Texte intégral
A. Hausser : On va d'abord parler du départ du juge Halphen qui provoque beaucoup d'émotion. On salue "son courage", on parle "d'homme blessé", d'homme qui a été "victime de pressions", ce qu'il dénonce. E. Balladur et P. Devedjian ont été les seuls à dénoncer un peu le fait qu'il a été souvent "annulé", et qu'il s'en va après cinq années de gouvernement socialiste. Il n'y a pas quand même un grand malaise dans la magistrature ?
- "Je voudrais faire trois remarques et répondre à la question essentielle qui est celle du malaise. Trois remarques. La première, c'est que le juge Halphen n'a pas démissionné. Il s'est mis en disponibilité pendant un an, pour écrire un livre. Démissionner, il y a un côté plus dramatique, on a voulu dramatiser. Deuxième remarque : je comprends sa déception, car il voulait un poste, je crois à la Section financière et qu'il n'a pas eu ce poste à Paris. Troisième remarque, et la plus importante : c'est que tout au long de ses instructions, qui ont parfois duré très longtemps, puisque l'une d'entre elles a duré sept ans, il a commis beaucoup, beaucoup, beaucoup de fautes de procédure, et il a été sanctionné. Non pas par des politiques, non pas par des ministres. Mais il a été sanctionné par ses propres collègues de la Chambre de l'instruction ou de la Chambre d'accusation. Par conséquent, il essaye aujourd'hui, ou on essaye aujourd'hui, de maquiller ses erreurs."
Cela marche, parce que, quelle émotion quand même !
- "Quelle émotion, mais il faut attention à ce qu'on dit ... Le juge Halphen n'a pas dans ses instructions respecté le droit et les règles de procédure pénale. J'ai été longtemps magistrat et je ne connais pas de juge qui ait autant sanctionné que lui !"
Mais cela, les gens ne le savent pas...
- "Alors, le vrai problème est de savoir si c'est l'expression d'une crise de la justice ? C'est vrai que depuis un certain nombre d'années, ce sont multipliées un certain nombre de pratiques judiciaires qui sont contestables. Quelles sont ces pratiques contestables ? D'avoir vu des juges qui s'autosaisissaient d'affaires ou de faits, ce qui est contraire à la loi et au Code de procédure pénale. On a vu ailleurs, des magistrats qui, systématiquement et publiquement, violaient la présomption d'innocence et le secret de l'instruction. On voit ailleurs des magistrats qui font durer des procédures très longtemps - sept ans, huit ans ! - sans interroger des gens qui sont mis en examen. On a vu des décisions judiciaires non appliquées et on voit des juges qui sont plus soucieux de leur médiatisation que de faire leur travail. Alors, cela aboutit à une crise de l'institution judiciaire. Je crois qu'il est aujourd'hui important de rappeler les magistrats aux devoirs de leur charge."
Mais la crise, on y est. Alors, comment est-ce qu'on y remédie ?
- "Je pense qu'il va falloir réformer. Il faut enfermer les procédures d'instruction dans un cadre plus stricte et il ne faut pas hésiter - c'est ce qui se passe - à sanctionner les magistrats qui commettent des erreurs. Et que la presse, permettez-moi de vous le dire, ne se trompe pas : quand quelqu'un part, il faut regarder quelle est la vraie raison de son départ ou de sa mise en disponibilité. C'est trop facile de dire : "C'est parce que j'ai été l'objet de pressions". En réalité, le départ de ce magistrat est consécutif à sa déception d'avoir été sanctionné par ses propres pairs, parce qu'il a commis des fautes de procédure, parce que le juge est là pour appliquer la loi et non pas pour se faire plaisir ou faire de la politique !"
On l'a noté....
- "On ne l'a pas noté : c'est le Code de procédure qui le dit !"
J'ai noté votre remarque. Je voudrais revenir sur la décision du Conseil constitutionnel d'annuler une des dispositions de la loi de modernisation sociale sur le licenciement économique. Là aussi, on entend beaucoup de critiques contre la décision du Conseil. Est-ce que l'institution est menacée, d'après vous ?
- "Il y a une tendance extraordinaire en France : lorsqu'une institution ne rend pas une décision qui vous satisfait, on demande sa suppression. Le Conseil constitutionnel, comme les magistrats, ne sont pas là pour "faire plaisir", ils sont là pour dire le droit ! Par conséquent, dans cette affaire précise, de quoi s'agissait-il ? Il s'agissait en fait d'interdire les licenciements économiques. Le Conseil constitutionnel s'appuyant sur la déclaration des droits de l'homme et sur la liberté d'entreprendre, a précisé et a sanctionné, et a censuré la disposition qui en fait portait atteinte à ce droit, à cette liberté d'entreprendre. Par conséquent, il a fondé juridiquement sa décision sur de bonnes bases. Par ailleurs, il a estimé que la procédure n'avait pas été respectée par le Gouvernement et qu'il n'y avait pas eu de dialogue social. Alors, la décision du Conseil constitutionnel, on peut la contester politiquement, mais juridiquement elle est fondée. Et je crois que ce serait une erreur de jouer avec les institutions. Je note d'ailleurs que pendant 14 ans, lorsque monsieur Mitterrand était président de la République, les socialistes se sont parfaitement accommodé du Conseil constitutionnel, notamment lorsqu'il était dirigé par leur ami, R. Dumas."
Un mot sur le Medef, qui veut "interpeller", "harceler" les politiques comme ils disent. Est-ce que vous accepterez leurs suggestions ?
- "Non, je ne suis certainement pas le porte-parole du Medef. Le Medef et ses représentants ont le droit de dire ce qu'ils veulent. Moi, je suis un responsable politique et je n'ai à rendre compte que devant les Français."
Que répondez-vous à l'opposition qui dit que le Medef est la véritable opposition [sic] ?
- "Non, si le Medef veut faire de l'opposition et être l'opposition, les patrons n'ont qu'à se présenter aux élections."
Est-ce que J. Chirac doit se déclarer rapidement ?
- "A quoi ?"
A la candidature...
- "C'est de sa responsabilité. Je souhaite qu'il soit naturellement candidat et je souhaite pour la France qu'il soit élu Président, réélu président de la République. C'est l'intérêt des Français, c'est l'intérêt de la France. Et par conséquent, je ferai tout pour qu'il soit élu."
Au terme d'une campagne longue ou courte ?
"De la campagne nécessaire à bien montrer ce qu'est monsieur Jospin et montrer où est l'intérêt des Français."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 15 janvier 2002)
- "Je voudrais faire trois remarques et répondre à la question essentielle qui est celle du malaise. Trois remarques. La première, c'est que le juge Halphen n'a pas démissionné. Il s'est mis en disponibilité pendant un an, pour écrire un livre. Démissionner, il y a un côté plus dramatique, on a voulu dramatiser. Deuxième remarque : je comprends sa déception, car il voulait un poste, je crois à la Section financière et qu'il n'a pas eu ce poste à Paris. Troisième remarque, et la plus importante : c'est que tout au long de ses instructions, qui ont parfois duré très longtemps, puisque l'une d'entre elles a duré sept ans, il a commis beaucoup, beaucoup, beaucoup de fautes de procédure, et il a été sanctionné. Non pas par des politiques, non pas par des ministres. Mais il a été sanctionné par ses propres collègues de la Chambre de l'instruction ou de la Chambre d'accusation. Par conséquent, il essaye aujourd'hui, ou on essaye aujourd'hui, de maquiller ses erreurs."
Cela marche, parce que, quelle émotion quand même !
- "Quelle émotion, mais il faut attention à ce qu'on dit ... Le juge Halphen n'a pas dans ses instructions respecté le droit et les règles de procédure pénale. J'ai été longtemps magistrat et je ne connais pas de juge qui ait autant sanctionné que lui !"
Mais cela, les gens ne le savent pas...
- "Alors, le vrai problème est de savoir si c'est l'expression d'une crise de la justice ? C'est vrai que depuis un certain nombre d'années, ce sont multipliées un certain nombre de pratiques judiciaires qui sont contestables. Quelles sont ces pratiques contestables ? D'avoir vu des juges qui s'autosaisissaient d'affaires ou de faits, ce qui est contraire à la loi et au Code de procédure pénale. On a vu ailleurs, des magistrats qui, systématiquement et publiquement, violaient la présomption d'innocence et le secret de l'instruction. On voit ailleurs des magistrats qui font durer des procédures très longtemps - sept ans, huit ans ! - sans interroger des gens qui sont mis en examen. On a vu des décisions judiciaires non appliquées et on voit des juges qui sont plus soucieux de leur médiatisation que de faire leur travail. Alors, cela aboutit à une crise de l'institution judiciaire. Je crois qu'il est aujourd'hui important de rappeler les magistrats aux devoirs de leur charge."
Mais la crise, on y est. Alors, comment est-ce qu'on y remédie ?
- "Je pense qu'il va falloir réformer. Il faut enfermer les procédures d'instruction dans un cadre plus stricte et il ne faut pas hésiter - c'est ce qui se passe - à sanctionner les magistrats qui commettent des erreurs. Et que la presse, permettez-moi de vous le dire, ne se trompe pas : quand quelqu'un part, il faut regarder quelle est la vraie raison de son départ ou de sa mise en disponibilité. C'est trop facile de dire : "C'est parce que j'ai été l'objet de pressions". En réalité, le départ de ce magistrat est consécutif à sa déception d'avoir été sanctionné par ses propres pairs, parce qu'il a commis des fautes de procédure, parce que le juge est là pour appliquer la loi et non pas pour se faire plaisir ou faire de la politique !"
On l'a noté....
- "On ne l'a pas noté : c'est le Code de procédure qui le dit !"
J'ai noté votre remarque. Je voudrais revenir sur la décision du Conseil constitutionnel d'annuler une des dispositions de la loi de modernisation sociale sur le licenciement économique. Là aussi, on entend beaucoup de critiques contre la décision du Conseil. Est-ce que l'institution est menacée, d'après vous ?
- "Il y a une tendance extraordinaire en France : lorsqu'une institution ne rend pas une décision qui vous satisfait, on demande sa suppression. Le Conseil constitutionnel, comme les magistrats, ne sont pas là pour "faire plaisir", ils sont là pour dire le droit ! Par conséquent, dans cette affaire précise, de quoi s'agissait-il ? Il s'agissait en fait d'interdire les licenciements économiques. Le Conseil constitutionnel s'appuyant sur la déclaration des droits de l'homme et sur la liberté d'entreprendre, a précisé et a sanctionné, et a censuré la disposition qui en fait portait atteinte à ce droit, à cette liberté d'entreprendre. Par conséquent, il a fondé juridiquement sa décision sur de bonnes bases. Par ailleurs, il a estimé que la procédure n'avait pas été respectée par le Gouvernement et qu'il n'y avait pas eu de dialogue social. Alors, la décision du Conseil constitutionnel, on peut la contester politiquement, mais juridiquement elle est fondée. Et je crois que ce serait une erreur de jouer avec les institutions. Je note d'ailleurs que pendant 14 ans, lorsque monsieur Mitterrand était président de la République, les socialistes se sont parfaitement accommodé du Conseil constitutionnel, notamment lorsqu'il était dirigé par leur ami, R. Dumas."
Un mot sur le Medef, qui veut "interpeller", "harceler" les politiques comme ils disent. Est-ce que vous accepterez leurs suggestions ?
- "Non, je ne suis certainement pas le porte-parole du Medef. Le Medef et ses représentants ont le droit de dire ce qu'ils veulent. Moi, je suis un responsable politique et je n'ai à rendre compte que devant les Français."
Que répondez-vous à l'opposition qui dit que le Medef est la véritable opposition [sic] ?
- "Non, si le Medef veut faire de l'opposition et être l'opposition, les patrons n'ont qu'à se présenter aux élections."
Est-ce que J. Chirac doit se déclarer rapidement ?
- "A quoi ?"
A la candidature...
- "C'est de sa responsabilité. Je souhaite qu'il soit naturellement candidat et je souhaite pour la France qu'il soit élu Président, réélu président de la République. C'est l'intérêt des Français, c'est l'intérêt de la France. Et par conséquent, je ferai tout pour qu'il soit élu."
Au terme d'une campagne longue ou courte ?
"De la campagne nécessaire à bien montrer ce qu'est monsieur Jospin et montrer où est l'intérêt des Français."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 15 janvier 2002)