Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Madame et Messieurs les Elus,
Mes chers compatriotes de Guyane,
Je suis ici ce soir, avec vous, sur cette terre française que lun de ses enfants, Léon-Gontran Damas, le grand poète guyanais né à Cayenne, a chantée avec des mots simples, des mots qui nous touchent. Je suis ici ce soir sur cette terre française qui se trouve, disait-il, « au bout / tout au bout du monde / là-bas / entre / la Montagne Tigre et le Fort Cépérou / qui regarde la Mer dîner de soleil... »
Je suis venu, ici, mes chers compatriotes, car jai voulu vous rencontrer une nouvelle fois et madresser à vous directement pour vous tenir le langage de la sincérité, le langage de la solidarité, le langage de l'amitié aussi, les seuls en vérité qui conviennent à la situation dans laquelle se trouve aujourdhui la Guyane.
Je suis venu parce que la Guyane souffre. Parce que la Guyane connaît de grandes difficultés. Parce que beaucoup de Guyanais sont, c'est vrai, au bord de la détresse. Je sais tout cela. Je sais que vous êtes inquiets, que vous êtes troublés, que vous êtes impatients. Je sais que les plus jeunes dentre vous bercent au fond deux-mêmes une révolte qui se nourrit de leur désarroi, de leur attente, peut-être de leur désespoir.
Cest pour toutes ces raisons que jai tenu à vous rencontrer et à vous parler dès mon arrivée. Je comprends vos peines, vos angoisses. Je sais que vous avez douté de tout, et même de l'Etat, et même de vous-mêmes. De cela, vos élus se sont faits les porte-parole ; les représentants de lÉtat mont transmis eux aussi vos espoirs et votre attente ; les médias ont souligné « la crise » de la Guyane. Je sais, je comprends tout cela.
Vous avez pu douter des valeurs de la République, pour lesquelles vos pères se sont battus. Je voudrais simplement évoquer le haut exemple de ces figures de proue quont été pour la France le patriote ardent et le grand serviteur de lÉtat que fut Félix Éboué, ou le résistant que fut Gaston Monnerville, dont le centenaire sera fêté cette année.
Vous vous êtes demandé si ces valeurs essentielles que sont la liberté, légalité, la fraternité seront toujours lavenir de vos enfants alors que la France tout entière doit affronter aujourdhui les défis que lui impose notre temps : le chômage qui brise les solidarités, la délinquance qui pousse au repli sur soi, la misère et lexclusion qui sont inacceptables dans nos sociétés de progrès avancé.
Vous avez pu douter de lÉtat et de son efficacité. Pris à partie, lÉtat a semblé défaillant. Face à lurgence, face aux mouvements de violence que la crise a pu engendrer, lÉtat a paru hésiter, tâtonner et na pas toujours eu la vision nécessaire à la construction dune société républicaine, fraternelle, juste. Vous vous demandez sil saura aujourdhui gérer les besoins de limmédiat et préparer votre avenir.
Bouleversés par les effets conjoints de l'irruption de la modernité, de l'ouverture au monde et d'un formidable essor démographique, vous avez pu, enfin, douter de vous-mêmes. Votre jeunesse, qui est votre avenir, qui est notre avenir, a pu paraître sur le point de ségarer, sans but, sans repères. Les jeunes de Guyane qui nont jamais été aussi nombreux, dont la diversité na jamais été aussi forte, pour qui le département paraît manquer de débouchés et à qui les lendemains noffrent aucune certitude, les jeunes de Guyane ne savent pas toujours quel chemin suivre, vers quelles valeurs se tourner. Ils ne savent pas sils pourront construire pour eux et pour la Guyane un avenir prospère. Ils ne savent pas sils seront en mesure dassumer leur destin. Et comment ne pas les comprendre ?
La France a certes toujours tenté, avec c'est vrai une inspiration inégale, dapporter des réponses à la situation particulière de la Guyane. Mais ces efforts, dont il serait injuste de nier la réalité, de nier également les résultats positifs, ont montré leurs limites.
Ainsi, la colonisation na jamais porté de véritables fruits en Guyane. La plus ancienne des terres françaises dOutre-Mer est aussi lune de celles que la France, malgré de multiples tentatives, nest jamais parvenue à mettre réellement en valeur : pendant près de quatre siècles, elle a gardé pour les métropolitains l'image d'un "enfer vert".
Lorsquest venue lheure de la décolonisation, coïncidant, à quelques années près, avec la fin de la transportation et la fermeture du bagne, le statut de département français dOutre-Mer a apporté une première réponse, salutaire, à cette terre qui restait partie intégrante de la France ; une appartenance que nul dailleurs ne songeait à contester, car la Guyane lavait payée du sang de ses enfants en se portant spontanément au secours de la Mère Patrie. Mais la départementalisation, elle aussi, si opportune qu'elle ait été, devait se heurter à un obstacle majeur : la singularité de cette terre française.
Parce quelle visait lassimilation complète, elle a méconnu, pour cette région si éloignée de la métropole, la nécessité dévoluer, de vivre, de respirer à sa manière. Le souci louable dinstaurer et de garantir légalité au sein de la République, a conduit à ne pas suffisamment prendre en compte lidentité culturelle, si particulière, de la Guyane qui est certes une terre française depuis quatre cents ans, mais aussi un pays américain, le pays des Amérindiens, des Créoles, des Noirs-Marrons.
Ce nétait pas le signe dune indifférence ou dun manque dintérêt de la part de la métropole. Bien au contraire. Puisque cest alors quelle a conçu pour la Guyane les projets les plus ambitieux : Kourou et le Centre Spatial Guyanais devaient être la vitrine de la technologie française, la vitrine de la Guyane. Ils le sont devenus effectivement et tous les Français, quils soient Guyanais ou Métropolitains, sont légitimement fiers de ce succès incontestable. Mais ce succès lui-même a pu laisser derrière lui un sillage damertume, car il a donné limpression que cet essor prodigieux nexerçait pas suffisamment leffet dentraînement attendu sur la vie économique et sociale guyanaise. Heureusement, cette situation a évolué et il serait inexact de prétendre aujourd'hui que la greffe ne prend pas.
A ce malentendu s'est ajouté, je le sais, le sentiment pénible provoqué par le poids quexerce sur la Guyane une relation longtemps trop exclusive avec la métropole. Relation sécurisante sans doute, mais également frustrante et toujours à la recherche d'un équilibre.
Il en est ainsi dun de ses aspects le plus visible, la politique des transferts sociaux. Généreux, ceux-ci ont aussi un revers redoutable : ils enferment la Guyane dans un assistanat qui, à son insu, mine ses forces et annihile sa volonté. Parallèlement, en faisant de la Guyane, aux yeux de ses voisins moins favorisés, un relatif îlot de prospérité, ils suscitent toujours plus de convoitise et provoquent une immigration de plus en plus difficile à maîtriser, de plus en plus lourde de problèmes.
Ces réponses, peut-être mal adaptées, que la France a proposées aux difficultés de la Guyane ne nous font pas oublier les vrais problèmes qui se posent aujourdhui.
Le premier dentre eux est lié à lextraordinaire poussée démographique que la Guyane connaît depuis vingt ans. Elle est sans précédent ; elle est aussi sans équivalent : la population guyanaise double tous les quinze ans et fait de la Guyane la région la plus jeune de France.
L'immigration est le principal facteur de cet accroissement démographique. La moitié de la population guyanaise est aujourd'hui étrangère, et la moitié de ces étrangers sont entrés et vivent ici clandestinement.
Cette situation accentue bien sûr vos difficultés économiques et sociales. Aujourdhui, près dun Guyanais sur deux a moins de vingt ans et trouve difficilement un emploi, car le marché du travail est un marché étroit et le chômage, un chômage structurel. De surcroît, ces jeunes sont souvent handicapés par des retards importants dans leur scolarisation, dus notamment au fait qu'issus de l'immigration, ils parlent mal ou pas du tout notre langue. Ils se heurtent enfin à linsuffisance de logements et déquipements publics dont la construction na pas accompagné de façon satisfaisante lexplosion démographique de ces dernières années.
Je vous ai dit, mes chers compatriotes, que je vous tiendrais le langage de la franchise. Mais je suis venu aussi pour vous tenir le langage de lespoir. Le constat que je viens de dresser, tout sévère quil est, nest pas celui dune situation sans issue. Elle ne lest pas. Elle ne lest pas, car la Guyane dispose datouts exceptionnels.
Au premier rang de ces atouts figure naturellement lappui de la Nation tout entière et cela c'est la solidarité nationale qui l'exige légitimement.
La Guyane constitue une composante indéfectible de la République, qui est elle-même une et indivisible. Les Guyanais sont Français ; ils le sont à part entière ; ils ont défendu les principes républicains, ils se sont battus pour cela. Car la France ne se réduit pas à lhexagone ; elle nest pas une terre, elle n'est pas une race ; elle est un ensemble de citoyens qui ont choisi de sunir pour porter un message universel, un message de liberté, dégalité, de fraternité. Vous qui êtes Français depuis plus longtemps même que ne le sont les habitants de Nice, de la Savoie ou de la Corse ; vous qui avez donné, avec Madame Tally-Bourre, lune des deux premières femmes députés françaises ; vous qui avez cru en la France et en la République pour faire triompher les idéaux dhumanisme et de générosité, comment nauriez-vous pas raison : la confiance, la foi que vous avez placées dans la République obligent celle-ci. La France ne va pas se dérober : la Guyane bénéficiera de la solidarité de la Nation tout entière. Je my engage, et le gouvernement, dont j'ai pour ce voyage souhaité la présence à mes côtés de deux ministres, sy engage avec moi.
A dire vrai, cette solidarité sexerce déjà. Elle a pour cela plusieurs points dappui. La Guyane sait quelle peut compter sur le soutien financier de la France. Elle bénéficie, nous lavons vu, de ses efforts de recherche et de sa capacité technologique. Elle est même devenue, aux yeux du monde, avec les succès dAriane, un symbole de lexcellence française.
Enfin, la qualité de région ultra-périphérique que lEurope vient de lui reconnaître lui offre un accès direct au grand marché européen, fort, je le rappelle, de 370 millions de consommateurs, en même temps qu'elle est à la porte du MERCOSUR un trait d'union naturel entre ces deux grands ensemble, l'Union européenne et le MERCOSUR, destinés à être deux des pôles majeurs de puissance politique, économique et culturelle du monde de demain.
Ces atouts nationaux ne sont pas des atouts négligeables. Les Guyanais peuvent mesurer le chemin parcouru depuis la départementalisation, chemin parachevé, à mon initiative et comme je my étais engagé, par légalité sociale acquise pour les départements dOutre-Mer, le 1er janvier 1996.
Égalité politique, égalité sociale traduisent concrètement le soutien que la nation française apporte à la Guyane. Reste toutefois à conquérir, ou plutôt à bâtir cette autre égalité à laquelle chacun aspire et qui procède du développement économique.
Dans cette entreprise, la Guyane disposera des mêmes appuis nationaux. Elle dispose en outre de nombreux atouts qui lui sont propres et qui seront essentiels à son développement de demain.
Elle a pour elle sa jeunesse dont le dynamisme, la capacité dadaptation, limagination constituent la meilleure raison despérer. Elle a pour elle un territoire immense qui ne connaît pas encore toutes ses ressources ; une région de quelques 90 000 kilomètres carrés, grande comme le Portugal, peuplée seulement sur une étroite frange côtière et le long de ses fleuves ; un territoire plein de promesses, aux richesses non encore défrichées.
Ces richesses, cest la forêt, qui couvre la quasi-totalité du pays et fait de la Guyane le plus grand massif forestier de lUnion européenne. Ces richesses, ce sont ses ressources minérales, lor en particulier, dont la production, encore peu développée, représente déjà 1% de la production mondiale. Ces richesses, ce sera un jour son tourisme, qui ne constitue aujourdhui quune activité bien trop faible ; son agriculture et son élevage qui peuvent sans aucun doute se structurer et se développer : des exemples de réussite comme celle de la communauté laotienne montrent que c'est possible. Ces richesses, enfin, cest la pêche qui est aujourdhui le secteur le plus productif pour lexportation et dont lactivité peut saccroître bien davantage. Et pourquoi ces produits guyanais, qui sont de qualité, ne seraient-ils pas transformés par une industrie locale encore balbutiante mais dont lavenir peut être prometteur ? Il faut travailler.
A ce vrai potentiel, si faiblement utilisé, quoffrent des secteurs davenir comme le bois et le tourisme, ou des activités telles que lor et la pêche, la Guyane ajoute une autre carte maîtresse, sa situation géographique privilégiée. Je le répète, elle se trouve, parcelle dEurope en lisière du Brésil et donc du MERCOSUR, au coeur des Amériques, sur léquateur, situation idéale qui précisément permet les exploits techniques du Centre Spatial Guyanais.
Ces atouts, de surcroît, se trouvent entre les mains dune société multi-raciale, constituée de femmes et dhommes de valeur issus des Amériques, de lAfrique, de lEurope ou de la lointaine Asie, mosaïque dethnies qui se côtoient, amérindiens, créoles, noirs-marrons, chinois, hmongs ou "métros", sans entretenir les préjugés et les rancoeurs qui existent ailleurs.
Cette harmonie est capitale pour la société guyanaise, car la force et la solidité de lespoir quelle peut légitimement concevoir se mesurent également à laune de sa volonté de vivre ensemble, daffronter ensemble les difficultés, de secouer ensemble les vieux démons du pessimisme, du scepticisme, du fatalisme ; en un mot, à la mesure de son désir de travailler et de réussir ensemble.
Le succès dAriane montre quune telle réussite est possible, que limage déchec souvent véhiculée par la Guyane, est injuste, que la Guyane peut être une terre doptimisme, porteuse despoir, de justice, de prospérité.
Comment ? Quels moyens sont nécessaires à la mise en valeur des nombreux atouts de la Guyane ? Quelles sont, pour ce département français, les conditions de son développement ?
Lavenir ne se construit pas seul. Celui de la Guyane a besoin de la volonté agissante des Guyanais et de la mobilisation de toutes les forces de la République.
Le développement naît dabord de la stabilité et du consensus ; il prend son essor, il sédifie sur la responsabilité, laudace, le travail et limagination.
La stabilité et le consensus existent en Guyane. Jai la certitude que sy trouvent aussi le sens des responsabilités, le goût de laudace, le pouvoir de limagination.
La stabilité et le consensus supposent le retour à létat de droit. Le retour à létat de droit, cela signifie la réaffirmation de lautorité de lÉtat, la maîtrise de limmigration, la lutte sans faiblesse contre la délinquance, lintégrité de ceux qui détiennent une part de lautorité publique.
Il est évident, mes chers compatriotes, que cela ne peut se réaliser sans concertation, sans dialogue entre tous les partenaires. Cest pourquoi jinvite, cest pourquoi jappelle les pouvoirs publics, les communautés, les élus, les forces économiques, les forces associatives, à se rencontrer, à se parler, pour décider, définir et construire ensemble un avenir pour la Guyane. Ce que vous
ne ferez pas pour vous, ne sera pas fait. Cet avenir sera dautant plus prometteur quil sera l'expression de votre cohésion, le fruit de votre volonté de vivre ensemble au sein dune Guyane rassemblée, mobilisée autour de cette belle ambition.
Car il faut que vous le sachiez : entrer dans lavenir, opter pour la modernité nest pas le choix de la facilité. Cela réclame des efforts. Cela exige que les comportements changent, que le dynamisme prenne le pas sur labandon à la fatalité et à l'assistanat. Cela exige que tous ceux qui détiennent ici une part de l'autorité publique choisissent le chemin exigeant de la rigueur et de la responsabilité.
Les aspirations de chacun devront être prises en compte. Cela suppose sans doute la réduction de certains privilèges, de certaines rentes de situation héritées d'un autre temps. Les conservatismes devront céder, si lon désire sincèrement valoriser ce qui mérite de lêtre, cest-à-dire encourager lesprit dinnovation, inciter à la recherche, pousser à lexpérimentation de solutions nouvelles.
Cest certainement grâce à un changement radical des comportements et des mentalités que la Guyane pourra se bâtir lavenir quelle attend. La métropole ly aidera. Elle est prête à faire un pas tout à fait significatif pour mettre au point, avec la Guyane, un véritable plan de développement. Ce plan, il ne pourra être que concerté et chacune des parties doit dès maintenant y réfléchir. C'est la responsabilité du Gouvernement de le proposer et de le mettre en oeuvre. Je sais qu' il en a la volonté et jy veillerai.
Ce plan pourrait sorganiser autour de quatre grands volets : institutionnel, économique et social, régional, international et, notamment, européen.
Le volet institutionnel nappelle pas une réforme du statut de la Guyane. Elle est un département et, sauf à ce que les Guyanais en décident autrement, elle le restera. Il faut en revanche exploiter davantage, bien davantage toute la souplesse quoffre la Constitution, et notamment son article 73, qui a prévu la possibilité dadapter aux réalités des départements dOutre-Mer, grâce à des mesures particulières, le régime législatif et lorganisation administrative. Cela est possible ; on ne l'a pas encore fait, il faut le faire. Et le faire sans tarder.
Le volet économique et social est certainement plus complexe à promouvoir. La richesse dun pays, ce sont aussi, ce sont surtout ses femmes, ses hommes, sa jeunesse. Cest pourquoi la première de nos préoccupations doit être daméliorer la formation et les compétences des femmes et des hommes de la Guyane, tout particulièrement celles des jeunes. Il faut leur assurer une bonne scolarisation, une bonne formation, des filières adaptées, elles ne le sont pas, qui soient également efficaces, qui leur donnent lenvie de réussir et les moyens de le faire. C'est ce que le Ministre de l'Education et de la Recherche est venu, avec le Ministre de l'Outre-Mer, faire à l'occasion de ce voyage
Il faut aussi consacrer nos efforts à désenclaver et à aménager ce vaste territoire. Et cela, cest une très grande ambition.
Cet essor de léconomie guyanaise doit sappuyer sur l'important pôle de recherche que constituent à Cayenne des établissements aussi prestigieux que lInstitut Pasteur, lIFREMER, lORSTOM ou le BRGM. Cet essor est lié au maintien dune fiscalité encourageant linvestissement, qui constitue la juste compensation de certains handicaps. Il est lié également à un accès normal au crédit pour aider les Guyanais à valoriser les produits locaux et à mieux tirer parti du potentiel d'excellence technologique de leur territoire.
Pour mettre en valeur les richesses de la Guyane, il faut aussi ouvrir ce département sur son environnement et exploiter sa situation géographique unique, le faire connaître sur le continent américain, multiplier les échanges avec ses voisins, utiliser le rayonnement de la France, un rayonnement renforcé par l'américanité de la Guyane et par ses succès techniques.
La Guyane, cest la France en Amérique ; la Guyane, cest aussi l'Europe en Amérique, le seul pays qui soit à la fois équatorial et européen. Et cette double appartenance, qui fonde le caractère profondément original de votre département, lui vaut un statut privilégié au sein de lUnion européenne : quoi de plus naturel que davoir la volonté d'en tirer le meilleur parti ?
Mes Chers Compatriotes, le temps est venu où tous ceux qui sont dépositaires d'un savoir, d'une expérience, d'une compétence, d'un pouvoir, toutes celles et tous ceux qui représentent une force susceptible d'aider la Guyane à secouer ses entraves, doivent faire front ensemble.
Le temps est venu de montrer votre ambition, notre ambition commune pour la Guyane. Les conditions sont réunies, mais la réussite de la Guyane, votre réussite, ne pourra se faire sans que vous lappuyiez de votre volonté, de votre audace, de votre travail, de votre foi en lavenir. Cet avenir, cest vous qui le bâtirez, vous qui en partagerez les fruits. C'est pour cela que vous devez en être, au premier chef, les acteurs.
Un poème évoque « la force des graines / Selon leur entêtement à mûrir... ». J'ai confiance en cette force, en votre force, en votre entêtement à réussir. Jai confiance dans la valeur et le courage des femmes, des hommes et des jeunes de Guyane : dans les moments critiques, la France a toujours compté sur vous, elle na jamais été déçue. Cest pourquoi je suis sûr, mes chers compatriotes, que vous saurez aujourdhui inventer lavenir de la Guyane : vous avez, et permettez-moi de citer un autre beau poème :
« Toute la vérité à oser
Toute la justice à promouvoir
Tout lamour à tenter
Tout le destin à supporter .»
Notre pays vous y aidera ; le gouvernement vous y aidera.
Pour ma part, c'est un pacte de confiance que je me propose de nouer avec vous, un pacte qui fera de moi le garant des engagements pris.
Jai confiance. Jai confiance en vous. Ayez, aussi, confiance en vous, confiance en la Guyane.
Vive la Guyane, vive la République et vive la France.
Madame et Messieurs les Elus,
Mes chers compatriotes de Guyane,
Je suis ici ce soir, avec vous, sur cette terre française que lun de ses enfants, Léon-Gontran Damas, le grand poète guyanais né à Cayenne, a chantée avec des mots simples, des mots qui nous touchent. Je suis ici ce soir sur cette terre française qui se trouve, disait-il, « au bout / tout au bout du monde / là-bas / entre / la Montagne Tigre et le Fort Cépérou / qui regarde la Mer dîner de soleil... »
Je suis venu, ici, mes chers compatriotes, car jai voulu vous rencontrer une nouvelle fois et madresser à vous directement pour vous tenir le langage de la sincérité, le langage de la solidarité, le langage de l'amitié aussi, les seuls en vérité qui conviennent à la situation dans laquelle se trouve aujourdhui la Guyane.
Je suis venu parce que la Guyane souffre. Parce que la Guyane connaît de grandes difficultés. Parce que beaucoup de Guyanais sont, c'est vrai, au bord de la détresse. Je sais tout cela. Je sais que vous êtes inquiets, que vous êtes troublés, que vous êtes impatients. Je sais que les plus jeunes dentre vous bercent au fond deux-mêmes une révolte qui se nourrit de leur désarroi, de leur attente, peut-être de leur désespoir.
Cest pour toutes ces raisons que jai tenu à vous rencontrer et à vous parler dès mon arrivée. Je comprends vos peines, vos angoisses. Je sais que vous avez douté de tout, et même de l'Etat, et même de vous-mêmes. De cela, vos élus se sont faits les porte-parole ; les représentants de lÉtat mont transmis eux aussi vos espoirs et votre attente ; les médias ont souligné « la crise » de la Guyane. Je sais, je comprends tout cela.
Vous avez pu douter des valeurs de la République, pour lesquelles vos pères se sont battus. Je voudrais simplement évoquer le haut exemple de ces figures de proue quont été pour la France le patriote ardent et le grand serviteur de lÉtat que fut Félix Éboué, ou le résistant que fut Gaston Monnerville, dont le centenaire sera fêté cette année.
Vous vous êtes demandé si ces valeurs essentielles que sont la liberté, légalité, la fraternité seront toujours lavenir de vos enfants alors que la France tout entière doit affronter aujourdhui les défis que lui impose notre temps : le chômage qui brise les solidarités, la délinquance qui pousse au repli sur soi, la misère et lexclusion qui sont inacceptables dans nos sociétés de progrès avancé.
Vous avez pu douter de lÉtat et de son efficacité. Pris à partie, lÉtat a semblé défaillant. Face à lurgence, face aux mouvements de violence que la crise a pu engendrer, lÉtat a paru hésiter, tâtonner et na pas toujours eu la vision nécessaire à la construction dune société républicaine, fraternelle, juste. Vous vous demandez sil saura aujourdhui gérer les besoins de limmédiat et préparer votre avenir.
Bouleversés par les effets conjoints de l'irruption de la modernité, de l'ouverture au monde et d'un formidable essor démographique, vous avez pu, enfin, douter de vous-mêmes. Votre jeunesse, qui est votre avenir, qui est notre avenir, a pu paraître sur le point de ségarer, sans but, sans repères. Les jeunes de Guyane qui nont jamais été aussi nombreux, dont la diversité na jamais été aussi forte, pour qui le département paraît manquer de débouchés et à qui les lendemains noffrent aucune certitude, les jeunes de Guyane ne savent pas toujours quel chemin suivre, vers quelles valeurs se tourner. Ils ne savent pas sils pourront construire pour eux et pour la Guyane un avenir prospère. Ils ne savent pas sils seront en mesure dassumer leur destin. Et comment ne pas les comprendre ?
La France a certes toujours tenté, avec c'est vrai une inspiration inégale, dapporter des réponses à la situation particulière de la Guyane. Mais ces efforts, dont il serait injuste de nier la réalité, de nier également les résultats positifs, ont montré leurs limites.
Ainsi, la colonisation na jamais porté de véritables fruits en Guyane. La plus ancienne des terres françaises dOutre-Mer est aussi lune de celles que la France, malgré de multiples tentatives, nest jamais parvenue à mettre réellement en valeur : pendant près de quatre siècles, elle a gardé pour les métropolitains l'image d'un "enfer vert".
Lorsquest venue lheure de la décolonisation, coïncidant, à quelques années près, avec la fin de la transportation et la fermeture du bagne, le statut de département français dOutre-Mer a apporté une première réponse, salutaire, à cette terre qui restait partie intégrante de la France ; une appartenance que nul dailleurs ne songeait à contester, car la Guyane lavait payée du sang de ses enfants en se portant spontanément au secours de la Mère Patrie. Mais la départementalisation, elle aussi, si opportune qu'elle ait été, devait se heurter à un obstacle majeur : la singularité de cette terre française.
Parce quelle visait lassimilation complète, elle a méconnu, pour cette région si éloignée de la métropole, la nécessité dévoluer, de vivre, de respirer à sa manière. Le souci louable dinstaurer et de garantir légalité au sein de la République, a conduit à ne pas suffisamment prendre en compte lidentité culturelle, si particulière, de la Guyane qui est certes une terre française depuis quatre cents ans, mais aussi un pays américain, le pays des Amérindiens, des Créoles, des Noirs-Marrons.
Ce nétait pas le signe dune indifférence ou dun manque dintérêt de la part de la métropole. Bien au contraire. Puisque cest alors quelle a conçu pour la Guyane les projets les plus ambitieux : Kourou et le Centre Spatial Guyanais devaient être la vitrine de la technologie française, la vitrine de la Guyane. Ils le sont devenus effectivement et tous les Français, quils soient Guyanais ou Métropolitains, sont légitimement fiers de ce succès incontestable. Mais ce succès lui-même a pu laisser derrière lui un sillage damertume, car il a donné limpression que cet essor prodigieux nexerçait pas suffisamment leffet dentraînement attendu sur la vie économique et sociale guyanaise. Heureusement, cette situation a évolué et il serait inexact de prétendre aujourd'hui que la greffe ne prend pas.
A ce malentendu s'est ajouté, je le sais, le sentiment pénible provoqué par le poids quexerce sur la Guyane une relation longtemps trop exclusive avec la métropole. Relation sécurisante sans doute, mais également frustrante et toujours à la recherche d'un équilibre.
Il en est ainsi dun de ses aspects le plus visible, la politique des transferts sociaux. Généreux, ceux-ci ont aussi un revers redoutable : ils enferment la Guyane dans un assistanat qui, à son insu, mine ses forces et annihile sa volonté. Parallèlement, en faisant de la Guyane, aux yeux de ses voisins moins favorisés, un relatif îlot de prospérité, ils suscitent toujours plus de convoitise et provoquent une immigration de plus en plus difficile à maîtriser, de plus en plus lourde de problèmes.
Ces réponses, peut-être mal adaptées, que la France a proposées aux difficultés de la Guyane ne nous font pas oublier les vrais problèmes qui se posent aujourdhui.
Le premier dentre eux est lié à lextraordinaire poussée démographique que la Guyane connaît depuis vingt ans. Elle est sans précédent ; elle est aussi sans équivalent : la population guyanaise double tous les quinze ans et fait de la Guyane la région la plus jeune de France.
L'immigration est le principal facteur de cet accroissement démographique. La moitié de la population guyanaise est aujourd'hui étrangère, et la moitié de ces étrangers sont entrés et vivent ici clandestinement.
Cette situation accentue bien sûr vos difficultés économiques et sociales. Aujourdhui, près dun Guyanais sur deux a moins de vingt ans et trouve difficilement un emploi, car le marché du travail est un marché étroit et le chômage, un chômage structurel. De surcroît, ces jeunes sont souvent handicapés par des retards importants dans leur scolarisation, dus notamment au fait qu'issus de l'immigration, ils parlent mal ou pas du tout notre langue. Ils se heurtent enfin à linsuffisance de logements et déquipements publics dont la construction na pas accompagné de façon satisfaisante lexplosion démographique de ces dernières années.
Je vous ai dit, mes chers compatriotes, que je vous tiendrais le langage de la franchise. Mais je suis venu aussi pour vous tenir le langage de lespoir. Le constat que je viens de dresser, tout sévère quil est, nest pas celui dune situation sans issue. Elle ne lest pas. Elle ne lest pas, car la Guyane dispose datouts exceptionnels.
Au premier rang de ces atouts figure naturellement lappui de la Nation tout entière et cela c'est la solidarité nationale qui l'exige légitimement.
La Guyane constitue une composante indéfectible de la République, qui est elle-même une et indivisible. Les Guyanais sont Français ; ils le sont à part entière ; ils ont défendu les principes républicains, ils se sont battus pour cela. Car la France ne se réduit pas à lhexagone ; elle nest pas une terre, elle n'est pas une race ; elle est un ensemble de citoyens qui ont choisi de sunir pour porter un message universel, un message de liberté, dégalité, de fraternité. Vous qui êtes Français depuis plus longtemps même que ne le sont les habitants de Nice, de la Savoie ou de la Corse ; vous qui avez donné, avec Madame Tally-Bourre, lune des deux premières femmes députés françaises ; vous qui avez cru en la France et en la République pour faire triompher les idéaux dhumanisme et de générosité, comment nauriez-vous pas raison : la confiance, la foi que vous avez placées dans la République obligent celle-ci. La France ne va pas se dérober : la Guyane bénéficiera de la solidarité de la Nation tout entière. Je my engage, et le gouvernement, dont j'ai pour ce voyage souhaité la présence à mes côtés de deux ministres, sy engage avec moi.
A dire vrai, cette solidarité sexerce déjà. Elle a pour cela plusieurs points dappui. La Guyane sait quelle peut compter sur le soutien financier de la France. Elle bénéficie, nous lavons vu, de ses efforts de recherche et de sa capacité technologique. Elle est même devenue, aux yeux du monde, avec les succès dAriane, un symbole de lexcellence française.
Enfin, la qualité de région ultra-périphérique que lEurope vient de lui reconnaître lui offre un accès direct au grand marché européen, fort, je le rappelle, de 370 millions de consommateurs, en même temps qu'elle est à la porte du MERCOSUR un trait d'union naturel entre ces deux grands ensemble, l'Union européenne et le MERCOSUR, destinés à être deux des pôles majeurs de puissance politique, économique et culturelle du monde de demain.
Ces atouts nationaux ne sont pas des atouts négligeables. Les Guyanais peuvent mesurer le chemin parcouru depuis la départementalisation, chemin parachevé, à mon initiative et comme je my étais engagé, par légalité sociale acquise pour les départements dOutre-Mer, le 1er janvier 1996.
Égalité politique, égalité sociale traduisent concrètement le soutien que la nation française apporte à la Guyane. Reste toutefois à conquérir, ou plutôt à bâtir cette autre égalité à laquelle chacun aspire et qui procède du développement économique.
Dans cette entreprise, la Guyane disposera des mêmes appuis nationaux. Elle dispose en outre de nombreux atouts qui lui sont propres et qui seront essentiels à son développement de demain.
Elle a pour elle sa jeunesse dont le dynamisme, la capacité dadaptation, limagination constituent la meilleure raison despérer. Elle a pour elle un territoire immense qui ne connaît pas encore toutes ses ressources ; une région de quelques 90 000 kilomètres carrés, grande comme le Portugal, peuplée seulement sur une étroite frange côtière et le long de ses fleuves ; un territoire plein de promesses, aux richesses non encore défrichées.
Ces richesses, cest la forêt, qui couvre la quasi-totalité du pays et fait de la Guyane le plus grand massif forestier de lUnion européenne. Ces richesses, ce sont ses ressources minérales, lor en particulier, dont la production, encore peu développée, représente déjà 1% de la production mondiale. Ces richesses, ce sera un jour son tourisme, qui ne constitue aujourdhui quune activité bien trop faible ; son agriculture et son élevage qui peuvent sans aucun doute se structurer et se développer : des exemples de réussite comme celle de la communauté laotienne montrent que c'est possible. Ces richesses, enfin, cest la pêche qui est aujourdhui le secteur le plus productif pour lexportation et dont lactivité peut saccroître bien davantage. Et pourquoi ces produits guyanais, qui sont de qualité, ne seraient-ils pas transformés par une industrie locale encore balbutiante mais dont lavenir peut être prometteur ? Il faut travailler.
A ce vrai potentiel, si faiblement utilisé, quoffrent des secteurs davenir comme le bois et le tourisme, ou des activités telles que lor et la pêche, la Guyane ajoute une autre carte maîtresse, sa situation géographique privilégiée. Je le répète, elle se trouve, parcelle dEurope en lisière du Brésil et donc du MERCOSUR, au coeur des Amériques, sur léquateur, situation idéale qui précisément permet les exploits techniques du Centre Spatial Guyanais.
Ces atouts, de surcroît, se trouvent entre les mains dune société multi-raciale, constituée de femmes et dhommes de valeur issus des Amériques, de lAfrique, de lEurope ou de la lointaine Asie, mosaïque dethnies qui se côtoient, amérindiens, créoles, noirs-marrons, chinois, hmongs ou "métros", sans entretenir les préjugés et les rancoeurs qui existent ailleurs.
Cette harmonie est capitale pour la société guyanaise, car la force et la solidité de lespoir quelle peut légitimement concevoir se mesurent également à laune de sa volonté de vivre ensemble, daffronter ensemble les difficultés, de secouer ensemble les vieux démons du pessimisme, du scepticisme, du fatalisme ; en un mot, à la mesure de son désir de travailler et de réussir ensemble.
Le succès dAriane montre quune telle réussite est possible, que limage déchec souvent véhiculée par la Guyane, est injuste, que la Guyane peut être une terre doptimisme, porteuse despoir, de justice, de prospérité.
Comment ? Quels moyens sont nécessaires à la mise en valeur des nombreux atouts de la Guyane ? Quelles sont, pour ce département français, les conditions de son développement ?
Lavenir ne se construit pas seul. Celui de la Guyane a besoin de la volonté agissante des Guyanais et de la mobilisation de toutes les forces de la République.
Le développement naît dabord de la stabilité et du consensus ; il prend son essor, il sédifie sur la responsabilité, laudace, le travail et limagination.
La stabilité et le consensus existent en Guyane. Jai la certitude que sy trouvent aussi le sens des responsabilités, le goût de laudace, le pouvoir de limagination.
La stabilité et le consensus supposent le retour à létat de droit. Le retour à létat de droit, cela signifie la réaffirmation de lautorité de lÉtat, la maîtrise de limmigration, la lutte sans faiblesse contre la délinquance, lintégrité de ceux qui détiennent une part de lautorité publique.
Il est évident, mes chers compatriotes, que cela ne peut se réaliser sans concertation, sans dialogue entre tous les partenaires. Cest pourquoi jinvite, cest pourquoi jappelle les pouvoirs publics, les communautés, les élus, les forces économiques, les forces associatives, à se rencontrer, à se parler, pour décider, définir et construire ensemble un avenir pour la Guyane. Ce que vous
ne ferez pas pour vous, ne sera pas fait. Cet avenir sera dautant plus prometteur quil sera l'expression de votre cohésion, le fruit de votre volonté de vivre ensemble au sein dune Guyane rassemblée, mobilisée autour de cette belle ambition.
Car il faut que vous le sachiez : entrer dans lavenir, opter pour la modernité nest pas le choix de la facilité. Cela réclame des efforts. Cela exige que les comportements changent, que le dynamisme prenne le pas sur labandon à la fatalité et à l'assistanat. Cela exige que tous ceux qui détiennent ici une part de l'autorité publique choisissent le chemin exigeant de la rigueur et de la responsabilité.
Les aspirations de chacun devront être prises en compte. Cela suppose sans doute la réduction de certains privilèges, de certaines rentes de situation héritées d'un autre temps. Les conservatismes devront céder, si lon désire sincèrement valoriser ce qui mérite de lêtre, cest-à-dire encourager lesprit dinnovation, inciter à la recherche, pousser à lexpérimentation de solutions nouvelles.
Cest certainement grâce à un changement radical des comportements et des mentalités que la Guyane pourra se bâtir lavenir quelle attend. La métropole ly aidera. Elle est prête à faire un pas tout à fait significatif pour mettre au point, avec la Guyane, un véritable plan de développement. Ce plan, il ne pourra être que concerté et chacune des parties doit dès maintenant y réfléchir. C'est la responsabilité du Gouvernement de le proposer et de le mettre en oeuvre. Je sais qu' il en a la volonté et jy veillerai.
Ce plan pourrait sorganiser autour de quatre grands volets : institutionnel, économique et social, régional, international et, notamment, européen.
Le volet institutionnel nappelle pas une réforme du statut de la Guyane. Elle est un département et, sauf à ce que les Guyanais en décident autrement, elle le restera. Il faut en revanche exploiter davantage, bien davantage toute la souplesse quoffre la Constitution, et notamment son article 73, qui a prévu la possibilité dadapter aux réalités des départements dOutre-Mer, grâce à des mesures particulières, le régime législatif et lorganisation administrative. Cela est possible ; on ne l'a pas encore fait, il faut le faire. Et le faire sans tarder.
Le volet économique et social est certainement plus complexe à promouvoir. La richesse dun pays, ce sont aussi, ce sont surtout ses femmes, ses hommes, sa jeunesse. Cest pourquoi la première de nos préoccupations doit être daméliorer la formation et les compétences des femmes et des hommes de la Guyane, tout particulièrement celles des jeunes. Il faut leur assurer une bonne scolarisation, une bonne formation, des filières adaptées, elles ne le sont pas, qui soient également efficaces, qui leur donnent lenvie de réussir et les moyens de le faire. C'est ce que le Ministre de l'Education et de la Recherche est venu, avec le Ministre de l'Outre-Mer, faire à l'occasion de ce voyage
Il faut aussi consacrer nos efforts à désenclaver et à aménager ce vaste territoire. Et cela, cest une très grande ambition.
Cet essor de léconomie guyanaise doit sappuyer sur l'important pôle de recherche que constituent à Cayenne des établissements aussi prestigieux que lInstitut Pasteur, lIFREMER, lORSTOM ou le BRGM. Cet essor est lié au maintien dune fiscalité encourageant linvestissement, qui constitue la juste compensation de certains handicaps. Il est lié également à un accès normal au crédit pour aider les Guyanais à valoriser les produits locaux et à mieux tirer parti du potentiel d'excellence technologique de leur territoire.
Pour mettre en valeur les richesses de la Guyane, il faut aussi ouvrir ce département sur son environnement et exploiter sa situation géographique unique, le faire connaître sur le continent américain, multiplier les échanges avec ses voisins, utiliser le rayonnement de la France, un rayonnement renforcé par l'américanité de la Guyane et par ses succès techniques.
La Guyane, cest la France en Amérique ; la Guyane, cest aussi l'Europe en Amérique, le seul pays qui soit à la fois équatorial et européen. Et cette double appartenance, qui fonde le caractère profondément original de votre département, lui vaut un statut privilégié au sein de lUnion européenne : quoi de plus naturel que davoir la volonté d'en tirer le meilleur parti ?
Mes Chers Compatriotes, le temps est venu où tous ceux qui sont dépositaires d'un savoir, d'une expérience, d'une compétence, d'un pouvoir, toutes celles et tous ceux qui représentent une force susceptible d'aider la Guyane à secouer ses entraves, doivent faire front ensemble.
Le temps est venu de montrer votre ambition, notre ambition commune pour la Guyane. Les conditions sont réunies, mais la réussite de la Guyane, votre réussite, ne pourra se faire sans que vous lappuyiez de votre volonté, de votre audace, de votre travail, de votre foi en lavenir. Cet avenir, cest vous qui le bâtirez, vous qui en partagerez les fruits. C'est pour cela que vous devez en être, au premier chef, les acteurs.
Un poème évoque « la force des graines / Selon leur entêtement à mûrir... ». J'ai confiance en cette force, en votre force, en votre entêtement à réussir. Jai confiance dans la valeur et le courage des femmes, des hommes et des jeunes de Guyane : dans les moments critiques, la France a toujours compté sur vous, elle na jamais été déçue. Cest pourquoi je suis sûr, mes chers compatriotes, que vous saurez aujourdhui inventer lavenir de la Guyane : vous avez, et permettez-moi de citer un autre beau poème :
« Toute la vérité à oser
Toute la justice à promouvoir
Tout lamour à tenter
Tout le destin à supporter .»
Notre pays vous y aidera ; le gouvernement vous y aidera.
Pour ma part, c'est un pacte de confiance que je me propose de nouer avec vous, un pacte qui fera de moi le garant des engagements pris.
Jai confiance. Jai confiance en vous. Ayez, aussi, confiance en vous, confiance en la Guyane.
Vive la Guyane, vive la République et vive la France.