Déclarations de M. Hervé de Charette, ministre du logement, sur la politique du logement social et la gestion des HLM, Paris le 29 avril et Lyon le 19 juin 1993.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assemblée générale de la fédération des SA d'HLM à Paris le 29 avril 1993. 54ème congrès HLM à Lyon du 16 au 19 juin 1993

Texte intégral

Je tiens à remercier votre Président Jacques Berke de me donner l'occasion de m'adresser directement aux responsables des 340 sociétés anonymes d'HLM qui logent en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, 1 500 000 familles.

Vous venez, monsieur le Président, à partir d'une analyse précise de la situation de nous faire part de vos certitudes et de tracer les priorités que vous fixez aux sociétés aujourd'hui réunies en Assemblée générale.

Je vous ai écouté avec attention et j'ai pris bonne note des différents points que vous venez d'évoquer.

Vous savez d'ailleurs que monsieur le Premier ministre a dans son discours de politique générale donné une priorité au logement dans l'action gouvernementale.

En effet le logement traverse une situation de crise sans précédent, devenant aux côtés de l'emploi, l'une des préoccupations majeures des français.

De plus la crise du logement menace autant notre économie, le bâtiment jouant un rôle moteur dans l'industrie française, que la cohésion sociale de la nation.

Cette réalité, l'attentisme, l'absence de réaction même que la France a connu ces dernières années, nous impose d'agir d'urgence mais aussi de repenser en profondeur la politique du logement.

Le gouvernement y travaille. Dans les jours qui ont suivi mon arrivée au ministère, j'ai reçu l'ensemble des "acteurs" du logement et j'ai fait des propositions à monsieur le Premier ministre.

Dès la semaine prochaine, le Gouvernement aura arrêté des mesures qui, dans la situation financière très difficile de notre pays visent à développer la cohérence, l'efficacité et l'équité :

1°) Il s'agit d'abord de lutter contre l'exclusion par le logement

Cela concerne en premier lieu l'hébergement des sans-abris, ce qui suppose à la fois de disposer rapidement d'hébergements temporaires et, à la sortie, de logements d'accueil.

J'attache beaucoup d'importance à ce que les associations caritatives et les acteurs locaux disposent de moyens nouveaux très rapidement.

Je compte sur vous pour jouer un rôle déterminant dans cette lutte contre l'exclusion qui doit marquer la législature.

2°) Un effort pour le logement locatif social et pour le logement intermédiaire est ensuite indispensable

En effet le manque de cohérence et l'insuffisante efficacité de l'intervention de l'État au cours des dernières années a conduit à une tension sur le locatif social aggravée par la réduction du parc privé et par l'abandon de l'accession sociale à la propriété. Il existe partout des besoins aussi bien en ville qu'en zone rurale.

Il convient de mettre en œuvre rapidement et dans un souci constant de qualité les programmes de logements PLA et intermédiaires.

Je vous demande là encore de vous mobiliser efficacement.

3°) Nous devons aussi redonner toute sa place et tout son sens à l'accession sociale à la propriété

C'est le secteur qui a été le plus touché ces dernières années. Les PAP sont trop peu nombreux et ils ne répondent plus à l'attente de nos concitoyens en raison de leur taux élevé et d'un plafond de ressources trop bas.

Or l'accession sociale est l'un des premiers besoins des français que l'État doit satisfaire. C'est aussi une exigence pour permettre au patrimoine HLM locatif de répondre à sa mission, en favorisant la mobilité des locataires.

Je souhaite un effort important sur le volume des PAP en 1993.

Mais l'accession sociale ce n'est pas seulement le logement neuf ; c'est aussi le logement ancien. Les prêts d'accession sociale garantis par l'État existent depuis quelques jours.

Ils doivent permettre aux français qui le souhaitent d'acheter une maison ou un appartement ancien avec un moyen de financement bien adapté.

4°) Il faut enfin favoriser, par une fiscalité adaptée et stable, l'investissement dans l'immobilier soit pour se loger soit pour loger d'autres familles

J'en parle devant vous parce que le logement n'est pas uniquement le domaine de l'État ou des HLM, c'est aussi l'affaire de tous les français. Nous ne réglerons définitivement le problème du logement en France que si le parc social et le parc privé, qui comporte d'ailleurs aussi des logements sociaux, se développent tous les deux de façon cohérente.

Vous le voyez, le Gouvernement est en train de prendre ses responsabilités et je pense que la barre des 300 000 logements sera à nouveau atteinte cette année.

J'assumerai, de la même façon, chaque fois ma responsabilité :
– être à l'écoute de vos difficultés, de vos problèmes et y répondre chaque fois que l'intérêt général le commande ;
– mais aussi vous mettre en mesure de gérer de manière responsable votre patrimoine.

C'est pourquoi je suis décidé à ouvrir immédiatement avec vous une large discussion sur les différents sujets que vous avez abordés tout à l'heure.

Ma conception du rôle de l'État est qu'il lui revient de définir des moyens et des règles claires et simples qui permettent aux différents acteurs d'exercer leurs responsabilités, en proposant les adaptations locales nécessaires.

Je souhaite, dans ce sens, ouvrir le dossier de la modulation locale des aides de l'État en examinant les différents outils de contractualisation qui existent déjà mais qu'il faut peut-être simplifier.

Si par contre un acteur n'accepte pas de remplir pleinement sa mission, l'État doit alors immédiatement lui rappeler son rôle puis si nécessaire le sanctionner.

Je sais combien vous êtes attachés à votre mission, vous venez d'ailleurs de me le confirmer à l'instant.

Aussi je suis décidé à apporter des réponses à vos attentes.

Vous m'avez saisi, avec les autres familles du mouvement HLM, des difficultés d'application d'une récente circulaire de mon prédécesseur qui définit le rôle des locataires dans les opérations de réhabilitation.

Je suis très attaché à la participation des locataires dans l'élaboration de leur cadre de vie. Mais, j'ai compris qu'il y avait un vrai problème.

C'est pourquoi je vous propose de reprendre ce texte et de me faire d'ici la fin du mois de mai, en concertation avec les organisations de locataires, des propositions de modification.

Pendant cette période je donnerai toutes instructions à mes services pour faciliter la mise en œuvre des programmes à l'étude.

Vous avez aussi évoqué les rigidités rencontrées pour le financement, par la Caisse des Dépôts et Consignations, de vos opérations nouvelles.

Je souhaite qu'une solution rapide soit trouvée. Il me paraît, en particulier, nécessaire que les rôles de chacun soient clairement définis.

Il est bien sûr légitime que la caisse des dépôts et consignations qui assure le risque du prêteur étudie la situation des organismes et examine le financement des opérations.

Mais c'est à l'État qu'il revient, de prendre la décision et personne ne doit pouvoir la remettre en cause. J'ai demandé au Directeur de l'Habitat et de la Construction de veiller à la stricte application de ce principe simple.

Au plan local, il appartient au Préfet et au Directeur Départemental de l'Équipement, de s'assurer du respect des grands équilibres puis d'autoriser le programme envisagé.

Lorsqu'une société ne leur paraîtrait plus en mesure de poursuivre normalement sa mission de construction ils devront alors m'en saisir et je rechercherai avec vous toutes les solutions susceptibles de modifier cette situation.

Vous avez également souhaité l'abrogation du décret trésorerie. Je considère avec vous que la question se pose.

Il me parait en particulier que ce décret pourrait être très assoupli en contrepartie d'un effort en matière d'entretien du parc et d'une forte politique sociale.

Ce ne sont là que des exemples, la nature de ces contreparties devra bien entendu être discutée avec vous.

Vous avez enfin exprimé la volonté de pouvoir intervenir dans le secteur libre, par le biais de filiales fiscalisées. Je suis prêt là encore à examiner rapidement cette question mais j'ai cependant une inquiétude.

Faut-il encore que la création de telles filiales ne soit-elle pas de nature à remettre en cause l'originalité et l'efficacité, reconnues unanimement, de l'outil du logement social en France ? En effet, l'objet principal de vos sociétés doit rester le logement locatif social, le logement intermédiaire et l'accession sociale à la propriété.

Vos organismes ont un projet ambitieux et complet. Je suis prêt à examiner avec vous comment lui donner toute sa dimension.

Mais je voudrais également vous proposer de réfléchir avec l'ensemble du mouvement HLM sur quelques grands sujets :
– le droit pour un locataire d'acheter son logement HLM ;
– la nécessité de payer un complément de loyer lorsque la situation personnelle du locataire l'exige et que l'équilibre social du parc et la demande de logements le permettent ;
– la réhabilitation des quartiers dégradés ;
– la reconstruction d'un parc locatif social en zone rurale ;
– la simplification et la décentralisation des procédures.

Je ne veux pas terminer ces propos sans m'arrêter tout particulièrement sur la politique du logement dans les Départements d'outre-mer.

Il s'agit d'une préoccupation essentielle que je souhaite partager avec les élus et les organismes.

Cette législature doit être aussi celle du logement dans les DOM.

C'est pourquoi je vais demander un bilan complet des besoins en logement, de la part respective entre le locatif et l'accession, des aides aux familles et à la pierre, du résultat et de l'efficacité de la résorption de l'habitat insalubre mais aussi de la situation des opérateurs.

Pour conclure, je crois vous avoir montré que je veux faire face pleinement à mes responsabilités, en contrepartie j'en appelle à votre responsabilité de gestionnaire vous devez loger toutes les familles et d'abord les plus démunies d'entre elles.

J'en appelle aussi à votre responsabilité de constructeur : vous devez assurer la mise en chantier de tous les logements financés cette année et je vous demanderai de participer au Comité de pilotage du plan logement.

 

Samedi 19 juin 1993

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

C'est pour moi un grand honneur, et en même temps, un réel plaisir que de clôturer avec vous, Monsieur le Président, les travaux de votre 54e congrès.

Ce n'est ni la coutume, ni la tradition républicaine qu'un ministre s'exprime après le Premier ministre dans une manifestation publique. Je n'avais donc pas prévu de le faire. Mais vous avez insisté. Le chef du Gouvernement n'y a pas fait d'objections, et je suis donc très heureux de rendre aujourd'hui hommage à toutes les branches réunies du mouvement HLM.

N'y voyez de ma part ni malice, ni prétention : j'ai le sentiment de partager avec vous le bonheur de vivre ce que c'est qu'une belle et vieille famille française comme toutes ses consœurs, la vôtre est nombreuse, évidemment diverse et composite. Comme toutes, elle a ses divergences et il arrive que chacun s'y regarde du coin de l'œil. Mais comme toutes, elle a son histoire qui la fonde, ses solidarités qui la rassemblent, sa fierté qui la réunit.

Et lorsque, de l'extérieur, vient une menace ou une critique, la famille se resserre et de ressoude. Et elle n'aime rien autant que de se retrouver et de se fêter elle-même. C'est ce que vous faites aujourd'hui. Vive donc la famille HLM.

Nous partageons ensemble le privilège d'une tâche exaltante : nous avons, chacun dans notre rôle, à répondre à ce besoin fondamental qui est de bien loger les Français.

Vous mesurez pleinement, je le sais ce que veut dire : bien loger les Français.

En premier lieu, cela veut dire le faire en tenant compte des ressources de chacun. Notre mission commune est d'abord d'ordre social. Les familles modestes, mais aussi les déshérités et les sans-abri ont droit à notre sollicitude. Notre objectif commun, c'est qu'il n'y ait plus d'exclus du logement dans la société française.

Cette vocation sociale, c'est je vous le rappelle, notre premier devoir. Il faut y revenir chaque jour, parce que chaque jour, dans les sociétés humaines, la main cachée de l'injustice défait l'ordre que les sociétés s'efforcent de bâtir.

Mais bien loger les Français, c'est aussi veiller à la qualité de leur logement. Après la guerre et jusque dans les années 60, l'urgence et l'ampleur des besoins a conduit à faire vite et beaucoup. Force est bien de reconnaître aujourd'hui que cette politique a eu beaucoup de conséquences négatives qu'il faut réparer à grands frais, sans compter celles, irréparables, qu'ont supporté de trop nombreuses familles. La décennie 90 devra voir s'achever la rénovation et, parfois, la destruction des immeubles qui ont désolé nos villes et nos banlieues.

Car, je dois vous le dire, loger c'est aussi aider et, parfois, apprendre à vivre en société. Je souhaite, et je sais que c'est aussi votre ambition, que le logement social ne s'estime pas dispensé de la recherche de l'harmonie et de la beauté en architecture.

L'histoire des hommes nous montre que c'est d'abord dans la noblesse de l'art de construire que s'exprime le plus durablement les plus hautes civilisations. Est-ce trop demander, est-ce rêver devant vous que d'ambitionner qu'en cette fin de siècle le logement social, qui concerne désormais 1 français sur 5, attire à lui les meilleurs architectes, les urbanistes les plus talentueux, les spécialistes les plus compétents de l'aménagement intérieur ?

Nous ne sommes pas là pour construire du béton inhumain le long des voies ferrées et des autoroutes. Je vous demande de déclarer la guerre au "social-béton" et d'ouvrir les portes d'un nouvel humanisme du logement.

I. – La réponse du gouvernement à la crise : une politique du logement ambitieuse pour la France

Nous sommes, vous le savez, confrontés à une crise d'une gravité sans précédent qui provient de raisons conjoncturelles mais aussi structurelles. Le Gouvernement, et le Premier ministre vous l'a rappelé ici même hier, a fait, malgré les difficultés financières considérables du moment un effort d'une très grande ampleur. C'est la marque d'une grande ambition ma conviction est que nous devons avoir une grande ambition en matière de logement. À travers le logement, c'est aux conditions de vie de chacun de nos concitoyens que nous nous intéressons. Les enjeux sont donc de toutes natures.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des mesures du plan du Gouvernement en faveur du logement ; je vous rappellerai simplement ses quatre orientations : l'accession sociale à la propriété avec les 20 000 PAP supplémentaires inscrits au collectif, les mesures fiscales en faveur du retour de l'épargne vers la pierre, les aides en faveur de l'habitat ancien, et les mesures en faveur du logement social public puisque pour la première fois nous construirons plus de 100 000 logements sociaux.

Il s'agit d'un plan d'une très grande ampleur puisqu'il se chiffre en réalité à 10 MdF. 3,2 MdF ont en effet été inscrits au collectif pour les aides à la personne. Certes, il a fallu geler les barèmes des aides à la personne cette année, mais cette mesure ne sera en aucune façon reconduite l'année prochaine, il faut bien voir que les crédits qui étaient inscrits dans le budget que j'ai trouvé en arrivant ne permettaient pas de payer les aides à la personne jusqu'à la fin de l'année. Ma première préoccupation a été bien entendu de veiller à ce que cela soit possible.

Les mesures en faveur du logement ne répondent pas seulement à une situation d'urgence. Elles tracent les perspectives d'une politique du logement très sensiblement différente de celle qui a été conduite depuis une bonne dizaine d'années. Les priorités du Gouvernement pour les années à venir seront donc les mêmes :
– la relance de l'accession sociale à la propriété ;
– le retour des français vers l'investissement pierre ;    
– la poursuite du développement harmonieux du parc locatif social.

Je vous appelle à y contribuer de façon active :

1. Ma conviction est que vous avez un rôle à jouer dans l'accession à la propriété. Je vous appelle à jouer ce rôle et à le développer. 20 000 PAP supplémentaires ont été programmés portant à 55 000 le programme de l'année 1993. Vous m'avez indiqué, monsieur le Président, que le relèvement des plafonds des PAP ne Vous paraissait pas suffisant. Le Premier ministre, hier, nous a invités, les ministres de l'Économie du Budget et moi-même, à mener une réflexion approfondie sur les différentes modalités qui permettent aujourd'hui à nos concitoyens d'accéder à la propriété. J'y suis très déterminé pour ma part mais il faudra pour cela, bien sûr, un peu de temps.

Je plaiderai pour ma part en faveur d'une augmentation des plafonds de ressources pour l'accession sociale à la propriété.

2. Vous êtes également et principalement concernés par la décision de mettre en place 11 000 PLA supplémentaire, c'est-à-dire une augmentation très significative d'un programme qui se situait déjà à un niveau élevé. Aucun gouvernement n'a fait, depuis longtemps un effort d'une pareille ampleur en faveur de la construction de logements locatifs sociaux.

Mais il ne suffit pas que tout cela ait été décidé. Il faut maintenant que les chantiers démarrent. J'ai mis en place avant hier un comité de pilotage destiné à suivre de près à tout moment l'évolution de la mise en œuvre du plan. Vous avez été tout naturellement convié, monsieur le Président, à y participer. Mon souci est que les difficultés pratiques rencontrées par les partenaires soient repérées et levées, que tous les circuits administratifs dont la logique propre n'est pas toujours celle de la plus grande rapidité soient sans cesse aiguillonnés.

Je compte beaucoup sur vous. C'est à chacun d'entre vous qu'il appartient dès maintenant au sein de son organisme de proposer et de monter des projets fiables et ambitieux de construction de logements. Proposez, travaillez, construisez et vous participerez à l'effort de mobilisation du pays non seulement en faveur du logement social, mais aussi en faveur de l'emploi. Votre devoir est de transformer au mieux et le plus rapidement possible les crédits obtenus en logements pour nos concitoyens. Dans mon esprit il s'agit aussi bien de nos concitoyens qui vivent en ville que ceux qui vivent en milieu rural : j'ai demandé d'ailleurs aux Préfets de veiller particulièrement à la satisfaction des besoins dans nos communes rurales.

Je compte particulièrement sur vous pour monter des projets de PLA d'insertion. Je sais que cela est plus difficile, mais la difficulté ne doit pas être une raison de baisser les bras, mais de redoubler d'effort.

Bien entendu, ces perspectives doivent s'inscrire dans la durée. L'investissement immobilier est un investissement lourd, de long terme. Mais ce qui important, c'est que la direction soit tracée.

II. – Les missions des HLM évoluent

Vous avez orienté les réflexions de votre congrès sur les thèmes missions et métiers HLM. Je suis frappé en effet des changements auxquels vous êtes confrontés.

1. Les acteurs du logement

Je suis très impressionné par l'ampleur de votre mission sociale quand je considère qu'en logeant 11 millions de français c'est en fait une famille sur cinq que vous accueillez. C'est dire la place que vous occupez désormais. De fait, pas un quartier de grande agglomération, pas une ville, n'a son immeuble ou ses logements HLM. Vous êtes devenus un des principaux acteurs du logement en France, au fur et à mesure que les investisseurs se retiraient de l'investissement locatif. Cette régression du secteur locatif privé a eu pour première conséquence de précipiter à vos portes bon nombre de nos concitoyens.

J'ai ces derniers mois entendus plusieurs d'entre vous parler de la paupérisation de vos locataires. Je crois qu'il faut dans votre constat distinguer deux éléments : la crise économique grave que nous connaissons et la progression du chômage, qui sont la préoccupation majeure du Gouvernement, se répercutent en quelque sorte naturellement chez vous comme ailleurs.

Mais il y a aussi l'évolution voulue du peuplement des HLM par rapport à celle de l'ensemble de la population française : c'est vrai qu'il existe aujourd'hui une plus forte proportion de personnes aux revenus modestes dans les HLM qu'il y a une quinzaine d'années et, pour tout dire, je crois que cette évolution est normale. Mais elle soulève en effet des problèmes nouveaux et appelle des réponses nouvelles. En d'autres termes vous êtes confrontés à une évolution de votre métier.

Mais, d'autre part, j'entends vous laisser ou vous rendre votre pleine responsabilité, organisme par organisme, en matière de loyers.

Je parlais à l'instant de diversité du peuplement HLM. Ceci m'amène à vous préciser ma pensée sur un sujet qui me tient à cœur et que vous avez évoqué, Monsieur le Président. Il s'agit de l'attribution des logements.

Il est normal que les maires, responsables de la gestion de leur commune, qui doivent prévoir les équipements collectifs, faire face à l'aide sociale etc. fassent valoir leur légitimité à se préoccuper des attributions de logements. Ils sont forcément impliqués dans ce qui constitue un élément fondamental de la vie de la cité. Mais votre légitimité, en tant qu'organismes gestionnaires, n'en est pas moins forte pour autant et je ne la méconnais en aucune manière. Le tout est de trouver les modalités de travail, les procédures aptes à respecter chacune de ces deux légitimités. Je vous propose de nous mettre au travail.

Je rendrai publique dans les prochains jours la composition du groupe de travail chargé de me faire des propositions. Vous y serez bien sûr associés et je ne doute pas que nous trouverons ensemble une solution juste et raisonnable à cette question.

III. – Votre succès dépendra de la qualité de votre gestion

Je viens d'évoquer longuement vos missions. Mais soyons clairs plus votre gestion sera de qualité et efficace, plus vous serez en mesure de répondre à votre mission proprement sociale.

Je sais que, faute de réévaluation régulière des plafonds de revenus pratiqués à l'entrée des HLM, une part plus faible qu'autrefois de la population française a le droit de postuler à l'entrée dans un logement HLM 60 % contre 80 % il y a une quinzaine d'années. Mais la situation est très différente selon les régions et appelle donc une approche circonstanciée : il faudra certainement faire quelque chose dans la Région parisienne où l'écart entre le niveau des loyers du logement social et le marché libre est considérable. Mais il faut aussi agir avec prudence afin de ne pas accroître les files d'attente et de ne pas léser les familles les plus modestes.

1. Les acteurs de la politique de la ville

La diversité du peuplement, c'est-à-dire l'équilibre social dans les HLM est souhaitable. C'est, je crois une des conditions du succès pour éviter les situations très difficiles que nous connaissons dans certains quartiers et dont il a beaucoup été question au cours de ce congrès.

Mais en même temps il n'est pas normal que ceux dont les revenus n'appellent pas d'aide particulière de l'État bénéficient d'une solidarité nationale qui ne leur est pas destinée. C'est pourquoi la notion de taux d'effort me paraît être la bonne approche pour harmoniser les situations particulières. Je vous invite, monsieur le Président, à mettre en commun nos réflexions dans cette perspective.

Mon objectif est double : d'abord je suis prêt à définir avec vous une ligne commune, des objectifs et des attitudes concertées.

2. Une gestion humaine de proximité

Ce n'est pas à vous que j'apprendrai par exemple le rôle fondamental que peut jouer la présence dans vos immeubles de gardiens bien formés et compétents, leur rôle de prévention sociale par la proximité qu'ils ont avec les locataires et leur rôle économique. Je voudrai rendre à cette occasion hommage à ces hommes et à ces femmes qui sont tous les jours auprès de vos locataires, attentifs à leurs soucis et plus particulièrement à ceux qui quotidiennement contribuent à redonner un visage humain aux quartiers difficiles.

3. La politique d'entretien

Vous savez bien qu'un entretien correct et régulier épargne une bonne part des travaux lourds et difficiles qu'il faut entreprendre ensuite. Les efforts que vous avez accomplis ces dernières années sont considérables.

Vous avez également entrepris dans le même temps et avec l'aide de l'État, des travaux de réhabilitation du patrimoine. Les travaux récents d'évaluation des réhabilitations ont montré à la fois les améliorations à apporter à la mise en œuvre de ces réhabilitations et les besoins encore réels qui subsistent. Je défendrai donc les moyens qui s'y attachent parce qu'il s'agit de rattraper un retard accumulé pendant de très nombreuses années.

Mais dans le même temps et pour l'avenir je vous invite à faire en sorte que le même retard ne s'accumule pas pour les générations de logements récents. En d'autres termes, l'arbitrage actuel sur la ligne fongible, très favorable à la PALULOS, ne peut constituer une orientation durable. Les besoins en logements neufs, les files d'attente que vous connaissez hélas bien, nous incitent à favoriser la construction neuve et vos préoccupations de gestionnaires des deniers publics doivent vous conduire à ne pas laisser se reproduire des situations de dégradations du patrimoine immobilier obligeant l'État à payer une deuxième fois un même logement 25 ans après.

Vous avez soulevé monsieur le Président, à propos de travaux de réhabilitation, le problème des conditions de consultation des locataires. Je suis conscient des difficultés. Le Président de la Commission nationale de concertation à qui j'avais demandé de reprendre les travaux de cette commission sur la consultation des habitants à l'occasion de la réhabilitation afin de tenter de rapprocher les points de vue à propos de la circulaire du 30 décembre 1992, m'a fait part de son sentiment qu'un tel rapprochement négocié n'était pas possible dans un délai raisonnable, Je vous annonce que j'ai demandé à mes services de préparer dans les plus brefs délais un nouveau texte dans l'esprit suivant : respect du principe de consultation des locataires mais simplification du dispositif. Ce texte sera présenté à la Commission nationale de concertation dans les prochaines semaines.

4. La politique des loyers

Vous me faites part de votre inquiétude quant à la revalorisation des plafonds de loyers dès lors que l'indice du coût de la construction sera cette année voisin de zéro.

Je viens d'ouvrir le dossier de la politique des loyers : je suis frappé de découvrir que là comme ailleurs il n'est pas possible de raisonner globalement tant les situations locales sont diverses.

Mon intention n'est pas de bouleverser les évolutions observées ces dernières années : je veillerai à maintenir l'équilibre entre votre souci naturel de bailleur d'équilibrer vos charges et la nécessité de ne pas accabler vos locataires par des hausses de loyer inconsidérées.

Ensemble nous ferons en sorte que l'évolution des loyers soit gérée au plus près des réalités, à ce qu'elle tienne compte des ressources des locataires et à ce qu'elle s'adapte aux circonstances de temps et de lieu.

5. Une gestion financière dynamique

a) J'avais dit il y a quelques semaines à ceux qui étaient présents lors du congrès de la fédération des SA HLM que j'étais prêt à étudier ce qu'il était possible de faire concernant le décret trésorerie. Vous avez entendu le soutien qu'apporte le Premier ministre à cette démarche, mais aussi les conditions nécessaires pour qu'elle aboutisse. Vos propositions d'utilisation de la trésorerie devront clairement bénéficier à la reconstitution des fonds propres, à la construction et à l'entretien du parc social.

Je ne veux pas en dire plus aujourd'hui, mais je souhaite que nous réglions cette affaire dans les meilleurs délais, en tout cas avant la fin de l'automne prochain.

b) J'en viens enfin à un sujet qui me tient à cœur et qui, je le sais, suscite de votre part beaucoup de réserves, je veux parler de l'acquisition par les locataires de leur logement. C'est à dessein que je le classe sous la rubrique de la gestion financière.

Vous vous souvenez que la loi de 1965 le prévoyait. D'autres pays l'ont mis en œuvre. Je suis conscient des difficultés que cela peut poser et je comprends bien les réticences que vous manifestez. Mais je l'aborde dans un esprit constructif et dynamique : le moyen pour vous de recycler les fonds publics dans un nouvel effort en faveur du logement social ; il est donc normal dans mon esprit que le produit de ces ventes profite à l'organisme HLM pour la réalisation de nouveaux logements ou pour leur réhabilitation.

La vente des logements à leur locataire peut aussi être le moyen de favoriser la diversité sociale du peuplement des immeubles que vous construisez ; elle est aussi un moyen de fixer les populations dans leur quartier et un outil de l'accession à la propriété, bref un outil de cohésion sociale.

Il faudra bien entendu veiller à ce que la vente de logements s'effectue au profit d'accédants en mesure de participer normalement par la suite à l'entretien de la copropriété. Là comme ailleurs, je pense qu'il faudra exiger de l'acquéreur un apport personnel.

Mais il doit être possible d'avancer et j'ai confié à Monsieur ROBERT, inspecteur général de l'équipement, le soin d'animer un groupe de travail auquel vous serez associé et de me faire des propositions en ce sens.

Le Premier ministre a fixé notre méthode : elle sera pragmatique. Je me permettrai d'y ajouter ceci il faut que nous fixions un objectif quantitatif annuel. Ce sera notre débat.

Il me semble avoir évoqué de nombreux sujets. Je perçois comme vous les évolutions auxquelles vous êtes confrontés, à la fois fortes et rapides.

Tout nous appelle à travailler ensemble. Vous ne pouvez pas douter de l'appui que vous apportera le Gouvernement dans la poursuite de votre mission :
– qu'il s'agisse de la mobilisation des ressources du livret A : à propos duquel le Premier ministre vous a apporté les assurances que vous attendiez ;
– qu'il s'agisse de l'ampleur des efforts budgétaires que nous avons décidé d'engager durablement pour le logement de nos concitoyens,
– qu'il s'agisse de l'appui dont vous avez besoin pour mener à bien notre mission sociale éminente au cœur de nos villes et de nos quartiers.

Vous avez proposé, monsieur le Président, une méthode en parlant d'un contrat d'objectifs. J'y suis pour ma part, ouvert.

Je vous donne mon accord pour que nous y travaillions ensemble dans les mois à venir. Un tel contrat permettrait de renforcer nos liens, de faire dès maintenant des HLM le premier partenaire de l'État.

Ce contrat pourrait traiter :
– de la politique de la qualité du logement social ;
– des nécessaires simplifications et allègements de la réglementation, beaucoup trop complexe, qui nous accable ;
– de la vente des logements sociaux ;
– des objectifs en matière de PLA d'insertion et de PLA adaptés ;
– des actions à prendre pour les sans-abri ;
– de la politique des loyers ;
– et de votre contribution à la relance de l'accession sociale.

Je confie au Directeur de l'Habitat et de la Construction la mission de rédiger un projet en ce sens qui vous sera soumis à l'automne.

Ensemble, nous devons poursuivre la haute ambition de doter la France d'une grande politique du logement. Celle que vous propose le Gouvernement s'inspire de nos traditions les plus fortes, mais elle sera profondément différente de celle qui a été conduite dans les années récentes. Elle ne laisse pas le mouvement HLM à l'écart : bien au contraire, je vous appelle à travailler la main dans la main au service de nos compatriotes.