéralisme submergeait les pays capitalistes développés.
C'est dans un monde beaucoup plus complexe que notre internationalisme communiste à dû se redéfinir et s'esquisser.
Prenons l'exemple de ce que l'on appelle aujourd'hui le monde arabo-musulman. Il nous est proche à beaucoup d'égard. Notamment parce que la France est - on l'oublie trop souvent - largement tournée vers la Méditerranée. Il existe dans ce monde arabo-musulman, une grande diversité des régimes politiques en place. Ils sont pour la plupart soit directement sous la coupe des Etats-Unis, soit remis au pas, militairement ou par les organisations économiques internationales, chaque fois qu'ils sont tentés de se dégager de cette domination. Quant à ceux qui y échappent, ils ne sont pas pour autant des modèles de démocratie et de respect des droits de l'homme.
Cela dit, tous présentent une caractéristique commune : les peuples y sont, le plus souvent, méprisés, humiliés ; ils vivent dans un état de misère, de dénuement renforcé par le pillage des ressources qui pourraient leur procurer les moyens de leur développement.
Cette situation, massivement installée dans l'ensemble du monde arabo-mulsulman jette des millions de femmes et d'hommes sur les routes de l'immigration. Et alors que leur identité est souvent niée dans leur pays d'origine. Elle l'est tout autant dans les pays où ils finissent par s'installer. Ainsi, en France, la grande majorité des " sans papiers " est originaire des pays musulmans du Maghreb, d'Afrique noire et, à un degré moindre, d'Asie.
Dans ces conditions, l'internationalisme ne peut se résumer à la seule lutte contre les " Etats impérialistes " - pour aussi indispensable qu'elle soit -. En rester là ce serait ne pas voir les dimensions nouvelles des questions internationales telles qu'elles résultent de la mondialisation et de l'organisation par le capitalisme du pillage de pays entiers, avec l'exploitation forcenée de leurs peuples. Et les malheurs qui en découlent : la misère, la malnutrition, la privation de soins, les épidémies, l'immigration contrainte.
Les attentats du 11 septembre ne sont pas seulement le produit d'un affrontement entre l'impérialisme américain d'un côté et de l'autre le terrorisme et les idéologies qui le nourrissent. D'où la réaction que j'ai exprimée à la fête de l'Humanité : nous sommes solidaires des Américains victimes du terrorisme, mais nous ne sommes pas " tous américains " : " nous sommes tous des citoyens du monde ".
Car depuis le 11 septembre c'est bien, avec une force et à une échelle inédites, les questions relatives aux conséquences de la mondialisation qui se trouvent posées, et plus que jamais, le capitalisme mondialisé est en position d'accusé.
C'est bien pourquoi, au-delà de l'action contre les talibans et Ben Laden, les efforts de Georges Busch visent essentiellement à une remise en ordre du monde, sous la houlette des Etats-Unis. Dans le même temps, les partisans d'une simple régulation du capitalisme sont dans un embarras grandissant, parce qu'ils mesurent de plus en plus les limites de leur politique de simple encadrement des excès du système.
Et par ailleurs la conscience grandit, au sein du mouvement anti-mondialisation qui s'est progressivement développé ces dernières décennies, que le problème n'est pas tant d'être contre la mondialisation en général que de contester le capitalisme mondialisé. Parce que nous sommes le Parti communiste nous participons à ce mouvement. Mais notre rôle ne peut se limiter à contribuer à faire nombre, même si c'est important. Nous avons autre chose à apporter pour contribuer, là aussi, à ouvrir des perspectives.
Dans ces conditions nouvelles, la dimension internationaliste de l'identité communiste s'élargit nécessairement. Elle exprime notre solidarité avec les peuples et avec les individus, dans le cadre d'un combat qui mêle étroitement contestation de l'ordre établi, dénonciation des conséquences désastreuses de la mondialisation capitaliste, propositions pour qu'un cours nouveau lui soit donné, engagement afin de favoriser de larges rassemblements au service de cet objectif. C'est aussi dans cet espace que nous situons la question actuellement posée de la lutte contre le terrorisme. Nous en sommes des adversaires résolus non seulement parce qu'il frappe des innocents avec un cynisme révoltant mais en outre parce qu'il n'a strictement rien à voir avec notre lutte contre le capitalisme. Le terrorisme est même parfaitement intégré au capitalisme mondialisé : par les trafics - d'armes, de drogues - qui le nourrissent ; par les complicités nombreuses dont il bénéficie dans certains milieux des affaires et de la finance internationale ; par l'usage qu'il fait des " paradis fiscaux " ; par les libertés que laissent à ses théoriciens et ses activistes les autorités d'un certain nombre de grands pays occidentaux.
L'internationalisme, pour nous, c'est lutter contre le capitalisme sous toutes ses formes, et contre tous les appuis dont il bénéficie. Le terrorisme est l'un d'entre eux. C'est bien pourquoi la lutte pour le mettre hors d'état de nuire ne peut être conduite sous l'autorité exclusive des Etats-Unis. Elle ne peut se limiter à une intervention militaire en Afghanistan, aux objectifs incertains et aux conséquences terribles pour un peuple déjà durement éprouvé. Oui, dès aujourd'hui la question de l'arrêt des bombardements est une nécessité. Il faut lutter contre le terrorisme par des moyens appropriés et dans le même mouvement réorienter en profondeur le processus de mondialisation. Des forces considérables sont disponibles pour uvrer dans ce sens. On les trouve partout dans le monde, mais ce n'est certainement pas la coalition organisée aujourd'hui derrière Bush et les Etats-Unis qui permettra de les rassembler.
Je viens d'évoquer les responsabilités des Etats. La France - la France en Europe - doit exercer les siennes tout autrement qu'aujourd'hui. Son autorité sur la scène internationale le lui permet. Elle peut être plus active pour restaurer le rôle de l'ONU, et contribuer à en faire l'instrument de la communauté des nations au service de la réduction des inégalités et du développement. Elle peut se dégager, dans le même mouvement, des politiques d'alignement sur des institutions comme l'Otan ou le G8, dont les exigences et le comportement aggravent les fractures et attisent les tensions.
Elle peut agir, j'en ai fait récemment la proposition, pour donner un autre contenu à la construction européenne, en proposant l'élaboration et la mise en chantier de grands projets, utiles à l'Europe et aux Européens, et efficaces dans l'établissement de nouvelles relations avec les pays du Sud.
Elle peut et doit aujourd'hui proposer l'annulation immédiate et totale de la dette des pays pauvres à l'égard des pays développés, ce qui permettrait un véritable décollage de leurs politiques d'éducation, de santé, de maîtrise de leurs ressources naturelles.
J'ai la conviction que toutes ces questions seront au cur des échéances électorales à venir, notamment de l'élection présidentielle. (à suivre)
(Source http://www.pcf.fr, le 29 octobre 2001)
ALLOCUTION DE ROBERT HUE (suite et fin)
Le deuxième thème que je veux évoquer concerne les priorités que nous proposons pour la société que nous voulons contribuer à construire.
Nous répondons depuis longtemps : priorité à l'être humain plutôt qu'à la recherche du profit. On peut avoir l'impression d'un discours convenu, que d'autres que les communistes pourraient également tenir. Mais en réalité ces choix se posent en termes nouveaux.
Ainsi à propos du profit. Le capitalisme s'attaque aujourd'hui à ce qui fut son assise pendant de siècles : les entreprises elles-mêmes. Elles ont permis son essor, elles ont installé sa puissance. et cependant il les détruit alors même qu'elles réalisent des profits. C'est la priorité - pour ne pas dire l'exclusivité - accordée à l'activité des marchés financiers, et non plus aux entreprises. Et c'est l'utilisation des progrès scientifiques et technologiques pour économiser le travail humain, et réaliser le maximum de profit hors de la sphère de la production.
Quant aux hommes, il est vrai que la recherche des moyens de leur bonheur, de leur épanouissement, de leur liberté, a toujours été au cur de l'identité communiste. Mais là encore, prenons toute la mesure du profond renouvellement auquel nous avons procédé dans nos conceptions comme dans les pratiques qui en découlent. Nous avons dépassé depuis un certain temps déjà la conception selon laquelle, pour pouvoir apporter des réponses aux aspirations fondamentales des êtres humains il fallait passer par une phase de transition - le socialisme - durant laquelle la priorité devait être donnée à la production des bases matérielles du bien être, permettant un changement des mentalités donnant aux hommes des capacités nouvelles pour prendre en main leur destin. On sait comment cette conception a pu conduire, ailleurs, à l'étatisme, au productivisme, et à la déresponsabilisation des hommes au lieu de leur engagement pour de nouveaux rapports sociaux.
On sait aussi - mais ayons garde de jamais l'oublier - que cette démarche poussée jusqu'à la systématisation, voire la dogmatisation nous a nous-mêmes, Parti communiste français, conduit, jusque dans les années soixante-dix du XXème siècle à répondre à des mouvements d'idée et d'action aussi importantes que le féminisme ou l'écologie que les questions qu'ils soulevaient étaient certes importantes mais qu'il fallait d'abord changer la société pour commencer à y répondre. Et parfois à leur reprocher de chercher à nous détourner de la lutte pour y parvenir.
Nous avons entrepris de tirer, en ce domaine comme en d'autres les leçons de l'histoire du communisme du XXème siècle. Cela nous a conduit - notamment dans le travail de ce congrès autour d'un projet communiste moderne - à une bien meilleure évaluation, à la fois des besoins des hommes et de leur capacité à entreprendre dès à présent de maîtriser leur destin. Mesurons que le changement radical de notre appréhension des questions de la transformation sociale qui en résulte doit permettre d'en rendre l'objectif beaucoup plus crédible, et donc plus mobilisateur.
Désormais, le projet communiste ambitionne de poser en termes renouvelés les priorités de la société, en indiquant des pistes pour les aborder. Mais au-delà du texte il nous faut faire " entrer tout cela dans la vie ".
Dans la logique de ce que je viens d'évoquer il n'est pas question de renvoyer à plus tard la réflexion et l'action sur des sujets comme, par exemple, la possibilité de création d'un revenu minimum d'existence ; l'éventualité de la gratuité de certains services pour des catégories de la population pour qui cela peut être vital ; l'égalité homme-femme et au-delà la place faite réellement aux femmes dans tous les secteurs de la vie nationale ; la sécurité d'emploi et de formation ; l'autonomie de la jeunesse ; la diffusion et le partage des savoirs, des connaissances ; les problèmes liés aux flux migratoires . Autant de questions que je ne développe pas ici puisqu'elles ont été beaucoup discutées et le seront encore dans la poursuite de l'élaboration de notre projet.
Par contre je veux m'attarder un instant sur une question à mes yeux fondamentale : celle de la place et du rôle que les services publics doivent y occuper. Cette question pèsera dans les débats des mois à venir - en tout cas je pense qu'elle devra être au cur de la campagne communiste, aussi bien pour l'élection présidentielle que pour les élections législatives.
C'est la situation vécue par des millions d'hommes, de femmes, de jeunes, en même temps que notre volonté politique de voir accordée une priorité effective à l'être humain, à son épanouissement individuel et collectif, qui pousse à poser comme une revendication fondamentale la nécessité d'une extension quantitative et qualitative des services publics pour la personne et la vie collective.
Et la dépense publique ?
Il faut refuser le diktat libéral voulant imposer sa diminution. C'est à son augmentation - parfois considérable - qu'il faut travailler. Cela ne peut se faire en augmentant les impôts des familles. Il faut une fiscalité plus juste. D'autres financements sont à rechercher. Le débat doit s'ouvrir par exemple sur une autre conception du crédit. Il faut également débattre des devoirs et obligations de l'Etat et des collectivités en même temps que de ceux des grandes entreprises et grands groupes financiers envers la nation, avec la nécessité d'empêcher les capitaux privés de prendre prétexte de leur éventuelle participation à des financements d'infrastructures, d'équipements ou de services ou missions de services publics, pour y rechercher de nouvelles sources de rentabilité financière au détriment des usagers et des salariés concernés.
Il convient en même temps, s'agissant des services publics, de contester radicalement les contraintes du pacte de stabilité et du traité de Maastricht. On ne voit que trop, depuis qu'elles sont en vigueur, à quels graves reculs elles ont conduit. Là encore, l'expérience singulière et l'autorité de la France peuvent être mobilisées et utilisées pour lever ces contraintes et faire prévaloir, dans notre pays et en Europe, des choix neufs et efficaces.
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Je viens d'évoquer le secteur privé. Cela me conduit à aborder un troisième thème, tout aussi central pour l'identité communiste : celui de la propriété.
L'expérience du mouvement ouvrier - celle de la commune de Paris notamment - et notre " fonds théorique " de départ, au moment de la création du Parti en 1920, nous ont conduit à estimer qu'aucun changement politique significatif n'était possible si les grands possédants continuaient de détenir les moyens de production et d'échange. Il en fallait donc l'appropriation collective. Je n'ai aucune envie de remettre en cause cette analyse. En revanche, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur les formes et les contenus que peut revêtir cette appropriation.
On sait quelle a conduit, ailleurs, à la collectivisation et, finalement, à l'étatisation. Et à l'échec, de plus en plus patent dans la seconde moitié du 20ème siècle. Alors est venu, ce fut particulièrement le cas en France, le temps des nationalisations. Avec les avancées sociales, l'efficacité économique, qu'elles ont permises, notamment après la Libération. Et avec les dévoiements qui les ont ensuite caractérisées au détriment des salariés, des usagers et des entreprises elles-mêmes.
Ce sont ces expériences qui fondent notre démarche actuelle d'un secteur public étendu à tous les domaines où c'est nécessaire et ne se limitant pas obligatoirement aux services ou aux activités que le capitalisme ne juge pas assez rentables. Je veux réaffirmer par exemple qu'un grand secteur public de l'eau est nécessaire à la France. Et je crois aussi que davantage de public dans le secteur de la santé serait bien utile pour contrer les dérives nées de la marchandisation à tous crins. Simultanément, il est indispensable d'entreprendre la désétatisation du secteur public. Cela ne signifie nullement désengagement de l'Etat par rapport à ses responsabilités. Simplement, il n'a pas à tout régenter, à décider de tout souverainement, en lieu et place des citoyennes et des citoyens. Au contraire, il faut que dans les entreprises à capitaux publics ou à mission de service public les décisions se prennent et s'appliquent avec les salariés et leurs organisations, les usagers, les élus.
Alors, quelle place, quel rôle pour le secteur privé dans ce contexte ? D'abord, et au risque de surprendre, disons qu'il faut dégager des dizaines de milliers de petites entreprises des circuits financiers et commerciaux dominés par les grands groupes.
Mais pour toutes les entreprises - principalement les grandes - se pose le problème de la façon dont elles sont gérées. Pour toutes l'exercice du pouvoir doit être profondément démocratisé et modernisé. Au-delà des droits d'information pour les salariés - qu'il faut d'ailleurs étendre et garantir - c'est donc de droits réellement nouveaux qu'il doit s'agir : droits d'intervention et de participation aux décisions sur la marche des entreprises, les choix technologiques à accomplir, les investissements à réaliser.
Personne ne peut sérieusement penser que de tels droits pourraient être un jour " octroyés " par les actionnaires - le récent texte du gratin du patronat français en témoigne - ni décidés par décret gouvernemental. Ils ne peuvent que résulter de rapports de force nouveaux, créés par des luttes multiples et diversifiées. Avec, si possible, l'appui des élus de la nation - communistes, c'est certain, et d'autres seraient les bienvenus ! - et éventuellement d'un gouvernement décidé à uvrer dans ce sens, ce qui implique que les communistes y disposent d'un poids plus important. De cela, il devra être question dans les campagnes électorales qui s'annoncent.
A ce propos, permettez-moi une courte parenthèse pour dire que je partage les avis exprimés par les délégués de Moulinex - Brandt, d'Aventis et bien d'autres : non la politique n'est pas impuissante face aux marchés financiers !
Oui, le gouvernement a des responsabilités dans ces affaires, comme il en avait hier à propos de Lu - Danone.
Je propose que, ces prochains jours, tout soit mis en uvre, à tous les niveaux, pour répondre à l'interpellation des salariés.
Parallèlement, cette conquête de droits doit s'accompagner d'une décentralisation réelle afin que les collectivités locales jouent pleinement leur rôle, et pour permettre l'essor d'une citoyenneté effective sur les questions qui intéressent la production, les services et l'aménagement du territoire. On le voit, c'est bien autre chose que le modèle fourni par les contrats Etat-régions que j'évoque ici. C'est l'engagement d'un travail à tous les niveaux, avec toutes les composantes de la vie nationale, qu'il s'agit d'initier.
Et c'est cet ensemble, qui mêle étroitement revalorisation et modernisation du service public, rôle nouveau et exigeant du secteur privé, déploiement de la citoyenneté et de la démocratie, qui peut constituer ce que nous appelons dans le projet une " nouvelle mixité ", expression qui ne se rapporte pas aux problèmes actuellement posés par l'ouverture du capital des entreprises publiques aux capitaux privés.
C'est à partir de ces conceptions nouvelles que nous cherchons à construire une alternative à l'échec de la collectivisation, comme à la chimère de la " régulation ", dont l'expérience enseigne que, dans ce cas, l'Etat se range toujours, en dernière instance, aux côtés des intérêts du capital.
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Le quatrième thème que je veux évoquer devant le congrès est, tout simplement, la politique.
Nous sommes revenus de la conception du " parti-guide ", se proclamant détenteur exclusif des bonnes solutions à mettre en uvre, et auxquelles, par conséquent, il fallait se rallier pour changer le monde. " Il ne faut pas faire à la place des gens ", disons-nous. Au-delà de la formule, quelles sont les implications pratiques de cette affirmation ?
Prenons le monde du travail. Il a connu, ces dernières années, des bouleversements considérables. Des potentialités et des exigences nouvelles s'y trouvent rassemblées. Au premier rang de ces exigences : la démocratie. Pas une démocratie se " penchant " sur le sort des salariés, les conditions matérielles et psychologiques dans lesquelles ils créent et ils produisent. Bien davantage, c'est une aspiration à être acteurs, partie prenante effective de la gestion des entreprises, de l'économie, du pays, qui gagne du terrain. Nous sommes fondés à affirmer qu'une démocratie moderne passe prioritairement par l'établissement et le développement d'une démocratie participative réelle sur les lieux de travail. Cela non plus ne se décrète pas mais se gagne.
Et ce d'autant que les possibilités d'aller dans ce sens sont nombreuses, concrètes, praticables tout de suite. Tout comme il est possible, dans la société, de mettre en chantier une véritable décentralisation des institutions. Avec, il faut bien s'entendre sur ce point, non pas " moins d'Etat " au sens libéral de l'expression, mais moins de pouvoir de l'Etat pour se substituer à ceux qui peuvent, qui doivent décider. Et inséparablement avec des moyens, " codifiés " pour être garantis, permettant le développement de coopérations renforcées entre les différentes collectivités, et une intervention citoyenne effective dans les affaires publiques.
C'est donc pour une démocratisation en profondeur des institutions et de la vie politique que nous militons. Dans ce cadre citoyen que nous appelons de nos vux, la question de notre propre politique se trouve évidemment posée. Nous ne dédaignons pas les alliances politiques, jusqu'à les conclure éventuellement par une participation au pouvoir d'Etat. Mais c'est à notre rôle au service de larges rassemblements, pour une intervention citoyenne efficace, que nous accordons la priorité. Car aussi bien sur les grands choix politiques à opérer que sur la conception même de la politique, le rôle du Parti communiste ne peut se limiter à la recherche d'accords en vue d'une participation au gouvernement.
Certes, les communistes ont fait ce choix en 1997 : je pense qu'ils n'ont aucune raison de le regretter. Par l'action des parlementaires et des ministres communistes un certain nombre de réformes ont été entreprises, qui ne l'auraient pas été si la droite était restée aux affaires. Et c'est bien grâce à cette présence qu'il en a été ainsi. Sans elle, les solutions sociales libérales se seraient systématiquement imposées, et la droite en aurait tiré profit.
Mesurons, par conséquent, sans la sur-valoriser mais sans la minorer, ce que la participation communiste au gouvernement a permis. Et mesurons aussi ce que notre absence n'aurait pas permis d'obtenir.
Voilà pourquoi je pense que le projet a raison d'avancer l'idée que s'il nous faut assumer nos responsabilités à la direction du pays chaque fois que c'est possible. Ce choix ne peut avoir de sens que dans le cadre d'une vision plus large de la transformation sociale et du rassemblement pour changer le rapport des forces.
Cher-e-s camarades,
Nous avons beaucoup travaillé pour préparer ce congrès, et nous avons aussi travaillé autrement, et mieux, avec la préoccupation constante de solliciter les avis, les idées, les propositions du maximum de communistes. Avec la volonté de respecter en toutes circonstances leur diversité, et sans esquiver aucune des critiques ou des questions dont ils souhaitent pouvoir débattre.
Au Parti communiste l'autosatisfaction n'est certes plus de mise. Mais, je le dis simplement parce que je le ressens profondément : nous pouvons être fiers du chemin parcouru ces derniers mois, et des résultats du congrès qui s'achève.
Chacune, chacun aura noté la qualité élevée de nos débats. Nous sommes parvenus, je crois, à dégager les bases d'une contribution communiste originale et ambitieuse permettant d'éveiller l'intérêt de celles et ceux, très nombreux, qui ne renoncent pas - et ils ont, ô combien raison - à l'ambition de changer le monde.
Il fallait accomplir cet effort, et dans le même mouvement nous donner des moyens nouveaux pour libérer complètement les capacités d'initiative des communistes. Nous avons bien avancé dans ce sens avec l'adoption des nouveaux statuts.
Maintenant le moment est venu pour la direction nationale qui émane du congrès, d'aider tout le Parti à se tourner résolument vers les citoyennes et les citoyens afin de leur faire connaître ce que sont les communistes : des femmes et des hommes disponibles pour l'action, porteurs d'un choix politique neuf, susceptible de dégager effectivement notre pays de l'enfermement dans une fausse alternative entre libéralisme et social libéralisme.
J'en ai la conviction : ce que nous venons d'élaborer et de décider ensemble nous procure des bases solides pour affronter les échéances électorales de 2002. Je veux, à ce propos, faire devant vous une remarque importante : dans les circonstances actuelles la candidature communiste à l'élection présidentielle peut revêtir une dimension nouvelle. Dès lors, moins que jamais elle ne peut se limiter à n 'être qu'une candidature de " témoignage ", destinée seulement à ce que s'exprime notre courant de pensée au premier tour, pour assurer ensuite - car ce serait le seul enjeu - l'élection du candidat socialiste au second tour.
Je suis convaincu que notre candidature peut être profondément utile à l'expression exigeante de choix, d'aspirations, d'idées qu'aucune autre candidature ne pourrait permettre aux électrices et aux électeurs d'exprimer.
J'ai cette conviction et donc, aussi, la conviction qu'il est à notre portée de " changer la donne " habituelle, dans laquelle on veut encore une fois enfoncer les électrices et les électeurs de gauche. Il peut leur être possible, en effet, de se dégager de la prétendue obligation qui leur serait faite de se ranger d'emblée derrière le candidat socialiste ; ou derrière tel autre qui, quels que soient aujourd'hui ses accents gaulliens, retournera demain au bercail socialiste. Ou encore derrière tel autre dont les " coups de gueule irrévocables " sont suffisamment dosés pour ne jamais couper les ponts avec le " grand frère " socialiste parce que tout simplement son existence politique en dépend.
Nous sommes aujourd'hui en mesure de peser véritablement pour faire progresser une autre vision de la mondialisation, de ses conséquences, de ses enjeux et des moyens d'en changer le cours : pour donner aux questions de la démocratie et de la citoyenneté toutes leurs dimensions et montrer, concrètement, qu'elles sont les conditions d'une autre politique et d'une autre façon de faire de la politique.
Et si les Françaises et les Français sont nombreux à exprimer ces exigences par le moyen de la candidature communiste, alors il faudra bien que tout le monde, quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle, en tienne compte.
Vous l'aurez compris, camarades, c'est avec cette ambition, cette détermination que personnellement, en m'appuyant sur la richesse de notre travail commun, je me propose d'aborder la campagne électorale. Et avec la volonté de faire tout ce qui pourra dépendre de moi pour contribuer à rassembler tous les communistes et, bien au-delà, toutes celles et tous ceux, dans leur diversité, auxquels nous proposons ce vote communiste pour faire entendre leur exigence d'une autre politique à gauche.
J'ai confiance.
J'ai confiance dans le Parti communiste. Et le Parti communiste peut avoir confiance en moi pour me dépenser sans compter dans cette campagne. Ayons confiance en nous, les communistes français du 21ème siècle : modernes, disponibles, généreux, créatifs. Nous venons de le montrer à l'occasion de notre congrès.
Cela en a surpris plus d'un : j'ai la conviction qu'ils ne sont pas au bout de leur surprise
(Source http://www.pcf.fr, le 29 octobre 2001)