Texte intégral
Interview à RFI le 8 décembre 2001 :
Q - Dans une semaine l'Europe se retrouve pour un Sommet européen, à Laeken, qui sera si j'ai bien compté, le dixième auquel vous participez, puisque vous occupez les fonctions de ministre délégué chargé des Affaires européennes dans le gouvernement de Lionel Jospin depuis la victoire de la gauche en 1997. Ce sera sans doute, aussi, et quel que soit le résultat des élections de 2002, votre dernier conseil européen, en tout cas en tant que ministre chargé de ce dossier. L'heure commence pour vous à être au bilan, un bilan que vous tracez dans un livre publié récemment au "Seuil", "L'Europe, une puissance dans la mondialisation". Mais l'heure est sans doute aussi aux nouveaux projets et aux nouvelles ambitions ; un programme pour l'Europe, une vision pour les cinq années à venir, pour se fixer sur les échéances électorales françaises. Le menu des conversations de Laeken doit définir la feuille de route en vue des prochaines échéances strictement européennes celles-ci : institutions, élargissement. A Laeken, les Quinze vont lancer un projet de convention, chargé de préparer la réforme institutionnelle de l'Union. Quel est l'ordre de mission de cette convention ?
R - D'abord, sans vouloir vous corriger, je voudrais évoquer le fait que c'est plus probablement le treizième ou quatorzième sommet auquel je participe, car il y a eu quelques sommets extraordinaires. Je vais en prendre un comme exemple, parce qu'il est d'actualité : c'est le Sommet de Bruxelles qui a décidé le lancement de l'euro. J'étais là, notamment quand M. Duisenberg a déclaré qu'il serait fatigué en 2002. Et puis il y en aura encore un après, c'est à dire à Barcelone, en mars 2002, mais il est vrai que nous sommes plus proches de la fin que du début.
Q - C'est treize à la douzaine pratiquement....
R - Pratiquement. Mais revenons-en à la mission de la convention, et de ce sommet, qui est un sommet important ; ce n'est pas Nice, mais c'est quelque chose qui se tourne vers l'avenir de l'Union européenne. Je crois que la feuille de route est très exigeante ; il s'agit de voir comment nous pouvons préparer l'Union européenne en 2004. L'Union élargie car, probablement, à ce moment là, ce sera une union à 24 ou à 27. Comment préparer cette Union à avoir un processus constituant ?
Q - Alors cette convention, que va-t-elle faire durant ces 18 mois où elle doit travailler ?
R - Elle doit préparer des options pour l'avenir de l'Europe. Souhaitons-nous un modèle fédéral ou confédéral ? Pensons-nous que le Conseil doit devenir la deuxième chambre législative, ou au contraire doit-il être profondément réformé ?
Q - ... Il y aura facilement un consensus à ce sujet ?
R - Il n'y aura pas de consensus, c'est pour cela que je suis, moi, attaché à l'idée d'options. Vous savez, la Charte des Droits fondamentaux avait été préparée par la convention précédente qui avait donné à Biarritz, il y a un an et demi maintenant, un texte qui finalement était "à prendre ou à laisser".
S'agissant d'une Constitution européenne, ce n'est pas possible. La convention va préparer le terrain à ce que l'on appelle une Conférence intergouvernementale qui finira le travail. Ce sont les règles européennes, c'est la seule façon de changer les traités et il faut que, à la fin, les chefs d'Etat et de gouvernement aient à la fois des éléments solides sur lesquels appuyer leurs réflexions et des marges de manuvre. D'où l'idée des options. Il y aura sans doute deux, trois, voire quatre grands modèles, ou encore un certain nombre d'options sur telle ou telle question. J'en ai cité une : par exemple, le Conseil comme deuxième chambre législative, c'est l'option allemande, ce n'est pas l'option française. Il faudra voir in fine ce que nous choisissons. Ce n'est pas l'option communautaire. Il faut donc, à la fois, renforcer l'efficacité des institutions, et aussi renforcer leur démocratie. D'où certaines propositions, par exemple formulées par Jacques Delors ; pourquoi le président de la Commission ne serait-il pas issu des élections au Parlement européen ?
Q - Vous la reprenez à votre compte ?
R - Je la reprends complètement à mon compte. Faut-il - et là la réponse est évidement oui- réformer le mode de scrutin pour les élections au Parlement européen en France ? Franchement, je crois qu'une des responsabilités, un des engagements que j'attends des prochains candidats à l'élection présidentielle, de tous, c'est de dire "oui", parce que notre mode de scrutin national est totalement absurde. Et est-ce que l'on peut donner un droit de dissolution du Parlement européen au Conseil ? Est-ce qu'il faut réformer le Conseil des ministres en mettant en place des vice-Premier ministres, mettons des ministres des Affaires européennes, qui auraient un rôle de coordination dans leur gouvernement ? Voilà quelques questions ....
Q - Et vous y répondez "oui" ?
R - Je réponds "oui". Non pas par un plaidoyer pro domo, puisque je vais quitter ces fonctions, mais parce que l'expérience que j'ai, c'est que l'on ne peut pas dire maintenant que les Affaires européennes soient des Affaires étrangères. C'est une profonde erreur que de le considérer, et cela affaiblit considérablement l'action des gouvernements en matière européenne.
Q - L'animateur de cette Convention, qui va donc commencer à préparer toute cette réflexion, va être désigné au Sommet de Laeken. Valéry Giscard d'Estaing est le candidat soutenu par le gouvernement français et le président de la République. Je vais vous citer un confrère belge qui disait que ce n'était peut-être pas une bonne idée de "demander à un homme du passé de représenter l'avenir de l'Europe". C'est méchant, mais est-ce que, en même temps, il n'y a pas un problème d'image ?
R - Nous verrons cela. Je crois que M. Giscard d'Estaing, qui est effectivement le candidat soutenu par le président de la République, avec l'accord du gouvernement, a les capacités pour remplir cette fonction parce qu'il a été président de la République, donc membre du Conseil européen, parce que c'est un Européen convaincu, parce que l'on connaît aussi sa capacité à faire avancer les choses. En même temps, il faudra qu'il soit adapté aux modalités de travail d'aujourd'hui, qui sont beaucoup plus démocratiques sans doute qu'il y a vingt ans. Cette Convention, s'il la préside, et c'est ce que nous souhaitons, ne correspondra pas à ce qu'il a connu avant 1981. Il sera confronté à une centaine de personnes turbulentes dont chacune attend d'être respectée et entendue.
Q - A-t-il pour vous le profil pour gérer cela ?
R - Oui, il a le profil. Mais il faudra qu'il s'adapte à un type de management qui est un peu nouveau. Nous verrons bien. Il n'est pas le seul candidat en piste. Il y en a d'autres qui sont évidement très valables ; je pense à M. Amato, l'ancien président du Conseil italien, et peut être à Wim Kok, le Premier ministre néerlandais. Mais il ne serait pas illogique qu'un Français, et c'est cela l'argument tout de même, exerce cette présidence. Car un Italien est président de la Commission, "Monsieur PESC", c'est à dire "Monsieur Politique étrangère et de sécurité commune" est espagnol, Javier Solana, on a encore eu un président de la précédente Convention qui était allemand, et je crois que cela peut difficilement être un Britannique, car ils ne le revendiquent pas. Donc, il y a une certaine logique à ce qu'un Français préside la Convention. Et n'oublions pas, aussi, la disponibilité de Jacques Delors. Tout cela est ouvert.
Q - Pour en venir à l'élargissement, quel est le rythme idéal? Est-ce que c'est 10 d'un coup ?
R - Le rythme idéal c'est le plus grand nombre de candidats possible le plus tôt possible. Mais attention, il y a un problème de logique dans cette affaire, et c'est ce qu'avait voulu souligner Hubert Védrine. Soit on reste sur des critères objectifs, c'est ce que l'on appelle la différenciation : chaque candidature est jugée selon ses mérites propres, et sur cette base-là, on l'examinera. Il peut y en avoir 7, 8, 9 ou 10. Et nous souhaitons qu'il y en ait 10. Nous souhaitons notamment que la Pologne soit dans le premier train, c'est une évidence, c'est même très important pour nous, compte tenu de nos relations historiques, économiques, politiques avec ce pays. Mais si on change de critères, si on passe à une logique purement politique, alors là on ne doit pas oublier que ce ne sont pas 10 pays qui sont en négociations d'adhésion, mais 12. Et nous souhaitons que ne soient pas oubliés, en toute hypothèse, nos amis bulgares - j'étais en Bulgarie il y quelques jours - et nos amis roumains, avec lesquels nous avons aussi des intérêts historiques, des liens affectifs extrêmement forts, et qui représentent aussi une autre partie au sein de l'Europe de l'est.
Q - Quelle est la logique que vous souhaitez voir prévaloir finalement pour plus d'efficacité? Cette logique politique, ou plutôt cette logique de la préparation technique des Etats ?
R - Jusqu'à présent, la logique qui a prévalu c'est la logique de la préparation technique, et je pense qu'il serait tout à fait mauvais de donner un message qui serait "de toute façon, quoi que vous fassiez, vous serez admis". Il faut dire, notamment aux Polonais, et c'est le message que je leur fais passer, que nous souhaitons leur adhésion. Nous la soutenons, nous voulons qu'elle soit décidée à la fin de 2002. Mais attention, il s'agit de ne pas relâcher l'effort. Il faut au contraire l'accélérer. Et je crois que le gouvernement polonais, puisque c'est de la Pologne que l'on parle en général à ce sujet, a bien compris cela, et entend faire de la préparation à l'adhésion sa première priorité. Il ne faut en aucun cas donner un message laxiste, indulgent en la matière. L'élargissement est une exigence, il se mérite, il se gagne.
Q - Après le Sommet de Nice, on avait un petit peu l'impression que, entre la France et l'Allemagne, il y avait des réajustements de compréhension qui étaient nécessaires. Vous avez multiplié toute une série de contacts, de dîners et de rencontres informels, avec le président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, votre homologue allemand. Est-ce que cela va beaucoup mieux entre Paris et Berlin ?
R - Nous n'étions pas dans un rapport qui était totalement transparent et clair, il faut le dire. Et quand on n'est pas même d'accord sur ces désaccords, alors cela marche mal. Ce qui m'a peiné, à Nice, c'est plus le côté scène de ménage publique que le désaccord. Nous n'avons pas à faire ça. Parce que le spectacle donné par la France et l'Allemagne, quand elles ne sont pas d'accord, est quelque chose qui trouble la famille européenne. Un peu, si vous voulez, comme quand le père et la mère se disputent devant les enfants. Encore que je ne considère pas que les autres pays européens soient nos enfants ... Aujourd'hui cela se passe mieux, parce que nous avons décidé de tout nous dire, et de le faire par des échanges constants, informels, aux niveaux que vous avez cités. Mais j'ajouterais aussi les ministres des Finances, les ministres de l'Agriculture, les ministres de l'Intérieur ; ce sont des sujets très importants, la Justice et les Affaires intérieures. Nous avons retrouvé un processus de travail normal, ce qui nous permet de trouver davantage de solutions, de convergences. Cela a été marqué par la déclaration conjointe franco-allemande de Nantes sur l'avenir de l'Europe. Il faut que cela continue.
Q - Est-ce qu'en matière diplomatique il y a une rivalité entre Paris et Berlin, pour l'organisation de conférences, comme par exemple celle sur l'Afghanistan ? On pourrait imaginer, peut être, que, dans un cadre européen, quand on voit ce qui se passe au Proche Orient par exemple, il y ait plus d'initiatives plutôt que des initiatives qui ont l'air unilatérales, comme cette Conférence sur l'Afghanistan ?
R - Non, la Conférence sur l'Afghanistan n'est pas une initiative unilatérale. On ne va pas non plus expliquer que le fait qu'elle ait lieu à Bonn plutôt qu'à Berlin est un échec pour la République fédérale allemande. Peu importe le lieu. Ce qui compte c'est le résultat, c'est à dire que les Afghans aient fini par mettre en place un processus qui devrait permettre le rétablissement d'un pouvoir politique plus ouvert, et ouvert à tous. Et donc il faut saluer, avant tout, les résultats de la Conférence de Bonn. C'est la première chose que je fais. Pour le reste, il y a des styles diplomatiques qui sont différents, et des personnalités des ministres qui sont aussi différentes. On ne peut que se réjouir que l'Allemagne soit plus présente dans la politique étrangère, qu'elle s'engage, et c'est ce qu'elle a fait par exemple dans ce conflit en Afghanistan et non pas contre l'Afghanistan. Joschka Fischer est un homme que j'aime beaucoup, dont je respecte la parole, qui a contribué, me semble-t-il, fortement à l'avenir de l'Union européenne. Je crois que, pour nous, c'est plutôt un stimulus que nous devons entendre, et non une concurrence.
Q - Vous êtes en fin de mandat, même s'il vous reste plus de six mois à ces responsabilités. Pensez-vous qu'il y ait débat sur des différences de visions de l'Europe ?
R - Je crois que le débat en Europe est entre ce que j'appelle "l'Europe-espace", un petit peu à la britannique, et "l'Europe-puissance". L'Europe-espace est une Europe élargie, mais dans laquelle il y a affaiblissement des politiques communes. C'est une Europe dans laquelle il y a une dilution du pouvoir. C'est une Europe vaste et molle, dans lequel le seul unifiant, le seul liant, c'est le marché. Ce qui irait de pair d'ailleurs avec la libéralisation sans condition de pratiquement tous les secteurs ; je pense à l'énergie et je pense aux transports. C'est une vision britannique. Cette Europe-là est un bienfait marchand, mais elle n'est pas une puissance politique.
Q - La vision britannique c'est la vision de Tony Blair aujourd'hui ?
R - De façon différente de Margaret Thatcher, oui d'une certaine façon. Avec une différence quand même essentielle, qui est que Tony Blair est européen, alors que Margaret Thatcher regardait le système de l'extérieur pour le démolir. Lui, il est de l'intérieur pour le diriger, donc c'est plus un concurrent à la fois idéologique et politique, mais un concurrent amical. Cela c'est l'Europe-espace.
L'Europe-puissance, qui correspond à une Europe de gauche, qu'est ce que c'est ? C'est une Europe élargie, mais pilotée, gouvernée. C'est une Europe qui garde des politiques actives. C'est une Europe qui investit davantage dans des secteurs où elle est attendue : une politique de défense plus affirmée, une politique étrangère qui devient enfin commune, une politique en matière de sécurité et de justice qui aille beaucoup plus loin qu'aujourd'hui. On va faire le mandat d'arrêt européen, et c'est très important. Mais il faut aller plus loin : un parquet européen, un FBI européen... Et quand vous avez une monnaie, une défense, une politique étrangère, une justice, l'esquisse d'une police, vous êtes en train de bâtir quelque chose qui ressemble à une puissance. Qui ressemble même, d'une certaine façon, à un Etat, même si ce n'est pas un super-Etat. Et puis, enfin, une Europe qui soit aussi plus présente dans les problèmes internationaux, pour réguler la mondialisation ; je pense au développement, je pense aux problèmes commerciaux. Voilà l'Europe que j'aime. Et, bien sûr, une Europe qui articule les jeux du marché, mais aussi des services publics, car nous avons besoin des services publics partout en Europe, y compris en Grande Bretagne, Tony Blair l'a bien compris. Une Europe qui soit l'interlocuteur des Etats-Unis, qui soit un interlocuteur puissant, et non pas uniquement une zone un peu soumise politiquement. Et moi j'ai envie que mon candidat - je pense que vous savez comment il s'appelle- Lionel Jospin ...
Q - ... Il est déclaré alors ?
R - Il n'est pas déclaré, mais je crois qu'il sera candidat, je le crois, je l'espère, je souhaite que ce candidat s'engage résolument dans la voie de cette Europe puissance, qu'il aille encore plus loin que ce qu'il avait fait en 1997 ; un de ses slogans utiles, c'était "faire l'Europe sans défaire la France". J'ai envie qu'il dise cette fois-ci : faisons l'Europe en faisant la France et faisons la France en faisant l'Europe, car je crois que c'est la seule façon pour la France d'être plus puissante dans le monde demain. Si notre pays reste seul à l'ONU, s'il reste seul au FMI, nous pèserons 1 %, 2 % du monde; si nous sommes dans l'Europe avec un rôle de leadership dans cet ensemble de pays, alors nous serons beaucoup plus forts.
Q - A propos de M. Berlusconi, est-ce que vous êtes inquiets de l'évolution de l'Italie en matière de justice? Est-ce que l'Etat de droit est menacé ?
R - Je n'ai pas de jugement à prononcer là-dessus, si ce n'est que je souhaite que l'Italie ne soit en aucun cas un frein à ce que nous voulons faire au niveau de la justice européenne. Je pense par exemple au mandat d'arrêt européen ; les incriminations en matière financière, par exemple, ne peuvent pas rester à l'écart de ce mandat d'arrêt européen demain.
Q - Et ce souhait que vous formulez correspond à une inquiétude que vous avez sur certaines positions que pourrait prendre le gouvernement italien sur un dossier ?
R - Sur celle qu'il a prise, en tout cas, je pense qu'on va revenir à la raison. Mais encore une fois, les Italiens ont fait un choix, on se doute que ce n'est pas le mien. Mais ce choix est validé par eux dans des conditions démocratiques. Je souhaite que ce ne soit pas un frein à l'Europe.
Q - Mais est-ce conforme aux valeurs que l'Europe défend, et a encore rappelées il y a un an au moment d'une affaire qui s'appelait l'affaire autrichienne ?
R - C'est très différent de l'affaire autrichienne, il faut le dire, et ce n'est pas attentatoire aux valeurs de l'Europe, à ce stade.
Q - Au terme de cinq ans au poste de ministre chargé des Affaires européennes, est-ce que vous pouvez nous dire quel a été votre plus grande satisfaction et votre plus grande frustration, ou votre plus grand regret ?
R - C'est la même, imaginez-vous ; c'est la présidence française de l'Union européenne. C'est une satisfaction parce que l'on est heureux de traiter de manière transversale des problèmes aussi divers que la sécurité alimentaire, la sécurité maritime, tout ce qui concerne l'agriculture, l'économie, et d'avoir fait avancer aussi la cause des services publics, l'agenda social européen, l'Europe de la connaissance... Et donc il y a de l'adrénaline qui circule. Et puis le Traité de Nice ; nous avions un contrat difficile pour faire ce traité. La déception, bien sûr, c'est aussi ce Sommet de Nice, qui a été quand même assez calamiteux. Pas tant dans son résultat - car avec un peu de recul on s'aperçoit que la présidence française a un bilan plus qu'honorable - que dans son contexte psychologique, et c'est vrai que j'en ai sans doute, sur le moment, été un peu blessé. Mais le temps efface beaucoup ces choses et, au total, cette période de Présidence restera ce dont je suis le plus fier sur ces cinq années.
Q - Qu'est ce que cela apporte pour un homme politique, dans le regard qu'il porte sur son rôle, cette confrontation avec l'Europe ?
R - Je pense que cela ramène à l'essentiel. Je crois que l'Union européenne, comme le disait François Mitterrand, c'est vraiment notre avenir, que cela élargit considérablement le champ de vision, que cela permet de se confronter aux autres, que cela permet aussi de connaître d'autres horizons que ceux parfois un peu restreints de notre politique nationale. Pour moi, c'est une expérience que je crois irremplaçable. Je le dis dans ce livre : au bout de cinq ans, je crois qu'il faut changer de ministère car c'est plus sain, parce qu'il n'est pas bon non plus qu'un homme s'identifie éternellement à sa fonction. Il faut du changement : et pour la fonction, et pour l'homme. Mais je ne quitterai jamais les affaires européennes, quelle que soit mon action de demain ; qu'elle soit locale, qu'elle soit nationale, qu'elle soit autre, cette dimension européenne imprégnera tout ce que je fais. Je suis définitivement, complètement, européen.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2001)
Interview à RTL le 17 décembre 2001 :
R. Elkrief Nous allons parler d'Europe, puisque le sommet de Laeken vient de s'achever et aussi parce que vous avez publié un livre qui s'intitule "L'Europe, une puissance dans la mondialisation", aux éditions du Seuil. L'actualité, c'est cette désignation de V. Giscard d'Estaing comme président de la Convention sur les institutions qui doit réfléchir à un meilleur fonctionnement de l'Europe élargie. Cela vous a fait plaisir que ce soit V. Giscard d'Estaing ?
- "En tant que Français, je suis heureux qu'un compatriote préside cette grande institution. Il faut peut-être rappeler quelle est sa tâche, c'est quand même cela l'important. L'année prochaine, nous allons élargir l'Union européenne à une dizaine de nouveaux pays. Il nous faut franchir un saut qualitatif dans l'Europe politique. Nous allons avoir l'Europe monétaire et financière avec l'euro, qui suscite un engouement formidable. On sent bien que les Européens ont besoin de plus de légitimité, plus de démocratie, plus de transparence, des institutions dans lesquelles ils se reconnaissent aussi bien que dans les institutions françaises."
V. Giscard d'Estaing est l'homme de la situation ?
- "La convention est un organe extrêmement large et regroupe des parlementaires européens, nationaux, des représentants des gouvernants, la commission est là pour préparer cette constitution européenne d'ici à 2004. Je crois que V. Giscard d'Estaing a effectivement l'expérience européenne et les convictions européennes, l'expérience politique tout court, pour présider un tel organe. Encore une fois ce n'est pas une mauvaise chose, mais c'est une bonne chose que ce soit un Français qui a exercé de très hautes responsabilités à la tête de notre République qui la préside."
Et pour le socialiste que vous êtes, J. Delors n'était pas plus proche de vos idées ? C'est un choix de cohabitation.
- "Si, bien sûr. J. Delors est un homme qui est pour tous ceux qui aiment l'Europe une référence. Il a apporté énormément et continue à apporter par sa réflexion. Simplement, je dirais que c'est un choix qui, comme tous les choix, est politique : le grand mérite de Giscard dans cette affaire est que c'est lui qui l'a voulu le plus. Il a fait campagne. Il est allé voir les uns et les autres. Il a obtenu le soutien de la France. Et dès lors, il a créé un fait politique. Voilà ce qu'il s'est passé. D'autres auraient été parfaits également - J. Delors, W. Kok, le Premier ministre néerlandais qui est un homme remarquable. C'est Giscard qui l'a voulu et puis c'est Giscard qui l' a fait. Maintenant, c'est lui le Président. Cela ne se conteste pas, d'autant plus, encore une fois, qu'il a les qualités pour cela."
Est-ce que c'est vrai que J. Chirac l'a aussi pris comme candidat pour l'éloigner de la scène politique française ?
- "Je ne peux pas penser qu'il y ait des arrière-pensées de cette sorte, qui seraient un peu mesquines. Je suis sûr que J. Chirac, Premier ministre de V. Giscard d'Estaing, lui conserve estime, affection, respect, admiration même."
C'est de la langue de bois pour les autres ?
- "C'est un peu d'ironie. S'il faut absolument décoder..."
Comment cela se passe-t-il entre Chirac et Jospin dans les sommets, puisqu'ils sont potentiellement candidats l'un et l'autre ?
- "Cela ne se voit pas, en tout cas dans les sommets. Je crois qu'il est très important dans ces circonstances que nous offrions le visage d'une France qui est unie, qui "parle d'une seule voix" comme on dit. La cohabitation est déjà un système suffisamment négatif, qui créé suffisamment de problème à l'intérieur de la République pour que cela ne nous affaiblisse pas à l'extérieur. Je crois que J. Chirac et L. Jospin, dans leurs fonctions et avec leurs tempéraments différents, sont tous les deux des hommes d'Etat et en ont conscience. A l'étranger, ma foi, cela fonctionne. Et cela fonctionne dans un climat qui n'est pas mauvais. Ce qui fait que finalement, je le regrette un peu : j'aurai été à l'écart des grands combats ! Je les ai observés quand même."
On parle de l'Europe justement. L'Union veut mettre au point un meilleur fonctionnement et en même temps, ce sommet se sépare sans avoir désigné les lieux qui doivent abriter les principales nouvelles agences européennes, pour l'alimentation et la technologie. C'est un constat d'échec dans le fonctionnement. Sur la politique étrangère, on parle d'une force multinationale pour l'Afghanistan et on se rend compte que ce sont en fait des forces nationales d'abord ; sur le Proche-Orient, il y a une grande décision et puis, finalement, chacun agit un peu de son côté, notamment la France qui, dès samedi soir, envoie un ambassadeur à Y. Arafat, faisant cavalier seul. Cela fonctionne vraiment ?
- "Oui, absolument. Mais cela illustre aussi les limites de l'endroit où nous en sommes. Et c'est pour cela qu'il faut cette convention, c'est pour cela qu'il faut cette constitution. L'Europe fait, avec les moyens du bord, avec ceux qui sont les siens. Elle est très cohérente, elle avance, elle agit, mais en même temps, il faut ce saut qualitatif. Elle n'a pas, par exemple, aujourd'hui, une politique étrangère unique qui ferait qu'il y ait un monsieur Pesc, monsieur Solana, mais il n'y a pas de ministre des Affaires étrangères. II n'y a pas de ministre de la Défense de l'Union européenne. Ce qui fait que les Européens sont ensemble. Vous prenez l'exemple de la force multinationale : ce sera une force multinationale sous l'égide de l'Onu qui sera composée exclusivement d'Européens. Mais ce n'est pas encore une force de l'Union européenne."
Elle sera dirigée par chacun des pays...
- "Non, elle sera dirigée probablement par les Britanniques. Ce sera une force avec des soldats européens. L'Union européenne elle-même n'a pas encore cette existence en politique étrangère et en politique de défense. Un des enjeux des années qui viennent, c'est de lui permettre de faire ce saut qualitatif. Nous avons déjà une monnaie - ce sera un grand succès -, nous avons avancé dans la voie d'une justice européenne, avec le mandat d'arrêt européen la semaine dernière, malgré M. Berlusconi..."
Avec difficultés...
- "Avec difficultés, mais nous l'avons fait. Il va suivre un Parquet européen. Une monnaie, une justice et nous avons une défense qui progresse. Si nous avons une politique étrangère en plus, une coopération policière, sans être le super état européen, nous aurons déjà une fédération. Attention, la fédération sera toujours une fédération d'Etats-nations, au sens où on sait qu'en Europe les Britanniques, les Espagnols, les Italiens et nous-mêmes tenons à garder notre identité nationale. Je ne crois pas que ceux qui nous écoutent aient envie tout de suite de se diluer dans un ensemble qui oublierait la France."
Sur le Proche-Orient, la France a l'air d'avoir une position un peu à part. Samedi soir, un ambassadeur de France est allé retrouver M. Arafat pour l'assurer qu'il était le seul représentant des Palestiniens. Alors que les Européens avaient une position un petit peu plus vigilante à son égard...
- "Non je ne dirais pas cela. Je dirais que l'Union européenne a adopté des "conclusions", comme on a dit au conseil européen de Laeken, qui sont équilibrées et qui font un appel au fond aux deux parties : un appel à Israël à ne pas démanteler l'autorité palestinienne, parce que c'est l'interlocuteur légitime, et un appel aussi à Y. Arafat à faire arrêter les opérations suicides, les massacres et les attentats. Ce à quoi il a appelé hier. C'est sans doute un geste positif de sa part. Il faut maintenant que les actes suivent. L'Union européenne s'efforce de faire entendre cette voix un peu équilibrée dans le monde. Elle n'accepte pas non plus la loi américaine, qui voudrait que nous cessions d'avoir des contacts diplomatiques avec Y. Arafat qui, pour nous, est le chef légitime de l'autorité palestinienne. Il n'y a pas d'alternative à Y. Arafat. Encore faut-il que Y. Arafat lui-même se présente comme une alternative."
Une question de politique intérieure : A. Montebourg, au grand jury RTL-Le Monde-LCI, a parlé de "quasi-délinquant" en parlant de J. Chirac. C'est le ton que le parti socialiste va adopter dans la campagne ?
- "Je ne sais pas. Mais en tout cas je sais que je me m'exprimerais pas de cette façon-là. Pour reprendre les paroles d'A. Montebourg, qui est un garçon que j'aime beaucoup et qui mène par ailleurs un combat juste pour la VIème République, si J. Chirac n'est pas en situation de prouver son innocence et si on ne peut démontrer sa culpabilité, parce que pour l'instant il n'est pas devant un juge, alors on ne peut pas parler d'un quasi-délinquant. Je crois que tout le monde a droit à ce qu'on appelle la présomption d'innocence. Je le dis sans défendre en quoi que ce soit le président de la République. Simplement, je pense qu'on ne nous attend pas sur ces choses-là. On nous attend sur un projet, sur une confrontation, avec des équipes. On nous attend avec une confrontation avec ce nouveau parti, ce nouveau magma, qui est en train d'émerger à droite et qui marque effectivement la "chiraquisation" de la droite. C'est d'ailleurs un assez mauvais signe, parce qu'en général, J. Chirac a tout de même un peu fait naufrager tout ce qu'il a touché, en tout cas du point de vue idéologique."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 décembre 2001)
Q - Dans une semaine l'Europe se retrouve pour un Sommet européen, à Laeken, qui sera si j'ai bien compté, le dixième auquel vous participez, puisque vous occupez les fonctions de ministre délégué chargé des Affaires européennes dans le gouvernement de Lionel Jospin depuis la victoire de la gauche en 1997. Ce sera sans doute, aussi, et quel que soit le résultat des élections de 2002, votre dernier conseil européen, en tout cas en tant que ministre chargé de ce dossier. L'heure commence pour vous à être au bilan, un bilan que vous tracez dans un livre publié récemment au "Seuil", "L'Europe, une puissance dans la mondialisation". Mais l'heure est sans doute aussi aux nouveaux projets et aux nouvelles ambitions ; un programme pour l'Europe, une vision pour les cinq années à venir, pour se fixer sur les échéances électorales françaises. Le menu des conversations de Laeken doit définir la feuille de route en vue des prochaines échéances strictement européennes celles-ci : institutions, élargissement. A Laeken, les Quinze vont lancer un projet de convention, chargé de préparer la réforme institutionnelle de l'Union. Quel est l'ordre de mission de cette convention ?
R - D'abord, sans vouloir vous corriger, je voudrais évoquer le fait que c'est plus probablement le treizième ou quatorzième sommet auquel je participe, car il y a eu quelques sommets extraordinaires. Je vais en prendre un comme exemple, parce qu'il est d'actualité : c'est le Sommet de Bruxelles qui a décidé le lancement de l'euro. J'étais là, notamment quand M. Duisenberg a déclaré qu'il serait fatigué en 2002. Et puis il y en aura encore un après, c'est à dire à Barcelone, en mars 2002, mais il est vrai que nous sommes plus proches de la fin que du début.
Q - C'est treize à la douzaine pratiquement....
R - Pratiquement. Mais revenons-en à la mission de la convention, et de ce sommet, qui est un sommet important ; ce n'est pas Nice, mais c'est quelque chose qui se tourne vers l'avenir de l'Union européenne. Je crois que la feuille de route est très exigeante ; il s'agit de voir comment nous pouvons préparer l'Union européenne en 2004. L'Union élargie car, probablement, à ce moment là, ce sera une union à 24 ou à 27. Comment préparer cette Union à avoir un processus constituant ?
Q - Alors cette convention, que va-t-elle faire durant ces 18 mois où elle doit travailler ?
R - Elle doit préparer des options pour l'avenir de l'Europe. Souhaitons-nous un modèle fédéral ou confédéral ? Pensons-nous que le Conseil doit devenir la deuxième chambre législative, ou au contraire doit-il être profondément réformé ?
Q - ... Il y aura facilement un consensus à ce sujet ?
R - Il n'y aura pas de consensus, c'est pour cela que je suis, moi, attaché à l'idée d'options. Vous savez, la Charte des Droits fondamentaux avait été préparée par la convention précédente qui avait donné à Biarritz, il y a un an et demi maintenant, un texte qui finalement était "à prendre ou à laisser".
S'agissant d'une Constitution européenne, ce n'est pas possible. La convention va préparer le terrain à ce que l'on appelle une Conférence intergouvernementale qui finira le travail. Ce sont les règles européennes, c'est la seule façon de changer les traités et il faut que, à la fin, les chefs d'Etat et de gouvernement aient à la fois des éléments solides sur lesquels appuyer leurs réflexions et des marges de manuvre. D'où l'idée des options. Il y aura sans doute deux, trois, voire quatre grands modèles, ou encore un certain nombre d'options sur telle ou telle question. J'en ai cité une : par exemple, le Conseil comme deuxième chambre législative, c'est l'option allemande, ce n'est pas l'option française. Il faudra voir in fine ce que nous choisissons. Ce n'est pas l'option communautaire. Il faut donc, à la fois, renforcer l'efficacité des institutions, et aussi renforcer leur démocratie. D'où certaines propositions, par exemple formulées par Jacques Delors ; pourquoi le président de la Commission ne serait-il pas issu des élections au Parlement européen ?
Q - Vous la reprenez à votre compte ?
R - Je la reprends complètement à mon compte. Faut-il - et là la réponse est évidement oui- réformer le mode de scrutin pour les élections au Parlement européen en France ? Franchement, je crois qu'une des responsabilités, un des engagements que j'attends des prochains candidats à l'élection présidentielle, de tous, c'est de dire "oui", parce que notre mode de scrutin national est totalement absurde. Et est-ce que l'on peut donner un droit de dissolution du Parlement européen au Conseil ? Est-ce qu'il faut réformer le Conseil des ministres en mettant en place des vice-Premier ministres, mettons des ministres des Affaires européennes, qui auraient un rôle de coordination dans leur gouvernement ? Voilà quelques questions ....
Q - Et vous y répondez "oui" ?
R - Je réponds "oui". Non pas par un plaidoyer pro domo, puisque je vais quitter ces fonctions, mais parce que l'expérience que j'ai, c'est que l'on ne peut pas dire maintenant que les Affaires européennes soient des Affaires étrangères. C'est une profonde erreur que de le considérer, et cela affaiblit considérablement l'action des gouvernements en matière européenne.
Q - L'animateur de cette Convention, qui va donc commencer à préparer toute cette réflexion, va être désigné au Sommet de Laeken. Valéry Giscard d'Estaing est le candidat soutenu par le gouvernement français et le président de la République. Je vais vous citer un confrère belge qui disait que ce n'était peut-être pas une bonne idée de "demander à un homme du passé de représenter l'avenir de l'Europe". C'est méchant, mais est-ce que, en même temps, il n'y a pas un problème d'image ?
R - Nous verrons cela. Je crois que M. Giscard d'Estaing, qui est effectivement le candidat soutenu par le président de la République, avec l'accord du gouvernement, a les capacités pour remplir cette fonction parce qu'il a été président de la République, donc membre du Conseil européen, parce que c'est un Européen convaincu, parce que l'on connaît aussi sa capacité à faire avancer les choses. En même temps, il faudra qu'il soit adapté aux modalités de travail d'aujourd'hui, qui sont beaucoup plus démocratiques sans doute qu'il y a vingt ans. Cette Convention, s'il la préside, et c'est ce que nous souhaitons, ne correspondra pas à ce qu'il a connu avant 1981. Il sera confronté à une centaine de personnes turbulentes dont chacune attend d'être respectée et entendue.
Q - A-t-il pour vous le profil pour gérer cela ?
R - Oui, il a le profil. Mais il faudra qu'il s'adapte à un type de management qui est un peu nouveau. Nous verrons bien. Il n'est pas le seul candidat en piste. Il y en a d'autres qui sont évidement très valables ; je pense à M. Amato, l'ancien président du Conseil italien, et peut être à Wim Kok, le Premier ministre néerlandais. Mais il ne serait pas illogique qu'un Français, et c'est cela l'argument tout de même, exerce cette présidence. Car un Italien est président de la Commission, "Monsieur PESC", c'est à dire "Monsieur Politique étrangère et de sécurité commune" est espagnol, Javier Solana, on a encore eu un président de la précédente Convention qui était allemand, et je crois que cela peut difficilement être un Britannique, car ils ne le revendiquent pas. Donc, il y a une certaine logique à ce qu'un Français préside la Convention. Et n'oublions pas, aussi, la disponibilité de Jacques Delors. Tout cela est ouvert.
Q - Pour en venir à l'élargissement, quel est le rythme idéal? Est-ce que c'est 10 d'un coup ?
R - Le rythme idéal c'est le plus grand nombre de candidats possible le plus tôt possible. Mais attention, il y a un problème de logique dans cette affaire, et c'est ce qu'avait voulu souligner Hubert Védrine. Soit on reste sur des critères objectifs, c'est ce que l'on appelle la différenciation : chaque candidature est jugée selon ses mérites propres, et sur cette base-là, on l'examinera. Il peut y en avoir 7, 8, 9 ou 10. Et nous souhaitons qu'il y en ait 10. Nous souhaitons notamment que la Pologne soit dans le premier train, c'est une évidence, c'est même très important pour nous, compte tenu de nos relations historiques, économiques, politiques avec ce pays. Mais si on change de critères, si on passe à une logique purement politique, alors là on ne doit pas oublier que ce ne sont pas 10 pays qui sont en négociations d'adhésion, mais 12. Et nous souhaitons que ne soient pas oubliés, en toute hypothèse, nos amis bulgares - j'étais en Bulgarie il y quelques jours - et nos amis roumains, avec lesquels nous avons aussi des intérêts historiques, des liens affectifs extrêmement forts, et qui représentent aussi une autre partie au sein de l'Europe de l'est.
Q - Quelle est la logique que vous souhaitez voir prévaloir finalement pour plus d'efficacité? Cette logique politique, ou plutôt cette logique de la préparation technique des Etats ?
R - Jusqu'à présent, la logique qui a prévalu c'est la logique de la préparation technique, et je pense qu'il serait tout à fait mauvais de donner un message qui serait "de toute façon, quoi que vous fassiez, vous serez admis". Il faut dire, notamment aux Polonais, et c'est le message que je leur fais passer, que nous souhaitons leur adhésion. Nous la soutenons, nous voulons qu'elle soit décidée à la fin de 2002. Mais attention, il s'agit de ne pas relâcher l'effort. Il faut au contraire l'accélérer. Et je crois que le gouvernement polonais, puisque c'est de la Pologne que l'on parle en général à ce sujet, a bien compris cela, et entend faire de la préparation à l'adhésion sa première priorité. Il ne faut en aucun cas donner un message laxiste, indulgent en la matière. L'élargissement est une exigence, il se mérite, il se gagne.
Q - Après le Sommet de Nice, on avait un petit peu l'impression que, entre la France et l'Allemagne, il y avait des réajustements de compréhension qui étaient nécessaires. Vous avez multiplié toute une série de contacts, de dîners et de rencontres informels, avec le président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, votre homologue allemand. Est-ce que cela va beaucoup mieux entre Paris et Berlin ?
R - Nous n'étions pas dans un rapport qui était totalement transparent et clair, il faut le dire. Et quand on n'est pas même d'accord sur ces désaccords, alors cela marche mal. Ce qui m'a peiné, à Nice, c'est plus le côté scène de ménage publique que le désaccord. Nous n'avons pas à faire ça. Parce que le spectacle donné par la France et l'Allemagne, quand elles ne sont pas d'accord, est quelque chose qui trouble la famille européenne. Un peu, si vous voulez, comme quand le père et la mère se disputent devant les enfants. Encore que je ne considère pas que les autres pays européens soient nos enfants ... Aujourd'hui cela se passe mieux, parce que nous avons décidé de tout nous dire, et de le faire par des échanges constants, informels, aux niveaux que vous avez cités. Mais j'ajouterais aussi les ministres des Finances, les ministres de l'Agriculture, les ministres de l'Intérieur ; ce sont des sujets très importants, la Justice et les Affaires intérieures. Nous avons retrouvé un processus de travail normal, ce qui nous permet de trouver davantage de solutions, de convergences. Cela a été marqué par la déclaration conjointe franco-allemande de Nantes sur l'avenir de l'Europe. Il faut que cela continue.
Q - Est-ce qu'en matière diplomatique il y a une rivalité entre Paris et Berlin, pour l'organisation de conférences, comme par exemple celle sur l'Afghanistan ? On pourrait imaginer, peut être, que, dans un cadre européen, quand on voit ce qui se passe au Proche Orient par exemple, il y ait plus d'initiatives plutôt que des initiatives qui ont l'air unilatérales, comme cette Conférence sur l'Afghanistan ?
R - Non, la Conférence sur l'Afghanistan n'est pas une initiative unilatérale. On ne va pas non plus expliquer que le fait qu'elle ait lieu à Bonn plutôt qu'à Berlin est un échec pour la République fédérale allemande. Peu importe le lieu. Ce qui compte c'est le résultat, c'est à dire que les Afghans aient fini par mettre en place un processus qui devrait permettre le rétablissement d'un pouvoir politique plus ouvert, et ouvert à tous. Et donc il faut saluer, avant tout, les résultats de la Conférence de Bonn. C'est la première chose que je fais. Pour le reste, il y a des styles diplomatiques qui sont différents, et des personnalités des ministres qui sont aussi différentes. On ne peut que se réjouir que l'Allemagne soit plus présente dans la politique étrangère, qu'elle s'engage, et c'est ce qu'elle a fait par exemple dans ce conflit en Afghanistan et non pas contre l'Afghanistan. Joschka Fischer est un homme que j'aime beaucoup, dont je respecte la parole, qui a contribué, me semble-t-il, fortement à l'avenir de l'Union européenne. Je crois que, pour nous, c'est plutôt un stimulus que nous devons entendre, et non une concurrence.
Q - Vous êtes en fin de mandat, même s'il vous reste plus de six mois à ces responsabilités. Pensez-vous qu'il y ait débat sur des différences de visions de l'Europe ?
R - Je crois que le débat en Europe est entre ce que j'appelle "l'Europe-espace", un petit peu à la britannique, et "l'Europe-puissance". L'Europe-espace est une Europe élargie, mais dans laquelle il y a affaiblissement des politiques communes. C'est une Europe dans laquelle il y a une dilution du pouvoir. C'est une Europe vaste et molle, dans lequel le seul unifiant, le seul liant, c'est le marché. Ce qui irait de pair d'ailleurs avec la libéralisation sans condition de pratiquement tous les secteurs ; je pense à l'énergie et je pense aux transports. C'est une vision britannique. Cette Europe-là est un bienfait marchand, mais elle n'est pas une puissance politique.
Q - La vision britannique c'est la vision de Tony Blair aujourd'hui ?
R - De façon différente de Margaret Thatcher, oui d'une certaine façon. Avec une différence quand même essentielle, qui est que Tony Blair est européen, alors que Margaret Thatcher regardait le système de l'extérieur pour le démolir. Lui, il est de l'intérieur pour le diriger, donc c'est plus un concurrent à la fois idéologique et politique, mais un concurrent amical. Cela c'est l'Europe-espace.
L'Europe-puissance, qui correspond à une Europe de gauche, qu'est ce que c'est ? C'est une Europe élargie, mais pilotée, gouvernée. C'est une Europe qui garde des politiques actives. C'est une Europe qui investit davantage dans des secteurs où elle est attendue : une politique de défense plus affirmée, une politique étrangère qui devient enfin commune, une politique en matière de sécurité et de justice qui aille beaucoup plus loin qu'aujourd'hui. On va faire le mandat d'arrêt européen, et c'est très important. Mais il faut aller plus loin : un parquet européen, un FBI européen... Et quand vous avez une monnaie, une défense, une politique étrangère, une justice, l'esquisse d'une police, vous êtes en train de bâtir quelque chose qui ressemble à une puissance. Qui ressemble même, d'une certaine façon, à un Etat, même si ce n'est pas un super-Etat. Et puis, enfin, une Europe qui soit aussi plus présente dans les problèmes internationaux, pour réguler la mondialisation ; je pense au développement, je pense aux problèmes commerciaux. Voilà l'Europe que j'aime. Et, bien sûr, une Europe qui articule les jeux du marché, mais aussi des services publics, car nous avons besoin des services publics partout en Europe, y compris en Grande Bretagne, Tony Blair l'a bien compris. Une Europe qui soit l'interlocuteur des Etats-Unis, qui soit un interlocuteur puissant, et non pas uniquement une zone un peu soumise politiquement. Et moi j'ai envie que mon candidat - je pense que vous savez comment il s'appelle- Lionel Jospin ...
Q - ... Il est déclaré alors ?
R - Il n'est pas déclaré, mais je crois qu'il sera candidat, je le crois, je l'espère, je souhaite que ce candidat s'engage résolument dans la voie de cette Europe puissance, qu'il aille encore plus loin que ce qu'il avait fait en 1997 ; un de ses slogans utiles, c'était "faire l'Europe sans défaire la France". J'ai envie qu'il dise cette fois-ci : faisons l'Europe en faisant la France et faisons la France en faisant l'Europe, car je crois que c'est la seule façon pour la France d'être plus puissante dans le monde demain. Si notre pays reste seul à l'ONU, s'il reste seul au FMI, nous pèserons 1 %, 2 % du monde; si nous sommes dans l'Europe avec un rôle de leadership dans cet ensemble de pays, alors nous serons beaucoup plus forts.
Q - A propos de M. Berlusconi, est-ce que vous êtes inquiets de l'évolution de l'Italie en matière de justice? Est-ce que l'Etat de droit est menacé ?
R - Je n'ai pas de jugement à prononcer là-dessus, si ce n'est que je souhaite que l'Italie ne soit en aucun cas un frein à ce que nous voulons faire au niveau de la justice européenne. Je pense par exemple au mandat d'arrêt européen ; les incriminations en matière financière, par exemple, ne peuvent pas rester à l'écart de ce mandat d'arrêt européen demain.
Q - Et ce souhait que vous formulez correspond à une inquiétude que vous avez sur certaines positions que pourrait prendre le gouvernement italien sur un dossier ?
R - Sur celle qu'il a prise, en tout cas, je pense qu'on va revenir à la raison. Mais encore une fois, les Italiens ont fait un choix, on se doute que ce n'est pas le mien. Mais ce choix est validé par eux dans des conditions démocratiques. Je souhaite que ce ne soit pas un frein à l'Europe.
Q - Mais est-ce conforme aux valeurs que l'Europe défend, et a encore rappelées il y a un an au moment d'une affaire qui s'appelait l'affaire autrichienne ?
R - C'est très différent de l'affaire autrichienne, il faut le dire, et ce n'est pas attentatoire aux valeurs de l'Europe, à ce stade.
Q - Au terme de cinq ans au poste de ministre chargé des Affaires européennes, est-ce que vous pouvez nous dire quel a été votre plus grande satisfaction et votre plus grande frustration, ou votre plus grand regret ?
R - C'est la même, imaginez-vous ; c'est la présidence française de l'Union européenne. C'est une satisfaction parce que l'on est heureux de traiter de manière transversale des problèmes aussi divers que la sécurité alimentaire, la sécurité maritime, tout ce qui concerne l'agriculture, l'économie, et d'avoir fait avancer aussi la cause des services publics, l'agenda social européen, l'Europe de la connaissance... Et donc il y a de l'adrénaline qui circule. Et puis le Traité de Nice ; nous avions un contrat difficile pour faire ce traité. La déception, bien sûr, c'est aussi ce Sommet de Nice, qui a été quand même assez calamiteux. Pas tant dans son résultat - car avec un peu de recul on s'aperçoit que la présidence française a un bilan plus qu'honorable - que dans son contexte psychologique, et c'est vrai que j'en ai sans doute, sur le moment, été un peu blessé. Mais le temps efface beaucoup ces choses et, au total, cette période de Présidence restera ce dont je suis le plus fier sur ces cinq années.
Q - Qu'est ce que cela apporte pour un homme politique, dans le regard qu'il porte sur son rôle, cette confrontation avec l'Europe ?
R - Je pense que cela ramène à l'essentiel. Je crois que l'Union européenne, comme le disait François Mitterrand, c'est vraiment notre avenir, que cela élargit considérablement le champ de vision, que cela permet de se confronter aux autres, que cela permet aussi de connaître d'autres horizons que ceux parfois un peu restreints de notre politique nationale. Pour moi, c'est une expérience que je crois irremplaçable. Je le dis dans ce livre : au bout de cinq ans, je crois qu'il faut changer de ministère car c'est plus sain, parce qu'il n'est pas bon non plus qu'un homme s'identifie éternellement à sa fonction. Il faut du changement : et pour la fonction, et pour l'homme. Mais je ne quitterai jamais les affaires européennes, quelle que soit mon action de demain ; qu'elle soit locale, qu'elle soit nationale, qu'elle soit autre, cette dimension européenne imprégnera tout ce que je fais. Je suis définitivement, complètement, européen.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2001)
Interview à RTL le 17 décembre 2001 :
R. Elkrief Nous allons parler d'Europe, puisque le sommet de Laeken vient de s'achever et aussi parce que vous avez publié un livre qui s'intitule "L'Europe, une puissance dans la mondialisation", aux éditions du Seuil. L'actualité, c'est cette désignation de V. Giscard d'Estaing comme président de la Convention sur les institutions qui doit réfléchir à un meilleur fonctionnement de l'Europe élargie. Cela vous a fait plaisir que ce soit V. Giscard d'Estaing ?
- "En tant que Français, je suis heureux qu'un compatriote préside cette grande institution. Il faut peut-être rappeler quelle est sa tâche, c'est quand même cela l'important. L'année prochaine, nous allons élargir l'Union européenne à une dizaine de nouveaux pays. Il nous faut franchir un saut qualitatif dans l'Europe politique. Nous allons avoir l'Europe monétaire et financière avec l'euro, qui suscite un engouement formidable. On sent bien que les Européens ont besoin de plus de légitimité, plus de démocratie, plus de transparence, des institutions dans lesquelles ils se reconnaissent aussi bien que dans les institutions françaises."
V. Giscard d'Estaing est l'homme de la situation ?
- "La convention est un organe extrêmement large et regroupe des parlementaires européens, nationaux, des représentants des gouvernants, la commission est là pour préparer cette constitution européenne d'ici à 2004. Je crois que V. Giscard d'Estaing a effectivement l'expérience européenne et les convictions européennes, l'expérience politique tout court, pour présider un tel organe. Encore une fois ce n'est pas une mauvaise chose, mais c'est une bonne chose que ce soit un Français qui a exercé de très hautes responsabilités à la tête de notre République qui la préside."
Et pour le socialiste que vous êtes, J. Delors n'était pas plus proche de vos idées ? C'est un choix de cohabitation.
- "Si, bien sûr. J. Delors est un homme qui est pour tous ceux qui aiment l'Europe une référence. Il a apporté énormément et continue à apporter par sa réflexion. Simplement, je dirais que c'est un choix qui, comme tous les choix, est politique : le grand mérite de Giscard dans cette affaire est que c'est lui qui l'a voulu le plus. Il a fait campagne. Il est allé voir les uns et les autres. Il a obtenu le soutien de la France. Et dès lors, il a créé un fait politique. Voilà ce qu'il s'est passé. D'autres auraient été parfaits également - J. Delors, W. Kok, le Premier ministre néerlandais qui est un homme remarquable. C'est Giscard qui l'a voulu et puis c'est Giscard qui l' a fait. Maintenant, c'est lui le Président. Cela ne se conteste pas, d'autant plus, encore une fois, qu'il a les qualités pour cela."
Est-ce que c'est vrai que J. Chirac l'a aussi pris comme candidat pour l'éloigner de la scène politique française ?
- "Je ne peux pas penser qu'il y ait des arrière-pensées de cette sorte, qui seraient un peu mesquines. Je suis sûr que J. Chirac, Premier ministre de V. Giscard d'Estaing, lui conserve estime, affection, respect, admiration même."
C'est de la langue de bois pour les autres ?
- "C'est un peu d'ironie. S'il faut absolument décoder..."
Comment cela se passe-t-il entre Chirac et Jospin dans les sommets, puisqu'ils sont potentiellement candidats l'un et l'autre ?
- "Cela ne se voit pas, en tout cas dans les sommets. Je crois qu'il est très important dans ces circonstances que nous offrions le visage d'une France qui est unie, qui "parle d'une seule voix" comme on dit. La cohabitation est déjà un système suffisamment négatif, qui créé suffisamment de problème à l'intérieur de la République pour que cela ne nous affaiblisse pas à l'extérieur. Je crois que J. Chirac et L. Jospin, dans leurs fonctions et avec leurs tempéraments différents, sont tous les deux des hommes d'Etat et en ont conscience. A l'étranger, ma foi, cela fonctionne. Et cela fonctionne dans un climat qui n'est pas mauvais. Ce qui fait que finalement, je le regrette un peu : j'aurai été à l'écart des grands combats ! Je les ai observés quand même."
On parle de l'Europe justement. L'Union veut mettre au point un meilleur fonctionnement et en même temps, ce sommet se sépare sans avoir désigné les lieux qui doivent abriter les principales nouvelles agences européennes, pour l'alimentation et la technologie. C'est un constat d'échec dans le fonctionnement. Sur la politique étrangère, on parle d'une force multinationale pour l'Afghanistan et on se rend compte que ce sont en fait des forces nationales d'abord ; sur le Proche-Orient, il y a une grande décision et puis, finalement, chacun agit un peu de son côté, notamment la France qui, dès samedi soir, envoie un ambassadeur à Y. Arafat, faisant cavalier seul. Cela fonctionne vraiment ?
- "Oui, absolument. Mais cela illustre aussi les limites de l'endroit où nous en sommes. Et c'est pour cela qu'il faut cette convention, c'est pour cela qu'il faut cette constitution. L'Europe fait, avec les moyens du bord, avec ceux qui sont les siens. Elle est très cohérente, elle avance, elle agit, mais en même temps, il faut ce saut qualitatif. Elle n'a pas, par exemple, aujourd'hui, une politique étrangère unique qui ferait qu'il y ait un monsieur Pesc, monsieur Solana, mais il n'y a pas de ministre des Affaires étrangères. II n'y a pas de ministre de la Défense de l'Union européenne. Ce qui fait que les Européens sont ensemble. Vous prenez l'exemple de la force multinationale : ce sera une force multinationale sous l'égide de l'Onu qui sera composée exclusivement d'Européens. Mais ce n'est pas encore une force de l'Union européenne."
Elle sera dirigée par chacun des pays...
- "Non, elle sera dirigée probablement par les Britanniques. Ce sera une force avec des soldats européens. L'Union européenne elle-même n'a pas encore cette existence en politique étrangère et en politique de défense. Un des enjeux des années qui viennent, c'est de lui permettre de faire ce saut qualitatif. Nous avons déjà une monnaie - ce sera un grand succès -, nous avons avancé dans la voie d'une justice européenne, avec le mandat d'arrêt européen la semaine dernière, malgré M. Berlusconi..."
Avec difficultés...
- "Avec difficultés, mais nous l'avons fait. Il va suivre un Parquet européen. Une monnaie, une justice et nous avons une défense qui progresse. Si nous avons une politique étrangère en plus, une coopération policière, sans être le super état européen, nous aurons déjà une fédération. Attention, la fédération sera toujours une fédération d'Etats-nations, au sens où on sait qu'en Europe les Britanniques, les Espagnols, les Italiens et nous-mêmes tenons à garder notre identité nationale. Je ne crois pas que ceux qui nous écoutent aient envie tout de suite de se diluer dans un ensemble qui oublierait la France."
Sur le Proche-Orient, la France a l'air d'avoir une position un peu à part. Samedi soir, un ambassadeur de France est allé retrouver M. Arafat pour l'assurer qu'il était le seul représentant des Palestiniens. Alors que les Européens avaient une position un petit peu plus vigilante à son égard...
- "Non je ne dirais pas cela. Je dirais que l'Union européenne a adopté des "conclusions", comme on a dit au conseil européen de Laeken, qui sont équilibrées et qui font un appel au fond aux deux parties : un appel à Israël à ne pas démanteler l'autorité palestinienne, parce que c'est l'interlocuteur légitime, et un appel aussi à Y. Arafat à faire arrêter les opérations suicides, les massacres et les attentats. Ce à quoi il a appelé hier. C'est sans doute un geste positif de sa part. Il faut maintenant que les actes suivent. L'Union européenne s'efforce de faire entendre cette voix un peu équilibrée dans le monde. Elle n'accepte pas non plus la loi américaine, qui voudrait que nous cessions d'avoir des contacts diplomatiques avec Y. Arafat qui, pour nous, est le chef légitime de l'autorité palestinienne. Il n'y a pas d'alternative à Y. Arafat. Encore faut-il que Y. Arafat lui-même se présente comme une alternative."
Une question de politique intérieure : A. Montebourg, au grand jury RTL-Le Monde-LCI, a parlé de "quasi-délinquant" en parlant de J. Chirac. C'est le ton que le parti socialiste va adopter dans la campagne ?
- "Je ne sais pas. Mais en tout cas je sais que je me m'exprimerais pas de cette façon-là. Pour reprendre les paroles d'A. Montebourg, qui est un garçon que j'aime beaucoup et qui mène par ailleurs un combat juste pour la VIème République, si J. Chirac n'est pas en situation de prouver son innocence et si on ne peut démontrer sa culpabilité, parce que pour l'instant il n'est pas devant un juge, alors on ne peut pas parler d'un quasi-délinquant. Je crois que tout le monde a droit à ce qu'on appelle la présomption d'innocence. Je le dis sans défendre en quoi que ce soit le président de la République. Simplement, je pense qu'on ne nous attend pas sur ces choses-là. On nous attend sur un projet, sur une confrontation, avec des équipes. On nous attend avec une confrontation avec ce nouveau parti, ce nouveau magma, qui est en train d'émerger à droite et qui marque effectivement la "chiraquisation" de la droite. C'est d'ailleurs un assez mauvais signe, parce qu'en général, J. Chirac a tout de même un peu fait naufrager tout ce qu'il a touché, en tout cas du point de vue idéologique."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 décembre 2001)