Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes, à France Inter le 25 septembre 2017, sur l'égalité entre les femmes et les hommes bientôt décrétée grande cause nationale du quinquennat, le budget 2018 et le débat sur le remboursement par la Sécurité sociale de la PMA pour toutes.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
L'égalité entre les femmes et les hommes sera décrétée en octobre, grande cause nationale du quinquennat. On va en parler jusqu'à 09h00. Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes Grande cause veut en général dire grand retard. Quel est d'après vous le symbole le plus marquant de l'arriération française ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, il y en a plusieurs, mais il suffit de prendre quelques chiffres. En ce qui concerne les écarts de salaires entre les femmes et les hommes, c'est toujours 12 à 27 % d'écarts de salaires, et l'égalité salariale et professionnelle, elle progresse très doucement. Je vous rappelle que la première loi sur le sujet, c'était en 1983, avec Yvette ROUDY, il y a plus de 30 ans de cela, et je peux peut-être aussi citer un chiffre qui est glaçant, mais qu'on ne répète pas assez, savoir qu'en France tous les trois jours au mois, une femme meurt sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Ça veut dire qu'on tue des femmes en France.
NICOLAS DEMORAND
Ce sont des réalités que l'on connait bien, Marlène SCHIAPPA, vous l'avez dit, la première loi sur l'égalité hommes/femmes en entreprises, c'est 1983, rien n'a bougé ou peu, en tout cas, et on est toujours en 2017 à régler les mêmes problèmes. Comment allez-vous faire levier, sur la question notamment des salaires ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord, des choses ont été faites, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de lois, de décrets d'application de lois, d'amendements etc. qui ont été pris, mais d'abord, en ce qui concerne les lois, on s'est aperçu qu'il y avait des trous dans la raquette, si vous me pardonnez l'expression. Je vous donne un exemple, c'est un peu technique mais ça nous permet de bien comprendre. La loi Sauvadet, sur la féminisation de la Haute fonction publique, qui prévoit d'arriver à des quotas de femmes nommées, prévoit 90 000 € de pénalité financière par unité d'emploi manquant, dans la Haute fonction publique. Mais il n'y a pas de dispositif qui permette de recevoir ou de prélever, en tout cas de flécher et d'amener dans le budget de l'Etat, ces 90 000 € de pénalités financière, par unité d'emploi manquant. Ça veut dire que nous devons créer le dispositif, il n'a pas été créé. Il y a une loi, mais cette loi n'est pas ou peu appliquée, donc c'est comme s'il n'y avait pas de loi. Donc, nous, ce que nous disons, c'est que la loi a changé, et maintenant c'est la vie qui doit changer. Notre enjeu, c'est transformer ces lois qui existent et qui sont bonnes, en réalité.
NICOLAS DEMORAND
L'Etat a les mains propres en la matière ?
MARLENE SCHIAPPA
L'Etat n'est pas exemplaire, pour le moment, et nous sommes en train d'y travailler, nous faisons un état exemplaire avec ce que je viens de vous dire sur les pénalités financières. Nous créons aussi un budget sensible au genre, pour la première fois, c'est une obligation de toutes les collectivités, depuis la loi de 2014, mais l'Etat, en France, ne l'a jamais fait, donc nous allons faire un budget sensible aux gens, ça veut dire qu'on flèche les dépenses publiques pour savoir si elles sont utilisées de façon mixte et équitable ou plus pour les hommes, plus pour les femmes, et ensuite on rééquilibre. Donc il y a effectivement un travail à mener sur l'Etat exemplaire, c'est l'un des axes de ma lettre de mission.
NICOLAS DEMORAND
Un exemple d'une dépense équilibrée sur le plan du genre ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, une fois que l'on aura fait le budget sensible au genre, je pourrais justement vous le dire, mais l'exemple...
NICOLAS DEMORAND
Oui, mais vous avez une idée, j'imagine.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, l'exemple qu'on donne le plus souvent dans les collectivités locales, c'est en ce qui concerne les équipements sportifs. Si vous prenez un budget sport et vous voyez que vous financez majoritairement des équipes de foot masculines et par exemple des skates-parcs qui vont être fréquentés plus par des jeunes garçons et des hommes, et des terrains de basket, dans des parcs qui vont être fréquentés uniquement par des hommes, en réalité, c'est de l'argent qui est fléché en direction des hommes.
NICOLAS DEMORAND
Et pourquoi, vous, votre budget baisse-t-il, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, mon budget ne baisse pas...
NICOLAS DEMORAND
Ah ?
MARLENE SCHIAPPA
... mon budget est en hausse pour 2018.
NICOLAS DEMORAND
Ah, donc il y a...
MARLENE SCHIAPPA
Il atteint près de 30 millions, c'est le record historique jamais atteint pour le budget des Droits des femmes.
NICOLAS DEMORAND
Il augmente, enfin... il augmente, il ne baisse pas ? J'avais lu qu'il avait été amputé d'un quart cette année.
MARLENE SCHIAPPA
Alors ça, c'est sur 2007. Sur 2017 il y avait un budget qui avait été voté. De 2012, si on peut prendre deux minutes là-dessus, de 2012 à 2017, il y avait un budget qui était voté et un budget exécuté. Le budget exécuté il n'a jamais été au-delà de 22, 23 millions. En 2017, on est arrivé à la moitié de l'année, comme vous le savez, avait été voté un budget élevé, mais sans les crédits affectés derrière, donc on l'a simplement mis en l'état, et c'est pour cette raison que la Cour des Comptes avait jugé insincère, vous le savez, le budget précédent. Sur 2018, le Premier ministre a rendu un arbitrage favorable, pour dire que le budget des Droits des femmes augmentait, atteignait près de 30 millions, donc record historique jamais atteint, et qu'il serait entièrement exécuté, c'est-à-dire qu'on propose au vote un budget et qu'on l'exécutera, on dépensera près de 30 millions et cette augmentation elle est sanctuarisée pour l'ensemble du quinquennat. Donc, cette augmentation et sanctuarisation pour tout le quinquennat.
NICOLAS DEMORAND
J'ai l'impression Marlène SCHIAPPA que sur la PMA, pour toutes dès 2018 aviez-vous dit, précisément vous avez dit exactement ce que vous pensiez, que vous aviez pris la parole comme vous le vouliez et qu'on vous a dit non, machine arrière, vous n'aviez pas le droit ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est absolument pas le cas, vous aviez sur votre antenne hier Christophe CASTANER qui est le porte-parole du gouvernement, je vous invite à réécouter cette excellente émission dans laquelle il s'est exprimé au nom du gouvernement et dans laquelle il a dit deux choses qui sont exactement les mêmes choses que j'ai toujours dites à chaque fois qu'on m'a interrogé et qui n'ont jamais varié : première chose, il y a un engagement de campagne du président de la République d'ouvrir la PMA à toutes les femmes...
NICOLAS DEMORAND
Enfin vous avez été recadrée quand même ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais absolument pas, je ne serais pas en train de vous dire là qu'il y a un engagement du président de la République d'ouvrir la PMA à toutes les femmes si c'était le cas, première chose...
NICOLAS DEMORAND
Oui, mais maintenant il faut un débat bioéthique et philosophique, et religieux sur le sujet ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais alors ce n'est pas maintenant Nicolas DEMORAND, si vous écoutez ma QAJ, ma Question Au Gouvernement au Sénat au mois de juillet, je suis interrogée par une sénatrice – Michelle MEUNIER il me semble – sur le sujet et je lui réponds que ce débat sera ouvert dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique et chez Jean-Jacques BOURDIN, puisque c'est de là que tout part, je dis également qu'il y aura un débat dans le cadre de la révision des lois bioéthiques à la fin de l'année 2018 et je précise également que c'est ma collègue la ministre des Solidarités et de la Santé qui est en première ligne en ce qui concerne la PMA, les mots n'ont jamais changé sur ce sujet depuis le début.
NICOLAS DEMORAND
Est-ce un droit d'avoir un enfant ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Je ne pense pas qu'il y ait de droit à l'enfant, non.
NICOLAS DEMORAND
Non ?
MARLENE SCHIAPPA
Vous m'interrogez, ma conviction personnelle c'est qu'il n'y a pas de droit à l'enfant, non.
NICOLAS DEMORAND
Est-ce que la Sécurité sociale va rembourser la PMA pour toutes, pour toutes ?
MARLENE SCHIAPPA
Ca c'est une vraie question, c'est une question très intéressante qui sera débattue dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique et c'est pour trancher...
NICOLAS DEMORAND
C'est une question bioéthique ça ?
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est pour trancher ce type de question qu'il y aura un vaste débat de société à partir de l'automne 2018 qui permettra à tout le monde de s'exprimer sur le sujet.
NICOLAS DEMORAND
Mais on va débattre de quoi ? On va débattre de quoi, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
De la question que vous venez de poser, Nicolas DEMORAND.
NICOLAS DEMORAND
Vous l'avez dit, Christophe CASTANER aussi, voilà c'est plié, le président le veut, c'est un engagement de campagne, il y aura la PMA, donc on va débattre de quoi ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Mais de la question que vous venez de poser, par exemple il faut savoir quel cadre on met autour de la PMA, le remboursement c'est une vraie question qui est très intéressante. Autour de cette table nous sommes cinq ou six...
NICOLAS DEMORAND
Votre intime conviction là-dessus ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne sais pas si nous avons tous la même opinion sur le fait que la Sécurité sociale rembourse la PMA pour les femmes célibataires ou pour les couples de lesbiennes, c'est important qu'il y ait un débat de société...
NICOLAS DEMORAND
Sinon c'est une discrimination, non, vous ne croyez pas ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est pour ça que c'est important qu'il y ait un débat de société et que ce soit tranché au cours des Etats généraux...
NICOLAS DEMORAND
C'est quoi votre intime conviction là-dessus sur la Sécurité sociale ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Mais moi, en tant que membre du gouvernement, je n'ai pas à exprimer d'intime conviction puisque vous savez que ma parole est considérée comme étant la parole...
NICOLAS DEMORAND
Est surveillée !
MARLENE SCHIAPPA
Pas surveillée, c'est la parole du gouvernement, je ne viens pas là en tant que Marlène SCHIAPPA citoyenne qui partage des idées et qui devise joyeusement sur l'actualité, je suis là pour vous donner la position...
NICOLAS DEMORAND
Non, parce que très souvent vos collègues ministres qui n'osent pas répondre que leur intime conviction c'est ceci, c'est cela, et donc voilà comme ça ils peuvent dire ce qu'ils pensent sans nuire à la cohérence gouvernementale.
MARLENE SCHIAPPA
Vous savez je pense que c'est très, très souvent donner beaucoup d'intime conviction sur beaucoup de sujets, je ne fais pas de langue de bois – et vous le savez – mais là sur le sujet en l'occurrence c'est un sujet qui est important et qui sera tranchée après les Etats généraux de la bioéthique.
NICOLAS DEMORAND
Et donc ça peut changer, c'est ça ce que... si ce débat bioéthique a un sens et une fonction, la position du gouvernement peut évoluer sur la PMA ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, la position du gouvernement elle est de mettre en oeuvre le programme du président de la République qui a pris un engagement de fond : nous ouvrirons la PMA pour toutes les femmes, et qui a pris un engagement de forme : il y aura un large consensus et un débat dans le cadre de ces états généraux.
NICOLAS DEMORAND
Je l'ai dit on est ensemble jusqu'à 9 h, il y a énormément de sujets qu'on doit voir ensemble tout à l'heure. Mais vous venez de mettre un groupe de travail, verbalisation du harcèlement de rue en place, ça consiste en quoi précisément le harcèlement de rue ? Est-ce que vous avez pu établir une définition, parce que les formes sont multiples ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument, c'est le but de ce groupe de travail. Vous savez le harcèlement de rue c'est cette zone grise qui actuellement n'est pas caractérisée dans la loi, entre d'un côté la séduction qui est caractérisée par le consentement mutuel et réciproque et de l'autre côté l'agression sexuelle, l'injure publique qui elles sont déjà caractérisées dans la loi. Ce que nous disons c'est qu'il y a un véritable phénomène, plusieurs études ont montré que l'écrasante majorité, la quasi-totalité même des femmes déclarait avoir été harcelées dans les transports en commun notamment et dans l'espace public, donc nous voulons dire que les lois de la République interdisent le harcèlement de rue, que ce n'est pas un droit pour tout un chacun de suivre les femmes lorsqu'elles sont dans l'espace public et donc c'est cinq députés que j'ai réunis dans un groupe de travail avec le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice auront justement pour mission de fabriquer cette loi, d'y contribuer et de faire des propositions d'abord pour nous dire effectivement qu'est-ce que c'est que le harcèlement de rue, à partir de quand c'est du harcèlement...
NICOLAS DEMORAND
Et comment on fait après pour verbaliser ?
MARLENE SCHIAPPA
Et ensuite pour dire justement comment on fait pour verbaliser, donc ça devra être construit avec les forces de l'ordre pour faire en sorte que les policiers et les policières qui seront en patrouille puissent verbaliser le harcèlement de rue dans le cadre de flagrant délit et mettre des amendes. Je suis bien consciente qu'il n'y aura pas un policier derrière chaque femme harcelée mais je pense que c'est important pour l'Etat de dire le droit et que ça aura valeur d'exemple que de dire que non il n'est pas permis de harceler les femmes dans la rue.
NICOLAS DEMORAND
Marlène SCHIAPPA sur France Inter, on vous retrouve après la revue de presse.Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 septembre 2017