Texte intégral
Mesdames, Messieurs, Cher(e)s ami(e)s,
Je vous remercie de m'avoir invitée ce soir à cette réunion consacrée à la question des transports. Je participe à beaucoup de réunions publiques depuis quelques semaines, à la demande des Verts et j'ai été frappée par la diversité des thèmes en même temps que par leur caractère concret.
J'étais en vallée de Maurienne à propos du problème du transit des camions dans les vallées alpines. J'étais en Bretagne pour protester avec les Verts contre les installations anarchiques d'élevages industriels porcins. J'étais à Toulouse, il y a quelques jours encore pour débattre avec les habitants de la question de la non-réouverture du pôle chimique, après la catastrophe de septembre. J'étais à Chateauroux et Blois afin de réfléchir à la difficulté qu'il y a à vivre au quotidien avec une eau polluée et parfois non consommable. Pour en finir avec cette liste d'exemples, j'étais à Nice où des associations, avec les Verts, refusent un projet d'extension du port qui risque de bouleverser l'urbanisme des vieux quartiers et de multiplier le trafic économique des autocars de tourisme par deux dans une ville déjà saturée.
Camions, pollutions d'origine agricole, eau, risque industriels, organisation de la ville, la question écologique fait la une et remplit les pages des journaux. Elle est au cur de la vie quotidienne de nos concitoyens, toutes catégories sociales confondues, toutes régions confondues. Au-delà du sujet qui nous mobilise ce soir, je vous dirais donc quelques mots sur la démarche et les réponses des Verts, dans leur globalité, dans une période où la société française va être amenée à faire des choix décisifs pour son avenir.
***
Ces choix, nous allons devoir les faire aussi en matière de transports. Jacques PICARD vous a déjà dit beaucoup de choses et mes remarques iront, bien sûr, dans le même sens que les siennes.
La situation est simple, et vous la vivez quotidiennement dans chacun de vos déplacements:
La croissance des transports, dans toute l'Europe, à quelques exceptions près, est actuellement exponentielle, et n'est pas maîtrisée du tout.
Et comme la France se trouve au cur de l'Europe, notre territoire voit, en plus des siens propres, se multiplier les flux de transit, essentiellement du Nord vers le Sud et réciproquement, mais aussi de l'Est vers le Sud et de l'Est vers le Nord.
Le résultat, vous le connaissez : l'explosion du trafic aérien, les murs de camions qu'il faut doubler, la saturation des villes, la multiplication des nuisances et des drames humains, les problèmes de santé publique.
La première question que posent les écologistes, est évidemment de savoir, au fond, si tout cela est bien utile ou indispensable : vous connaissez tous l'exemple des crevettes d'Europe du Nord qu'on trimballe par camions pour les décortiquer au Maroc et qu'on remonte pour les vendre dans les supermarchés belges ou hollandais. Vous connaissez tous l'exemple des trains postaux qu'on a supprimés et qui font qu'une lettre qui va de Clermont Ferrand à Dijon, transite par Roissy, nécessitant aussi, avec la multiplication de ses semblables, cent vingt vols nocturnes de l'aéropostale. Vous savez tous que le vin de Bordeaux, ville qui dispose d'un port d'ailleurs complètement endormi, est mis sur des camions qui partent en Angleterre et aux USA par Le Havre.
Ce qui vaut pour les marchandises, vaut aussi pour les gens, c'est-à-dire pour nous tous : les habitants qui habitent Evry et vont travailler à La Défense croisent chaque matin, ceux qui habitent Nanterre et ont leur activité à Rungis ou dans la Ville Nouvelle. Et quand, à l'occasion des vacances, les gens ne se croisent pas, c'est qu'ils s'additionnent vers le Sud, pour partir à la mer ou à la montagne.
Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut que les gens arrêtent de bouger ou que les marchandises arrêtent de circuler : il y a du positif dans tout cela aussi : les populations se brassent, des échanges se font, certains pays rattrapent leur retard.
Il s'agit seulement de se dire qu'on pourrait s'interroger au fond sur la part de ce qui est indispensable, juste et nécessaire, et sur la part de ce qui pourrait être contrôlé, maîtrisé, choisi, voire réduit.
Nous avons là un problème d'aménagement du territoire en Europe, et en particulier en France : il est bien clair que tant qu'un certain nombre de régions ou de zones seront sous équipées et que d'autres seront su-dimensionnées, eh bien, les choses iront dans le sens de la pente, c'est-à-dire des points faibles vers les points forts.
Vous comprenez donc pourquoi les écologistes sont opposés à la création d'un troisième aéroport qui signifie une agglomération parisienne à 20 millions d'habitants en 2030.
Vous comprenez pourquoi les écologistes sont favorables au développement local, des villes moyennes et des zones rurales, pour maintenir les emplois et les activités sur place.
Vous comprenez enfin pourquoi les écologistes sont pro-européens, c'est-à-dire favorables à une gestion concertée, par les différents pays, à l'échelle adaptée, des problèmes de localisation des activités et des déplacements ;
La seconde question, est cette fois de savoir pourquoi la croissance des transports, s'est concentrée sur la route, et pourquoi celle-ci depuis 40 ans, a bénéficié de l'essentiel des investissements d'infrastructures. Des centaines de milliards lui ont été consacrés, au détriment des autres modes de transports, et en particulier du rail ou de la voie d'eau. La part du transport de marchandises par rail a ainsi baissé en France depuis 1970 de près de 30 % !
La réponse qui vient immédiatement, c'est évidemment celle du profit, de la course la rentabilité, des différents groupes de pression : la France fabrique des automobiles, elle dispose, en Europe, de puissants groupes de Bâtiment et de Travaux Public, de puissants groupes pétroliers. On comprend ainsi la course aux autoroutes, la course au tout automobile et au tout camion.
Face aux arguments des verts, qui critiquent les nuisances, le bruit, la pollution, l'insécurité routière, le chantage à l'emploi n'est jamais loin non plus
Et puis, une autoroute, ça se voit, ça fait joli dans le bilan des élus. Ca justifie tous les discours démagogiques : il y a un temps où M. PASQUA disait qu'aucun habitant ne devait vivre à moins de 50 kms d'une autoroute !
Comme on a fait peu d'effort pour les autres modes de transports, pour les transports collectifs ou pour la voie ferrée, les routes sont donc saturées : il faut les élargir une première fois. On attire du trafic, on créée un appel d'air, il faut les élargir encore et les multiplier.
On creuse un tunnel routier, donc un goulot d'étranglement, donc des nuisances.
On fait une autoroute, une seconde pour doubler la première, une troisième pour relier les deux premières, le tout au nom de l'intérêt de nos concitoyens, qui, privés de moyens de se déplacer autrement, en demandent parfois eux-mêmes toujours plus.
C'est avec cette fuite en avant qu'il convient de rompre, à la fois par des mesures claires et j'allais dire radicales, et par un effort de long terme qui rééquilibre la part des différents modes de transports.
Il faut bien commencer par un bout, mais il faut dire aussi que l'inversion de la tendance prendra aussi longtemps que la tendance elle-même. Nous travaillons donc à l'échelle d'une génération !
S'agissant des transports collectifs, je crois que Jacques PICARD a été très clair dans le choix de ces exemples. Nous devons donner une priorité absolue à l'amélioration quantitative et qualitative de la circulation des bus, à leur confort, à leur fréquence, à leur rapidité et à leur fluidité, à la sécurité aussi des personnes transportées. Au transit de banlieue à banlieue, de quartier à quartier. A la création de lignes de tram, dont les premières réalisation montrent dans 95 % des cas qu'ils correspondent aux attentes de nos concitoyens.
C'est bien de faire un effort pour le TGV, qui concurrence l'avion et la voiture sur la longue distance : mais à condition que cela ne se traduire pas par la désertification " entre les deux bouts du tuyau " et par la fermeture des petites gares ou des dessertes locales.
Grâce à l'expérience des verts en Nord-Pas de Calais, les régions vont pouvoir désormais piloter ce problème. Grâce à celle des élus régionaux Verts en Ile de France, dans le cadre de la majorité purielle, un exemple est désormais donné de ce que signifie la priorité aux transports collectifs : encore faut-il que la RATP et la SNCF jouent le jeu, que leur politique de tarif soit incitative et simplifie la vie des gens. La dimension sociale de cette affaire est évidemment fondamentale.
S'agissant du rééquilibrage rail-route pour les marchandises, je crois que les efforts à accomplir sont encore plus colossaux.
La dimension essentielle, c'est le rétablissement d'une véritable concurrence entre ces deux modes de transports.
Vous le savez, le camion ne paye pas réellement ses coûts ; quand on fait faire à des chauffeurs-routiers turcs, des journées de 20 heures au volant pour l'équivalent d'un gros SMIC ; quand le diesel est détaxé bien au-delà de ce qu'il l'est pour le fioul domestique en proportion, (c'est d'ailleurs vrai aussi pour les avions dont le kérosène ne l'est quasiment pas non plus), quand c'est le contribuable qui finance le coût exorbitant des accidents de la route, et quand c'est l'automobiliste qui finance le péage des camions, alors on comprend pourquoi le transport par camions a explosé.
Il faut donc parvenir à la vérité des coûts, faire payer socialement, écologiquement, fiscalement, le transport des marchandises par camions et on y verra déjà plus clair.
Mais ça, ça suppose à la fois de la transparence et du courage politique.
Pour m'être personnellement prononcée contre la baisse de la TIPP pour le transport routier, et en faveur plus généralement d'un mécanisme de stabilité, à la hausse et à la baisse, des prix du carburant ou en faveur de l'euro-vignette pour les camions, je sais à quel type de critique s'exposent ceux qui ont l'audace de dire la vérité à nos concitoyens : le désordre causé par le blocage des routes, ça vaut plus dans ce pays pour quelques temps encore que le vote écologiste ou que les revendications des salariés du transport qui demandent qu'on en revienne à des horaires normaux de travail !
Parallèlement, notre pays doit complètement repenser ses " chemins de fer ". Ce n'est que récemment dans notre pays, qu'on s'est aperçu que rien n'était fait, à la SNCF, pour augmenter le trafic des marchandises : le matériel, en nombre de locomotives, est insuffisant ; les quais d'embarquement sont sous-équipés ; les voies européennes ne sont pas compatibles entre elles ; les wagons ne sont pas conçus pour embarquer et débarquer vite les camions ; les cheminots du frêt sont dévalorisés par rapport à ceux qui, plus nobles, pilotent des TGV.
Sur tous ces aspects, les Verts au Gouvernement, et moi-même, ont fait des propositions concrètes, chiffrées, allant dans le sens de nouvelles lignes de frêt ferroviaire, (du doublement en 20 ans, d'ici 2010 et du triplement en 20 ans) et permettant de réduire du Nord au Sud et pour traverser les Alpes et les Pyrénées, le transport par camions.
Nous avons d'ores et déjà obtenu la multiplication par 8 ou par 10 des crédits affectés. Nous avons accéléré la signature par la France de la convention alpine. Nous avons obtenu l'abandon de plusieurs projets autoroutiers qui concurrençaient le rail.
Donc des progrès sont en cours.
Je dois dire que nous pensions obtenir de l'ancien cheminot Jean-Claude GAYSSOT un vrai soutien pour aller dans ce sens ; mais je dois dire aussi que les Verts - et pas seulement eux, la CGT cheminots aussi, ont été grandement déçus. On continue au Ministère des Transports à préparer les kilomètres d'autoroutes et les mètres cubes de béton pour le 3è aéroport
Mais l'opinion publique est en train de changer. Nos arguments commencent à être entendus. Parce que nos concitoyens en font l'expérience tous les jours, parce qu'ils savent aussi que les enjeux écologiques planétaires d'une meilleure organisation de nos transports sont très lourds : vous le savez, les transports par route et par camions, sont responsables de l'émission de 25 à 30 % des gaz à effet de serre qui réchauffent la planète et sont à l'origine de graves catastrophes climatiques, chez nous comme ailleurs.
Il est donc temps d'arrêter le laisser-faire et de reprendre le contrôle de cet aspect de notre vie.
***
Mesdames, Messieurs, Cher (e)s ami(e)s,
J'ai été un peu plus longue que prévu, et je vous prie de m'en excuser. Mais, vous le voyez, la question est complexe et ne peut être traitée sérieusement en trois phases.
Sur ces sujets, bien sûr sont en cause la question du profit, mais calculée à court terme, la question des priorités de l'Etat et des politiques publiques, mais aussi la question plus fondamentale encore de nos modes de vie et de consommation.
Comment habitons-nous ? Que voulons-nous pour nos enfants ?
La responsabilité des entreprises, celle des hommes et des femmes politiques sont bien sûr engagées, mais au fond, celle de chacune et de chacun d'entre nous aussi.
Ce que j'ai dit sur les transports, je pourrais vous le dire avec d'autres arguments sur l'agriculture, sur le nucléaire, ou sur les risques industriels.
Si nous ne retrouvons pas l'envie et la possibilité de la qualité, nous ne trouverons pas la solution.
La qualité, ça signifie le débat démocratique sur ce qui est souhaitable et ce qui est possible. La discussion sur le choix des avantages et des inconvénients, sur le degré de risque que nous acceptions et sur ceux que nous refusons.
La qualité, ça signifie la fin du tout camions, comme la fin du tout nucléaire, de tout automobiles ou du tout supermarché, du tout " grandes villes ".
Autrement dit, il nous faut également retrouver la diversité, la pluralité, la possibilité de faire des choix.
Je sens personnellement, une société à la fois décidée à faire ces choix, et hésitante parce qu'ils ne sont pas simples.
L'écologie a le vent en poupe, mais aussi les solutions démagogiques, simplistes, du type " y a qu'à ", " faut qu'on ".
Le débat sur l'insécurité dans les villes, sur lequel nous reviendrons peut être tout à l'heure, illustre cette hésitation : il est facile de se faire applaudir sur ce sujet, en stigmatisant les jeunes, ou le laxisme des juges, en prenant à la va-vite des mesures qui mélangent la lutte contre le terrorisme et la montée de la délinquance, au lieu de s'interroger aujourd'hui sur l'urgence d'une réforme de la police et sur son efficacité.
Voilà pourquoi les échéances de 2002 seront si importantes : alors que la situation de l'emploi, qui s'était améliorée, devient incertaine, alors qu'à l'international émergent de nouvelles menaces et particulièrement celle du terrorisme (mais non seulement), à qui les français vont-ils confier le soin de leur avenir ?
A ceux qui, à droite, ont comme modèle BUSH, BERLUSCONI, HEIDER et aujourd'hui l'extrême droite danoise, à ceux qui ont comme programme la fin de la sécu, la généralisation des assurances privées et la casse du droit du travail ?
Ou à une majorité plurielle capable de trouver un second souffle et de franchir une nouvelle étape ? A une majorité plurielle verdie et retrouvant du sens, par une prise en compte plus grande des thèmes comme ceux que nous discutons ce soit ?
L'écologie politique, les Verts, ce n'est pas un regard tourné vers le passé : c'est une autre vision du progrès et de l'avenir, fondée sur des transformations, au quotidien, de notre vie de tous les jours, et éclairée par les solidarités à retrouver à l'échelle de la planète.
Je vous remercie d'en avoir ce soir écouté quelques aspects, et vous invite, avant même que s'ouvre notre débat, à venir renforcer les Verts dans leurs combats : vous l'avez compris, leurs combats, ce sont les vôtres !
(Source http://www.les-verts.org, le 24 décembre 2001)
Je vous remercie de m'avoir invitée ce soir à cette réunion consacrée à la question des transports. Je participe à beaucoup de réunions publiques depuis quelques semaines, à la demande des Verts et j'ai été frappée par la diversité des thèmes en même temps que par leur caractère concret.
J'étais en vallée de Maurienne à propos du problème du transit des camions dans les vallées alpines. J'étais en Bretagne pour protester avec les Verts contre les installations anarchiques d'élevages industriels porcins. J'étais à Toulouse, il y a quelques jours encore pour débattre avec les habitants de la question de la non-réouverture du pôle chimique, après la catastrophe de septembre. J'étais à Chateauroux et Blois afin de réfléchir à la difficulté qu'il y a à vivre au quotidien avec une eau polluée et parfois non consommable. Pour en finir avec cette liste d'exemples, j'étais à Nice où des associations, avec les Verts, refusent un projet d'extension du port qui risque de bouleverser l'urbanisme des vieux quartiers et de multiplier le trafic économique des autocars de tourisme par deux dans une ville déjà saturée.
Camions, pollutions d'origine agricole, eau, risque industriels, organisation de la ville, la question écologique fait la une et remplit les pages des journaux. Elle est au cur de la vie quotidienne de nos concitoyens, toutes catégories sociales confondues, toutes régions confondues. Au-delà du sujet qui nous mobilise ce soir, je vous dirais donc quelques mots sur la démarche et les réponses des Verts, dans leur globalité, dans une période où la société française va être amenée à faire des choix décisifs pour son avenir.
***
Ces choix, nous allons devoir les faire aussi en matière de transports. Jacques PICARD vous a déjà dit beaucoup de choses et mes remarques iront, bien sûr, dans le même sens que les siennes.
La situation est simple, et vous la vivez quotidiennement dans chacun de vos déplacements:
La croissance des transports, dans toute l'Europe, à quelques exceptions près, est actuellement exponentielle, et n'est pas maîtrisée du tout.
Et comme la France se trouve au cur de l'Europe, notre territoire voit, en plus des siens propres, se multiplier les flux de transit, essentiellement du Nord vers le Sud et réciproquement, mais aussi de l'Est vers le Sud et de l'Est vers le Nord.
Le résultat, vous le connaissez : l'explosion du trafic aérien, les murs de camions qu'il faut doubler, la saturation des villes, la multiplication des nuisances et des drames humains, les problèmes de santé publique.
La première question que posent les écologistes, est évidemment de savoir, au fond, si tout cela est bien utile ou indispensable : vous connaissez tous l'exemple des crevettes d'Europe du Nord qu'on trimballe par camions pour les décortiquer au Maroc et qu'on remonte pour les vendre dans les supermarchés belges ou hollandais. Vous connaissez tous l'exemple des trains postaux qu'on a supprimés et qui font qu'une lettre qui va de Clermont Ferrand à Dijon, transite par Roissy, nécessitant aussi, avec la multiplication de ses semblables, cent vingt vols nocturnes de l'aéropostale. Vous savez tous que le vin de Bordeaux, ville qui dispose d'un port d'ailleurs complètement endormi, est mis sur des camions qui partent en Angleterre et aux USA par Le Havre.
Ce qui vaut pour les marchandises, vaut aussi pour les gens, c'est-à-dire pour nous tous : les habitants qui habitent Evry et vont travailler à La Défense croisent chaque matin, ceux qui habitent Nanterre et ont leur activité à Rungis ou dans la Ville Nouvelle. Et quand, à l'occasion des vacances, les gens ne se croisent pas, c'est qu'ils s'additionnent vers le Sud, pour partir à la mer ou à la montagne.
Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut que les gens arrêtent de bouger ou que les marchandises arrêtent de circuler : il y a du positif dans tout cela aussi : les populations se brassent, des échanges se font, certains pays rattrapent leur retard.
Il s'agit seulement de se dire qu'on pourrait s'interroger au fond sur la part de ce qui est indispensable, juste et nécessaire, et sur la part de ce qui pourrait être contrôlé, maîtrisé, choisi, voire réduit.
Nous avons là un problème d'aménagement du territoire en Europe, et en particulier en France : il est bien clair que tant qu'un certain nombre de régions ou de zones seront sous équipées et que d'autres seront su-dimensionnées, eh bien, les choses iront dans le sens de la pente, c'est-à-dire des points faibles vers les points forts.
Vous comprenez donc pourquoi les écologistes sont opposés à la création d'un troisième aéroport qui signifie une agglomération parisienne à 20 millions d'habitants en 2030.
Vous comprenez pourquoi les écologistes sont favorables au développement local, des villes moyennes et des zones rurales, pour maintenir les emplois et les activités sur place.
Vous comprenez enfin pourquoi les écologistes sont pro-européens, c'est-à-dire favorables à une gestion concertée, par les différents pays, à l'échelle adaptée, des problèmes de localisation des activités et des déplacements ;
La seconde question, est cette fois de savoir pourquoi la croissance des transports, s'est concentrée sur la route, et pourquoi celle-ci depuis 40 ans, a bénéficié de l'essentiel des investissements d'infrastructures. Des centaines de milliards lui ont été consacrés, au détriment des autres modes de transports, et en particulier du rail ou de la voie d'eau. La part du transport de marchandises par rail a ainsi baissé en France depuis 1970 de près de 30 % !
La réponse qui vient immédiatement, c'est évidemment celle du profit, de la course la rentabilité, des différents groupes de pression : la France fabrique des automobiles, elle dispose, en Europe, de puissants groupes de Bâtiment et de Travaux Public, de puissants groupes pétroliers. On comprend ainsi la course aux autoroutes, la course au tout automobile et au tout camion.
Face aux arguments des verts, qui critiquent les nuisances, le bruit, la pollution, l'insécurité routière, le chantage à l'emploi n'est jamais loin non plus
Et puis, une autoroute, ça se voit, ça fait joli dans le bilan des élus. Ca justifie tous les discours démagogiques : il y a un temps où M. PASQUA disait qu'aucun habitant ne devait vivre à moins de 50 kms d'une autoroute !
Comme on a fait peu d'effort pour les autres modes de transports, pour les transports collectifs ou pour la voie ferrée, les routes sont donc saturées : il faut les élargir une première fois. On attire du trafic, on créée un appel d'air, il faut les élargir encore et les multiplier.
On creuse un tunnel routier, donc un goulot d'étranglement, donc des nuisances.
On fait une autoroute, une seconde pour doubler la première, une troisième pour relier les deux premières, le tout au nom de l'intérêt de nos concitoyens, qui, privés de moyens de se déplacer autrement, en demandent parfois eux-mêmes toujours plus.
C'est avec cette fuite en avant qu'il convient de rompre, à la fois par des mesures claires et j'allais dire radicales, et par un effort de long terme qui rééquilibre la part des différents modes de transports.
Il faut bien commencer par un bout, mais il faut dire aussi que l'inversion de la tendance prendra aussi longtemps que la tendance elle-même. Nous travaillons donc à l'échelle d'une génération !
S'agissant des transports collectifs, je crois que Jacques PICARD a été très clair dans le choix de ces exemples. Nous devons donner une priorité absolue à l'amélioration quantitative et qualitative de la circulation des bus, à leur confort, à leur fréquence, à leur rapidité et à leur fluidité, à la sécurité aussi des personnes transportées. Au transit de banlieue à banlieue, de quartier à quartier. A la création de lignes de tram, dont les premières réalisation montrent dans 95 % des cas qu'ils correspondent aux attentes de nos concitoyens.
C'est bien de faire un effort pour le TGV, qui concurrence l'avion et la voiture sur la longue distance : mais à condition que cela ne se traduire pas par la désertification " entre les deux bouts du tuyau " et par la fermeture des petites gares ou des dessertes locales.
Grâce à l'expérience des verts en Nord-Pas de Calais, les régions vont pouvoir désormais piloter ce problème. Grâce à celle des élus régionaux Verts en Ile de France, dans le cadre de la majorité purielle, un exemple est désormais donné de ce que signifie la priorité aux transports collectifs : encore faut-il que la RATP et la SNCF jouent le jeu, que leur politique de tarif soit incitative et simplifie la vie des gens. La dimension sociale de cette affaire est évidemment fondamentale.
S'agissant du rééquilibrage rail-route pour les marchandises, je crois que les efforts à accomplir sont encore plus colossaux.
La dimension essentielle, c'est le rétablissement d'une véritable concurrence entre ces deux modes de transports.
Vous le savez, le camion ne paye pas réellement ses coûts ; quand on fait faire à des chauffeurs-routiers turcs, des journées de 20 heures au volant pour l'équivalent d'un gros SMIC ; quand le diesel est détaxé bien au-delà de ce qu'il l'est pour le fioul domestique en proportion, (c'est d'ailleurs vrai aussi pour les avions dont le kérosène ne l'est quasiment pas non plus), quand c'est le contribuable qui finance le coût exorbitant des accidents de la route, et quand c'est l'automobiliste qui finance le péage des camions, alors on comprend pourquoi le transport par camions a explosé.
Il faut donc parvenir à la vérité des coûts, faire payer socialement, écologiquement, fiscalement, le transport des marchandises par camions et on y verra déjà plus clair.
Mais ça, ça suppose à la fois de la transparence et du courage politique.
Pour m'être personnellement prononcée contre la baisse de la TIPP pour le transport routier, et en faveur plus généralement d'un mécanisme de stabilité, à la hausse et à la baisse, des prix du carburant ou en faveur de l'euro-vignette pour les camions, je sais à quel type de critique s'exposent ceux qui ont l'audace de dire la vérité à nos concitoyens : le désordre causé par le blocage des routes, ça vaut plus dans ce pays pour quelques temps encore que le vote écologiste ou que les revendications des salariés du transport qui demandent qu'on en revienne à des horaires normaux de travail !
Parallèlement, notre pays doit complètement repenser ses " chemins de fer ". Ce n'est que récemment dans notre pays, qu'on s'est aperçu que rien n'était fait, à la SNCF, pour augmenter le trafic des marchandises : le matériel, en nombre de locomotives, est insuffisant ; les quais d'embarquement sont sous-équipés ; les voies européennes ne sont pas compatibles entre elles ; les wagons ne sont pas conçus pour embarquer et débarquer vite les camions ; les cheminots du frêt sont dévalorisés par rapport à ceux qui, plus nobles, pilotent des TGV.
Sur tous ces aspects, les Verts au Gouvernement, et moi-même, ont fait des propositions concrètes, chiffrées, allant dans le sens de nouvelles lignes de frêt ferroviaire, (du doublement en 20 ans, d'ici 2010 et du triplement en 20 ans) et permettant de réduire du Nord au Sud et pour traverser les Alpes et les Pyrénées, le transport par camions.
Nous avons d'ores et déjà obtenu la multiplication par 8 ou par 10 des crédits affectés. Nous avons accéléré la signature par la France de la convention alpine. Nous avons obtenu l'abandon de plusieurs projets autoroutiers qui concurrençaient le rail.
Donc des progrès sont en cours.
Je dois dire que nous pensions obtenir de l'ancien cheminot Jean-Claude GAYSSOT un vrai soutien pour aller dans ce sens ; mais je dois dire aussi que les Verts - et pas seulement eux, la CGT cheminots aussi, ont été grandement déçus. On continue au Ministère des Transports à préparer les kilomètres d'autoroutes et les mètres cubes de béton pour le 3è aéroport
Mais l'opinion publique est en train de changer. Nos arguments commencent à être entendus. Parce que nos concitoyens en font l'expérience tous les jours, parce qu'ils savent aussi que les enjeux écologiques planétaires d'une meilleure organisation de nos transports sont très lourds : vous le savez, les transports par route et par camions, sont responsables de l'émission de 25 à 30 % des gaz à effet de serre qui réchauffent la planète et sont à l'origine de graves catastrophes climatiques, chez nous comme ailleurs.
Il est donc temps d'arrêter le laisser-faire et de reprendre le contrôle de cet aspect de notre vie.
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Mesdames, Messieurs, Cher (e)s ami(e)s,
J'ai été un peu plus longue que prévu, et je vous prie de m'en excuser. Mais, vous le voyez, la question est complexe et ne peut être traitée sérieusement en trois phases.
Sur ces sujets, bien sûr sont en cause la question du profit, mais calculée à court terme, la question des priorités de l'Etat et des politiques publiques, mais aussi la question plus fondamentale encore de nos modes de vie et de consommation.
Comment habitons-nous ? Que voulons-nous pour nos enfants ?
La responsabilité des entreprises, celle des hommes et des femmes politiques sont bien sûr engagées, mais au fond, celle de chacune et de chacun d'entre nous aussi.
Ce que j'ai dit sur les transports, je pourrais vous le dire avec d'autres arguments sur l'agriculture, sur le nucléaire, ou sur les risques industriels.
Si nous ne retrouvons pas l'envie et la possibilité de la qualité, nous ne trouverons pas la solution.
La qualité, ça signifie le débat démocratique sur ce qui est souhaitable et ce qui est possible. La discussion sur le choix des avantages et des inconvénients, sur le degré de risque que nous acceptions et sur ceux que nous refusons.
La qualité, ça signifie la fin du tout camions, comme la fin du tout nucléaire, de tout automobiles ou du tout supermarché, du tout " grandes villes ".
Autrement dit, il nous faut également retrouver la diversité, la pluralité, la possibilité de faire des choix.
Je sens personnellement, une société à la fois décidée à faire ces choix, et hésitante parce qu'ils ne sont pas simples.
L'écologie a le vent en poupe, mais aussi les solutions démagogiques, simplistes, du type " y a qu'à ", " faut qu'on ".
Le débat sur l'insécurité dans les villes, sur lequel nous reviendrons peut être tout à l'heure, illustre cette hésitation : il est facile de se faire applaudir sur ce sujet, en stigmatisant les jeunes, ou le laxisme des juges, en prenant à la va-vite des mesures qui mélangent la lutte contre le terrorisme et la montée de la délinquance, au lieu de s'interroger aujourd'hui sur l'urgence d'une réforme de la police et sur son efficacité.
Voilà pourquoi les échéances de 2002 seront si importantes : alors que la situation de l'emploi, qui s'était améliorée, devient incertaine, alors qu'à l'international émergent de nouvelles menaces et particulièrement celle du terrorisme (mais non seulement), à qui les français vont-ils confier le soin de leur avenir ?
A ceux qui, à droite, ont comme modèle BUSH, BERLUSCONI, HEIDER et aujourd'hui l'extrême droite danoise, à ceux qui ont comme programme la fin de la sécu, la généralisation des assurances privées et la casse du droit du travail ?
Ou à une majorité plurielle capable de trouver un second souffle et de franchir une nouvelle étape ? A une majorité plurielle verdie et retrouvant du sens, par une prise en compte plus grande des thèmes comme ceux que nous discutons ce soit ?
L'écologie politique, les Verts, ce n'est pas un regard tourné vers le passé : c'est une autre vision du progrès et de l'avenir, fondée sur des transformations, au quotidien, de notre vie de tous les jours, et éclairée par les solidarités à retrouver à l'échelle de la planète.
Je vous remercie d'en avoir ce soir écouté quelques aspects, et vous invite, avant même que s'ouvre notre débat, à venir renforcer les Verts dans leurs combats : vous l'avez compris, leurs combats, ce sont les vôtres !
(Source http://www.les-verts.org, le 24 décembre 2001)