Texte intégral
Mesdames et Messieurs, je vous remercie, et tout particulièrement, Madame la Présidente, de bien vouloir m'accepter dans vos débats, pour ce que je crois être le début d'un dialogue qu'il nous faudra poursuivre avec vocation d'aboutir à cette réforme de la loi de 1977.
Mais je voudrais tout d'abord vous dire le plaisir que j'éprouve à vous faire part de l'intérêt que je porte, au-delà des fonctions qui sont les miennes, liées au logement et à l'urbanisme, tout à la fois à l'architecture, au métier de l'architecte et bien sûr à l'organisation syndicale de celles et ceux qui, dans notre pays, contribuent tous les jours, non seulement à l'amélioration du cadre de vie de nos concitoyens, mais aussi à bâtir une civilisation qui, vous le savez, est de plus en plus urbaine.
Je perçois les enjeux d'aujourd'hui comme plus pressants encore qu'ils l'étaient, il y a quelques années.
Personnellement, j'ai toujours cru, arqueboutée parfois, qu'il était fondamental de défendre la qualité architecturale contre les intérêts financiers. J'ai aussi pensé avec la même énergie qu'il était nécessaire que nous soyons capables d'engager une vraie pensée collective sur l'urbain. L'urbanisme, de mon point de vue, souffre encore dans notre pays d'une imprécision dans ses formes, dans ses termes et dans ses organisations. Il est ainsi le parent pauvre de nos pratiques urbaines, malgré des textes législatifs favorables.
Je crois également, que nous avons besoin d'une culture partagée de l'urbain, surtout si nous voulons que les jeunes générations, les citoyens, et parmi eux les plus modestes, soient capables de participer aux choix de la cité, à la maîtrise de leur cadre de vie, qu'ils soient locataires ou accédants à la propriété. Nous avions besoin de promouvoir ce que j'appelle une culture partagée, ce qui ne veut pas dire forcément une culture uniforme, de l'architecture, de l'urbanisme et de l'urbain.
Ainsi, sur ce point, chaque fois que nous avons des expériences individuelles ou collectives de consultation, et j'imagine que vous avez le même type de pratiques personnelles, nous découvrons des élus locaux, des habitants qui se sentent dépassés, ~en grande partie face aux débats qu'on leur propose en effet, les formes de démocratie locale que nous inventons ne sont pas toujours aussi démocratiques qu'elles le paraissent. Cela vient beaucoup du fait que pour participer à un débat, il faut avoir le sentiment de pouvoir l'appréhender~: ne pas être absent des mots, des pensées, des réflexions, il faut aussi s'approprier une culture. J'ai toujours pensé que c'était important et je crois aujourd'hui, plus qu'hier que c'est tout à fait indispensable, parce que nous vivons des bouleversements profonds et, d'une certaine façon, une crise urbaine lourde de conséquences pour l'avenir de notre société.
L'une des raisons pour lesquelles nous aurons des débats et des dialogues à renouer avec le monde des constructeurs, et je pense en particulier avec ceux des HLM, et le monde de l'architecture, c'est que nous avons vécu une croissance urbaine dans les années 60 70 dont on voit qu'elle était liée à de multiples phénomènes, pas simplement économiques et sociaux. On a vécu cette croissance urbaine. Aujourd'hui on a le sentiment que les déséquilibres sont tels que l'on est tenté de chercher quelques boucs-émissaires. Je pense que pour nos faiblesses, nous devons plaider coupables en commun... De toute façon, le simple regard sur le passé n'éclaire pas nécessairement l'avenir quant aux solutions opportunes.
En tous cas, aujourd'hui nos villes vivent de profonds déséquilibres.
Or, c'est en ville que vivent 80 % des habitants. Et d'ailleurs c'est pas un enjeu seulement français. C'est un enjeu planétaire. Sur la planète, la ville devient le lieu dominant des humains. Bien sûr les raisons sont en grande partie économiques. On le sait, recherche d'emploi, facilités diverses, services nombreux... Mais il y a aussi dans la ville une fonction libératrice de la pression d'un groupe qui a tendance a imposer ses normes et on voit dans l'aspiration d'autonomie aussi la recherche de la ville. Et dans le même mouvement, nos concitoyens expriment beaucoup de frustration urbaine, tension, rythme du temps, impression que l'individu est broyé dans un collectif où il n'arrive pas à s'épanouir. Cela est particulièrement visible à travers les aspirations très fortes par exemple sur le petit pavillon individuel, en marge des villes dont on imagine qu'il est radieux. Ce rêve réalisé on se rend compte que l'univers radieux qu'on imaginait n'est pas tout à fait celui rencontré. Nous vivons ces tensions urbaines et donc cette crise est profonde. Les déséquilibres que nous vivons sont de trois ordres.
Premièrement, les déséquilibres sont sociaux.
Pour ma part je considère que nous sommes à la limite du point de rupture. C'est pourquoi je me suis permis d'utiliser une formule un peu choc: "casser les ghettos". Nous sommes en train de basculer dans une situation où les ségrégations spatiales sont telles, que la capacité à vivre ensemble dans notre société est menacée. La tension et la violence se développent. Les plus faibles sont de plus en plus enfermés dans une logique qui ne leur permet ni d'accéder facilement à une émancipation individuelle et collective ni de pouvoir profiter de toutes les chances qu'on voudrait offrir à tout citoyen vivant sur notre territoire.
La ségrégation urbaine et l'émergence de ghettos, sont souvent liées aux quartiers issus des grands ensembles des années 60. On les trouve aussi parfois dans des poches d'insalubrité en centre ville, et ils constituent des menaces lourdes pour nos sociétés et des conditions de vie indignes pour nos concitoyens. C'est le premier gros déséquilibre mais ce n'est pas le seul.
Nous avons comme deuxième grand déséquilibre, cette façon de fragmenter nos villes.
Ainsi nous avons d'un côté les zones industrielles et commerciales, et de l'autre l'habitat. Vous parliez; Madame la Présidente, des entrées de ville. Elles sont malheureusement la concrétisation de cette fragmentation des fonctions provoquant un profond déséquilibre de notre monde urbain.
Le troisième déséquilibre, est environnemental
Le déséquilibre environnemental est maintenant patent pour tous: à la fois pollution de l'air, pollution de l'eau, raréfaction d'un certain nombre d'espaces verts urbains, ou encore le bruit, qui est le premier problème ressenti par nos concitoyens. Bref, une impression de déséquilibres écologiques que la ville renvoie comme la forme du déséquilibre global de la planète de plus en plus perçue dans la conscience collective.
Alors, face à ces déséquilibres, il est clair qu'il nous faut réagir.
D'abord il est important de rappeler qu'il n'y a aucune fatalité à ces déséquilibres. On peut les maîtriser. Et c'est la première vertu de l'architecture que de poser globalement les enjeux, en particulier sur cette question décisive des déséquilibres, qu'ils soient sociaux ou qu'ils soient urbains.
Je prendrai deux exemples particuliers.
Premièrement, pour ce qui concerne les déséquilibres sociaux.
Derrière la question des ghettos, dont je reparlerai tout à l'heure, la façon dont se vit dans nos villes le lien entre l'individu et le collectif. La façon dont se développe le "bien-vivre ensemble "n'est pas simplement réductible à la question des quartiers et des ghettos. C'est un des points majeurs, mais le sujet est beaucoup plus ample.
Il s'agit de la crise du lien collectif, de la manière dont s'organise l'espace privé de la personne et les espaces communs de vie collective, la résidence quand il s'agit de l'habitat. On peut imaginer d'autres formes d'organisation quand il s'agit du travail, etc. L'espace public qui est le miroir de ce qui est à tous, donc ce qui fait le lien commun entre le fondement de la société, est souvent négligé. Excepté dans les secteurs très valorisés de nos villes, le côté vitrine, celle qu'on veut montrer, le centre ville, le lieu historique que l'on veut préserver. Mais sur l'ensemble par exemple de notre territoire, cette organisation entre un bâti individuel, et sous le vocable individuel j'entends, où chacun peut faire vivre son individualité sans avoir l'impression d'être dans la banalité, dans la contrainte et dans du collectif qui opprime.
La manière dont on tisse le tissu urbain entre cet espace individuel et l'espace public, me paraît être aujourd'hui en crise dans nos villes parce que la plupart du temps cette question est insuffisamment traitée par les décideurs. Qu'il s'agisse des maîtres d'ouvrages, comme des collectivités locales, il est vrai qu'on peut attendre de l'architecte d'être celui qui fait la passerelle entre ces différentes exigences. Et la plupart du temps votre profession est celle qui exprime le mieux la nécessité de l'ensemble des différents espaces.
La deuxième crise, et celle-là, me paraît un peu mieux traitée aujourd'hui dans la ville contemporaine, en tout cas en France, c'est le lien entre l'histoire et la modernité.
Bien sûr il existe un risque~: on le voit lorsqu'il y a participation des citoyens, on peut considérer que la société d'hier était mieux que celle de demain et que le progrès est quasiment fini, qu'il n'y a plus de possibilité de progrès collectif. Du coup apparaissent une sur-valorisation du patrimoine ancien et une sous-estimation de la qualité architecturale de la création contemporaine. Plus on démocratise le choix, plus on se rend compte qu'il peut y avoir une tension entre ces deux données.
Or, ce qui fait la qualité de la ville française, et sa réussite; c'est justement sa capacité d'empilement dans le temps de tout ce que chacune des époques apporte, si possible de mieux, et comment, par glissements successifs, l'histoire, le contemporain, la valorisation du patrimoine, la créativité alliée à la création neuve sont capables de se tisser. Malheureusement, nous n'avons tenté de réussir cela, comme je le disais plus haut que dans des lieux prestigieux, dans des lieux valorisés. C'était tout l'enjeu des rénovations des centres villes dont les uns et les autres peuvent avoir des analyses variées selon les sites. Cet enjeu qui, globalement a constitué une reconquête de la qualité urbaine.
Mais, il y a des milliers d'endroits banals, d'univers banals, qui sont la vie quotidienne de la grande masse de nos concitoyens. Et dans ces univers là, on n'a pas forcément cette réflexion sur la façon dont l'estrade de l'histoire, le mécanisme entre la création contemporaine et le patrimoine acquis doivent être capables de se mêler pour donner de l'épaisseur. Et, la deuxième grande fonction qu'on attend des architectes est la capacité à promouvoir l'espace temps dans la pensée collective~; cette capacité de faire lire le tissu urbain par celui qui va décider, comme en situation d'en être l'acteur, mais avec un regard éclairé et pas simplement replié sur son simple problème.
Dans un regard purement conservateur de l'existence. On trouve dans la pratique architecturale d'aujourd'hui cet aspect très essentiel qui est à la fois la valorisation de la création et de cet interface entre le passé et le futur qui me paraît être une chose qu'aucune autre profession ne porte avec autant d'acuité..
Nous avons besoin d'une adhésion collective non pas à la ville mais à l'urbanité, c'est-à-dire ce qui fait le "~vivre ensemble~." Et en cela la manière dont la construction, la réhabilitation, l'espace public sont traités sont des éléments très déterminants.
J'ai été acteur de la politique de la ville comme élue locale. Et j'ai entendu cette espèce de basculement qu'on a pu vivre entre la période : je caricature par grandes dates, la banlieue de 89, vision très urbaine, "~urbanistico-architectural~". De mon point de vue il est nécessaire d'en faire le bilan parce qu'il y a quand même eu des choses très fécondes à cette période. Elles n'ont pas été forcément réfléchies et prises en compte dans la durée, même si on peut discuter sur le côté coût de certains sites, enfin ces débats là, vous les connaissez mieux que moi. Néanmoins je pense qu'il y avait cette attention à l'urbain et j'ai vu glisser progressivement les politiques de la ville sur la thématique purement sociale et finalement nous n'avons jamais réussi totalement la synthèse.
Je prends des exemples très précis. Les premières MOUS (Missions d'Oeuvres Urbaines et Sociales) comportaient beaucoup d'architectes et d'urbanistes, débattaient sur les diagnostics urbains sur comment la ville respire ?... Ensuite nous avons assisté, petit à petit, à un glissement vers des missions d'oeuvres urbaines sociales, essentiellement avec des chefs de projet. Le pire est alors de monter un dossier pour obtenir des subventions, dont franchement on peut se demander s'il est nécessaire que la puissance publique fasse des systèmes tels qu'il faut créer des emplois pour pouvoir monter des demandes de subventions essentiellement tournées vers le social, le socio-culturel ... Je constate cette dérive et je pense qu'il est nécessaire de reprendre très en profondeur la discussion sur l'importance du cadre urbain dans les comportements et dans la manière dont se développe le social. Si évidemment je n'ai pas l'illusion d'imaginer que seul le cadre urbain est le déterminant social, je pense qu'on sous-estime le rôle qu'il a dans l'organisation globale de la société~; pas simplement dans le bien vivre, mais aussi dans la façon dont se construisent le lien social et l'émancipation de chacun, en fonction du cadre dans lequel il est. En effet, on fixe son cadre culturel en fonction de l'univers dans lequel il est, et ce cadre culturel va être soit une chance soit une malchance pour un certain nombre d'entre ces habitants.
Je pense que nous sommes donc devant une grande urgence, devant la nécessité de repenser nos villes et donc de repenser l'urbanisme, l'architecture et les politiques publiques.
Le deuxième grand enjeu c'est celui du développement durable et j'en reparlerai ensuite.
Je voudrais vous dire quand même que nous avons la grande chance de vivre avec un nouveau cadre législatif qui est la loi SRU. Je sais bien, qu'elle est compliquée, qu'elle est technique, qu'on n'y voit pas clair. Très franchement personnellement en tant qu'élue locale, j'ai eu la même impression que vous quand je me suis demandé comment, en tant que maire adjoint dans ma commune, j'allais engager la mise en oeuvre de la SRU.
D'abord, comme vous l'avez dit sur la loi sur l'architecture, tout nouveau cadre crée une sorte de torpeur collective en disant~:~ "on ne comprend rien à ce qu'il nous ont dit, qu'est ce que c'est que cette complexité...". C'est notre rôle de puissance publique que de décoder un certain nombre de textes. Des décrets sont sortis, il reste celui sur les plans de l'aménagement, les plans de développement durable, soit pour les SCOT soit pour les PLU, mais dans tous les cas de figure, d'ici à la fin de l'année nous aurons défini ce cadre.
Néanmoins, je voudrais attirer votre attention sur le bouleversement culturel que cela apporte et sur l'immense chance et, d'une certaine façon l'immense responsabilité, que cela donne à votre profession.
La première grande mutation c'est évidemment celle qui concerne justement une vision durable de l'urbanisme.
Cela veut dire une chance d'espace de réflexion, on change les territoires, on amplifie les regards de longue distance qui sont les fameux schémas de cohérence d'organisation territoriale~; et d'une manière générale on vit en interface avec les grands bouleversements des agglomérations, loi Voynet, loi Chevènement, etc.
Or, nous avons besoin d'avoir ce regard de longue distance, car de la même manière que le développement durable est de penser globalement et d'agir localement, on sait bien que la ville respire. C'est sans commune mesure avec ce qui se passait il y a quelques années et si on oublie cette respiration, les ségrégations, les déséquilibres écologiques...ne cesseront de s'amplifier.
Deuxièmement, on change la façon de regarder l'urbanisme.
On a critiqué ensemble le zoning, la séparation fonctionnelle, le regard de l'urbanisme qui était la distance de l'alignement. La culture "~matheuse~" avait fait là ses ravages, personnellement je suis une "~matheuse~" et donc je n'ai rien contre, néanmoins il y a quand même des moments où ce n'est pas précisément le bon indicateur. Or, justement tous les nouveaux PLU (plans locaux d'urbanisme) vont être des mécanismes qui vont dicter la règle pour l'intervention individuelle du citoyen. Il va déposer son permis de construire, modifier sa façade, etc. Il va aussi construire du paysage urbain, donc complètement modifier la forme urbaine. Et si j'estime que vous avez une responsabilité toute particulière c'est que si vous laissez les traditionnels bureaux d'études qui travaillent sur le zoning et sur le juridique, qui est devenu la version la plus hypertrophiée du travail qu'on fait sur les POS, si vous laissez ces mêmes cultures se développer, et si par ailleurs vous ne dotez pas les élus locaux de "~savoir faire~" pour qu'ils soient capables de traduire dans un acte la volonté qui est justement de dire ces paysages urbains, si vous n'êtes pas les "~diseurs~" de ces paysages urbains, je ne vois pas qui le sera et si ce n'est pas vous, j'imagine ce que ce sera. Soit on fera du POS type ancienne méthode en mettant du périmètre où les élus avaient envie de faire des ZAC et ainsi on y mettra des trous blancs avec des règles encore plus souples.
On se retrouvera devant des mécanismes où l'on aura des bureaux d'études techniques qui vont développer le clé en mains PLU et chacun remettra dans l'ordinateur la sous tendance "ATHIS MONS", la sous tendance "MARSEILLE"... dans un cadre qui sera déjà fixé à l'avance. Tout ça pour un coût relativement modéré puisqu'on aura mis dans une boîte préfabriquée quelque chose qui devait être justement du sur-mesures sur le territoire.
C'est pourquoi je me sens dans l'obligation de vous dire que la nation attend de vous cette créativité et ce savoir-faire. Aussi êtes vous en droit de me demander, "~mais aurons-nous les moyens de faire ce travail intellectuel ? ~". La direction de l'Urbanisme et de la Construction travaille aujourd'hui, justement, avec votre profession, avec les élus locaux et l'ensemble de celles et ceux qui doivent être autour de la table pour en définir le cadre. Elle doit de se faire une opinion sur une juste évaluation des coûts, sur ce qu'il est raisonnable de mobiliser. Parce que si nous n'avons pas une réflexion sur ce qui est le raisonnable, la tendance naturelle des élus sera quand même d'aller, à part quelques élus, (nous avons toujours quelques élus très motivés) qui vont mettre le paquet, et dont les communes ont les moyens de mettre le paquet, pour ces études et puis la grande masse des autres qui ira vers le banal. Donc il faut que nous travaillions ensemble pour essayer de bien définir quelles pourraient être ces missions, l'ampleur du travail qui est nécessaire, les sommes qu'il faut y consacrer et sans doute sera-t-il nécessaire que du côté de l'Etat, notamment pour les collectivités, agglomérations et autres qui se trouveraient les plus en difficulté, de réfléchir à comment les accompagner pour que cet effort de qualité soit garanti sur tout les territoires et pas simplement sur ceux qui peuvent se permettre aujourd'hui de s'y engager.
Je crois aujourd'hui que la loi SRU est un vrai bouleversement. Elle l'est aussi sur la mixité sociale.
Or, sur ce deuxième sujet, je voudrais vous dire que je me réjouis pleinement des décisions qui ont été prises. Vous me direz, je me réjouis forcément des décisions du gouvernement; mais plus particulièrement de celles du dernier Conseil Interministériel des Villes. L'Etat va mettre 35 milliards, dont beaucoup sur le logement et l'urbain. C'est essentiellement sur les quartiers les plus en difficulté, mais avec la volonté de ne pas traiter ces quartiers de façon isolée. Il ne s'agit pas de faire de la réparation, il s'agit de casser les ghettos, c'est-à-dire, à la fois de recomposer dans ces quartiers une vie normale de ville, dans un esprit de mixité sociale qui n'est pas non plus le shaker. Ce n'est pas en mélangeant les genres et les classes sociales dans un shaker ; on secoue un peu et ça y est c'est devenu un liquide homogène mixte...
Les quartiers populaires doivent rester. On pourrait expliquer assez précisément que la classe ouvrière existe toujours même si ses repères culturels ont changé. Ce qui était un quartier populaire avec ses repères culturels devient aujourd'hui parfois un lieu où les formes nouvelles de cultures n'ont pas encore pris leur identité, néanmoins, il y aura encore des quartiers populaires. On ne va pas dans les villes, après avoir fait du zoning, tomber dans l'excès inverse, je ne veux voir qu'une seule tête partout et puis si jamais les pauvres étaient bien mélangés ils seraient moins dangereux. D'ailleurs ceux qui les connaissent ( souvent pour en être) savent que les pauvres ne sont pas les plus dangereux, mais bon~! Ils sont pauvres et malheureux et pas forcément dangereux.
En disant casser les ghettos on ne dit pas~: on supprime les grands ensembles, on supprime les quartiers dégradés, et les quartiers actuels. On ne fait pas de la mixité sociale une théorie du mélange généralisé. Néanmoins, les déséquilibres sont tels que si nous ne faisons pas une recomposition de la forme urbaine dans ces quartiers, ils ne seront jamais des quartiers populaires bien acceptés ni par ceux qui y vivent, ni par les autres et le phénomène de ghettos continuera. De l'autre côté si nous ne faisons rien pour que l'ensemble du tissu urbain accepte du logement social, introduise du logement social partout de manière astucieuse, bien inséré dans l'environnement, nous n'arriverons pas à faire tomber les ghettos car, évidemment on aura un mécanisme de ségrégation qui se poursuivra.
Or les 35 milliards qui vont être mis sur ce terrain, sans compter l'argent important du 1 % Logement, qui, quand on le calcule fait 30 milliards sur 5 ans sont des sommes considérables. Premièrement j'espère qu'elles vont être dépensées parce que, je constate quand même avec effarement que certains crédits prévus ne le sont pas toujours, mais bon~! C'était le cas du budget du logement. Je suis devenu ministre du logement avec une chance inouïe. On disposait de beaucoup d'argent et personne ne le dépensait. Fabius avait peur. Il savait qu'avec moi on risquait de le dépenser. Néanmoins, je peux vous dire que c'est quand même un vrai problème dans une société quand on annonce des trucs et que les gens ne les voient pas arriver sur le terrain. De ce point de vue, cet argent là va être mis à quoi ? aux démolitions.
Je sais que chez les architectes, il y a beaucoup de gens qui disent que les démolitions sont une hérésie. Je comprends en partie parce que s'il faut reconstruire ce qu'on a démoli dans les centres villes, au nom d'une prétendue modernité, décidée d'en haut pour faire le centre ville radieux comme on avait imaginé l'univers radieux des grands ensembles il est sûr que ce n'est pas une bonne chose. Mais je crois que vous conviendrez tous que quand on arrive dans un univers où les gens ne veulent plus habiter même quand ils sont pauvres, ils refusent l'attribution du HLM, ils ne veulent pas habiter là... Pour ceux qui habitent dedans, bien sûr, on a toujours une larme aux yeux. Moi quand j'ai vu détruire la maison de ma grand mère, berceau de toute la famille qui y avait toujours habité, dans le centre ville de Belfort, j'avais trouvé cela terrible. Bien sûr que nous avons tous une émotion individuelle quand on voit disparaître un des lieux où l'on a vécu parce que quelque part on se voit vieillir, on se dit qu'on n'a plus de trace. Bon~! tout ça vous le savez bien. Bien sûr il ne faut pas le négliger, Mais il faut quand même maintenant passer aux recompositions lourdes qui passeront dans certains coins par la démolition.
Quand on me dit aussi "les gens n'en veulent pas", je me rappelle avoir milité dans les années 67, mes premiers engagements demandaient la démolition des bidonvilles.. Je m'en rappellerai toujours. On trouvait toujours un certain nombre de gens dans les bidonvilles qui voulaient y rester ! C'était la cohabitation avec les rats et ceux-là voulaient y rester. Parce que justement quand on est pauvre, on se demande si le progrès vous est permis, et évidemment vous trouvez un lien social qui compense l'absence de dignité qu'on ne vous a pas octroyée dans la société. Et c'est vrai que quelque part ce lien social ne se retrouve pas de la même façon quand on n'est plus dans l'adversité. C'est comme quand il y a des tempêtes ou des ouragans. D'ailleurs je remercie les architectes de la Somme qui sont là, de leur solidarité active sur le terrain et du savoir-faire qu'ils apportent. On sait bien dans ces moments-là évidemment que le lien social compense. Mais l'émancipation humaine ce n'est pas simplement d'être dans du lien social, c'est de permettre à chacun d'être libre et de choisir librement son lien social, parce que le lien social c'est aussi l'économie souterraine et j'ai vu des quartiers où les tenants de l'économie souterraine étaient les dealers, qui refusaient la mutation parce qu'ils refusaient de perdre leur pouvoir sur les plus pauvres.
Donc je comprends tout ce qui est dit sur la démolition. Je compte sur vous parce qu'il est vrai qu'il faut du discernement. Il est vrai que ce discernement n'est pas naturel. Il doit porter l'intérêt général donc des intérêts d'abord contradictoires qui cherchent ce qu'est l'intérêt général. On peut rencontrer la dérive suivante : il y a un problème dans un coin "~je râle~", même si la question urbaine n'est pas la cause. Encore que quand il y a trop d'absence de mixité sociale dans la même cage d'escalier, c'est quand même qu'il y a souvent un petit problème urbain pas très loin, mais la solution n'est pas forcément de démolir. Il faut réfléchir, au lieu de faire de la démolition brutale et massive, à comment on renoue, quel est le projet à venir.
Pendant longtemps on a dit : pas de démolition sans projet alternatif. Moi cela me fait doucement rigoler parce que tous les projets alternatifs qu'il y avait dans les démolition Je n'en ai vu aucun se réaliser. Donc déjà je me méfie du projet allant X + tant, qui ne se font jamais. Néanmoins ce qui est important ce n'est pas tant que le projet soit finalisé, mais c'est qu'il soit entrepris. C'est-à-dire qu'il y ait suffisamment de professionnels, suffisamment de débats, suffisamment de participation citoyenne pour que l'acte posé qui parfois est un acte qui a été déterminé après plusieurs paramètres, qui bien sûr n'est pas forcément un acte fondateur, à lui tout seul, du futur projet mais qui ouvre l'opportunité du projet ; si, il n'y a pas cet acte, la plupart du temps le dialogue est impossible et l'avenir n'est pas perceptible.
Mais l'autre dérive c'est : on démoli, on attend, on attend que cela se passe et on croit que les problèmes sont réglés. Or, je constate que dans certains secteurs où on a démoli, c'est le cas. On attend On ne sait pas où on va, et on continue d'attendre. C'est pourquoi j'attache beaucoup d'importance à ce qu'on ait un vrai réinvestissement collectif de vos professions sur ce qu'est la mutation urbaine dans les quartiers qui étaient les anciens grands ensembles, les cités dortoirs, les quartiers périphériques des années 70, parfois bien pires que ceux des années 60 . Car il faut un investissement intellectuel de vos professions, j'observe que dans les concours quand on demande un bailleurs social, on tombe toujours sur les mêmes. Vous me direz ce sont les copains du bailleur social, c'est machin, peut-être, je veux bien l'admettre encore que... Néanmoins je ne suis pas sûre que l'ensemble de la profession d'architecte et d'urbaniste s'investisse suffisamment en proposant des projets aux élus, en allant sur le terrain. Alors peut-être que je me trompe, mais en tout cas il me semble qu'il est fondamental que votre profession s'accapare ces débats, ces savoir-faire, propose des choses qui ne soient pas banalisées, car on a des risques aussi de réponses banalisées sur des territoires qui l'étaient déjà.
Donc là je vous dis ce que j'attends de vous. Vous pouvez me dire ce que vous attendez de moi aussi! Sur ce même territoire, comme je vous disais que les missions urbaines me paraissent très faibles non en quantité d'argent, mais en quantité de personnes, mis sur le territoire pour discuter d'urbanisme, d'architecture, d'évolutions d'espaces publics... Je crois qu'il nous faut désormais dans tous les GPV, dans tous les ORU, dans tous les contrats de ville, mettre en oeuvre des équipes et des financements pour des missions d'oeuvres urbaines et sociales pour financer des études d'urbanisme, beaucoup plus que nous ne le faisons aujourd'hui et de manière significative en pourcentage des investissements qui sont globalement prévus dans les GPV et les ORU.
Parce que si nous ne faisons pas cela, je vois aussi le risque d'une sorte d'inertie collective. J'ai vu des GPV où sont posés 4 tours sur une dalle, 17 étages. Pas n'importe quoi~!!! en plein Clichy Montfermeil, à côté d'une espèce de bunker qu'est le terrain de sport, avec comme seule réponse "on va rénover la copropriété dégradée, parce que les financements sont insuffisants, ça coûterait trop cher de raser et puis, parce que finalement comme il n'y a pas de projet et bien, la seule solution c'est de réhabiliter~". Cela constitue un danger majeur~!
Donc il faut que l'on fasse un travail en commun. Nous y travaillerons avec votre syndicat, pour que, à la fois l'ensemble de la profession d'architecte, l'ensemble des urbanistes s'investissent intellectuellement sur ces enjeux-là dans une vision urbaine large et plus peut-être qu'ils ne le font et que, de notre côté, nous dotions avec la politique de la ville et avec mon ministère, de véritables crédits ces études dans la longue durée, et pas seulement pour le projet initial, d'accompagnement de cette mutation urbaine.
La troisième chose que je voudrais vous dire sur ces mécanismes de mutation de la ville, c'est qu'il y a évidemment tout le reste de la ville à faire muter. Et tout le reste de la ville cela supposera aussi qu'on travaille ensemble sur les formes nouvelles du logement social. La réhabilitation de l'ancien, mais on le sait en ville le foncier, le gros foncier, n'est plus disponible et d'ailleurs d'une certaine façon tant mieux. Mais je veux dire, par là, que le logement social va devoir changer de forme, changer de taille, et probablement changer d'organisation. Donc je souhaiterais organiser dans les mois qui viennent, des forums régionaux avec, je l'espère, le concours de l'Union des HLM et les représentants de vos syndicats pour qu'on essaie de retravailler ensemble à, je n'allais pas dire renouer les liens, parce qu'évidemment il n'y a pas d'HLM qui se construisent sans les architectes, mais peut-être avoir le temps de mettre à plat quelles sont les difficultés de prise en comptes respectives.
En effet j'avais rencontré des jeunes architectes à un festival de l'architecture, dont j'avais l'impression qu'ils se sentaient hyper bridés dans leur créativité, par nos normes, notre façon de calculer, la manière dont les HLM déclinaient la demande sociale. Et puis en même temps, je dois vous dire honnêtement que les HLM ont une sorte de prudence par rapport à l'innovation architecturale, car ils ont l'impression que parfois ils ont servi de terrain d'expérimentation parce que on ne voulait pas expérimenter ailleurs.
Alors moi, soyez rassurés là-dessus, j'ai une règle simple : ce qui est bon pour les riches est bon pour les pauvres. Je préfère d'abord que l'on expérimente chez les riches et c'est rare que cela ne marche pas chez les pauvres. Alors en général ce qui manque c'est l'argent. De ce point de vue, je crois qu'il faut qu'on rediscute parce qu'il y a un passif qu'il vaut mieux laisser derrière. Il faut se comprendre pour savoir quelles vont être les offres nouvelles de logements sociaux. La diversité et probablement des évolutions de nos normes, du code de la construction me paraissent prioritaires. Je pense que nous l'organiserons dans les prochains mois. Je ressens du côté des HLM la même demande et vous savez que le plan du PUCA joue un rôle tout à fait déterminant en la matière.
Je vous donne un exemple. On a lancé l'opération "villas durables" c'est-à-dire l'idée de petites villas. J'ai pris le mot "villa" volontairement en référence à la Villa Palladienne mais, l'idée de la villa, c'est à la fois quelque chose qui est une résidence, de petite taille et à la fois un lieu où l'on fait vivre une certaine diversité des âges~; et puis pour ajouter la cerise sur le gâteau, qui respecteraient les critères du développement durable. Et c'est sur ce dernier point que je voudrais vous dire quelques mots.
Je suis fondamentalement convaincue que la question du développement durable va être la grande affaire du XXIe siècle.
C'est un thème qui est en apparence consensuel. C'est un thème qui est né, pour une part, des pays du nord de l'Europe et pour une part du monde anglo-saxon. Il est fondé sur une vérité je crois peu contestée, à savoir qu'il n'est plus possible d'imaginer le développement pour l'avenir si l'on veut préserver l'équilibre de la planète tel qu'on l'a fait dans les pays développés dans les siècles passés. Donc nous avons besoin de cette dimension environnementale et qui est fondamentale.
La deuxième chose c'est que l'environnemental pose forcément la question des générations, ce que l'on fait aujourd'hui pour les générations futures. Dans ce cas là, la tradition urbaine devrait nous montrer à quel point il est important de penser aux générations futures quand on voit justement la question du patrimoine et du nom.
Et puis, il y a cette idée qui est plutôt née de la revendication des pays du tiers monde, qui était de dire : "C'est bien beau de penser environnement mais si c'est pour nous faire croissance zéro , attention à l'avenir des sociétés. Une société qui ne se développe plus est quand même une société qui pousse les tentations régressives -et dans ses valeurs et dans les relations avec les autres- et deuxièmement, nous les pays du tiers monde, où est-on ?. Notre développement c'est des cacahuètes. Donc il est temps pour nous aussi d'avoir un espace de développement."
Cette question sociale est fondamentale, ce n'est pas simplement de l'environnement. Et ce n'est pas simplement la question "~les pauvres sont autour des HLM, sont autour des usines à risques~", ce qui est déjà un volet, mais ça va plus loin. C'est la façon dont se fait le lien social.
Puis le troisième volet, celui-là, vous pouvez vous rassurer vient toujours, c'est l'économique. Encore que l'économique est plus conçu dans sa globalisation plutôt que par la façon dont on donne la capacité, sur un territoire, d'un développement économique endogène par la qualité qu'on y introduit. Ces trois volets auxquels se rajoute la bonne gouvernance.
Aujourd'hui, tous les débats internationaux, y compris pour les placements financiers, sont le critère du développement durable. Cela va devenir un enjeu de société ou bien un nivellement des sociétés.
Soit on aura un modèle anglo-saxon du développement durable avec ses normes éthiques, avec ce qu'on appelle le social, c'est-à-dire on limite la pauvreté, les normes minimales, l'environnement conçu comme régulé par le marché , droit pollué, ou bien on est capable de faire vivre dans cet espace mondialisé une autre conception du développement durable, et je crois que l'Europe, et tout particulièrement la France au regard de son histoire liée à l'idée de l'intérêt général, liée à l'universalité de ses valeurs, a un rôle particulier pour donner au concept de développement durable un contenu qui ne soit pas forcément la modélisation anglo-saxonne imposée à tous.
Vous vous dites, ah là sur les stratosphères où on en est de l'architecture?
Je vais vous donner des exemples très concrets.
Une grande banque française construit son siège social. La banque, même si elle est française, est quand même internationale... Elle a donc besoin d'avoir le label "développement durable" pour son siège social parce que cela fait bien quand on est une grande banque internationale d'aide au développement durable. Et donc elle prend un bureau d'ingénierie financière parce que quand même c'est d'abord ça qui l'intéresse. Et, elle dit au bureau d'ingénierie financière "je veux un bâtiment développement durable, alors vous allez me prendre des architectes qui sont soient soit anglais, soit nord-européens, soit américains, parce qu'il faut que ce soit crédible pour le développement durable".
Et c'est aujourd'hui en France, une grande banque française. Et bien, on peut évidemment aller les pendre haut et court sur la place de Grève ; mais hélas ça, ça fait un certain temps que ce n'est plus la méthode. Donc nous avons besoin d'une autre façon de faire et cette autre elle ne nous est pas simplement portée par la compétition, parce qu'il y a de l'autre côté l'aspiration de nos concitoyens, qui ont bien compris la question de la santé dans l'habitat, qui ont bien compris que la manière dont elle est organisée -dont sont organisés nos transports avec la pollution de l'air- qui ont parfaitement compris que les matériaux, la question de l'effet de serre, ça va être déterminant. Ils se sentent un peu dépossédés, ils sentent bien que c'est nécessaire, alors y a la petite branche éclairée, très militante qui sait comment elle va régler ce problème ; mais il y a la grande masse qui se demande si on peut vraiment agir et comment agir. Et la ville est le lieu qui exprime le mieux la crise écologique aujourd'hui. Pas nécessairement le bâti, mais l'urbanisme certainement. Mais même le bâti, tout le monde sait qu'on a des risques d'allergies à cause des produits, des colles, des machins, des acariens. Que la ventilation a d'énormes conséquences même si, quand on a du chauffage électrique, qu'on est pauvre et que ça coûte des ruines de payer ses charges, on se calfeutre de partout et du coup on se trouve avec et de l'humidité et des conditions de santé déplorables.
Donc cette question du développement durable est vitale pour la compétitivité mondiale. Elle est vitale pour que justement il n'y est pas un seul modèle qui dans le monde puisse prévaloir et qu'on soit capable de décliner ce qu'il y a de mieux dans le modèle français -pas le côté franchouillard, le côté universalité de nos valeurs.
Et troisièmement parce que ça correspond à une aspiration profonde de nos concitoyens.
Il faut donc relever ce défis. Et vous avez eu raison, Madame la Présidente. Pendant des années l'architecte, qui venait avec l'idée du solaire, l'architecte qui venait avec du bio-climatique, celui qui venait expliquer que le bois c'était finalement bien avait du mal à se faire comprendre dans notre société qui avait bien du retard dans certains domaines en la matière. Donc il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'impulser, parce que la France est ainsi faite, que, quand l'Etat donne le "La", d'abord tout le monde critique et en même temps tout le monde tient compte de ce que l'état malgré tout a voulu dire. C'est un effet assez historique et c'est sain comme cela. Mais si l'Etat ne dit rien sur ce sujet, s'il ne promeut pas de pratiques de développement durable, s'il ne rend pas crédible une généralisation d'une pensée collective et d'une façon de décliner ce modèle, il est vrai que nous accumulerons ces retards qui sont néfastes pour tous.
Alors je présenterai à la fin du mois de novembre, un plan habitat et développement durable. Je me consacrerai plus particulièrement à la question de l'habitat car vous avez vu que la loi SRU, à travers le débat qu'on aura sur le contenu du plan de d'aménagement de développement durable sur lequel je peux vous dire quelques mots.
D'une certaine façon avec le développement durable on nous demande toujours la même chose. On est tous attentifs à avoir une espèce de norme, alors qu'en fait on va avoir, des items, des problématiques, des manières de réfléchir aux choses.. De penser~: quel est l'équivalent d'effet de serre d'une urbanisation ? Quelle est la question, quel est l'effet des distorsions sociales qui ont lieu? On va chercher plutôt des indicateurs qui devraient nous aider à bien réfléchir au territoire des développements durables, que des solutions magiques pour régler les problèmes.
Dans l'habitat, on a la chance d'être dans un univers où la promotion des normes, la promotion des pratiques professionnelles, et des financements publics importants nous permettent d'aller très vite dans les mutations.
D'abord sur la question de l'effet de serre. 40 % de notre effet de serre vient de l'habitat. C'est énorme. Si on veut tenir les engagements de Kyoto, il faut considérablement réduire la consommation énergétique, ou l'équivalent CO_, liée à l'habitat.
Donc nous aurons tout un volet sur, à la fois les économies d'énergie, sur les énergies alternatives, sur le bioclimatique, et il n'y a pas une solution. Il y a besoin de financement et là, le logement social, qui est quand même historiquement le point d'appui le plus lourd pour les pratiques de cette nature, bénéficiera de crédits PALULOS très fortement renforcés pour, justement, notamment dans la réhabilitation et pas seulement dans le neuf, tenir compte du développement durable, des économies d'énergie, de la gestion intelligente de l'eau, avec un pari qui par ailleurs est social. Plus on économise ces ressources rares, plus les charges vont baisser et vous savez qu'aujourd'hui les charges sont ce qui pèse le plus dans le logement des populations les plus défavorisées.
Mais, c'est tout le débat. Celui qui va payer l'investissement est le propriétaire. Celui qui va bénéficier de l'économie est le locataire. Donc ça suppose, et ce sont tous les débats sur les valeurs d'usage, etc. -cela suppose qu'on redéfinisse le cadre du~ "~comment on finance et qui bénéficie du financement~". Mais ça fait partie des choix que je suis en train d'engager pour ce plan qui aura lieu au mois de novembre.
J'aurais beaucoup d'autres chose à vous dire, j'ai eu souci de vous entendre et je souhaite qu'on puisse continuer ensemble dans cette direction.
Je voudrais évidemment achever mes propos sur la loi de 1977. Je partage totalement la volonté de Catherine Tasca d'actualiser, rénover et même de réformer davantage la loi telle qu'elle est.
Donc très rapidement je souhaite engager des discussions avec les professionnels, avec bien sûr le ministère de la culture, et avec vous, Madame la Présidente, et avec votre syndicat. Parce que je voudrais vous dire toute l'importance que j'attache à votre travail. Vous avez toujours su rester à l'équilibre dans ce dialogue entre la volonté culturelle normale, tout à fait essentielle pour notre ambition culturelle en France, et ce lien très proche des techniciens du monde du bâtiment, du monde de la construction du monde de l'urbanisme. Il nous faut ces passerelles et ces dialogues. Je les organiserai avec Madame TASCA. Nous le ferons ensemble en tant que ministres. Mais les services le feront bien sûr avec Wanda DIEBOLT, Paul SCHWACH dans le même esprit, mais nous aurons sans doute besoin de beaucoup de votre énergie, de votre persuasion, de votre savoir-faire pour pouvoir faire ce travail, non pas simplement de dialogue qui soit dit face à face, mais de construction de ce que peuvent être les bons compromis.
En tout cas moi je partage totalement les intentions de cette loi. Je pense qu'il faut aussi avoir en tête les évolutions européennes qu'on ne peut pas nier et qui de toutes façons pour une part s'imposeront à nous, même si parfois il nous faut être plus ambitieux nous-mêmes pour défendre nos positions à ces niveaux-là. Je reste en tout cas persuadée, Madame la Présidente, et vous Mesdames et Messieurs, que la profession d'architecte se trouve au carrefour des deux enjeux majeurs de notre monde contemporain et en tout cas de notre France contemporaine. Je veux parler de l'urbanité que pour ma part je crois être l'urbanité républicaine. J'ai très peur quand je vois les événements qui ont eu lieu aux Etats-Unis ou quand je vois ailleurs les tensions qui se tirent, qui se crispent et je me dis que notre pays n'est jamais totalement épargné, même au regard d'une histoire riche d'une volonté d'émancipation de chacun.
Je voudrais que les jeunes des banlieues soient capables de se dire que ce qui est écrit en haut des frontons des mairies les concerne directement, dans leur vie quotidienne. Et cela c'est la ville, en même temps que bien sûr l'équilibre social et économique du pays qui peut y concourir.
Je crois fondamentalement que la République c'est la mixité sociale, c'est le "~vivre ensemble~", c'est l'espace public de qualité, c'est le lien qu'il y a entre les générations, c'est la valorisation du patrimoine et de l'histoire et en même temps le regard avec la création sur le futur. Vous portez cette urbanité républicaine, avec un savoir-faire avec une capacité d'être un médiateur dans la société, un métier au sens noble, et je voudrais vous en remercier.
Et le deuxième grand pilier, c'est celui du développement durable parce que nous ne sommes pas simplement citoyens de nos villes mais citoyens du monde et que, d'une certaine façon je rêve que la ville française, que l'architecture française fasse modèle pour le développement durable.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 7 janvier 2002)