Texte intégral
Mesdames et Messieurs les députés,
Je dis souvent que la réforme de lEtat est une uvre permanente, car cest sans cesse que lEtat, pour conserver son rôle crucial de garant de légalité et du pacte républicain, doit sadapter aux évolutions de la société, elles-mêmes incessantes.
Le projet de loi que je vous présente, relatif aux « droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations », est une étape de cette uvre. Je ne doute pas que vous lui ferez bon accueil, car les élus que vous êtes ont, comme le gouvernement, le souci que ladministration soit plus simple daccès, plus rapide dans ses réponses, plus lisible dans son fonctionnement, et surtout plus respectueuse des droits de ses interlocuteurs.
Jai souhaité souligner cette volonté dès lintitulé du projet, par ses termes clés « citoyen » et « droits ». Ladministration a dabord nommé ses interlocuteurs des « administrés », plus tard des « usagers ». Je vous propose de considérer la question sous langle des droits du citoyen dun Etat démocratique. Je prends ici le mot citoyen dans son acception la plus large : il sagit de celui qui, vivant dans notre société, y exerce ses droits et en accepte les règles, et non pas, bien sûr, du seul « ressortissant national » comme on entend parfois ce terme.
La voie est déjà ouverte, certes, de bonnes relations entre administrations et public ; depuis les années 70 il existe un Médiateur pour les concilier, une loi assure la communication des documents administratifs, une autre la motivation des actes administratifs ; pour les services de lEtat, lobligation daccuser réception, de retransmettre un demande mal dirigée, dentendre lusager avant une décision défavorable, existent depuis 1983 et les correspondances sont nominatives depuis 1985, elles ne sont pas appliquées sans faille, nous le savons. Mais jai lambition, que vous partagez, jen suis sûr, de franchir un pas dans la réforme de lEtat, comme je lannonçais dès ma communication du 5 novembre 1997.
Dabord, si pour le citoyen, « ladministration » cest lensemble des services publics, quils soient gérés par lEtat ou les collectivités locales, ou même par des organismes de droit privé, nous savons bien à quel point en fait ce système est divers, multiforme, dans ses modalités comme dans la nature de ses gestionnaires. Si notre administration sest ainsi construite cest que cela lui donne la souplesse nécessaire ; mais, pour le citoyen, cette souplesse devient complexité, multiplicité des procédures. Cest pour unifier cela que le projet du gouvernement inclut dès son article 1 dans son champ dapplication tout ce quentend le citoyen par « administration ». Doù une loi, nécessaire, en particulier, pour étendre à tous les services administratifs des règles déjà connues des services de lEtat, même si lapplication nest pas généralisée.
Des lois des années 70 au décret de 1983, de la circulaire de 1985 au « renouveau du service public » voulu par Michel Rocard en 1989, des améliorations notables ont été apportées. Mais dans le même temps les demandes du pays à son administration se sont multipliées, engendrant dautres procédures. Cest inévitable dans une société toujours plus complexe, mais il faut que ladministration et non lusager en supporte le poids. Or, aujourdhui, par exemple, le calcul de la date denvoi dune sommes ou dun document répond à des règles différentes devant le fisc et devant les URSSAF : désormais le cachet de la Poste fera foi pour tous ces services, voilà un exemple des simplifications que je vous propose.
Ensuite, à lusage, il sest révélé que certains textes importants comportent des lacunes ou que, le temps passant, des ajustements sont devenus nécessaires. Cest le cas, notamment pour la communication au public de diverses sortes de documents, et le projet y apporte une harmonisation.
Enfin, le rôle intégrateur des services publics reste essentiel, et même limportance de cette mission saccroît à mesure que notre société, toujours plus complexe, je lai dit, devient moins compréhensible, particulièrement aux populations en difficulté. Il faut a fortiori que le citoyen y trouve un parcours simple, connaisse le devenir de son dossier en cours, trouve lindication utile pour son problème. Jai lambition daméliorer laccomplissement de cette mission en stimulant la formule des maisons des services publics, regroupant divers services dusage courant pour les rendre plus accessibles ; elles seront le plus souvent reliées aux bureaux qui gèrent les dossiers par les nouvelles technologies de linformation et de la communication, les usagers y trouveront une aide pour sorienter dans les procédures administratives.
Pour une part, les dispositions de cette loi ne seront pas une découverte pour vous : vous aviez adopté, sur proposition de mon prédécesseur, Dominique Perben, ce qui constitue aujourdhui la dernière partie du projet : jai repris ces dispositions dès lors quelles participent dune volonté commune daméliorer les relations des administrations et des citoyens, non sans y apporter toutefois certaines innovations, pour répondre au regret exprimé par certains dentre vous, qui, lors des débats sur la loi ARAP, avaient souhaité un projet qui aille plus loin.
Certaines modifications sont directement inspirées des débats de 1997 devant les Assemblées. Ainsi, le projet du gouvernement dote les maisons des services publics dun cadre juridique plus fermement ancré dans le droit public, conformément à la demande de certains dentre vous.
Une série de dispositions nouvelles sont le fruit dun rapport du Conseil dEtat qui a fait ressortir la nécessité de mettre en cohérence les trois lois comportant pour les usagers le droit à communication de documents détenus par les administrations : la loi CADA, la loi CNIL et la loi sur les Archives publiques. Pour les améliorations de la fonction du Médiateur, elles résultent de suggestions du Médiateur lui-même.
Quant au titre I du projet, il comporte une série de mesures nouvelles qui traduisent la volonté du gouvernement de rendre ladministration et ses règles plus transparentes et plus accessibles. Ainsi, les normes de droit sont complexes et très nombreuses et lEtat doit y offrir un accès simple. Lun des moyens en est la codification. Les élus que vous êtes savent combien le code général des collectivités territoriales leur a simplifié laccès aux textes quils appliquent. Par larticle 3 du projet, le gouvernement a proposé que le législateur se joigne à lui pour affirmer une volonté commune de mener à bien cette indispensable clarification du droit. Ladoption des codes a pris du retard, cest vrai, aussi le Sénat avait-il supprimé
larticle 3. Votre rapporteur et le gouvernement vous proposeront une solution plus constructive, nous y reviendrons.
Toujours au titre I, il sera question de lobligation de mentionner les noms de lagent chargé du dossier et du signataire de la décision dans les courriers, pour plus de transparence des administrations ; il y sera question aussi de transparence dans lutilisation de fonds publics par les organismes qui en bénéficient, ce qui répond à une exigence démocratique qui saffirme chaque jour.
Vous allez être amenés au cours des débats à prendre parti sur quelques amendements nouveaux que vous présente le gouvernement. Ils ont trait à la fonction publique et dans cette mesure ils participent également de la réforme de lEtat, car sans une mobilisation de ses agents, lEtat ne peut pas mener à bien sa réforme en faveur des usagers. Il sagit, dune part, de mesures dapplication de laccord salarial conclu en février 1998 avec les syndicats de la fonction publique et, dautre part, de mesures, elles aussi largement concertées avec les partenaires sociaux, visant à accorder aux contractuels le bénéfice dune jurisprudence récente du tribunal des conflits, connue sous le nom darrêt « Berkani » et qui étend aux agents de droit privé travaillant pour un employeur public la qualité dagent public. La nécessité de stabiliser la situation au profit des agents concernés justifie lurgence de lexamen de ces amendements.
Le texte sur lequel nous débattons est celui qui résulte du premier vote du Sénat et jai regretté, bien sûr, que les Sénateurs aient préféré supprimer certains éléments du projet initial, comme lorganisation dun accès simple aux règles de droit et en restreindre dautres, comme lobligation de transparence financière pour les organismes recevant des fonds publics. Cest dailleurs pourquoi le gouvernement na pas pu se déclarer en accord avec le vote du Sénat. Mais le Sénat a aussi apporté de nombreuses améliorations que votre commission des lois vous proposera de voter, et, sur la suggestion de son rapporteur, elle a choisi de rétablir des mesures particulièrement importantes à mes yeux, telles que laccès simple aux règles de droit ou laffirmation du respect du statut de la fonction publique pour les agents des maisons des services publics par exemple.
Tel quil va sortir, jen suis sûr, de nos débats, ce texte ne manquera pas de contribuer à la défense de notre conception du service public et de son meilleur fonctionnement, à la modernisation de ladministration française, afin quelle soit à même de répondre toujours mieux aux besoins de la population et aux exigences de notre temps et ainsi de contribuer au rayonnement de notre pays, de sa conception ambitieuse de légalité des citoyens, de son attachement inébranlable au pacte républicain.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 31 mai 1999)
Je dis souvent que la réforme de lEtat est une uvre permanente, car cest sans cesse que lEtat, pour conserver son rôle crucial de garant de légalité et du pacte républicain, doit sadapter aux évolutions de la société, elles-mêmes incessantes.
Le projet de loi que je vous présente, relatif aux « droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations », est une étape de cette uvre. Je ne doute pas que vous lui ferez bon accueil, car les élus que vous êtes ont, comme le gouvernement, le souci que ladministration soit plus simple daccès, plus rapide dans ses réponses, plus lisible dans son fonctionnement, et surtout plus respectueuse des droits de ses interlocuteurs.
Jai souhaité souligner cette volonté dès lintitulé du projet, par ses termes clés « citoyen » et « droits ». Ladministration a dabord nommé ses interlocuteurs des « administrés », plus tard des « usagers ». Je vous propose de considérer la question sous langle des droits du citoyen dun Etat démocratique. Je prends ici le mot citoyen dans son acception la plus large : il sagit de celui qui, vivant dans notre société, y exerce ses droits et en accepte les règles, et non pas, bien sûr, du seul « ressortissant national » comme on entend parfois ce terme.
La voie est déjà ouverte, certes, de bonnes relations entre administrations et public ; depuis les années 70 il existe un Médiateur pour les concilier, une loi assure la communication des documents administratifs, une autre la motivation des actes administratifs ; pour les services de lEtat, lobligation daccuser réception, de retransmettre un demande mal dirigée, dentendre lusager avant une décision défavorable, existent depuis 1983 et les correspondances sont nominatives depuis 1985, elles ne sont pas appliquées sans faille, nous le savons. Mais jai lambition, que vous partagez, jen suis sûr, de franchir un pas dans la réforme de lEtat, comme je lannonçais dès ma communication du 5 novembre 1997.
Dabord, si pour le citoyen, « ladministration » cest lensemble des services publics, quils soient gérés par lEtat ou les collectivités locales, ou même par des organismes de droit privé, nous savons bien à quel point en fait ce système est divers, multiforme, dans ses modalités comme dans la nature de ses gestionnaires. Si notre administration sest ainsi construite cest que cela lui donne la souplesse nécessaire ; mais, pour le citoyen, cette souplesse devient complexité, multiplicité des procédures. Cest pour unifier cela que le projet du gouvernement inclut dès son article 1 dans son champ dapplication tout ce quentend le citoyen par « administration ». Doù une loi, nécessaire, en particulier, pour étendre à tous les services administratifs des règles déjà connues des services de lEtat, même si lapplication nest pas généralisée.
Des lois des années 70 au décret de 1983, de la circulaire de 1985 au « renouveau du service public » voulu par Michel Rocard en 1989, des améliorations notables ont été apportées. Mais dans le même temps les demandes du pays à son administration se sont multipliées, engendrant dautres procédures. Cest inévitable dans une société toujours plus complexe, mais il faut que ladministration et non lusager en supporte le poids. Or, aujourdhui, par exemple, le calcul de la date denvoi dune sommes ou dun document répond à des règles différentes devant le fisc et devant les URSSAF : désormais le cachet de la Poste fera foi pour tous ces services, voilà un exemple des simplifications que je vous propose.
Ensuite, à lusage, il sest révélé que certains textes importants comportent des lacunes ou que, le temps passant, des ajustements sont devenus nécessaires. Cest le cas, notamment pour la communication au public de diverses sortes de documents, et le projet y apporte une harmonisation.
Enfin, le rôle intégrateur des services publics reste essentiel, et même limportance de cette mission saccroît à mesure que notre société, toujours plus complexe, je lai dit, devient moins compréhensible, particulièrement aux populations en difficulté. Il faut a fortiori que le citoyen y trouve un parcours simple, connaisse le devenir de son dossier en cours, trouve lindication utile pour son problème. Jai lambition daméliorer laccomplissement de cette mission en stimulant la formule des maisons des services publics, regroupant divers services dusage courant pour les rendre plus accessibles ; elles seront le plus souvent reliées aux bureaux qui gèrent les dossiers par les nouvelles technologies de linformation et de la communication, les usagers y trouveront une aide pour sorienter dans les procédures administratives.
Pour une part, les dispositions de cette loi ne seront pas une découverte pour vous : vous aviez adopté, sur proposition de mon prédécesseur, Dominique Perben, ce qui constitue aujourdhui la dernière partie du projet : jai repris ces dispositions dès lors quelles participent dune volonté commune daméliorer les relations des administrations et des citoyens, non sans y apporter toutefois certaines innovations, pour répondre au regret exprimé par certains dentre vous, qui, lors des débats sur la loi ARAP, avaient souhaité un projet qui aille plus loin.
Certaines modifications sont directement inspirées des débats de 1997 devant les Assemblées. Ainsi, le projet du gouvernement dote les maisons des services publics dun cadre juridique plus fermement ancré dans le droit public, conformément à la demande de certains dentre vous.
Une série de dispositions nouvelles sont le fruit dun rapport du Conseil dEtat qui a fait ressortir la nécessité de mettre en cohérence les trois lois comportant pour les usagers le droit à communication de documents détenus par les administrations : la loi CADA, la loi CNIL et la loi sur les Archives publiques. Pour les améliorations de la fonction du Médiateur, elles résultent de suggestions du Médiateur lui-même.
Quant au titre I du projet, il comporte une série de mesures nouvelles qui traduisent la volonté du gouvernement de rendre ladministration et ses règles plus transparentes et plus accessibles. Ainsi, les normes de droit sont complexes et très nombreuses et lEtat doit y offrir un accès simple. Lun des moyens en est la codification. Les élus que vous êtes savent combien le code général des collectivités territoriales leur a simplifié laccès aux textes quils appliquent. Par larticle 3 du projet, le gouvernement a proposé que le législateur se joigne à lui pour affirmer une volonté commune de mener à bien cette indispensable clarification du droit. Ladoption des codes a pris du retard, cest vrai, aussi le Sénat avait-il supprimé
larticle 3. Votre rapporteur et le gouvernement vous proposeront une solution plus constructive, nous y reviendrons.
Toujours au titre I, il sera question de lobligation de mentionner les noms de lagent chargé du dossier et du signataire de la décision dans les courriers, pour plus de transparence des administrations ; il y sera question aussi de transparence dans lutilisation de fonds publics par les organismes qui en bénéficient, ce qui répond à une exigence démocratique qui saffirme chaque jour.
Vous allez être amenés au cours des débats à prendre parti sur quelques amendements nouveaux que vous présente le gouvernement. Ils ont trait à la fonction publique et dans cette mesure ils participent également de la réforme de lEtat, car sans une mobilisation de ses agents, lEtat ne peut pas mener à bien sa réforme en faveur des usagers. Il sagit, dune part, de mesures dapplication de laccord salarial conclu en février 1998 avec les syndicats de la fonction publique et, dautre part, de mesures, elles aussi largement concertées avec les partenaires sociaux, visant à accorder aux contractuels le bénéfice dune jurisprudence récente du tribunal des conflits, connue sous le nom darrêt « Berkani » et qui étend aux agents de droit privé travaillant pour un employeur public la qualité dagent public. La nécessité de stabiliser la situation au profit des agents concernés justifie lurgence de lexamen de ces amendements.
Le texte sur lequel nous débattons est celui qui résulte du premier vote du Sénat et jai regretté, bien sûr, que les Sénateurs aient préféré supprimer certains éléments du projet initial, comme lorganisation dun accès simple aux règles de droit et en restreindre dautres, comme lobligation de transparence financière pour les organismes recevant des fonds publics. Cest dailleurs pourquoi le gouvernement na pas pu se déclarer en accord avec le vote du Sénat. Mais le Sénat a aussi apporté de nombreuses améliorations que votre commission des lois vous proposera de voter, et, sur la suggestion de son rapporteur, elle a choisi de rétablir des mesures particulièrement importantes à mes yeux, telles que laccès simple aux règles de droit ou laffirmation du respect du statut de la fonction publique pour les agents des maisons des services publics par exemple.
Tel quil va sortir, jen suis sûr, de nos débats, ce texte ne manquera pas de contribuer à la défense de notre conception du service public et de son meilleur fonctionnement, à la modernisation de ladministration française, afin quelle soit à même de répondre toujours mieux aux besoins de la population et aux exigences de notre temps et ainsi de contribuer au rayonnement de notre pays, de sa conception ambitieuse de légalité des citoyens, de son attachement inébranlable au pacte républicain.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 31 mai 1999)