Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Présidents,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je remercie votre président, M. PAQUET, de m'avoir invité à participer à la séance officielle de votre assemblée
générale. Vous avez bien voulu rappeler, M. le Président PAQUET, que je m'étais déjà adressé à cette assemblée en
1984 comme ministre de l'économie et des finances, j'ai le sentiment que c'est déjà loin. Et vous avez eu également
l'amabilité de rappeler, qu'ensemble nous avions fait progresser à l'époque un certain nombre de dossiers. 1984-
1992, je ne vous donnerai pas rendez-vous en l'an 2000, ce serait sans doute un peu tard, et pour vous et pour moi.
Aujourd'hui, je suis Premier Ministre, je suis accompagné du nouveau ministre du commerce et de l'artisanat, mon
ami Gilbert BAUMET. C'est un homme de dialogue et d'action avec qui j'en suis sûr, Mesdames et Messieurs, vous
pourrez faire du bon travail.
Il est de tradition, dans ce type de manifestation, de présenter aux ministres, a fortiori au Premier Ministre, la
liste exhaustive des revendications professionnelles. M. PAQUET, je ne vous en fais pas le reproche : vous êtes
bien là dans votre rôle de porte-parole des représentants du monde de l'artisanat et des métiers. C'est donc votre
devoir à l'égard de ceux qui vous ont mandaté.
J'ai bien noté toutes vos préoccupations : elles portent sur le rôle et la place de l'artisan dans notre société
moderne ; vous souhaitez des mesures sociales urgentes pour les artisans en cessation prématurée d'activité ou en
fin d'activité ; vous demandez qu'un effort spécial soit fait en faveur de l'apprentissage et de l'animation
économique ; vous avez évoqué enfin les ressources des chambres des métiers.
Permettez-moi de ne pas répondre aujourd'hui à toutes vos questions. Il faut bien que je laisse un peu de travail à
Gilbert BAUMET. Je lui demande, devant vous, très officiellement d'examiner sans tarder l'ensemble de vos
propositions. Il m'en saisira, je sais par expérience qu'il rencontrera quelques difficultés avec tel ou tel
département ministériel, et je procéderai naturellement aux arbitrages qui s'imposent. Quand j'arbitrerai, je vous
rappellerai votre discours, M. PAQUET, et je vous dirai : ai-je bien entendu ou ai-je mal entendu ?
Mais il est tout de même un point qui a retenu mon attention. Vous avez évoqué, à deux reprises dans votre
discours, l'importance de la confiance dans la vie économique, et je partage entièrement, votre analyse : sans la
confiance, il n'y a pas de développement économique possible. Et je ne veux pas devant vous, Mesdames et Messieurs
qui êtes quotidiennement au contact des réalités économiques, pratiquer la méthode COUE. Chacun au demeurant peut
penser ce qu'il veut, c'est son droit. Et je vais vous dire que tout ne va pas pour le mieux, mais les faits sont
bien moins gris que certains se plaisent à le prétendre. Je crois surtout que ni vous ni le pays n'ont à gagner à
cultiver une certaine mélancolie.
Je suis un peu plus âgé sans doute que la moyenne d'entre vous, et depuis que je suis en activité professionnelle
ou dans l'activité politique, j'ai toujours entendu à peu près la même chose. Un de mes patrons du Gaz de France
avait une excellente formule, quand je me plaignais : c'était en 1958, je m'occupais de l'exposition de Bruxelles
et je lui disais "mais écoutez, j'ai des difficultés, je n'ai pas encore reçu le panneau de publicité, le matériel
qu'on doit me livrer - des artisans boulangers devaient me livrer un four, cela n'arrivait pas en temps -" ; il
avait toujours cette formule excellente, il me disait : "mon cher Bérégovoy, les choses ne vont certainement pas
aussi bien que vous pouviez l'espérer, mais elles vont tellement moins mal que vous pouviez le craindre que
finalement vous êtes sur le bon chemin". Et si on était un petit peu comme cela tous, on se dirait que cela ne va
pas mal. J'ai repéré dans cette salle le Président de la Chambre de Métiers de la Nièvre, j'ai repéré ici ou là
quelques amis que je connais bien ; naturellement à chaque fois que j'assiste à une réunion officielle, j'entends
certains discours et puis quand je suis dans les conversations particulières, certains me disent "cela ne va pas si
mal que cela : à Nevers, vous avez décidé d'aménager un peu les bâtiment publics ; vous faites pas mal pour la
rénovation ; vous avez lancé un ou deux programmes...". Cela a toujours été comme ça.
C'est vrai que l'économie n'est pas ce que nous aurions souhaité et pourtant, faites des comparaisons, Mesdames et
Messieurs. C'est surtout cela que je voudrais vous demander. Grâce aux efforts de tous, et aux vôtres - chefs
d'entreprises, fonctionnaires, salariés, agriculteurs -, nous avons aujourd'hui la plus forte croissance des grands
pays industrialisés. Nous avons, pour la première fois depuis longtemps, un commerce extérieur excédentaire ; nous
avons une monnaie stable ; une inflation faible : 2,6 % sur les 12 derniers mois et un déficit public moins élevé
que partout ailleurs, Japon excepté. Voilà la réalité, il faut le savoir. Mais certes, nous avons 2 millions 900
000 demandeurs d'emplois - un petit peu moins, un petit peu plus, cela varie selon les mois et le climat
d'attentisme qui sévissait ces dernières semaines risque de freiner la reprise de l'investissement et la
consommation des ménages.
Le pouvoir d'achat était distribué et les prix n'atteindront même pas cette année le chiffre que nous avions
projeté ; il y a un peu plus d'épargne, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui consomment moins et qui sont
inquiets pour l'avenir ; et lorsque l'on cultive la mélancolie on interdit soit des investissements dans le
logement soit de la consommation de biens d'équipements et, finalement ça va en effet à l'épargne. Ce n'est pas une
mauvaise chose en terme économique mais ce n'est pas un facteur de croissance. Alors, je te dis carrément devant
vous : ce n'est pas en changeant de politique économique, comme le propose le « parti de la dévaluation », que nous
obtiendrons de meilleurs résultats. J'ai d'ailleurs observé que M. PAQUET ne le demandait pas. Nous avons intérêt à
poursuivre notre politique de stabilité monétaire : c'est la clé de la compétitivité de nos entreprises et de notre
pouvoir d'achat à tous. C'est en maîtrisant les prix que nous avons gagné des parts de marché à l'extérieur, que
nous en gagnons à l'intérieur de nos frontières et c'est en baissant, dans la mesure du possible, les prélèvements
fiscaux que nous donnons du pouvoir d'achat aux agents économiques.
J'ai rappelé aux députés, il y a deux jours, que depuis 1988 nous avons procédé à 90 milliards de francs
d'allégements fiscaux en année pleine - ce ne sont pas 90 milliards qui s'additionnent -, dont 48 milliards
consentis aux entreprises et 42 milliards alloués aux ménages. Je n'ai pas souhaité augmenter les impôts, malgré
les pertes de recettes fiscales dues au ralentissement d'activité. Car du fait de la croissance économique ralentie
aux Etats-Unis, du fait des difficultés de la Grande-Bretagne et de l'Italie, nous avons un ralentissement
économique. Et ralentissement économique, cela veut dire moins de recettes fiscales, un peu moins de recettes de
TVA, les entreprises font moins de bénéfices, moins de rendement de l'impôt sur les sociétés. J'avais donc le choix
entre diminuer la dépense publique - les investissements, les dépenses de logement, les dépenses de routes... -, ou
augmenter les impôts - sur qui ? Evidemment, j'aurais pu dire sur tout le monde sauf sur les artisans, mais vous ne
m'auriez pas cru, et laisser le déficit budgétaire s'épaissir un peu. J'ai choisi cette voie là et pourtant je ne
crois pas que cela soit bon d'avoir du déficit budgétaire. Seulement, je répète, face à cela il n'y avait que deux
solutions, mettons trois : déficit budgétaire - on me le reproche à l'Assemblée Nationale -, augmenter les impôts -
auprès de qui ? - ou bien diminuer un certain nombre de dépenses, ce qui aurait contribué au ralentissement de
l'activité économique. J'ai donc dû accepter une hausse temporaire du déficit, mais grâce à la maîtrise des
dépenses publiques de 1988, 1989, 1990 notre déficit aujourd'hui, quand on le rapporte à la richesse nationale, est
deux fois plus faible que la moyenne des pays de la Communauté Economique Européenne. Je prends le pari devant vous
- je ne sais pas encore, je ne le saurai vraiment qu'à la fin du mois de mars si je serai Premier Ministre au 1er
avril, j'ai été nommé le 2, pas le 1er parce que vous voyez bien pourquoi... - eh bien je vous prends le pari que,
quel que soit le premier ministre et quel que soit le gouvernement, il sera dans la même situation où je suis
aujourd'hui. C'est pourquoi je dis aux uns et aux autres, je le dis même à mes amis et il m'arrive de le dire aux
ministres, ils le savent tous : "faites attention, tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant de faire
des promesses...".
Alors en défendant le Franc le mois dernier contre les assauts de la spéculation, nous avons défendu cette
politique. Et le Franc en est sorti renforcé, et la confiance dans l'économie française renforcée.
Un mot de ce qui s'est passé. Un peu avant le 20 septembre, la situation de l'Italie étant ce qu'elle est, et la
situation de la Grande-Bretagne étant ce qu'elle est, un vaste mouvement de spéculation était dirigé contre le
système monétaire européen. La Lire a été dévaluée ; cela n'a pas suffi : elle est sortie du SME ; la Livre
Sterling - et la Grande-Bretagne a dépensé des dizaines et des dizaines de milliards de Livres Sterling -, elle a
été obligée aussi de sortir du SME. Le Franc a été attaqué, mais le Franc a tenu. Il a tenu grâce à la
détermination du Gouvernement et du Président, grâce à une bonne collaboration avec l'Allemagne mais surtout parce
que nos « fondamentaux » comme disent les économistes sont sains : peu d'inflation ; peu de déficit budgétaire ;
commerce extérieur bénéficiaire ; balance des paiements équilibrée. Et nous avons tenu bon et aujourd'hui, je peux
vous dire que l'argent qui avait été dépensé - une partie était empruntée -, est rentré à peu près à 80 %, peut-
être même à 85 %. Cette crise est derrière nous et le Franc est consolidé. Et cette épreuve a permis de constater
que nous étions devenus le modèle. Elle confirme notre rayonnement européen et international, ce dont je ne doutais
pas. Alors naturellement, nous avons dû laisser monter les taux d'intérêt pendant 3 semaines environ, pour casser
la spéculation. Mais Michel SAPIN a veillé, avec raison, à ce que le taux de base bancaire n'augmente pas, afin de
maintenir les petites et moyennes entreprises et les artisans à l'abri de cette crise.
Cette bataille gagnée, les taux d'intérêt baissent : les taux à long terme, à 10 ans, plus vite que les taux à
court terme. Les taux à 10 ans sont à 8,2 % : c'est le plus bas niveau depuis 6 ans. Et je peux vous dire que le
mouvement va se poursuivre. C'est une bonne chose pour notre économie, et naturellement l'artisanat, avec ses 250
métiers, ses 850 000 entreprises et ses deux millions 200 000 actifs, en bénéficiera lui aussi. Avec 10 % de la
population active, l'artisanat est un secteur clé de notre économie. Il participe à la création d'emplois les
effectifs de salariés, vous l'avez dit M. PAQUET et c'est vrai, ont augmenté de 6 % en 4 ans. L'artisanat est
présent sur tout notre territoire, et je crois donc qu'il est important que nous l'aidions.
C'est pourquoi j'ai donné mon accord au projet de loi relatif à la protection des sous-traitants que vient de me
proposer Gilbert BAUMET. Les artisans sont souvent en situation de sous-traitance. La loi de 1975 était mal
appliquée : de nombreux sous-traitants n'étaient pas présentés au maître d'ouvrage par l'entreprise principale, peu
de garanties de paiement ont été accordées aux sous-traitants, d'où les défaillances en série lors du dépôt de
bilan du donneur d'ordres. Et nous en savons quelque chose, nous, dans notre département de la Nièvre, n'est-ce pas
M. Le Président ? Alors, le nouveau projet de loi vise à remédier à ces deux inconvénients, en rendant notamment
obligatoire la conclusion d'un contrat écrit entre chaque sous-traitant et l'entreprise principale. Dès son
adoption par le Conseil des Ministres, le projet de loi sera déposé sur le bureau des assemblées. Cela se fera sans
tarder.
Deuxième point : le développement de l'apprentissage. Cela constitue, pour vous comme pour nous - vous savez
l'importance qu'y attachait Mme CRESSON -, un axe essentiel de notre politique de l'emploi. Le Gouvernement a
proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 1993 un crédit d'impôt de 5.250 francs pour les entreprises
de moins de 50 salariés qui recruteraient un nouvel apprenti. Nous en avons parlé, M. PAQUET et moi, et il m'a
convaincu. J'ai donc retenu la proposition de votre Président de porter de 3.200 F à 9.600 F, soit un triplement,
l'allocation du Fonds National Interconsulaire de Compensation, plus connu sous le nom de FNIC, pour les apprentis
en première année. M. PAQUET m'a expliqué que cette mesure permettrait d'augmenter le recrutement d'apprentis :
elle m'est apparue simple, lisible, conciliant les impératifs de l'emploi et de la formation.
Elle est contestée par certains. Et si en 1993, elle ne pose pas de problèmes de financement, elle en posera
ultérieurement. Afin d'en faciliter la mise en oeuvre à compter du 1er septembre 1992, j'ai pris deux décisions :
l'extension par la voie législative des compétences du FNIC à la rémunération des maîtres d'apprentissage - cela,
c'est vous qui m'aviez convaincus - et la mise à disposition du FNIC de façon permanente - pérenne comme on dit -
des sommes versées par les entreprises à l'Etat pour se libérer de leurs obligations en matière de taxe
d'apprentissage.
Ces engagements étant pris, j'attends maintenant des partenaires concernés, j'en ai parlé avec le CNPF, il y a dix
jours - chambres des métiers et chambres de commerce et d'industrie - une décision rapide sur le triplement de
cette allocation. On me dit, vous me dites que les chambres de commerce et d'industrie sont réticentes. Je suis
ouvert à toute discussion dès lors que les préalables n'empêchent pas l'action. Je propose que Gilbert BAUMET
réunisse l'ensemble des partenaires et définisse dans les plus brefs délais un mode de financement adéquat et
permanent, qui ne sera pas nécessairement budgétaire mais auquel l'Etat pourra apporter sa contribution. D'ores et
déjà, le principe du triplement étant acquis, il doit être mis en oeuvre rapidement - on avait parlé avec M. PAQUET
d'une circulaire, d'un document -, et je sais que vous en êtes convaincus. Je vous appuie et je compte sur vous,
parce que cette mesure peut conduire non seulement à une forte augmentation du nombre d'apprentis - et cela est
utile dans la période où nous sommes - mais à une amélioration de la qualité de leur formation.
Là on emploie un langage un peu codé, mais si on emploie un langage simple, cela veut dire quoi ? Cela veut dire
que l'apprenti, lorsqu'il est en apprentissage, dispose d'une formation qui lui est allouée par le responsable-
artisan qu'on appelle le maître d'apprentissage, et cela mérite rémunération. C'est aussi simple que cela. Et voilà
le dispositif qu'il faut mettre en place : bien montrer à l'opinion publique que c'est un service rendu à la
formation. Naturellement, l'apprenti rend service aussi à l'artisan, mais l'artisan rend service non seulement à
l'apprenti mais plus généralement à la formation dans notre pays d'une qualification un peu plus remarquable. Et je
plaide cela volontiers, j'espère avoir l'occasion de le faire.
De manière générale, les artisans peuvent jouer un rôle utile dans les programmes de lutte contre le chômage. Vos
chambres ont la possibilité de recourir à des contrats emploi-solidarité pour réinsérer des chômeurs de longue
durée, cela je vous le demande. Vous-mêmes, vous pouvez bénéficier d'exonérations de charges, qui favorisent
l'embauche de jeunes sans qualification ou de chômeurs de longue durée. C'est une grande cause à laquelle j'attache
beaucoup de prix. Je compte donc sur vous.
Ce n'est pas seulement en matière d'apprentissage que doit être reconnu le rôle de l'artisan. Vous menez
actuellement, avec les services concernés de l'Etat, une réflexion d'ensemble sur la place et le rôle des
entreprises artisanales, et sur leur fonction irremplaçable dans l'aménagement du territoire et les services de
proximité qu'elles apportent. Ce travail doit se poursuivre sous la conduite de Gilbert BAUMET, qui me rendra
compte des réformes qui méritent d'être encouragées. Cette réflexion pourra s'enrichir des travaux du Conseil
économique et social que je viens de saisir d'une étude sur le statut de l'entreprise individuelle dominante dans
le secteur du commerce et de l'artisanat. Vous voyez M. PAQUET, vous n'étiez pas venu me rendre visite pour rien.
Je voudrais insister un instant sur la place de l'artisanat dans le monde rural. La fermeture d'une boulangerie ou
d'un commerce, c'est parfois aussi dramatique que la fermeture d'un service public, car c'est un lieu d'animation
économique qui disparaît.
Beaucoup d'actions ont été menées depuis quatre ans par le ministère du commerce et de l'artisanat pour aider au
développement local, avec notamment la mise en place en 1989 d'opérations de restructuration du commerce et de
l'artisanat. Au total c'est plus de 220 millions de francs qui ont été consacrés au développement rural.
Des moyens importants ont été récemment dégagés : la dotation du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la
transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, qui a été portée de 75 MF à
125 MF. Les outils et les moyens existent, à vous de bien les utiliser.
Ce faisant, Mesdames et Messieurs, j'ai parfaitement le sentiment que je n'ai pas répondu à toutes les questions
que vous vous posez. Elles appellent des réponses, j'ai demandé à M. BAUMET de les étudier, en relation avec les
ministres compétents ; et aujourd'hui je voulais tout simplement par ma présence souligner l'importance que le
Gouvernement accorde - et que j'accorde personnellement - au monde de l'artisanat et des métiers. J'ai bien noté
vos demandes, notamment sur les zones récemment sinistrées. Je dois dire que j'ai parfaitement compris une des
questions posées, à savoir que dans la prise en compte de la taxe professionnelle, il faut prendre en quelque sorte
la valeur du bien ancien plutôt que la valeur du bien nouveau, puisque le bien ancien a été détruit dans des
circonstances exceptionnelles. Je ne sais pas comment on peut régler ce problème dans le domaine fiscal, mais je
trouve la remarque juste et MM BAUMET et MALVY vont s'en occuper. Là il y a un problème, un cas de force majeure...
oui, il faut bien qu'il y en ait qui se charge de ces choses-là... remarquez s'ils ne sont pas d'accord, c'est vers
moi qu'ils se retourneront
Pour le reste, je vais terminer par une petite phrase je suis tellement bien avec vous que j'y resterais encore
longtemps -, notre ami PAQUET qui ne manque pas d'humour a dit "on voudrait avoir autant que les agriculteurs",
aussitôt j'ai regardé M. CORMORECHE, il a dit "oui" tout de suite. Evidemment si on donne plus à l'un, l'autre
demandera plus... Je vous prends le pari que si vous obtenez autant que les agriculteurs, ils vont m'en demander
plus. Vous voulez que l'on prenne le pari ensemble ? Il a eu une excellente formule, il a dit "il ne s'agit pas de
déshabiller Pierre pour habiller Paul". Permettez à Pierre Bérégovoy de comprendre parfaitement cette remarque,
mais je me suis demandé en écoutant M. PAQUET : pour habiller Pierre, pour ne pas déshabiller Paul et pour donner
un beau costume aux deux, qui est-ce qui va payer ? C'est la seule question qui me vient toujours à l'esprit. Il
faudrait plus à celui-ci, plus à celui-là, et à qui on demande ? Alors là, il y a une remarque extraordinaire : on
demande à l'Etat. Mais l'Etat, c'est qui ? Mais c'est vous ! Je veux bien vous demander, à vous, un peu plus pour
faire plaisir à M. CORMORECHE et à M. PAQUET. C'est toute la question, c'est dans ce domaine qu'il faut essayer de
voir : que chaque fois qu'on demande plus à l'Etat - je ne demande pas que l'Etat ne donne rien naturellement -,
mais chaque fois que l'on demande plus à l'Etat, on demande à quelqu'un. Et comme aujourd'hui j'entends tout le
monde dire "il faut baisser les impôts", tout le monde dire : "il faut réduire le déficit", je me dis qu'est-ce qui
va se passer ? Alors là, je le dis tout de suite : je ne sais pas faire.
Mais ce que je sais faire en revanche, c'est tenir un certain langage de vérité, car je crois que le pays peut le
comprendre, et montrer qu'en effet il y a des secteurs qui sont indispensables à la vie économique et sociale. Je
pense que nous avons besoin de l'agriculture, pas seulement pour faire plaisir à tel ou tel ; parce que c'est
aujourd'hui un des éléments de notre croissance économique. Notre balance commerciale excédentaire, 25 milliards de
francs sur les douze derniers mois, elle doit beaucoup, beaucoup à notre agriculture ; et c'est pourquoi dans les
négociations en Europe, dans les négociations au GATT, je fais preuve de la plus extrême fermeté. Le secteur de
l'artisanat, naturellement il faut le développer comme le secteur des petites et moyennes entreprises, parce que
dans une société qui est en train de se transformer, vous le voyez bien, ce sont des éléments de stabilité : des
petites entreprises permettent à nos bourgs, à nos villes moyennes de se développer. Et l'artisanat est facteur
d'équilibre. Il assure en quelque sorte une transition entre la grande entreprise et l'économie rurale et
l'économie des villes moyennes, il apporte un service de proximité à des gens qui ont envie d'avoir un contact
direct avec celui qui leur offre des produits ou des services.
Nous sommes naturellement conscients des difficultés que vous rencontrez, et je crois que la Nation, pas l'Etat
seulement, a un devoir de solidarité, dans son intérêt ; je dirai qu'au fond, aider aujourd'hui l'artisanat à se
développer, c'est aider notre économie toute entière à faire un peu mieux, c'est pourquoi je crois que la promotion
du métier d'artisan mérite dêtre développée auprès des jeunes. Ce sont des valeurs auxquelles nous sommes
attachés, auxquelles les jeunes sont attachés : la liberté, l'indépendance, le service d'autrui. Un peu de
solidarité avec les autres, beaucoup de solidarité entre vous et les choses iront mieux : je vous le dis, parce que
je le crois. Merci.
Madame et Messieurs les Présidents,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je remercie votre président, M. PAQUET, de m'avoir invité à participer à la séance officielle de votre assemblée
générale. Vous avez bien voulu rappeler, M. le Président PAQUET, que je m'étais déjà adressé à cette assemblée en
1984 comme ministre de l'économie et des finances, j'ai le sentiment que c'est déjà loin. Et vous avez eu également
l'amabilité de rappeler, qu'ensemble nous avions fait progresser à l'époque un certain nombre de dossiers. 1984-
1992, je ne vous donnerai pas rendez-vous en l'an 2000, ce serait sans doute un peu tard, et pour vous et pour moi.
Aujourd'hui, je suis Premier Ministre, je suis accompagné du nouveau ministre du commerce et de l'artisanat, mon
ami Gilbert BAUMET. C'est un homme de dialogue et d'action avec qui j'en suis sûr, Mesdames et Messieurs, vous
pourrez faire du bon travail.
Il est de tradition, dans ce type de manifestation, de présenter aux ministres, a fortiori au Premier Ministre, la
liste exhaustive des revendications professionnelles. M. PAQUET, je ne vous en fais pas le reproche : vous êtes
bien là dans votre rôle de porte-parole des représentants du monde de l'artisanat et des métiers. C'est donc votre
devoir à l'égard de ceux qui vous ont mandaté.
J'ai bien noté toutes vos préoccupations : elles portent sur le rôle et la place de l'artisan dans notre société
moderne ; vous souhaitez des mesures sociales urgentes pour les artisans en cessation prématurée d'activité ou en
fin d'activité ; vous demandez qu'un effort spécial soit fait en faveur de l'apprentissage et de l'animation
économique ; vous avez évoqué enfin les ressources des chambres des métiers.
Permettez-moi de ne pas répondre aujourd'hui à toutes vos questions. Il faut bien que je laisse un peu de travail à
Gilbert BAUMET. Je lui demande, devant vous, très officiellement d'examiner sans tarder l'ensemble de vos
propositions. Il m'en saisira, je sais par expérience qu'il rencontrera quelques difficultés avec tel ou tel
département ministériel, et je procéderai naturellement aux arbitrages qui s'imposent. Quand j'arbitrerai, je vous
rappellerai votre discours, M. PAQUET, et je vous dirai : ai-je bien entendu ou ai-je mal entendu ?
Mais il est tout de même un point qui a retenu mon attention. Vous avez évoqué, à deux reprises dans votre
discours, l'importance de la confiance dans la vie économique, et je partage entièrement, votre analyse : sans la
confiance, il n'y a pas de développement économique possible. Et je ne veux pas devant vous, Mesdames et Messieurs
qui êtes quotidiennement au contact des réalités économiques, pratiquer la méthode COUE. Chacun au demeurant peut
penser ce qu'il veut, c'est son droit. Et je vais vous dire que tout ne va pas pour le mieux, mais les faits sont
bien moins gris que certains se plaisent à le prétendre. Je crois surtout que ni vous ni le pays n'ont à gagner à
cultiver une certaine mélancolie.
Je suis un peu plus âgé sans doute que la moyenne d'entre vous, et depuis que je suis en activité professionnelle
ou dans l'activité politique, j'ai toujours entendu à peu près la même chose. Un de mes patrons du Gaz de France
avait une excellente formule, quand je me plaignais : c'était en 1958, je m'occupais de l'exposition de Bruxelles
et je lui disais "mais écoutez, j'ai des difficultés, je n'ai pas encore reçu le panneau de publicité, le matériel
qu'on doit me livrer - des artisans boulangers devaient me livrer un four, cela n'arrivait pas en temps -" ; il
avait toujours cette formule excellente, il me disait : "mon cher Bérégovoy, les choses ne vont certainement pas
aussi bien que vous pouviez l'espérer, mais elles vont tellement moins mal que vous pouviez le craindre que
finalement vous êtes sur le bon chemin". Et si on était un petit peu comme cela tous, on se dirait que cela ne va
pas mal. J'ai repéré dans cette salle le Président de la Chambre de Métiers de la Nièvre, j'ai repéré ici ou là
quelques amis que je connais bien ; naturellement à chaque fois que j'assiste à une réunion officielle, j'entends
certains discours et puis quand je suis dans les conversations particulières, certains me disent "cela ne va pas si
mal que cela : à Nevers, vous avez décidé d'aménager un peu les bâtiment publics ; vous faites pas mal pour la
rénovation ; vous avez lancé un ou deux programmes...". Cela a toujours été comme ça.
C'est vrai que l'économie n'est pas ce que nous aurions souhaité et pourtant, faites des comparaisons, Mesdames et
Messieurs. C'est surtout cela que je voudrais vous demander. Grâce aux efforts de tous, et aux vôtres - chefs
d'entreprises, fonctionnaires, salariés, agriculteurs -, nous avons aujourd'hui la plus forte croissance des grands
pays industrialisés. Nous avons, pour la première fois depuis longtemps, un commerce extérieur excédentaire ; nous
avons une monnaie stable ; une inflation faible : 2,6 % sur les 12 derniers mois et un déficit public moins élevé
que partout ailleurs, Japon excepté. Voilà la réalité, il faut le savoir. Mais certes, nous avons 2 millions 900
000 demandeurs d'emplois - un petit peu moins, un petit peu plus, cela varie selon les mois et le climat
d'attentisme qui sévissait ces dernières semaines risque de freiner la reprise de l'investissement et la
consommation des ménages.
Le pouvoir d'achat était distribué et les prix n'atteindront même pas cette année le chiffre que nous avions
projeté ; il y a un peu plus d'épargne, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui consomment moins et qui sont
inquiets pour l'avenir ; et lorsque l'on cultive la mélancolie on interdit soit des investissements dans le
logement soit de la consommation de biens d'équipements et, finalement ça va en effet à l'épargne. Ce n'est pas une
mauvaise chose en terme économique mais ce n'est pas un facteur de croissance. Alors, je te dis carrément devant
vous : ce n'est pas en changeant de politique économique, comme le propose le « parti de la dévaluation », que nous
obtiendrons de meilleurs résultats. J'ai d'ailleurs observé que M. PAQUET ne le demandait pas. Nous avons intérêt à
poursuivre notre politique de stabilité monétaire : c'est la clé de la compétitivité de nos entreprises et de notre
pouvoir d'achat à tous. C'est en maîtrisant les prix que nous avons gagné des parts de marché à l'extérieur, que
nous en gagnons à l'intérieur de nos frontières et c'est en baissant, dans la mesure du possible, les prélèvements
fiscaux que nous donnons du pouvoir d'achat aux agents économiques.
J'ai rappelé aux députés, il y a deux jours, que depuis 1988 nous avons procédé à 90 milliards de francs
d'allégements fiscaux en année pleine - ce ne sont pas 90 milliards qui s'additionnent -, dont 48 milliards
consentis aux entreprises et 42 milliards alloués aux ménages. Je n'ai pas souhaité augmenter les impôts, malgré
les pertes de recettes fiscales dues au ralentissement d'activité. Car du fait de la croissance économique ralentie
aux Etats-Unis, du fait des difficultés de la Grande-Bretagne et de l'Italie, nous avons un ralentissement
économique. Et ralentissement économique, cela veut dire moins de recettes fiscales, un peu moins de recettes de
TVA, les entreprises font moins de bénéfices, moins de rendement de l'impôt sur les sociétés. J'avais donc le choix
entre diminuer la dépense publique - les investissements, les dépenses de logement, les dépenses de routes... -, ou
augmenter les impôts - sur qui ? Evidemment, j'aurais pu dire sur tout le monde sauf sur les artisans, mais vous ne
m'auriez pas cru, et laisser le déficit budgétaire s'épaissir un peu. J'ai choisi cette voie là et pourtant je ne
crois pas que cela soit bon d'avoir du déficit budgétaire. Seulement, je répète, face à cela il n'y avait que deux
solutions, mettons trois : déficit budgétaire - on me le reproche à l'Assemblée Nationale -, augmenter les impôts -
auprès de qui ? - ou bien diminuer un certain nombre de dépenses, ce qui aurait contribué au ralentissement de
l'activité économique. J'ai donc dû accepter une hausse temporaire du déficit, mais grâce à la maîtrise des
dépenses publiques de 1988, 1989, 1990 notre déficit aujourd'hui, quand on le rapporte à la richesse nationale, est
deux fois plus faible que la moyenne des pays de la Communauté Economique Européenne. Je prends le pari devant vous
- je ne sais pas encore, je ne le saurai vraiment qu'à la fin du mois de mars si je serai Premier Ministre au 1er
avril, j'ai été nommé le 2, pas le 1er parce que vous voyez bien pourquoi... - eh bien je vous prends le pari que,
quel que soit le premier ministre et quel que soit le gouvernement, il sera dans la même situation où je suis
aujourd'hui. C'est pourquoi je dis aux uns et aux autres, je le dis même à mes amis et il m'arrive de le dire aux
ministres, ils le savent tous : "faites attention, tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant de faire
des promesses...".
Alors en défendant le Franc le mois dernier contre les assauts de la spéculation, nous avons défendu cette
politique. Et le Franc en est sorti renforcé, et la confiance dans l'économie française renforcée.
Un mot de ce qui s'est passé. Un peu avant le 20 septembre, la situation de l'Italie étant ce qu'elle est, et la
situation de la Grande-Bretagne étant ce qu'elle est, un vaste mouvement de spéculation était dirigé contre le
système monétaire européen. La Lire a été dévaluée ; cela n'a pas suffi : elle est sortie du SME ; la Livre
Sterling - et la Grande-Bretagne a dépensé des dizaines et des dizaines de milliards de Livres Sterling -, elle a
été obligée aussi de sortir du SME. Le Franc a été attaqué, mais le Franc a tenu. Il a tenu grâce à la
détermination du Gouvernement et du Président, grâce à une bonne collaboration avec l'Allemagne mais surtout parce
que nos « fondamentaux » comme disent les économistes sont sains : peu d'inflation ; peu de déficit budgétaire ;
commerce extérieur bénéficiaire ; balance des paiements équilibrée. Et nous avons tenu bon et aujourd'hui, je peux
vous dire que l'argent qui avait été dépensé - une partie était empruntée -, est rentré à peu près à 80 %, peut-
être même à 85 %. Cette crise est derrière nous et le Franc est consolidé. Et cette épreuve a permis de constater
que nous étions devenus le modèle. Elle confirme notre rayonnement européen et international, ce dont je ne doutais
pas. Alors naturellement, nous avons dû laisser monter les taux d'intérêt pendant 3 semaines environ, pour casser
la spéculation. Mais Michel SAPIN a veillé, avec raison, à ce que le taux de base bancaire n'augmente pas, afin de
maintenir les petites et moyennes entreprises et les artisans à l'abri de cette crise.
Cette bataille gagnée, les taux d'intérêt baissent : les taux à long terme, à 10 ans, plus vite que les taux à
court terme. Les taux à 10 ans sont à 8,2 % : c'est le plus bas niveau depuis 6 ans. Et je peux vous dire que le
mouvement va se poursuivre. C'est une bonne chose pour notre économie, et naturellement l'artisanat, avec ses 250
métiers, ses 850 000 entreprises et ses deux millions 200 000 actifs, en bénéficiera lui aussi. Avec 10 % de la
population active, l'artisanat est un secteur clé de notre économie. Il participe à la création d'emplois les
effectifs de salariés, vous l'avez dit M. PAQUET et c'est vrai, ont augmenté de 6 % en 4 ans. L'artisanat est
présent sur tout notre territoire, et je crois donc qu'il est important que nous l'aidions.
C'est pourquoi j'ai donné mon accord au projet de loi relatif à la protection des sous-traitants que vient de me
proposer Gilbert BAUMET. Les artisans sont souvent en situation de sous-traitance. La loi de 1975 était mal
appliquée : de nombreux sous-traitants n'étaient pas présentés au maître d'ouvrage par l'entreprise principale, peu
de garanties de paiement ont été accordées aux sous-traitants, d'où les défaillances en série lors du dépôt de
bilan du donneur d'ordres. Et nous en savons quelque chose, nous, dans notre département de la Nièvre, n'est-ce pas
M. Le Président ? Alors, le nouveau projet de loi vise à remédier à ces deux inconvénients, en rendant notamment
obligatoire la conclusion d'un contrat écrit entre chaque sous-traitant et l'entreprise principale. Dès son
adoption par le Conseil des Ministres, le projet de loi sera déposé sur le bureau des assemblées. Cela se fera sans
tarder.
Deuxième point : le développement de l'apprentissage. Cela constitue, pour vous comme pour nous - vous savez
l'importance qu'y attachait Mme CRESSON -, un axe essentiel de notre politique de l'emploi. Le Gouvernement a
proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 1993 un crédit d'impôt de 5.250 francs pour les entreprises
de moins de 50 salariés qui recruteraient un nouvel apprenti. Nous en avons parlé, M. PAQUET et moi, et il m'a
convaincu. J'ai donc retenu la proposition de votre Président de porter de 3.200 F à 9.600 F, soit un triplement,
l'allocation du Fonds National Interconsulaire de Compensation, plus connu sous le nom de FNIC, pour les apprentis
en première année. M. PAQUET m'a expliqué que cette mesure permettrait d'augmenter le recrutement d'apprentis :
elle m'est apparue simple, lisible, conciliant les impératifs de l'emploi et de la formation.
Elle est contestée par certains. Et si en 1993, elle ne pose pas de problèmes de financement, elle en posera
ultérieurement. Afin d'en faciliter la mise en oeuvre à compter du 1er septembre 1992, j'ai pris deux décisions :
l'extension par la voie législative des compétences du FNIC à la rémunération des maîtres d'apprentissage - cela,
c'est vous qui m'aviez convaincus - et la mise à disposition du FNIC de façon permanente - pérenne comme on dit -
des sommes versées par les entreprises à l'Etat pour se libérer de leurs obligations en matière de taxe
d'apprentissage.
Ces engagements étant pris, j'attends maintenant des partenaires concernés, j'en ai parlé avec le CNPF, il y a dix
jours - chambres des métiers et chambres de commerce et d'industrie - une décision rapide sur le triplement de
cette allocation. On me dit, vous me dites que les chambres de commerce et d'industrie sont réticentes. Je suis
ouvert à toute discussion dès lors que les préalables n'empêchent pas l'action. Je propose que Gilbert BAUMET
réunisse l'ensemble des partenaires et définisse dans les plus brefs délais un mode de financement adéquat et
permanent, qui ne sera pas nécessairement budgétaire mais auquel l'Etat pourra apporter sa contribution. D'ores et
déjà, le principe du triplement étant acquis, il doit être mis en oeuvre rapidement - on avait parlé avec M. PAQUET
d'une circulaire, d'un document -, et je sais que vous en êtes convaincus. Je vous appuie et je compte sur vous,
parce que cette mesure peut conduire non seulement à une forte augmentation du nombre d'apprentis - et cela est
utile dans la période où nous sommes - mais à une amélioration de la qualité de leur formation.
Là on emploie un langage un peu codé, mais si on emploie un langage simple, cela veut dire quoi ? Cela veut dire
que l'apprenti, lorsqu'il est en apprentissage, dispose d'une formation qui lui est allouée par le responsable-
artisan qu'on appelle le maître d'apprentissage, et cela mérite rémunération. C'est aussi simple que cela. Et voilà
le dispositif qu'il faut mettre en place : bien montrer à l'opinion publique que c'est un service rendu à la
formation. Naturellement, l'apprenti rend service aussi à l'artisan, mais l'artisan rend service non seulement à
l'apprenti mais plus généralement à la formation dans notre pays d'une qualification un peu plus remarquable. Et je
plaide cela volontiers, j'espère avoir l'occasion de le faire.
De manière générale, les artisans peuvent jouer un rôle utile dans les programmes de lutte contre le chômage. Vos
chambres ont la possibilité de recourir à des contrats emploi-solidarité pour réinsérer des chômeurs de longue
durée, cela je vous le demande. Vous-mêmes, vous pouvez bénéficier d'exonérations de charges, qui favorisent
l'embauche de jeunes sans qualification ou de chômeurs de longue durée. C'est une grande cause à laquelle j'attache
beaucoup de prix. Je compte donc sur vous.
Ce n'est pas seulement en matière d'apprentissage que doit être reconnu le rôle de l'artisan. Vous menez
actuellement, avec les services concernés de l'Etat, une réflexion d'ensemble sur la place et le rôle des
entreprises artisanales, et sur leur fonction irremplaçable dans l'aménagement du territoire et les services de
proximité qu'elles apportent. Ce travail doit se poursuivre sous la conduite de Gilbert BAUMET, qui me rendra
compte des réformes qui méritent d'être encouragées. Cette réflexion pourra s'enrichir des travaux du Conseil
économique et social que je viens de saisir d'une étude sur le statut de l'entreprise individuelle dominante dans
le secteur du commerce et de l'artisanat. Vous voyez M. PAQUET, vous n'étiez pas venu me rendre visite pour rien.
Je voudrais insister un instant sur la place de l'artisanat dans le monde rural. La fermeture d'une boulangerie ou
d'un commerce, c'est parfois aussi dramatique que la fermeture d'un service public, car c'est un lieu d'animation
économique qui disparaît.
Beaucoup d'actions ont été menées depuis quatre ans par le ministère du commerce et de l'artisanat pour aider au
développement local, avec notamment la mise en place en 1989 d'opérations de restructuration du commerce et de
l'artisanat. Au total c'est plus de 220 millions de francs qui ont été consacrés au développement rural.
Des moyens importants ont été récemment dégagés : la dotation du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la
transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, qui a été portée de 75 MF à
125 MF. Les outils et les moyens existent, à vous de bien les utiliser.
Ce faisant, Mesdames et Messieurs, j'ai parfaitement le sentiment que je n'ai pas répondu à toutes les questions
que vous vous posez. Elles appellent des réponses, j'ai demandé à M. BAUMET de les étudier, en relation avec les
ministres compétents ; et aujourd'hui je voulais tout simplement par ma présence souligner l'importance que le
Gouvernement accorde - et que j'accorde personnellement - au monde de l'artisanat et des métiers. J'ai bien noté
vos demandes, notamment sur les zones récemment sinistrées. Je dois dire que j'ai parfaitement compris une des
questions posées, à savoir que dans la prise en compte de la taxe professionnelle, il faut prendre en quelque sorte
la valeur du bien ancien plutôt que la valeur du bien nouveau, puisque le bien ancien a été détruit dans des
circonstances exceptionnelles. Je ne sais pas comment on peut régler ce problème dans le domaine fiscal, mais je
trouve la remarque juste et MM BAUMET et MALVY vont s'en occuper. Là il y a un problème, un cas de force majeure...
oui, il faut bien qu'il y en ait qui se charge de ces choses-là... remarquez s'ils ne sont pas d'accord, c'est vers
moi qu'ils se retourneront
Pour le reste, je vais terminer par une petite phrase je suis tellement bien avec vous que j'y resterais encore
longtemps -, notre ami PAQUET qui ne manque pas d'humour a dit "on voudrait avoir autant que les agriculteurs",
aussitôt j'ai regardé M. CORMORECHE, il a dit "oui" tout de suite. Evidemment si on donne plus à l'un, l'autre
demandera plus... Je vous prends le pari que si vous obtenez autant que les agriculteurs, ils vont m'en demander
plus. Vous voulez que l'on prenne le pari ensemble ? Il a eu une excellente formule, il a dit "il ne s'agit pas de
déshabiller Pierre pour habiller Paul". Permettez à Pierre Bérégovoy de comprendre parfaitement cette remarque,
mais je me suis demandé en écoutant M. PAQUET : pour habiller Pierre, pour ne pas déshabiller Paul et pour donner
un beau costume aux deux, qui est-ce qui va payer ? C'est la seule question qui me vient toujours à l'esprit. Il
faudrait plus à celui-ci, plus à celui-là, et à qui on demande ? Alors là, il y a une remarque extraordinaire : on
demande à l'Etat. Mais l'Etat, c'est qui ? Mais c'est vous ! Je veux bien vous demander, à vous, un peu plus pour
faire plaisir à M. CORMORECHE et à M. PAQUET. C'est toute la question, c'est dans ce domaine qu'il faut essayer de
voir : que chaque fois qu'on demande plus à l'Etat - je ne demande pas que l'Etat ne donne rien naturellement -,
mais chaque fois que l'on demande plus à l'Etat, on demande à quelqu'un. Et comme aujourd'hui j'entends tout le
monde dire "il faut baisser les impôts", tout le monde dire : "il faut réduire le déficit", je me dis qu'est-ce qui
va se passer ? Alors là, je le dis tout de suite : je ne sais pas faire.
Mais ce que je sais faire en revanche, c'est tenir un certain langage de vérité, car je crois que le pays peut le
comprendre, et montrer qu'en effet il y a des secteurs qui sont indispensables à la vie économique et sociale. Je
pense que nous avons besoin de l'agriculture, pas seulement pour faire plaisir à tel ou tel ; parce que c'est
aujourd'hui un des éléments de notre croissance économique. Notre balance commerciale excédentaire, 25 milliards de
francs sur les douze derniers mois, elle doit beaucoup, beaucoup à notre agriculture ; et c'est pourquoi dans les
négociations en Europe, dans les négociations au GATT, je fais preuve de la plus extrême fermeté. Le secteur de
l'artisanat, naturellement il faut le développer comme le secteur des petites et moyennes entreprises, parce que
dans une société qui est en train de se transformer, vous le voyez bien, ce sont des éléments de stabilité : des
petites entreprises permettent à nos bourgs, à nos villes moyennes de se développer. Et l'artisanat est facteur
d'équilibre. Il assure en quelque sorte une transition entre la grande entreprise et l'économie rurale et
l'économie des villes moyennes, il apporte un service de proximité à des gens qui ont envie d'avoir un contact
direct avec celui qui leur offre des produits ou des services.
Nous sommes naturellement conscients des difficultés que vous rencontrez, et je crois que la Nation, pas l'Etat
seulement, a un devoir de solidarité, dans son intérêt ; je dirai qu'au fond, aider aujourd'hui l'artisanat à se
développer, c'est aider notre économie toute entière à faire un peu mieux, c'est pourquoi je crois que la promotion
du métier d'artisan mérite dêtre développée auprès des jeunes. Ce sont des valeurs auxquelles nous sommes
attachés, auxquelles les jeunes sont attachés : la liberté, l'indépendance, le service d'autrui. Un peu de
solidarité avec les autres, beaucoup de solidarité entre vous et les choses iront mieux : je vous le dis, parce que
je le crois. Merci.