Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre du budget et porte parole du gouvernement, sur la participation des communes à la maîtrise des dépenses publiques, et sur les principales mesures d'économies budgétaires envisagées, Paris le 18 novembre 1993.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 76e congrès de l'Association des maires de France (AMF) du 16 au 18 novembre 1993 à Paris

Texte intégral

Monsieur le président, 
Mesdames et Messieurs les maires,

Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui. À en juger par l'ampleur de l'assistance, par le nombre et la qualité des questions posées, par la vigueur de certaines interventions, j'ai le sentiment que les finances locales vous préoccupent tout particulièrement dans la situation actuelle des communes.

Pour résumer l'essentiel des interventions, vous craignez que les mesures du projet de loi de finances pour 1994 soient trop lourdes à supporter pour vos communes. Je voudrais replacer la démarche du Gouvernement dans son contexte d'ensemble avant de répondre à vos questions, questions que je me suis moi aussi posées.

Notre pays traverse, vous le savez, une crise économique dont l'ampleur est sans exemple comparable dans la période récente. La situation qu'a trouvé le Gouvernement lors de son installation, présentée notamment dans les travaux de la commission Raynaud, s'est révélée beaucoup plus mauvaise que ne le laissaient entendre les prévisions officielles. Les recettes ont été surévaluées de 124 Mds. Du côté des dépenses, elles avaient été sous-évaluées de 44 Mds.

La réduction de l'activité économique a également pour conséquence la contraction des recettes publiques. Les recettes de l'État sont en baisse de 3,5 % par rapport à 1992, qui s'inscrivait déjà dans un contexte de récession. En 1994, les recettes de TVA devraient être inférieures d'encore 6 Mds par rapport à celles prévues en 1992.

Cette situation nous a obligé à faire des choix pour préserver les priorités du budget 94 :

  • maîtriser la dépense pour dégager des marges de manœuvre en faveur des priorités du Gouvernement ;
  • réduire le déficit parce que réduire le déficit aujourd'hui permet d'éviter que l'impôt n'augmente demain ;
  • soutenir la demande grâce à l'allégement de l'IR et à différentes mesures sur l'épargne et la consommation ;
  • donner à l'État les moyens d'assurer les missions essentielles qui sont les siennes tout en étant le garant de la solidarité du pays.

Pour la première fois depuis très longtemps, les dépenses de l'État évolueront : un rythme nettement inférieur à celui des prix (près de la moitié). L'État réalisera 50 Mds d'économies pour n'augmenter ses dépenses que d'1,1 % contre 2 % pour les prix.

Lors du collectif de printemps, j'ai fermement repoussé l'idée de demander des économies aux collectivités locales en cours d'exécution de leur budget : ceci aurait probablement posé des problèmes insurmontables à certains d'entre vous.

En revanche, il n'est pas concevable, lorsqu'un effort général d'économies de 50 milliards est réalisé, de ne pas y faire participer les collectivités locales. Les concours financiers de l'État aux collectivités locales représentent en effet plus de 17 % des dépenses nettes de l'État et constituent l'un de ses principaux postes de dépenses.

Par ailleurs, vous savez tous que les dotations, et en particulier la DGF, ont été calculées en 1992 et surtout en 1993 à partir d'hypothèses de croissance tout à fait fantaisistes. En 92, le Gouvernement espérait une progression du PIB de 2,2 %, elle ne fut que de 1,2 % et en 1993, l'écart est encore plus frappant : + 2,6 % prévus contre - 0,8 % réalisés. Ces écarts ont conduit, sur ces deux années, à une dérive de la DGF par rapport à la réalité économique. La DGF a été augmenté d'une croissance fictive. Ainsi, la base de calcul de la DGF pour 94 qui est constituée par la DGF versée en 93, à laquelle on applique l'indexation inclut-elle dans son montant 4,4 points de PIB qui n'ont existé que dans les "bleus budgétaires".

Je n'ai pas souhaité revenir sur cette base et la recalculer de façon plus exacte. En effet, je pense qu'il est indispensable de réussir la réforme de DGF qui fait partie intégrante de la politique d'aménagement du territoire et qui vise à favoriser les communes rurales et urbaines qui connaissent le plus de difficultés. Comment préserver l'intercommunalité, comment lutter contre la désertification des campagnes, comment aider les banlieues en difficulté avec une DGF qui n'aurait pas augmenté ? Mais ceci constitue un effort très important du Gouvernement car les recettes fiscales, elles, suivent exactement la conjoncture économique et ont fortement baissé.

Le Gouvernement présente donc une série de 4 mesures d'inégale importance :

1. L'indexation de la dotation globale de fonctionnement et des dotations qui y sont associées sera modifiée pour rapprocher celle-ci de l'évolution sur longue période des recettes de l'État. L'État, comme tout le monde, ne peut pas donner plus que ce qu'il a, c'est une évidence. Or, sur une période de 10 ans (83-93), on constate que les recettes de l'État ont évolué à un rythme strictement égal à celui des prix, ce qui correspond au projet actuel du Gouvernement qui prévoit une indexation sur l'indice prévisionnel des prix. Cependant, la discussion fait apparaître que les collectivités locales ne veulent pas se trouver absentes d'une participation aux fruits de la croissance. Nous aurons l'occasion, au Sénat, de rouvrir le dossier dans cette optique.

2. La seconde mesure prévoyait la désindexation de la dotation spéciale instituteur (DSI). Il ne faut pas la surestimer : cette dotation est en baisse constante du fait de l'intégration progressive des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles qui ne peuvent prétendre à l'allocation de logement des instituteurs. Pour autant, il faut tenir compte des charges que supportent les communes pour le logement des instituteurs, qui sont parfois lourdes. Le Premier Ministre a donc annoncé ici même l'intention du Gouvernement de revenir, au Sénat, sur cette désindexation.

3. La réduction d'un point du taux de remboursement du FCTVA a suscité beaucoup d'oppositions. Sur le fond, cette disposition est tout à fait justifiée : l'État ne peut rembourser que ce qu'il touche réellement. Or, la communauté européenne prélève une part des recettes de TVA perçue par l'État, pour financer notamment les fonds structurels. Sur les modalités en revanche, nombre d'élus locaux ont fait observer que l'application de la mesure en 1994 aurait conduit à frapper des investissements déjà réalisés. C'est tout à fait exact et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté un report de l'application de cette mesure.

4. La dotation de compensation de la taxe professionnelle vise à compenser l'abattement général des bases de taxe professionnelle. Pourquoi la réduire ? Je vous l'ai dit : l'effort important consenti sur la DGF obligeait le Gouvernement à trouver des compensations. La DCTP s'y prête bien. Calculée sur des bases de taxe professionnelle qui datent maintenant de 7 ans, elle est de moins en moins adaptée à la situation réelle des collectivités. Surtout, le système adopté, amélioré à l'Assemblée Nationale, permet de demander une contribution proportionnellement plus forte aux collectivités dont le produit de taxe professionnelle a beaucoup augmenté et d'exonérer de toute réduction les communes dont le produit a stagné.

Conscient des problèmes des collectivités locales, le Gouvernement fait preuve dans sa démarche d'ensemble d'esprit de dialogue, de modération et d'équité.

Depuis la présentation du projet de loi de finances, j'ai tenu à écouter toutes les remarques qui ont été faites. Lorsque celles-ci sont apparues fondées, le Gouvernement en a tenu compte. C'est le cas en particulier pour le FCTVA : il ne serait pas juste d'imposer une mesure qui s'appliquerait à des investissements déjà réalisés et il ne serait pas opportun de dissuader l'investissement. Il faut donc reporter l'application de cette mesure. En ce qui concerne la dotation de compensation de la taxe professionnelle, nous sommes arrivés à une répartition plus juste de l'effort global. Sur tous les autres sujets, je suis prêt à discuter, à examiner des propositions dès lors qu'elles respectent l'esprit général d'économie et de Justice qui anime le PLF.

La discussion a été constructive à l'Assemblée Nationale. Je ne doute pas qu'elle le sera également devant le Sénat dans les jours qui viennent sur des sujets comme l'indexation de la DGF ou la dotation de compensation de la taxe professionnelle par exemple.

Par ailleurs, je voudrais insister sur la modération globale de la démarche. Une économie n'est jamais facile à faire et c'est pourquoi je tiens, pour les collectivités locales comme pour l'ensemble du budget, à ce qu'elle reste à la portée des collectivités.

Avec le report de la mesure sur le FCTVA, les concours de l'État aux collectivités locales augmenteront l'an prochain de 1 milliard, soit 0,5 %. Cela peut déjà paraître beaucoup quand vos recettes fiscales tendent à baisser mais ceci démontre que les chiffres alarmistes de 15 % du produit des impôts locaux qui ont été agités par certains n'avaient aucun fondement.

Ce chiffre doit, de plus, être considéré en tenant compte de la diversification de l'effort de l'État. Je citerai pour mémoire, car cela ne concerne pas directement les communes, le mécanisme des prêts bonifiés en faveur de la rénovation des bâtiments scolaires avec une bonification de 5 points. L'augmentation importante des enveloppes de contrats de plan et de ville en est une autre illustration. Ainsi, les contrats de plan augmentent de 6 % par rapport à la génération précédente. Enfin, il ne faut pas voir le rôle de l'État que du côté des recettes : la baisse très forte des taux d'intérêt, amorcée depuis le mois d'avril, permet déjà et permettra à l'avenir aux communes d'alléger la charge de leur dette au fil des opérations de renégociation. L'économie potentielle que représente la baisse d'un point de taux d'intérêt s'élève à 4 milliards pour les collectivités locales.

La troisième caractéristique de la démarche du Gouvernement est la recherche de l'équité, sur laquelle je voudrais revenir tout spécialement devant les maires de France dont beaucoup sont élus ruraux. 36 000 communes, c'est autant de cas particuliers qu'il est difficile d'appréhender de Paris. Nous avons voulu faire en sorte que chaque commune bénéficie de dotations correspondant à ses moyens.

C'est l'esprit de la réforme de la DGF que j'ai déjà évoquée et qui, en particulier, rééquilibre cette dotation en faveur des bourgs ruraux dont le traitement antérieur était assez injuste. De même, la répartition des économies est soigneusement dosée. La réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle est proportionnelle à l'augmentation de la richesse des communes et celles qui n'ont pas connu de progression ne se verront appliquer aucun prélèvement. Pour éviter, par ailleurs, des prélèvements excessifs par rapport aux recettes fiscales, un plafonnement de la réduction à 2 % des recettes fiscales a été prévu au cours du débat à l'Assemblée Nationale.

En conclusion, je voudrais rappeler une nouvelle fois la réalité des chiffres : les concours de l'État aux collectivités locales s'élevaient à 252,7 milliards en 1993, ils atteindront, compte tenu du projet voté à l'Assemblée Nationale, 254 milliards en 1994.

Pour l'avenir, je souhaite que la confiance soit la règle dans les relations entre l'État et les collectivités locales, c'est l'objet même de la commission Delafosse créée par le Premier ministre : il s'agit de dresser un bilan objectif et complet des relations entre l'État et les collectivités locales. Nous disposerons donc au printemps d'un document de référence. Dans le même esprit, je souhaite que la question de la réforme de la fiscalité locale soit abordée car elle est incontournable mais qu'elle le soit à la condition que les élus locaux que vous êtes la souhaitent et y participent.