Déclarations de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur la politique de la ville, à l'Assemblée nationale les 27 et 28 avril 1993.

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Circonstance : Débat d'orientation sur la politique de la ville, à l'Assemblée nationale les 27 et 28 avril 1993

Texte intégral


(Discours à l'Assemblée nationale le 27 avril 1993. Introduction du débat d'orientation sur la politique de la
ville)
Mesdames, Messieurs les Députés,
C'est la première fois que l'Assemblée Nationale va débattre de l'orientation de la politique de la Ville.
Vous avez souhaité consacrer deux jours des travaux de cette Assemblée à ce débat. J'ai pleinement apprécié cette
volonté car vous êtes à l'écoute de la France et des Français, vous ressentez près de vous l'inquiétude, parfois le
désespoir. Mais vous avez aussi conscience que les problèmes de la Ville supposent des réponses concrètes. Ce débat
va puissamment aider à les élaborer. Oui, Mesdames, Messieurs les Députés, j'ai voulu vous entendre et vous
indiquer le sens que je donne à mon action.
Nous savons que nos cités, qui existent pour certaines depuis des millénaires, ont été de tout temps des lieux
d'échanges, de confrontation des idées d'innovation, de création d'un art de vivre, peuvent également engendrer la
misère, la violence, la marginalisation et l'exclusion.
Regardons la Ville, regardons ces villes qui rencontrent le plus de difficultés.
* Etat des lieux – un peu d'histoire
Rappelons-nous. En 1978, on assistait à la naissance des rodéos automobiles à la cité des Grappinières à Vaux-en-
Velin. Voitures volées, voitures cassées, voiturer brûlées. C'est le premier signe du grand désarroi de la
jeunesse, vis-à-vis d'une société de consommation où règne l'ostensible.
Rappelons-nous 1981. Le début des émeutes aux Minguettes qui dureront deux ans.
Puis, 1990, les grandes émeutes de Vaux-en-Velin. Ce ne sont plus seulement les automobiles qui sont cassées, c'est
tout un quartier avec ses commerces, ses services publics, qui vole en éclat.
Le sentiment de révolte s'est installé durablement. Chaque incident déchaîne une crise de violence, une violence
toujours à l'affût.
A plus de dix ans d'intervalle, à Vaux-en-Velin et dans d'autres villes plus particulièrement touchées par la crise
économique et sociale de notre pays, l'histoire semble se répéter.
* La situation dans les quartiers
En 1990, les quartiers couverts par la politique de la Ville rassemblaient près de trois millions de personnes,
soit 5 % de la population de la France.
Par rapport à la moyenne nationale, on y trouve plus de jeunes de moins de vingt ans, plus de familles nombreuses,
plus de chômeurs, souvent plus d'étrangers, entassés dans des logements vétustes et délabrés, où cohabitent souvent
plusieurs générations.
Des jeunes, sans qualification, sans emploi et sans ressources, ne peuvent prendre le chemin de leur autonomie.
Ce tableau, quelque peu schématique, cache en fait une mosaïque. Et c'est cette grande diversité des situations
d'une ville à une autre, d'un quartier à un autre qu'il faut toujours avoir à l'esprit.
Il s'agit tantôt de centres villes dégradés, comme à Aix-en-Provence, des grands ensembles construits dans les
années soixante, à la périphérie des villes ou autour d'un village, comme à Chanteloup-les-Vignes. Il s'agit
également de cités ouvrières, comme à Lens.
De même, la composition sociale des quartiers est loin d'être uniforme : dans certains, il y a peu ou pas
d'étrangers ; c'est le cas de Boulogne sur Mer. Dans d'autres, plus de la moitié de la population est étrangère. Le
taux de chômage est parfois inférieur à la moyenne nationale, comme à Sceaux, alors que dans d'autres, plus du
tiers de la population active est au chômage. Il n'est plus exceptionnel maintenant, hélas, de trouver plusieurs
générations d'une même famille au chômage.
Enfin, l'environnement des quartiers dans lesquels vivent les populations en difficulté est lui-même contrasté.
Certains sont situés dans une agglomération qui est tout entière soumise à des difficultés, ou au coeur d'un
environnement favorable : Charleville-Mézières et Montpellier illustrent ce contraste.
Comme vous le voyez, la situation des villes en difficulté est aussi diverse que les paysages français.
Gardons-nous donc, Mesdames et Messieurs, de tout amalgame tendant à mettre seulement les problèmes sur le compte
d'une immigration mal maîtrisée, sur le compte des jeunes générations, sur le compte de tel ou tel bouc émissaire.
Gardons-nous aussi de jeter l'anathème sur l'ensemble de la population d'un quartier ou sur telle ou telle
catégorie, parce que ce serait à la fois injuste et indigne.
Tous, nous sommes responsables de cette situation. Aussi, tous ensemble, attaquons-nous avec détermination aux
problèmes dont nous avons hérité !
* Bilan de la politique de la ville
Faisons maintenant le bilan de la politique de la Ville.
C'est en 1977 que sont apparus les premiers jalons de la politique de la Ville, avec la création du groupe
interministériel Habitat et Vie Sociale, qui a entrepris d'aménager une cinquantaine de sites.
Depuis cette date, les liens contractuels entre l'Etat et les élus locaux n'ont cessé de se renforcer pour élaborer
et mettre en oeuvre une politique de la Ville.
Beaucoup a été fait, depuis les rapports de Bernard SCHWARTZ sur l'emploi, Gilbert BONNEMAISON sur la sécurité,
Hubert DUDEBOUT sur les quartiers.
Je souhaite rendre hommage à tous ceux, élus, associations, qui, sur le terrain, ont façonné ou ont utilisé les
outils de la politique de la Ville. L'Etat ne peut rien sans leur concours et, j'ose dire, leur appui. Mais force
est de constater que, malgré toutes ces bonnes volontés, ces efforts, les problèmes subsistent, que le malaise est
là, que l'inquiétude de nos concitoyens est réelle, que des difficultés se posent à l'ensemble de nos villes.
Et lorsqu'un quartier souffre, c'est l'ensemble de la ville qui souffre.
Lorsque quelques individus veulent imposer leur loi, c'est l'ensemble des habitants d'une cité qui désespèrent.
Les habitants des zones urbaines déshéritées sont les premières victimes de l'insécurité qui y règne : vols,
agressions, trafic de drogue, recel, sans oublier les nuisances et dégradations qui troublent la vie quotidienne.
Notre devoir est donc d'abord de dresser sereinement un bilan politique de la Ville.
Je compte sur vous pour éclairer le Gouvernement à ce sujet, par l'expérience irremplaçable que vous avez des
problèmes concrets qui se posent sur le terrain.
* Mon bilan.
Je tire pour ma part, de mes contacts, de mes visites et des nombreux rapports et études consacrés à la Ville, le
bilan suivant de la politique engagée depuis 1977.
En premier lieu, la politique suivie a, certes, permis l'épanouissement d'un certain nombre d'innovations en
matière de réhabilitation et de gestion sociale de l'habitat. Mais elle ne s'est pas suffisamment attachée à la vie
quotidienne des habitants.
Est-il supportable de voir des familles de dix personnes ou plus encore, entassées dans des logements de 3 ou 4
pièces de 50 à 60 m2 ?
Les enfants n'ont d'autres solutions que de s'échapper dehors. Comment peuvent-ils faire leurs devoirs entre une
télévision constamment allumée, la sono du frère aîné, les allées et venues constantes, les pleurs du petit
dernier, leurs cahiers sur un coin de table où s'entasse le linge à repasser.
Les caves et les cages d'escalier deviennent les annexes des logements, où les enfants, livrés à eux-mêmes, peuvent
faire, dès le plus jeune âge, toutes les bêtises possibles.
Nous avons manqué d'une analyse préalable et prédictive des phénomènes urbains. Il a manqué, en particulier, la
connaissance des effets de la concentration de l'habitat social dans de grands ensembles ou de grandes cités.
Mon premier constat est donc le suivant :
La politique de la Ville a beaucoup souffert finalement de n'avoir pas su appréhender, dès le départ, les problèmes
dans leur globalité et leur immensité. Elle s'est enlisée dans une approche catégorielle, parcellaire, alors que la
vie d'un jeune dans la cité dépend de l'harmonie de sa famille, des conditions de logement, de l'accès aux soins,
de l'éducation et des possibilités de loisirs.
Mais, surtout, avec la crise économique, nous n'avons pas au maîtriser la diffusion du chômage d'exclusion, qui a
frappé surtout des adultes, dont on a pas su maintenir le potentiel de qualification.
Nous n'avons pas su, également, adopter les systèmes de formation aux besoins qui se dessinaient.
Le rattachement de la Ville au ministère des Affaires Sociales et de la Santé va permettre de redonner à cette
politique une meilleure impulsion et plus d'efficacité. Je peux désormais m'appuyer dans le travail de coordination
et d'impulsion ministérielle qui est le mien, sur une administration puissante.
J'ai, pour ce faire, dans mes attributions, autorité sur la délégation interministérielle au revenu minimum
d'insertion, la délégation interministérielle à la Ville et au Développement Social Urbain, la délégation générale
à la lutte contre la drogue et la toxicomanie et la délégation générale à l'innovation sociale et à l'économie
sociale.
Pour l'exercice de mes attributions relatives à la politique sociale et à la Ville, je dispose de la délégation
interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté, placée sous l'autorité du
ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle. Naturellement, je travaillerai avec Monsieur
GIRAUD, afin de lui demander que le service public de l'emploi soit largement mobilisé pour desserrer les
contraintes économiques spécifiques qui pèsent sur ces quartiers, en coopération avec les entreprises qui
réinvestissent dans le champ social.
Je pourrai m'appuyer également sur les femmes, dont la délégation m'est rattachée.
Je pourrai faire appel à l'ensemble des services et établissements publics placés sous la tutelle des autres
ministères.
* Si la politique de la ville a manqué de cohérence, elle n'a pas su définir suffisamment ses domaines
d'intervention
On a assisté à un véritable foisonnement de procédures contractuelles, qui se sont empilées les unes sur les
autres, sans réelle synergie, ce qui a plutôt généré l'opacité et la confusion.
L'année dernière, 430 contrats d'actions de prévention ont été conclus ; les opérations de prévention "été" ont
couvert 29 départements.
Parallèlement, 554 établissements étaient inscrits en zones d'éducation prioritaires, 60 programmes locaux
d'insertion par l'économique étaient élaborés, 200 conventions "quartiers-lumières" étaient signées, sans oublier
les programmes d'aménagement concertés de la DATAR, les plans locaux d'habitat du ministère du Logement, les plans
de déplacements urbains du ministère des Transports, les sites pilotes d'intégration du FAS, et j'en resterai là,
car la liste en est déjà trop longue…
On est passé de 32 sites de développement social des quartiers à l'origine, à 296, plus 156 conventions de
quartiers, auxquelles s'ajoutent 128 conventions ville-habitat. Récemment, ce sont 165 villes et agglomérations qui
ont été sélectionnées pour faire l'objet d'un contrat-ville, procédure unique retenue dans le cadre des travaux du
XIème plan.
On a assisté à une sorte de boulimie anarchique.
Je suis pour ma part convaincue que ce foisonnement a eu pour cause l'affaiblissement de l'Etat, à un moment où la
décentralisation n'avait pas encore totalement parachevé la répartition des pouvoirs et des financements y
afférent.
*Les orientations
Il me parait indispensable et prioritaire de remettre de l'ordre dans la politique de la Ville, dans le sens d'une
plus grande efficacité.
* L'efficacité commande tout d'abord la simplification des procédures
Nous allons rassembler, après avoir évalué leurs résultats, toutes les procédures dans un protocole unique
d'engagement entre l'Etat et les collectivités locales. A côté de la région et des communes, le Conseil Général
doit également se mobiliser, car ses compétences sociales sont indispensables pour établir une politique cohérente.
Si l'on veut traiter les problèmes, il faut réunir toutes nos compétences, celles de l'Etat, des collectivités
locales, des associations et des partenaires privés qui se joindront à nous, au sein d'une procédure unifiée. Nous
allons réunir nos forces et travailler à un même objectif : vivre tous ensemble dans la ville.
* L'efficacité commande une globalisation des moyens d'intervention
L'État doit réunir ses lignes de crédits budgétaires au sein d'un fonds unique d'intervention. Les collectivités
locales devront également faire cet effort, afin d'éviter le saupoudrage et l'éparpillement.
Le budget de la Ville est, certes, le premier de ces moyens. Mais d'autres organismes peuvent renforcer ces moyens,
dès lors qu'ils sont associés clairement à la politique de la ville : c'est le cas du PAS, et je compte aussi sur
l'appui de la Caisse des Dépôts et Consignations, qui me paraissent être des atouts essentiels.
Je compte donc m'attacher, en toute priorité, à une meilleure utilisation des moyens existants.
Comment, dans la conjoncture très difficile de notre pays, mobiliser les moyens supplémentaires nécessaires, en
particulier pour le logement, l'éducation et la santé ? Je sais que le Premier Ministre s'en préoccupe et que des
solutions novatrices seront trouvées.
Une meilleure solidarité entre les communes peut être également un atout.
* L'efficacité commande une présence forte de l'État sur le terrain
J'ai rencontré à ce sujet le Garde des Sceaux et le Ministre de l'Education Nationale. Ils en sont totalement
convaincus. La politique de la Ville doit s'appuyer, pour réussir, sur des femmes et des hommes compétents,
volontaires et qui ont l'autorité et les moyens d'apporter une solution aux problèmes.
L'efficacité commande une déconcentration maximum des décisions. Il faut une définition claire et un renforcement
des pouvoirs de coordination, d'impulsion et d'intervention des représentants de l'Etat.
L'élargissement des pouvoirs des préfets chargés de la ville et l'augmentation de leur nombre pour couvrir les
départements les plus en difficulté est essentielle.
Je vous annonce qu'à ma demande, mon collègue Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du
Territoire, a accepté que soient désignés dans la trentaine de départements urbains où se trouvent des quartiers où
les problèmes sont les plus aigus, un sous-préfet chargé de la solidarité et de la ville.
S'agissant des collectivités locales, je pense nécessaire qu'il y ait un interlocuteur unique, pour chacune des
collectivités concernées, afin de travailler avec le Préfet.
* L'efficacité commande la participation responsable de tous les acteurs de terrain
Les associations doivent être parties prenantes à la politique de la ville. L'amélioration des outils de
concertation et la passation de contrats d'objectifs iront dans ce sens.
Les habitants eux-mêmes doivent se mobiliser, car sans eux l'intégration sociale et urbaine qui développe le
civisme et l'esprit de responsabilité ne pourra aboutir.
* L'efficacité exige enfin la durée et la continuité
La politique de la Ville doit se refuser de céder à l'air du temps. On ne rénove pas un quartier en quelques jours,
pas plus qu'on ne résoudra, dans le même délai, le problème de l'échec scolaire ou les dégâts causés par la drogue.
C'est en années qu'il faut pouvoir compter.
C'est dans une perspective de long terme, qu'il nous faudra répondre aux grandes préoccupations des habitants de
nos villes.
Quelles sont-elles ?
Pourquoi la ville attire-t-elle tant ? Pourquoi l'urbanisation constitue-t-elle une tendance lourde de notre
société ? Pourquoi cette attirance irrésistible vers les villes, vers les lieux où se concentrent toutes les formes
de l'activité humaine ?
Il nous appartient à tous d'essayer de ne pas décevoir les attentes de ceux qui vivent en ville.
Refuge de tous les espoirs, la ville n'est-elle pas devenue aujourd'hui le refuge de toutes les craintes ? Crainte
d'être agressé bien sûr, crainte d'être rejeté par l'école, par son entourage, crainte d'être chômeur et finalement
crainte de vivre la solitude au milieu de milliers d'autres. Gardons-nous des excès dans l'un et l'autre sens :
nous devons être à l'écoute des préoccupations de tous nos concitoyens et savoir détecter les tensions et tendances
lourdes de notre société : la peur de la ville en est incontestablement une.
Face à cela, il est de notre devoir de nous mobiliser tous. Consciente de l'importance de l'enjeu, j'y suis, pour
ma part, tout à fait déterminée.
Nous devons redonner à nos concitoyens confiance en leur ville et leur donner les moyens de "vivre ensemble", de
"vivre l'espoir", de "vivre la ville" et de "vivre en famille".
* Vivre ensemble, c'est bien sûr et d'abord vivre dans la sécurité
Or, comment vivre dans la sécurité, alors qu'il existe une croissance de la délinquance depuis de nombreuses années
et que la plus grande part de l'augmentation de la petite délinquance, celle de tous les jours, est due à la
drogue ?
Pour ramener la paix sociale dans les quartiers qui sont devenus des zones de non-droit, comme l'a indiqué Monsieur
le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale, les Pouvoirs Publics, et d'abord l'Etat, doivent
assumer pleinement leurs responsabilités. Il nous appartient de mettre en oeuvre simultanément tous les volets de
cette politique :
- d'abord, punir les délinquants : rien n'est, en effet, pire que le sentiment d'impunité, à la fois pour le
délinquant lui-même, mais également pour le reste de la population; mais cette punition n'a de sens, que si tout
est mis en oeuvre pour éviter la récidive, trop fréquente et exaspérante pour les victimes potentielles de
l'insécurité ;
- il faut aussi prévenir la délinquance : il nous faut agir sur ses causes et ses racines en protégeant l'enfant,
et surtout l'adolescent, de tous les risques qui le guettent ;
- enfin, secourir les personnes victimes des actes de délinquance.
Est-il besoin de rappeler, que pour l'essentiel, ces missions incombent à l'Etat, au titre de ses fonctions
régaliennes ?
Je sais les conditions difficiles dans lesquelles, policiers et juges travaillent. Je salue ici leurs efforts et
leur sens du service public. Mais, pour autant, la rénovation de notre administration doit être poursuivie, en
inversant les tendances qui ont jusqu'ici trop prévalu.
Considérons donc comme un objectif prioritaire d'affecter les agents les plus compétents là où les tâches sont les
plus difficiles et non pas là où elles sont nécessairement les plus valorisantes.
Ayons le ferme souci de donner à nos agents les moyens d'exercer leurs fonctions et de leur signifier qu'ils
méritent l'admiration et le soutien du pays tout entier.
Ainsi, par exemple, au commissariat de Brest, un policier très dynamique a pris une initiative sportive au profit
des jeunes du quartier, leur permettant notamment de recevoir une initiation à la moto.
Autre exemple, dans le département de l'Essonne, le Procureur de la République a créé un centre opérationnel du
parquet, qui fonctionne 24 heures sur 24. Des réunions systématiques sont organisées entre le parquet et les maires
du département. Un substitut a été désigné comme correspondant de chacune des zones d'éducation prioritaires de
l'éducation nationale et le public est accueilli deux fois par semaine au parquet pour être informé des décisions
judiciaires.
La présence de la police et de la justice dans les quartiers doit à l'évidence être renforcée, l'îlotage développé,
les actions conduites pour rétablir la paix sociale dans les établissements scolaires très considérablement
renforcées, mais d'autres territoires doivent faire l'objet d'une vigilance accrue : les transports en commun, les
centres commerciaux, le logement.
Les chefs d'établissement, les entreprises de transports, les gérants de centres commerciaux, les bailleurs sociaux
doivent complètement intégrer la dimension civique et civile de leurs responsabilités, en lien très étroit avec les
associations représentant les habitants des quartiers et notamment les jeunes.
Car rien ne peut être fait sans les habitants eux-mêmes. On pourra multiplier les clubs de prévention, les centres
sociaux, les maisons de jeunes, les PAIO, les îlotiers, les animateurs sportifs, les actions de soutien scolaire et
les opérations spéciales de l'été, les difficultés ne s'éloigneront que si les habitants sont pleinement associés.
D'abord et avant tout, ils doivent s'associer en ayant conscience de leurs responsabilités familiales.
L'apprentissage des règles de la vie en société se fait dès la petite enfance au sein de la famille.
C'est là où s'apprend le respect des autres et les limites de sa propre liberté.
Nous devons renforcer, en la valorisant, l'autorité parentale.
Les parents, regroupés en associations ont ensuite un rôle fondamental à jouer.
Un exemple de ce rôle des parents : dans le quartier des musiciens aux Mureaux (Yvelines), des femmes-relais
travaillent dans les écoles maternelles et primaires, elles contribuent, en assurant les contacts entre les parents
et l'école, à améliorer le fonctionnement de la vie scolaire. J'ai cité cet exemple, mais il y en a bien d'autres.
La véritable action de prévention consiste à améliorer la prise en charge de la jeunesse, tentée par la
délinquance, à force d'échec et d'exclusion.
C'est pourquoi, "vivre ensemble" n'est possible que si l'on "vit l'espoir", c'est-à-dire si l'on donne aux enfants,
aux adolescents, aux hommes et aux femmes de nos villes les moyens de se projeter dans l'avenir. Mais de quel
avenir s'agit-il, si, au départ, l'enfance est marquée par l'échec scolaire ? Nous devons donner à tous les moyens
d'une véritable égalité des chances, l'espoir d'un emploi à l'issue d'une formation.
Nous n'y parviendrons que si nous nous montrons capables de corriger une situation caractérisée par de forts
handicaps, en mobilisant des moyens sensiblement accrus.
Comme pour la lutte contre l'insécurité, il s'agit de mettre en oeuvre ou de renforcer des mesures prioritaires :
affecter dans ces quartiers en difficulté les chefs d'établissement les plus compétents, les enseignants les plus
expérimentés et les plus motivés, lutter contre l'absentéisme scolaire, accroître les mesures de soutien scolaire,
renforcer la présence des adultes et des jeunes adolescents dans les établissements.
Je sais que nombre d'enseignants vivent leur vie professionnelle avec difficulté dans ces quartiers et je leur dis
ici solennellement toute mon admiration.
Je sais aussi que, malgré la difficulté de leurs tâches, ils ont compris l'importance de leur rôle et ont su agir.
Je voudrais rappeler, à ce propos, l'existence de quelques initiatives exemplaires, qui illustrent la volonté de
certains responsables de trouver des solutions et de ne pas baisser les bras.
Les initiatives sont déjà nombreuses sur le terrain. Je voudrais que l'on parle, davantage de ce qui ne va pas, de
ce qui fonctionne bien sur le terrain et de ceux qui y concourent.
Envers eux, l'Etat doit montrer sans faille sa gratitude et surtout leur accorder son soutien. C'est sa
responsabilité.
L'école n'est qu'une étape sur le parcours de l'autonomie dans la vie active. En effet, à quoi bon réussir à
l'école si l'on n'est pas formé à un métier, à fortiori si l'on ne trouve pas d'emploi.
Il nous faut d'abord contribuer à créer une véritable filière éducation-formation-emploi, afin d'aider les jeunes
et leurs parents à opérer le meilleur choix pour l'avenir.
Il ne faut pas hésiter à aborder ce sujet, car la situation ne peut être dissociée de l'état du marché de l'emploi,
et tout spécialement de l'emploi des jeunes.
Le chômage et la précarité de l'emploi ne font pas que diminuer les ressources de ceux qui en souffrent. Ils
placent leurs victimes dans une situation de dépendance vis-à-vis d'un système d'aides ou d'allocations. Et, ils
étendent leurs ravages bien au-delà : baisse du sens de la responsabilité de la famille et de l'autorité parentale,
création d'une économie souterraine parallèle, facteurs, l'une et l'autre, de délinquance.
Face à cette situation de l'emploi que vit notre pays, Largement amplifiée dans nos quartiers en difficulté, des
actions ont déjà été conduites : de nombreux dispositifs existent en faveur des jeunes. Mais, il faut réévaluer ces
politiques, imaginer aujourd'hui de nouvelles modalités privilégiant l'emploi.
Parallèlement, ne faut-il pas davantage favoriser dans ces quartiers l'implantation d'entreprises ? Et
responsabiliser les grandes entreprises, lorsqu'elles y sont déjà implantées, au développement économique de leurs
quartiers ?
J'ai constaté, lors d'un récent déplacement, que des initiatives, nombreuses, existaient sur le terrain, notamment
pour ce qui concerne l'insertion par l'économique. Le bilan des actions, largement positif, justifie qu'on les
poursuive et surtout les amplifie.
Le sentiment de s'approprier sa ville, de "vivre bien dans sa ville" dépend à l'évidence du sentiment d'y trouver
ce que l'on y cherche. Or, même si la plupart des habitants sont attachés à leurs quartiers, ils regretteront non
sans raison leur éloignement des services qui devraient y être implantés, les services publics notamment qui, sauf
l'école, y sont sous-représentés.
D'abord, les services publics de l'Etat : c'est en priorité sur ces quartiers que les services qui dépendent de
l'Etat doivent être présents. J'ai demandé aux Préfets de veiller à ce qu'aucune décision conduisant à réduire ou à
supprimer des services publics d'Etat ne soit prise dans ces quartiers.
Mais, les collectivités locales doivent être animées de la même volonté ; à côté d'élus qui ont compris la
nécessité d'intégrer ces quartiers dans leur ville, d'autres en ont eu peur et les ont trop ignoré. Les élus
doivent être à l'écoute des besoins propres de ces quartiers. C'est une des conditions de maintien de la paix
sociale : les services municipaux, transports, action sociale notamment, doivent y être présents.
Il ne suffit pas d'introduire ou de réintroduire des services publics dans les quartiers. Il faut aussi favoriser
l'implantation des services privés : commerce, artisanat, entreprises de réparation... Il faut mobiliser tous les
acteurs pour créer ou recréer un tissu social et économique qui fait cruellement défaut.
La ville, enfin, doit offrir un cadre pour "vivre" en "famille". Le logement constitue, à coup sûr, après le
travail, un facteur puissant d'insertion ; c'est aussi le siège de cette vie de famille, si importante pour assurer
la sociabilité de l'enfant et l'avenir de la cité. C'est une des raisons pour lesquelles nous devons assurer en
urgence une situation décente aux personnes sans abri, à la fois en mobilisant davantage les contingents dont
disposent les Préfets sur le parc social existant et en augmentant l'offre de logements adaptés. Parallèlement, il
faut faciliter l'insertion par le logement des personnes en situation de pauvreté et de précarité, en impliquant
davantage les communes et les réseaux spécialisés.
Il est nécessaire d'achever la réhabilitation du parc H.L.M., mais en ayant soin, beaucoup plus que par le passé,
de traiter la qualité vivante architecturale et urbaine de ces ensembles de logements. Il faut modifier l'image de
ces quartiers en les intégrant pleinement dans la ville.
Je sais combien les élus sont attentifs aux conditions dans lesquelles les logements H.L.M. sont attribués. Je les
comprends entièrement. Je me mets évidemment à la place d'un maire qui a vu, dans sa commune, un quartier
progressivement se déqualifier avec l'arrivée de certaines populations difficiles. Il sait bien que cette situation
risque de provoquer le départ de populations jusqu'alors établies, de se répercuter sur la qualité des services
publics, et, notamment de l'école, qui favorise une bonne intégration, et finalement sur la qualité de la vie et la
réputation de sa commune.
Mais, pour autant, devons-nous exclure ces populations ? Devons-nous nous recroqueviller sur nos intérêts communaux
bien compris ?
La loi a favorisé le dialogue entre tous les partenaires : Etat, collectivités locales, bailleurs sociaux,
réservataires. Dès lors, engageons avec détermination le dialogue à l'échelon intercommunal. J'ai bien conscience
en disant cela que je n'indique pas une solution sur le fond, mais simplement une méthode dont il appartient aux
partenaires de s'inspirer.
Enfin, la ville doit répondre aux attentes de ses habitants pour ce qui concerne la santé. Elle a jusqu'à présent
été assez largement oubliée de la politique de la ville. Mais est-ce possible plus longtemps, alors que les
problèmes de santé publique se posent avec une particulire acuité sur ces quartiers ? La drogue et le SIDA sont
évidemment là pour nous le rappeler.
Avons-nous suffisamment mesuré le pouvoir d'exclusion des déficiences physiques et psychiques des enfants ? Les
enfants eux-mêmes sont-ils suffisamment informés des risques qu'ils courent aujourd'hui dans le domaine de la santé
? Il faut redonner à la médecine scolaire son rôle de détection des handicaps et d'éducation à la santé dans les
quartiers. Il faut que les médecins généralistes soient associés aux actions de prévention, d'information et de
sensibilisation.
A-t-on pris la mesure du risque majeur de la drogue et du SIDA ? Il faut installer les structures sanitaires et
sociales nécessaires pour informer, prévenir, dépister, et soutenir les malades. Nous allons nous-mêmes nous
attacher à ce problème dès la semaine prochaine. Nous devons ensemble unir toutes nos forces pour lutter contre
toutes les formes d'exclusion économique, sociale et sanitaire des habitants des Villes et des quartiers. Telle est
la véritable solidarité nationale.
* Mesures concrètes
Dans l'immédiat, un certain nombre de mesures seront mises en oeuvre.
Le dégel des 110 MF de crédits décidé par le Gouvernement précédent permettra de soutenir des actions nouvelles
dans les quartiers, et à reprendre des actions interrompues pour répondre aux préoccupations que vous avez
exprimées.
Les opérations "prévention-été" et "école ouverte" seront maintenues, car, d'après les avis que j'ai recueillis, il
s'agit là de bonnes mesures.
Je veillerai à ce qu'elles soient mieux articulées avec les activités qui se déroulent durant le reste de l'année
scolaire.
J'ai demandé également au ministère de la Défense d'examiner la possibilité de mobiliser dans les meilleurs délais
2.000 appelés du contingent supplémentaires, car partout on nous a dit le rôle bénéfique qui a été le leur.
L'affectation de ces appelés sera dictée par deux priorités :
- le renforcement de la présence des adultes autour des écoles;
- le soutien des structures d'animation de rue, d'animation sportive et de développement économique des quartiers.
J'ai proposé au Garde des Sceaux d'étudier des mesures permettant dans le respect des droits de l'enfant,
l'éloignement provisoire des jeunes délinquants des lieux où se sont passés les faits qui leur sont reprochés.
Le Ministre de l'Éducation Nationale m'a confirmé sa décision d'affecter les chefs d'établissements et les
enseignants les plus expérimentés dans les établissements les plus difficiles.
Enfin, j'ai rencontré le Ministre du Logement pour lui demander de me proposer rapidement des mesures en faveur des
familles sans abri.
Voilà, Mesdames et Messieurs, notre devoir. Il est immense, pour nous, pour nos enfants. C'est votre responsabilité
désormais de débattre sereinement d'une politique ambitieuse, réaliste, humaine, protectrice de la dignité de
chacun de la ville.
C'est à vous, qui représentez la Nation, d'exprimer l'angoisse de ceux qui souffrent dans la Cité, mais aussi
d'apporter des solutions pragmatiques aux problèmes posés. C'est à vous, à l'écoute des Français, d'indiquer au
Gouvernement les voix de la rénovation de la Cité.
Tous attendent sérieux et dignité dans ce débat. Je sais qu'ils ne manqueront pas. C'est, bien sûr, de la
solidarité nationale qu'il s'agit. Mais il y va aussi du visage de la France, notre France. Puisse ce débat
l'éclairer, le rendre plus humain et redonner l'espoir. C'est un formidable défi pour nous tous et pour l'avenir de
notre pays.
(Débat d'orientation sur la ville et les banlieue – 28 avril 1993)
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes arrivés à la fin de ce débat et l'honneur me revient de le conclure.
Tant de choses ont été dites au cours de ce débat très riche qu'il est impossible de répondre à chacun d'entre
vous.
En outre, après ces réponses très complètes et précises faites par les différents ministres, il serait fastidieux
de revenir sur toutes les questions qui ont été posées et sur les suggestions très intéressantes que vous avez
faites.
J'aurai l'occasion de le faire soit en recevant tour à tour chacun d'entre vous qui le souhaite, et surtout en me
rendant dans vos cités et vos circonscriptions autant que je le pourrai.
La hauteur de vos interventions, la dimension humaine de vos propos, votre engagement à inventer un nouveau modèle
de société me conduisent à vous faire part de quelques réflexions personnelles, à l'issue de cette journée où je
vous ai écoutés, non seulement avec intérêt, mais souvent avec émotion.
Cette émotion, elle est toujours la mienne au moment où je prends la parole.
En effet, de ce long débat, pratiquement le premier de cette législature, sur un thème aussi complexe et douloureux
touchant à tous aspects de la vie, où certains ne disposaient que d'un temps très bref, on pouvait craindre un
éparpillement des idées, ou misérabilisme ou au contraire des effets médiatiques.
Ce ne fut rien de tout cela. Mais un beau et digne débat chaleureux. Ces hommes et ces femmes avec qui vous vivez
quotidiennement, vous en assumez les difficultés et les peines, parfois leur désespoir mais vous en partagez leurs
moments de bonheur, et surtout leurs espoirs.
Je vous ai tous bien écoutés, et par moment j'ai eu le sentiment qu'un moment de grâce planait sur cette assemblée.
En effet, vous étiez tous rassemblés par vos expériences qui se ressemblent mais aussi par la même volonté
d'améliorer la vie.
Ceux que vous côtoyez et connaissez souvent personnellement la vie de tous, garçons et filles, blonds ou bruns,
petite Christine ou Fatima, Christophe et Pierre, ces jeunes qui grandissent ensemble et forment cette jeunesse
française que vous souhaitez préparer à l'âge adulte en leur donnant la formation, la santé, le sens des valeurs et
les responsabilités indispensables pour devenir des hommes et des femmes.
Ce fut un moment de grâce car représentant la souveraineté nationale. Vous étiez ici unis pour exposer des réalités
que vous vivez au quotidien et nous les faire comprendre... Tous vous vouliez partager entre vous et avec nous, les
représentants du Gouvernement, les inquiétudes de ce qui constitue aujourd'hui pour notre pays, pour cette France
que nous aimons, ce risque de déchirure du lien social, ce risque d'explosion qui conduirait deux mondes à
s'affronter.
Mesdames et Messieurs les Députés, vous avez fait monter dans cet hémicycle les peuples de nos villes.
Vous avez fait entendre le silence assourdissant de leur environnement fait d'autoroutes, de chemin de fer, de
pistes aériennes.
Ce que l'un d'entre vous a appelé les émeutes silencieuses ont envahi cette assemblée.
Nous n'avons plus le droit de nous tromper, avez-vous dit.
Nous n'avons plus le droit de fléchir, d'oublier.
La France, notre pays, ne nous a pas appris à baisser les bras.
C'est sur le terrain que les problèmes de la ville se trouvent.
C'est sur le terrain que les maires s'engagent.
C'est sur le terrain que l'on trouve ces femmes qui veulent aider les mères de famille immigrées qui ne parlent pas
notre langue à l'apprendre pour vivre l'école de leurs enfants.
Ce sont ces femmes qui le soir après leur travail ou pendant leurs loisirs luttent contre l'illettrisme, en faisant
cela, c'est plus qu'un savoir qu'elles transmettent, ce sont des valeurs, nos valeurs républicaines.
C'est l'étudiant qui veut emmener derrière lui les jeunes des cités sur le chemin de la culture, de l'apprentissage
d'un métier, en les aidant à faire leurs devoirs, à apprendre leurs leçons.
C'est l'appelé du contingent qui a choisi volontairement de consacrer plusieurs mois de sa jeunesse à aider les
jeunes au sein d'un établissement, à se respecter, à respecter leurs professeurs, à respecter leur école, leur
collège et leur lycée.
C'est le responsable de l'association des commerçants qui rencontre le responsable des familles du quartier, pour
faire en sorte qu'ensemble, les commerces puissent se maintenir, que les commerçants puissent servir sans crainte
leurs clients, que les familles trouvent à proximité tout ce dont elles ont besoin dans un milieu convivial.
Ce sont toutes ces petites associations de quartier qui vont donner leur âme au quartier et qui vont faire que les
habitants, qui n'avaient pas choisi d'y vivre, y soient heureux.
La France ne nous a pas appris à laisser de côté ceux qu'elle accueille sur son territoire, conformément à son
droit.
Le terme même de ghetto nous est insupportable. L'urbanisme mal maîtrisé des dernières décennies, la montée du
chômage, la fixation des familles dans la pauvreté nous amène, j'en ai conscience, aux portes d'une explosion
sociale.
Nous avons été débordés par ces phénomènes.
On ne peut plus vivre seulement des grands principes de notre tradition républicaine, il faut les appliquer pour
reconstituer le milieu urbain : réhabiliter, restructurer, réintégrer, réinsérer.
De toute urgence car l'avenir de nos enfants ne nous attendra pas.
En réclamant pour les habitants des cités le droit à la ressemblance plutôt qu'à la différence, c'est cela que vous
avez exprimé M. RAOULT.
Nous devons rompre avec cette France à deux vitesses.
Ce n'est pas l'emploi pour les uns, le RMI pour les autres, c'est comme l'a si bien dit Mme de VEYRINAS, une
formation pour les jeunes qui leur permette d'avoir un emploi.
Un emploi pour trouver leur autonomie, pour gagner on assurance et éviter les pièges de la vie.
Nous allons rompre cette chaîne du malheur, chômage, pauvreté, exclusion, dévalorisation de la famille, échec
scolaire, souvent toxicomanie. Car ce n'est pas cet avenir, ce n'est pas cette spirale infernale que les parents
veulent pour leurs enfants.
C'est à cela qu'il faut remédier et tous ensemble, par tous les moyens.
Tous, vous m'avez fait part de votre confiance, vous m'avez exprimé votre désir de m'aider, d'aider le Gouvernement
dès lors qu'il s'engagerait dans une politique ayant une véritable vision, forgée par sa détermination et soutenue
par de réels moyens.
Ce bref tableau que je viens de dresser peut paraître bien noir sans doute.
Pourtant je n'ignore pas du tout ce que vous avez fait et qui est considérable.
Confrontés à des difficultés énormes avec de faibles moyens, des procédures complexes, des contradictions dans la
pratique administrative et la législation, vous avez donné le meilleur de vous-mêmes.
Sans vous, sans tous ceux qui, avec vous, depuis des années, oeuvrent sur le terrain, la situation aurait pu être
encore pire. A plusieurs reprises elle fut difficile mettant en péril la paix civile qui a failli basculer dans
telle ou telle cité, dans tel ou tel quartier. Par votre engagement personnel, votre désir d'être à l'écoute des
inquiétudes des uns et de la colère des autres, à la suite d'un banal incident ou hélas parfois d'un drame, vous
avez su après quelques heures ou quelques jours calmer les esprits et rétablir la paix. Je tiens à vous rendre
hommage ainsi qu'à tous ceux qui, dans ces moments difficiles, avez permis que la vie et le calme reviennent dans
la cité. Sachant tout ce que vous avez fait, connaissant votre expérience et votre dévouement, il n'a jamais été
dans mon esprit que vous n'étiez pas les maîtres du jeu, ceux entre les mains desquels repose la responsabilité de
la politique de la ville.
Si j'ai insisté hier principalement sur l'Etat, c'est parce qu'il se doit d'assumer ses missions : éducation,
sécurité, justice, mais aussi santé publique. Notre personne ne peut se substituer à lui dans ces tâches. Vous-
mêmes avez déploré qu'il ait trop souvent renoncé à le faire et qu'il ait déserté ces lieux où pourtant sa présence
est la plus nécessaire.
Je me félicite que peu d'entre vous aient contesté le rattachement de la politique de la Ville au ministère des
Affaires Sociales et de la Santé. J'ai moi-même souhaité cette compétence même si je sais parfaitement qu'il n'y a
pas lieu de songer au seul traitement social de la ville.
Comme je l'ai dit, je m'y consacrerai au maximum en allant sur le terrain.
Mais tous les autres départements ministériels sont concernés et je n'ai pas l'intention de me substituer à leurs
compétences.
Si j'ai parlé de l'Etat, c'est qu'il est avec vous tous le représentant d'une tradition française de fraternité.
Celle de l'intégration qui depuis plus de deux siècles nourrit notre histoire et a enrichi notre pays.
Nombre d'entre vous ont évoqué cette fraternité, cette volonté de former une nation, se réclamant toute entière des
valeurs républicaines. C'est notre fierté de vouloir la poursuivre en dépit des difficultés et à la différence
d'autres pays où l'on ne craint pas d'accepter une véritable ségrégation entre les différentes catégories de
population.
Mon souci est donc de mettre à votre disposition les instruments qui vous font défaut, comme vous l'avez tous
reconnu, pour être aussi efficaces que vous le souhaitez, en premier lieu, une coordination entre tous les services
déconcentrés de l'Etat, des procédures simplifiées, des crédits globalisés laissant beaucoup plus de souplesse et
de marge pour les utiliser.
Je sais que l'Etat n'a pas affecté à ces quartiers les moyens qu'il faudrait y consacrer. Il faut tout faire pour
rattraper ce retard. Une cartographie des moyens et des actions de l'Etat permettra de mieux apprécier les besoins
prioritaires pour y répondre les carences les plus flagrantes afin de les combler.
Il faut qu'il y ait au moins dans ces quartiers une égalité des chances pour leurs habitants. Elle passe sans doute
par une inégalité des moyens, seule à même de la favoriser, comme l'a justement rappelé M. Gilles de ROBIEN.
Encore peut-on se demander si dans certains domaines il n'y a pas encore de très grandes inégalités tant dans les
services publics (transports, écoles, équipements culturels) que les commodités de toutes sortes apportées par les
entreprises privées.
Non seulement il faut mettre à la disposition des élus les moyens nécessaires et éviter le reproche lancinant de la
lourdeur administrative ainsi que l'a souligné Mme de VEYRINAS, mais il faut aller vite ; je donnerai les
instructions les plus fermes et je veillerai personnellement à ce que les 110 millions de francs qui viennent de
faire l'objet d'un dégel soient immédiatement délégués aux Préfets et que les bénéficiaires les reçoivent dans les
délais les plus rapides.
De même, j'ai décidé que l'attribution des fonds du FAS qui ne sont pas négligeables sera très rapidement revue
pour être affectés à des véritables priorités répondant aux besoins des populations, notamment le soutien aux
associations par la possibilité de faire appel à un minimum d'encadrement bien formé.
Unité de diagnostic ai-je dit tout à l'heure, mais aussi sans doute unité de vue sur le sens à donner à notre
action. Cette action sera orientée sur une ferme volonté d'intégration dès la plus petite enfance, avec la
valorisation des maîtres et de l'école où il n'est pas tolérable que ceux-ci soient menacés et soient même l'objet
d'insultes et de violence.
Ce processus d'intégration, qui se déroulait naturellement il y a vingt ans avec une croissance économique
régulière et forte et une population ouvrière importante, était à même d'offrir une étape dans un parcours
professionnel. La crise économique, le chômage freine cette intégration.
Pourtant comme vous en avez témoigné pendant ces deux jours, ces populations en difficulté ressentent un grand
désir d'identité. Elles sont rattachées à la France. Elles savent bien qu'elles ne retourneront pas dans leurs pays
d'origine, regardant chaque soir la télévision française.
Il nous faut donc les aider. C'est d'abord le rôle de l'école. C'est aussi la mission des différentes associations
qui constituent un réservoir d'intelligence et d'espoir d'intégration.
Il nous incombe, par ailleurs, d'encourager des sentiments de responsabilité. C'est ce qui peut constituer un point
d'attache pour nos jeunes. M. Pierre CARDO a milité ce matin en faveur d'action destinée à favoriser l'émergence de
projets de la jeunesse et de dégager ainsi ce qu'il a appelé à juste titre des leaders positifs.
Il nous appartient, Mesdames, Messieurs, de faire, en somme, que la ville soit un non-ghetto. Les maires doivent
pouvoir jouer un plus grand rôle régulateur dans l'attribution des logements et leur localisation.
Je viens d'évoquer l'école. Et j'ai ressenti au cours de ce débat la valeur primordiale que tous ici nous y
attachions. Elle eut le creuset des valeurs de la République. Elle, est l'instrument de l'égalité des chances. Elle
est au coeur de la ville.
Ne regrettons pas, Mesdames, Messieurs, le temps des grands projets urbains. Mais agissons pour que les députés et
les maires de France, avec le soutien de l'Etat, fidèles à leur vocation, s'attachent à faire des villes, des lieux
où la liberté, l'égalité et la fraternité ne soient pas des vains mots, mais une réalité par tous reconnue.