Interview de Mme Juliette Méadel, secrétaire d'Etat à l'aide aux victimes, à Europe 1 le 5 juillet 2016, sur la prise en charge des victimes de terrorisme dans leur parcours administratif.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JULIE LECLERC
Ce matin, Thomas, vous recevez Juliette MEADEL, la secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux Victimes.
THOMAS SOTTO
Voilà, des victimes, toutes les victimes, et elles sont nombreuses, songez que depuis janvier 2015, 151 personnes sont mortes en France à cause du terrorisme. Juliette MEADEL, qui a d'ailleurs présidé hier un Comité interministériel de suivi des victimes. Bonjour Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Alors, il y a eu un cas médiatisé, qui vient d'être réglé, celui de Djamel CHEBOUB, il était en terrasse le 13 novembre, il a pris quatre balles, il a été amputé d'un pied, il a fallu qu'il mobilise la Presse, qu'il menace de faire une grève de la faim, pour obtenir sa carte d'invalidité. Ça s'est finalement réglé, et c'est tant mieux. Est-ce qu'il y a beaucoup de victimes en attente, aujourd'hui, en attente d'une aide, d'une attention, de victimes qui se sentent délaissées ?
JULIETTE MEADEL
Il y a énormément de victimes qui sont aujourd'hui effectivement en souffrance, et d'abord je veux le saluer, le cas de Djamel, comme vous dites, était suivi de très très près, et il avait obtenu bien entendu le statut, c'est ça aussi qui est important, c'est le statut de travailleur handicapé. Il lui manquait sa carte d'invalidité, nous sommes intervenus, et je tiens à dire ici, que lorsque l'on est amputé, ce qui est son cas, il est amputé de la jambe gauche, et il a reçu des balles dans le bras droit, ce qui fait qu'il ne peut plus s'en servir, moi je souhaite que les MDPH accordent automatiquement la carte d'invalidité pour les personnes qui sont amputées, ce sont sujet ayant été...
THOMAS SOTTO
Il faut que ce soit automatique et rapide. Voilà.
JULIETTE MEADEL
Exactement.
THOMAS SOTTO
Pour qu'il n'y ait pas d'autres cas comme celui-là.
JULIETTE MEADEL
Exactement. Ce sujet, nous l'avons réglé, et les services de l'Etat se sont pleinement mobilisés. Ensuite, oui, les victimes sont aujourd'hui, et je pense en particulier à celles qui sont encore blessées, car il y a aujourd'hui 20 personnes qui sont blessées et à l'hôpital, il y a 490 blessés et il y en a 20 qui sont encore à l'hôpital...
THOMAS SOTTO
Des victimes du 13 novembre.
JULIETTE MEADEL
Des victimes du 13 novembre. Et pour celles-ci, naturellement, nous mettons en oeuvre toute notre énergie, pour accélérer le traitement des dossiers. Vous l'avez dit, hier j'ai réuni, comme je le fais tous les deux mois, tous les acteurs. Il y a cinq ministères autour de la table, au Comité interministériel de suivi. Sur les frais de santé, par exemple, je tiens à dire que nous mettons en place, avec Marisol TOURAINE, nous mettons en place la gratuité réelle des frais de santé pour les victimes de terrorisme.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi ? Parce qu'aujourd'hui c'est pris à 100 % pendant un an. Un an, ça va vite.
JULIETTE MEADEL
Oui. D'abord, ce dispositif d'un an va être prolongé un an.
THOMAS SOTTO
Donc on passe à deux ans.
JULIETTE MEADEL
Et on va passer à deux ans. Et deuxièmement, et c'est très important, nous allons mettre en place la gratuité réelle. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les frais d'appareillage, les dépassements d'honoraires, seront intégralement pris en charge, et donc les victimes de terrorisme n'auront plus à faire l'avance des frais. C'est essentiel.
THOMAS SOTTO
Donc ça c'est pendant deux ans, désormais, 100 %, tout pris en charge.
JULIETTE MEADEL
Non, il y a deux choses. La gratuité réelle des frais, ça démarre en 2017. La gratuité réelle, ça veut dire qu'on prend en charge les dépassements d'honoraires et les frais d'appareillage, les fauteuils roulants, etc.
THOMAS SOTTO
D'accord.
JULIETTE MEADEL
Et que les victimes n'ont rien à débourser. Jusqu'à 2017, on prolonge le dispositif de 100 % aux frais de la Sécurité sociale.
THOMAS SOTTO$
D'accord.
JULIETTE MEADEL
Ce qui n'est pas la même chose, car le 100 %, tarif Sécu, ne couvre pas les dépassements d'honoraires.
THOMAS SOTTO
100 % des frais, voilà.
JULIETTE MEADEL
Voyez que c'est technique et compliqué, et ça vous donne une petite idée du travail qu'il faut faire pour simplifier la vie des victimes de terrorisme dans leur parcours administratif.
THOMAS SOTTO
Alors, le JDD affirmait dimanche que Marisol TOURAINE planchait sur un remboursement permanent et intégral des soins médicaux pour les blessures provoquées par des actes terroristes. Vous confirmez que c'est une piste aujourd'hui ?
JULIETTE MEADEL
Oui, nous allons mettre en place...
THOMAS SOTTO
Remboursement permanent et intégral.
JULIETTE MEADEL
Nous allons mettre en place, à partir de 2017, ce remboursement intégral, c'est ce que je vous dis, c'est les frais réels.
THOMAS SOTTO
Non mais là, on parle de deux ans.
JULIETTE MEADEL
Non, je recommence.
THOMAS SOTTO
Ah.
JULIETTE MEADEL
Attention, il faut être précis, hein. Premièrement, à partir de 2017, vous serez remboursé intégralement, c'est-à-dire aux frais réels, au-delà du tarif de la Sécurité sociale. C'est ça, dont parle Marisol TOURAINE, c'est ce que nous avons décidé collectivement, et ça sera mis en place en 2017, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, pour 2017. Ça c'est une première chose.
THOMAS SOTTO
2017, il y a une présidentielle, ça ne sera pas remis en cause s'il y a une nouvelle équipe, ça sera pérennisé, vous n'avez aucun doute là-dessus ?
JULIETTE MEADEL
Nous n'avons aucun doute, si c'est voté dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous n'avons aucun doute. Ça c'est une première chose. C'est une avancée. Jusqu'à ce que ce dispositif soit effectivement mis en place, donc en 2017, nous allons prolonger la gratuité aux frais de la Sécurité sociale, la gratuité du tarif Sécu, et nous allons le prolonger pourquoi ? Car c'était prévu seulement pour un an. Donc le 13 novembre 2016, ça ne s'arrête pas, ça sera prolongé jusqu'à ce que le nouveau dispositif en 2017...
THOMAS SOTTO
D'accord, ça fait le lien.
JULIETTE MEADEL
Ça veut dire qu'il faut un continuum. C'est pour ça que nous avons travaillé là-dessus, et c'était essentiel. Je ne veux pas de rupture dans le parcours et dans les remboursements de soins pour les victimes de terrorisme.
THOMAS SOTTO
Juliette MEADEL, la Commission d'enquête parlementaire, relative aux moyens mis en oeuvre par l'Etat pour lutter contre le terrorisme, va rendre son rapport tout à l'heure, on en parlait dans le journal de 07h00, les victimes entendues ont souvent critiqué leur prise en charge, parlant de « cafouillage, d'atroce préparation », je cite. Est-ce vous trouvez leur ressentiment légitime ? Est-ce que vous le comprenez ?
JULIETTE MEADEL
Il faut bien distinguer, évidemment, la souffrance au moment de l'attentat, et ensuite le suivi qui intervient après. Moi je comprends que, effectivement...
THOMAS SOTTO
Les deux sont souvent liés quand même, on ne se remet pas en quelques semaines ou en quelques mois, d'un drame pareil.
JULIETTE MEADEL
Mais exactement, et donc je comprends, en particulier quand vous avez été blessés, quand vous êtes handicapé, et n'oubliez pas aussi les chocs que l'on appelle post-traumatiques, qui sont vraiment extrêmement difficiles à vivre, moi je comprends qu'on ne supporte pas d'avoir à faire toute une série de démarches administratives. Je le comprends. Alors, nous y travaillons, c'est-à-dire que nous lançons notamment un site Internet pour simplifier les choses, nous travaillons avec tous les organismes concernés, mais vous savez, aider une victime, ça veut dire intervenir sur son indemnisation, avec le ministère des Finances, sur ses frais de santé avec le ministère de la Santé, sur son suivi et sur l'information, auquel elle a droit, avec le ministère de la Justice, sur son logement. Nous sommes intervenus pour trouver des logements pour les victimes handicapées qui ne peuvent plus rentrer dans un logement de type classique. Ça veut aussi dire intervenir, et de près, avec le ministère des Finances, car c'est le ministère des Finances qui travaille sur l'indemnisation. Donc c'est tout ce travail-là que nous menons. Chaque service public, honnêtement, fait son maximum, dans des conditions qui ne sont pas faciles, mais nous, nous mettons de l'huile dans les rouages et nous accélérons, car pour les victimes d'attentats terroristes, il n'est pas possible, effectivement, d'avoir ce sentiment en plus qui est le tracas administratif.
THOMAS SOTTO
Oui, le message que vous nous livrez, nous dévoilez ce matin, est évidemment important pour toutes ces victimes. Vous qui vous occupez des victimes au quotidien, Juliette MEADEL, est-ce que vous êtes choquée par les conditions de détention de Salah ABDESLAM, sa salle de sport, etc. ?
JULIETTE MEADEL
D'abord, je ne suis pas certaine que ces informations aient été vérifiées, sur le fait qu'il ait accès à une salle de sport, enfin, peu importe.
THOMAS SOTTO
Ah, il n'a pas une salle, en fait, il a une cellule dans laquelle il y a un rameur, voilà, pour qu'il puisse faire du sport, voilà.
JULIETTE MEADEL
Non. Moi, ce que je crois, c'est que...
THOMAS SOTTO
Ça c'est Thierry SOLERE, le député, qui visitait Fleury-Mérogis.
JULIETTE MEADEL
Oui, mais je... Franchement, d'abord, il faut le vérifier, je ne suis pas du tout certaine de ça, il est mis à l'isolement. Par ailleurs, on a un droit et on a aussi à penser d'abord aux victimes, et en même temps, il y a aussi quelque chose sur les conditions d'incarcération en France, non pas pour Salah ABDESLAM, mais depuis 25 ans, Robert BADINTER l'a toujours dit, c'est vrai qu'il faudra sans doute y travailler. Mais ne mélangeons pas tout, en l'occurrence, il est à l'isolement, et je crois qu'il ne faut surtout pas heurter, dans le climat dans lequel nous sommes, ne surtout pas heurter aussi le souvenir des victimes, dans ce type de commentaire.
THOMAS SOTTO
Voilà. Prendre soin des victimes, c'est donc votre job, Juliette MEADEL, secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux Victimes. Merci d'être venue ce matin sur Europe 1.
JULIETTE MEADEL
Merci.Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juillet 2016