Texte intégral
Nous sommes réunis autour de la Cour pénale internationale. Vos travaux cherchent à éclairer sa mise en place, à mieux en cerner les conditions et conséquences. La création de la Cour est sans doute l'un des progrès les plus importants de la justice à l'échelle mondiale.
Mais nous nous réunissons au lendemain d'un acte de barbarie qui va exactement à l'inverse de ce mouvement pour la justice et la paix.
Quelques hommes armés de la volonté de détruire placent le monde, nous placent face la terreur, face à nos responsabilités. Le temps de ceux qui luttent pour la liberté n'est pas celui de ceux qui terrorisent.
Le monde entier est touché ; la réflexion de chaque responsable est accélérée. A quoi tient l'équilibre mondial ? Cette tragédie nous indique, tout au moins, qu'il ne se gagnera pas par la force; ce serait contraire à l'idée même qu'on se fait des hommes.
Je crois qu'il s'agit là de la vraie raison de notre rassemblement, aujourd'hui : la croyance en un équilibre mondial qui reposerait non plus sur la force, mais sur la Justice.
Cette idée, ce rêve peut-être, se rapproche. Il nous faut maintenir la pression pour qu'il aboutisse.
L'idée que la guerre ne peut justifier toutes les atrocités continue de faire des progrès.
Nous avons d'abord pu saluer les Conventions de la Haye, où il est explicitement question du droit des gens qui repose sur les lois de l'humanité ; toucher à ces droits, c'est atteindre, au travers des victimes, l'humanité dans son entier.
De nouveaux pas en avant vers une justice internationale ont été faits avec le Tribunal militaire international de Nuremberg, qui introduit la notion de crime contre l'humanité, et les Conventions de Genève du 10 août 1949, qui créent l'obligation de poursuivre les criminels de guerre présumés.
Enfin, en1994, la Commission de droit international recommande à l'Assemblée générale des Nations unies la tenue d'une conférence internationale pour conclure une convention relative à la création d'une cour pénale internationale.
Ce projet a pu voir le jour grâce au consensus obtenu au sein du Conseil de sécurité, mais grâce sans doute aussi à la création, en 1993, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
L'opinion publique a joué un rôle important dans ce mouvement, en particulier après les événements de Bosnie et du Rwanda, mais je voudrais souligner et saluer l'action des organisations non gouvernementales - vous qui avez formé la Coalition française pour la Cour pénale internationale, vous êtes certainement les mieux placés pour en apprécier l'efficacité.
Ce mouvement en faveur d'une Justice internationale ne concernait donc plus seulement, comme cela avait été le cas après la première et la deuxième guerre mondiale, des pays " vainqueurs ", mais tous les États du monde ainsi que leurs sociétés civiles.
Nous savons que pour autant les négociations n'ont pas été faciles : les résistances étaient à la mesure de l'idée de la souveraineté des États.
Mais elles ont abouti, et le 17 juillet 1998, 120 Etats, dont la France, se sont prononcés en faveur du statut de la Cour pénale internationale, contre 7 et 21 abstentions.
La France a signé ce texte dès le lendemain, le18 juillet 1998, et elle l'a ratifié le 9 juin 2000, après avoir procédé à la nécessaire révision constitutionnelle.
L'avancée considérable que représente la Cour tient d'abord à son caractère permanent : à la différence des tribunaux ad-hoc, sa compétence n'est pas limitée aux crimes commis au cours d'un conflit, pour une région ou une période données.
Autre point à souligner, la Cour entretiendra une relation unique avec les Nations unies : en effet, en tant qu'institution créée en vertu d'un Traité, elle ne sera pas administrée par l'Assemblée générale, mais par celle des États parties. Ce qui signifie que les Etats engagent leur propre responsabilité.
L'adoption du statut de la Cour a représenté un pas important, mais il faut poursuivre sans tarder :
Il faut obtenir à présent les 60 ratifications nécessaires à l'entrée en vigueur du statut. 38 pays ont à ce jour ratifié le statut de la Cour et l'on peut raisonnablement penser qu'il pourra entrer en vigueur dans les deux ans à venir.
Mais il faut également que les États adaptent leur législation interne pour poursuivre les crimes visés par le statut, et qu'ils mettent en place un système de coopération avec la Cour.
La France entend peser dans ce mouvement de tout son poids.
C'est pourquoi le Ministère de la Justice s'est attelé sans tarder à la tâche de l'adaptation de notre droit, avec l'idée d'avancer le plus rapidement possible dans la rédaction du projet de loi. Nous souhaitons à cet égard partager notre expérience avec d'autres pays, tels que les pays africains ou encore sud américains, qui sont demandeurs et dont les traditions juridiques sont proches des nôtres.
Nous souhaitons ardemment que ce travail puisse être mené en concertation avec l'ensemble des organisations non gouvernementales avec lesquelles nous avons toujours travaillé lors des négociations - c'est-à-dire avec vous.
Un mot sur la nécessaire adaptation de la loi interne
Vous savez tous que le Traité de Rome, qui porte statut de la Cour , indique dans son préambule que les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis, et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale.
Il insiste sur le fait qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction les responsables des crimes internationaux.
Enquêter, poursuivre et punir les personnes qui commettent les crimes les plus graves ayant une portée internationale, comme le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, devient dès lors une obligation nationale et internationale.
Il en est de même de la coopération, dont le préambule réaffirme le principe.
Surtout, le traité affirme le caractère complémentaire de la Cour.
Aussi longtemps que les juridictions nationales sont capables et ont la volonté d'enquêter et de poursuivre, la Cour pénale internationale ne pourra exercer sa juridiction.
Elle ne pourra exercer sa compétence que lorsqu'un système juridique national manquera à son obligation juridique d'enquêter, de poursuivre ou de punir.
La raison d'être de la Cour pénale internationale est donc de suppléer à l'impossibilité ou à la carence des Etats parties et non de supplanter la justice nationale.
Il est donc de la responsabilité internationale des Etats parties de mettre tout en uvre pour que s'exerce en priorité la compétence des Etats et s'instaure une véritable coopération internationale.
C'est cette responsabilisation des Etats parties qui réclame une modification de leur droit interne.
Pour ce qui nous concerne, il apparaît que toutes les incriminations figurant au statut de la Cour pénale internationale ne sont pas prévues dans notre droit interne, qui s'est construit progressivement, au gré de l'évolution du droit international, et qui est donc très épars.
Je pourrais rappeler, à titre d'exemple, que les crimes de guerre sont à la fois poursuivis par le biais d'infractions de droit commun et par celui du code de justice militaire.
Il en résulte que la spécificité de ces crimes n'est pas signalée et que le régime juridique qui leur est appliqué, notamment en matière de prescription, doit être revu.
De la même façon, pour ce qui est de la coopération, si l'on veut couvrir l'ensemble des mesures, il faut se reporter à plusieurs instruments, tels que la Convention européenne d'extradition, la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale et la Convention de Schengen.
Or, le caractère permanent de la Cour pénale internationale milite à l'évidence en faveur de la construction d'un droit interne unifié.
C'est là un enjeu symbolique fort, mais c'est aussi une nécessité concrète pour les praticiens du droit.
Cette unification de notre droit interne pourrait être aussi l'occasion d'intégrer dans notre droit national les avancées faites par la Cour pénale internationale, notamment, en matière de définition des crimes.
Ainsi, les crimes de nature sexuelle ou sexiste, tels que le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la stérilisation forcée et la grossesse forcée font-ils partie des crimes de guerre.
Je voudrais souligner que la déclaration faite par la France de ne pas accepter, pour une période de 7 ans, la compétence de la Cour en ce qui concerne les crimes de guerre (lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire ou par un de ses ressortissants) ne saurait conduire à faire échapper à la Justice toute une série de comportements constituant des violations majeures du droit humanitaire, répréhensibles, au regard du statut de la Cour pénale internationale.
Nous le voyons, les modifications envisagées s'inscrivent dans un vaste plan de refonte de notre droit et de notre procédure pénale interne.
Le Traité de la Cour pénale internationale constitue en effet, une occasion unique d'inscrire clairement dans le droit interne, notre ferme volonté de lutter contre ces crimes afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli.
C'est à cette seule condition que nos Etats pourront constituer des modèles d'inspiration pour ceux qui sont en construction ou en reconstruction.
Quelques mots sur la loi d'adaptation
L'élaboration de ce texte n'est évidemment pas simple : la richesse du programme de vos travaux suffit à le démontrer.
En ce qui concerne les crimes de la compétence de la Cour pénale internationale, nous rencontrons des difficultés relatives à la fois, à leur définition, mais également à leur régime juridique.
La Cour a compétence à l'égard des crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression.
Le problème est que notre droit interne en a tantôt une conception plus large, tantôt une conception plus restrictive.
Ainsi, à titre d'exemple, notre conception interne du génocide englobe-t-elle non seulement, l'intention de détruire un groupe national, ethnique ou religieux, mais également celle de détruire tout groupe déterminé à partir de tout critère arbitraire.
Cette notion permet d'inclure les groupes déterminés de façon subjective, à partir de critères qui peuvent être fluctuants, en fonction des contextes notamment culturels de nos sociétés.
En revanche, la définition du crime contre l'humanité est plus restrictive en droit interne, dans la mesure où elle se fonde sur les motifs qui l'inspirent, qu'ils soient politiques, philosophiques, ou religieux. Or cette condition ne figure pas au statut.
Enfin, s'agissant des crimes de guerre, notre droit interne les sanctionne au travers de qualifications de droit commun, comme la destruction de biens matériels, ou encore de dispositions prévues par le code de justice militaire.
Il s'agira donc, d'opérer un choix entre une simple mise en conformité au statut ou une refonte des crimes prévus au statut et de ceux couverts par notre droit interne.
Une attention toute particulière devra également être portée à l'échelle des peines dont sont passibles ces crimes en droit interne, afin qu'elles soient proportionnées à la gravité des comportements visés. A défaut de quoi la Cour serait amenée à exercer sa juridiction.
Deuxième question complexe : celle de la compétence universelle des Etats pour poursuivre et juger les crimes prévus au statut. La difficulté est d'une autre nature.
Il ne s'agit pas là en effet, d'une mise en conformité avec le statut qui ne prévoit pas cette compétence, mais de l'examen de l'opportunité de l'introduction de ce principe dans notre droit interne, s'agissant des crimes visés au statut.
Le préambule du statut invite les Etats à jouer un rôle premier dans la poursuite et la répression de ces crimes : il indique, je cite, "qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux".
L'extension du principe de la compétence universelle faciliterait sans doute la réalisation de ce devoir.
Mais en même temps ce principe est dérogatoire aux principes communément admis par les Etats, dans la mesure où il énonce que tout État peut et, dans certains cas, doit, poursuivre les crimes commis par des étrangers, à l'étranger, dès lors que ces crimes sont qualifiés de crimes internationaux.
Cette compétence n'est pas totalement absente de la tradition française, mais elle reste soumise au caractère facultatif de son utilisation et à la présence du présumé coupable sur le territoire.
On peut souligner que s'agissant des crimes dont ont à connaître le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, la France a fait un pas supplémentaire dans cette direction, en posant le principe de la compétence universelle des juridictions françaises, dès lors que l'auteur ou le complice des faits est trouvé sur le territoire, alors même qu'aucune obligation en ce sens ne résultait de la résolution du Conseil de sécurité.
Eu égard à la permanence de la Cour et à l'étendue de son champ de compétence, il conviendra de déterminer si le principe d'une compétence universelle, sur le critère d'un rattachement territorial, peut être retenu et dans l'affirmative, de dire si cette compétence s'exercera à titre principal ou à titre subsidiaire.
Sur ce point, la réflexion n'en est qu'à ses débuts et demeure ouverte.
Reste la question de la coopération avec la Cour pénale internationale.
L'expérience de la coopération avec les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda constitue une base de départ.
Nous savons en effet que sans la coopération des Etats la Cour serait dépourvue de tout moyen.
Cette coopération recouvre une multitude d'actes allant de la visite de lieux publics, à l'arrestation, en passant par l'interrogatoire.
Notre loi nationale devra permettre la mise en uvre de ces actes dans des conditions qui en garantissent l'efficacité mais aussi qui assure la protection des personnes intéressées.
Pour parfaire cette coopération avec la Cour, il conviendra de surmonter la difficulté résultant des pouvoirs autonomes d'enquête accordés par le Statut au Procureur.
Enfin, conformément à notre engagement depuis le début de la négociation en faveur des victimes, leur protection et leur assistance dans le cadre de la coopération demeurera une préoccupation constante.
En conclusion
Nous le voyons, la tâche est immense. Elle ne fait que commencer !
Nous comptons vivement sur votre coopération afin que nous puissions la mener à bien.
Si les difficultés sont réelles, elles ne doivent pas nous arrêter.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 26 septembre 2001)
Mais nous nous réunissons au lendemain d'un acte de barbarie qui va exactement à l'inverse de ce mouvement pour la justice et la paix.
Quelques hommes armés de la volonté de détruire placent le monde, nous placent face la terreur, face à nos responsabilités. Le temps de ceux qui luttent pour la liberté n'est pas celui de ceux qui terrorisent.
Le monde entier est touché ; la réflexion de chaque responsable est accélérée. A quoi tient l'équilibre mondial ? Cette tragédie nous indique, tout au moins, qu'il ne se gagnera pas par la force; ce serait contraire à l'idée même qu'on se fait des hommes.
Je crois qu'il s'agit là de la vraie raison de notre rassemblement, aujourd'hui : la croyance en un équilibre mondial qui reposerait non plus sur la force, mais sur la Justice.
Cette idée, ce rêve peut-être, se rapproche. Il nous faut maintenir la pression pour qu'il aboutisse.
L'idée que la guerre ne peut justifier toutes les atrocités continue de faire des progrès.
Nous avons d'abord pu saluer les Conventions de la Haye, où il est explicitement question du droit des gens qui repose sur les lois de l'humanité ; toucher à ces droits, c'est atteindre, au travers des victimes, l'humanité dans son entier.
De nouveaux pas en avant vers une justice internationale ont été faits avec le Tribunal militaire international de Nuremberg, qui introduit la notion de crime contre l'humanité, et les Conventions de Genève du 10 août 1949, qui créent l'obligation de poursuivre les criminels de guerre présumés.
Enfin, en1994, la Commission de droit international recommande à l'Assemblée générale des Nations unies la tenue d'une conférence internationale pour conclure une convention relative à la création d'une cour pénale internationale.
Ce projet a pu voir le jour grâce au consensus obtenu au sein du Conseil de sécurité, mais grâce sans doute aussi à la création, en 1993, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
L'opinion publique a joué un rôle important dans ce mouvement, en particulier après les événements de Bosnie et du Rwanda, mais je voudrais souligner et saluer l'action des organisations non gouvernementales - vous qui avez formé la Coalition française pour la Cour pénale internationale, vous êtes certainement les mieux placés pour en apprécier l'efficacité.
Ce mouvement en faveur d'une Justice internationale ne concernait donc plus seulement, comme cela avait été le cas après la première et la deuxième guerre mondiale, des pays " vainqueurs ", mais tous les États du monde ainsi que leurs sociétés civiles.
Nous savons que pour autant les négociations n'ont pas été faciles : les résistances étaient à la mesure de l'idée de la souveraineté des États.
Mais elles ont abouti, et le 17 juillet 1998, 120 Etats, dont la France, se sont prononcés en faveur du statut de la Cour pénale internationale, contre 7 et 21 abstentions.
La France a signé ce texte dès le lendemain, le18 juillet 1998, et elle l'a ratifié le 9 juin 2000, après avoir procédé à la nécessaire révision constitutionnelle.
L'avancée considérable que représente la Cour tient d'abord à son caractère permanent : à la différence des tribunaux ad-hoc, sa compétence n'est pas limitée aux crimes commis au cours d'un conflit, pour une région ou une période données.
Autre point à souligner, la Cour entretiendra une relation unique avec les Nations unies : en effet, en tant qu'institution créée en vertu d'un Traité, elle ne sera pas administrée par l'Assemblée générale, mais par celle des États parties. Ce qui signifie que les Etats engagent leur propre responsabilité.
L'adoption du statut de la Cour a représenté un pas important, mais il faut poursuivre sans tarder :
Il faut obtenir à présent les 60 ratifications nécessaires à l'entrée en vigueur du statut. 38 pays ont à ce jour ratifié le statut de la Cour et l'on peut raisonnablement penser qu'il pourra entrer en vigueur dans les deux ans à venir.
Mais il faut également que les États adaptent leur législation interne pour poursuivre les crimes visés par le statut, et qu'ils mettent en place un système de coopération avec la Cour.
La France entend peser dans ce mouvement de tout son poids.
C'est pourquoi le Ministère de la Justice s'est attelé sans tarder à la tâche de l'adaptation de notre droit, avec l'idée d'avancer le plus rapidement possible dans la rédaction du projet de loi. Nous souhaitons à cet égard partager notre expérience avec d'autres pays, tels que les pays africains ou encore sud américains, qui sont demandeurs et dont les traditions juridiques sont proches des nôtres.
Nous souhaitons ardemment que ce travail puisse être mené en concertation avec l'ensemble des organisations non gouvernementales avec lesquelles nous avons toujours travaillé lors des négociations - c'est-à-dire avec vous.
Un mot sur la nécessaire adaptation de la loi interne
Vous savez tous que le Traité de Rome, qui porte statut de la Cour , indique dans son préambule que les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis, et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale.
Il insiste sur le fait qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction les responsables des crimes internationaux.
Enquêter, poursuivre et punir les personnes qui commettent les crimes les plus graves ayant une portée internationale, comme le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, devient dès lors une obligation nationale et internationale.
Il en est de même de la coopération, dont le préambule réaffirme le principe.
Surtout, le traité affirme le caractère complémentaire de la Cour.
Aussi longtemps que les juridictions nationales sont capables et ont la volonté d'enquêter et de poursuivre, la Cour pénale internationale ne pourra exercer sa juridiction.
Elle ne pourra exercer sa compétence que lorsqu'un système juridique national manquera à son obligation juridique d'enquêter, de poursuivre ou de punir.
La raison d'être de la Cour pénale internationale est donc de suppléer à l'impossibilité ou à la carence des Etats parties et non de supplanter la justice nationale.
Il est donc de la responsabilité internationale des Etats parties de mettre tout en uvre pour que s'exerce en priorité la compétence des Etats et s'instaure une véritable coopération internationale.
C'est cette responsabilisation des Etats parties qui réclame une modification de leur droit interne.
Pour ce qui nous concerne, il apparaît que toutes les incriminations figurant au statut de la Cour pénale internationale ne sont pas prévues dans notre droit interne, qui s'est construit progressivement, au gré de l'évolution du droit international, et qui est donc très épars.
Je pourrais rappeler, à titre d'exemple, que les crimes de guerre sont à la fois poursuivis par le biais d'infractions de droit commun et par celui du code de justice militaire.
Il en résulte que la spécificité de ces crimes n'est pas signalée et que le régime juridique qui leur est appliqué, notamment en matière de prescription, doit être revu.
De la même façon, pour ce qui est de la coopération, si l'on veut couvrir l'ensemble des mesures, il faut se reporter à plusieurs instruments, tels que la Convention européenne d'extradition, la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale et la Convention de Schengen.
Or, le caractère permanent de la Cour pénale internationale milite à l'évidence en faveur de la construction d'un droit interne unifié.
C'est là un enjeu symbolique fort, mais c'est aussi une nécessité concrète pour les praticiens du droit.
Cette unification de notre droit interne pourrait être aussi l'occasion d'intégrer dans notre droit national les avancées faites par la Cour pénale internationale, notamment, en matière de définition des crimes.
Ainsi, les crimes de nature sexuelle ou sexiste, tels que le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la stérilisation forcée et la grossesse forcée font-ils partie des crimes de guerre.
Je voudrais souligner que la déclaration faite par la France de ne pas accepter, pour une période de 7 ans, la compétence de la Cour en ce qui concerne les crimes de guerre (lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire ou par un de ses ressortissants) ne saurait conduire à faire échapper à la Justice toute une série de comportements constituant des violations majeures du droit humanitaire, répréhensibles, au regard du statut de la Cour pénale internationale.
Nous le voyons, les modifications envisagées s'inscrivent dans un vaste plan de refonte de notre droit et de notre procédure pénale interne.
Le Traité de la Cour pénale internationale constitue en effet, une occasion unique d'inscrire clairement dans le droit interne, notre ferme volonté de lutter contre ces crimes afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli.
C'est à cette seule condition que nos Etats pourront constituer des modèles d'inspiration pour ceux qui sont en construction ou en reconstruction.
Quelques mots sur la loi d'adaptation
L'élaboration de ce texte n'est évidemment pas simple : la richesse du programme de vos travaux suffit à le démontrer.
En ce qui concerne les crimes de la compétence de la Cour pénale internationale, nous rencontrons des difficultés relatives à la fois, à leur définition, mais également à leur régime juridique.
La Cour a compétence à l'égard des crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression.
Le problème est que notre droit interne en a tantôt une conception plus large, tantôt une conception plus restrictive.
Ainsi, à titre d'exemple, notre conception interne du génocide englobe-t-elle non seulement, l'intention de détruire un groupe national, ethnique ou religieux, mais également celle de détruire tout groupe déterminé à partir de tout critère arbitraire.
Cette notion permet d'inclure les groupes déterminés de façon subjective, à partir de critères qui peuvent être fluctuants, en fonction des contextes notamment culturels de nos sociétés.
En revanche, la définition du crime contre l'humanité est plus restrictive en droit interne, dans la mesure où elle se fonde sur les motifs qui l'inspirent, qu'ils soient politiques, philosophiques, ou religieux. Or cette condition ne figure pas au statut.
Enfin, s'agissant des crimes de guerre, notre droit interne les sanctionne au travers de qualifications de droit commun, comme la destruction de biens matériels, ou encore de dispositions prévues par le code de justice militaire.
Il s'agira donc, d'opérer un choix entre une simple mise en conformité au statut ou une refonte des crimes prévus au statut et de ceux couverts par notre droit interne.
Une attention toute particulière devra également être portée à l'échelle des peines dont sont passibles ces crimes en droit interne, afin qu'elles soient proportionnées à la gravité des comportements visés. A défaut de quoi la Cour serait amenée à exercer sa juridiction.
Deuxième question complexe : celle de la compétence universelle des Etats pour poursuivre et juger les crimes prévus au statut. La difficulté est d'une autre nature.
Il ne s'agit pas là en effet, d'une mise en conformité avec le statut qui ne prévoit pas cette compétence, mais de l'examen de l'opportunité de l'introduction de ce principe dans notre droit interne, s'agissant des crimes visés au statut.
Le préambule du statut invite les Etats à jouer un rôle premier dans la poursuite et la répression de ces crimes : il indique, je cite, "qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux".
L'extension du principe de la compétence universelle faciliterait sans doute la réalisation de ce devoir.
Mais en même temps ce principe est dérogatoire aux principes communément admis par les Etats, dans la mesure où il énonce que tout État peut et, dans certains cas, doit, poursuivre les crimes commis par des étrangers, à l'étranger, dès lors que ces crimes sont qualifiés de crimes internationaux.
Cette compétence n'est pas totalement absente de la tradition française, mais elle reste soumise au caractère facultatif de son utilisation et à la présence du présumé coupable sur le territoire.
On peut souligner que s'agissant des crimes dont ont à connaître le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, la France a fait un pas supplémentaire dans cette direction, en posant le principe de la compétence universelle des juridictions françaises, dès lors que l'auteur ou le complice des faits est trouvé sur le territoire, alors même qu'aucune obligation en ce sens ne résultait de la résolution du Conseil de sécurité.
Eu égard à la permanence de la Cour et à l'étendue de son champ de compétence, il conviendra de déterminer si le principe d'une compétence universelle, sur le critère d'un rattachement territorial, peut être retenu et dans l'affirmative, de dire si cette compétence s'exercera à titre principal ou à titre subsidiaire.
Sur ce point, la réflexion n'en est qu'à ses débuts et demeure ouverte.
Reste la question de la coopération avec la Cour pénale internationale.
L'expérience de la coopération avec les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda constitue une base de départ.
Nous savons en effet que sans la coopération des Etats la Cour serait dépourvue de tout moyen.
Cette coopération recouvre une multitude d'actes allant de la visite de lieux publics, à l'arrestation, en passant par l'interrogatoire.
Notre loi nationale devra permettre la mise en uvre de ces actes dans des conditions qui en garantissent l'efficacité mais aussi qui assure la protection des personnes intéressées.
Pour parfaire cette coopération avec la Cour, il conviendra de surmonter la difficulté résultant des pouvoirs autonomes d'enquête accordés par le Statut au Procureur.
Enfin, conformément à notre engagement depuis le début de la négociation en faveur des victimes, leur protection et leur assistance dans le cadre de la coopération demeurera une préoccupation constante.
En conclusion
Nous le voyons, la tâche est immense. Elle ne fait que commencer !
Nous comptons vivement sur votre coopération afin que nous puissions la mener à bien.
Si les difficultés sont réelles, elles ne doivent pas nous arrêter.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 26 septembre 2001)