Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil National de l'Habitat,
Mesdames, Messieurs,
Nous nous retrouvons rassemblés nombreux aujourd'hui, et je souhaite à tous la bienvenue, pour cette Rencontre nationale. Elle a pour origine une proposition de Roger Quilliot, Président de l'Union Nationale des Fédérations des Organismes d'HLM faite lors du Congrès HLM de Lille de juin dernier, et qui exprimait l'attente d'un débat entre l'ensemble des partenaires impliqués dans la politique du logement.
Jean-Claude Gayssot, le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, a d'emblée retenu cette proposition car il nous semblait important de favoriser des échanges ouverts sur ce champ prioritaire de la politique du gouvernement, essentiel pour la vie quotidienne de nos concitoyens et au cœur de débats importants pour notre société. Le logement est l'affaire de chacun, - quoi de plus privé que l'espace de la maison ? - mais le logement qui fait la matière de nos villes, est aussi lourd d'enjeux économiques sociaux et politiques.
Lorsque la décision d'organiser cette rencontre a été prise, il nous a paru tout naturel de nous rapprocher du Conseil National de l'Habitat. C'est en effet l'instance au sein de laquelle siège l'ensemble des acteurs nationaux de la politique du logement. Associer le CNH à la préparation de cette journée, c'est prendre en compte le champ du logement dans sa diversité, c'est aussi lancer le débat sur des bases correspondant aux préoccupations des principaux acteurs du secteur.
Je remercie donc vivement Michel DELEBARRE, son président, ainsi que l'ensemble des membres du CNH pour leur participation très active à la préparation de cette journée, dans des conditions exigeantes de délais. Merci tout particulièrement aux rapporteurs membres du CNH qui ont accepté la lourde tâche de rédiger les rapports préparatoires des ateliers.
Avec l'implication du CNH, avec la contribution de participants aux tables rondes choisis pour leur expérience du terrain, avec une assemblée nombreuse et diversifiée, je pense que les conditions sont réunies pour que nous ayons une journée d'échanges riche et animée.
Cette journée est une étape dans une action et un dialogue avec les partenaires de la politique du logement, que Jean-Claude GAYSSOT et moi-même inscrivons dans la durée. Depuis un an, le gouvernement s'est mis activement au travail dans le domaine du logement, et les contacts ont été nombreux avec les acteurs du secteur, qu'ils soient nationaux ou locaux, à travers nos déplacements.
Les échanges et la concertation se poursuivront bien sûr au-delà de cette journée car la réflexion est ouverte et le travail engagé sur un ensemble de dossiers essentiels pour l'avenir de la politique du logement et de l'habitat.
La politique du logement est en effet confrontée à des enjeux majeurs auxquels nous devons collectivement nous efforcer de trouver des réponses. Permettez-moi un bref rappel du contexte économique et social dans lequel s'inscrit la politique du logement aujourd'hui.
Sur le plan économique, les taux d'intérêt réels positifs ont conduit mécaniquement à un renchérissement du coût du logement. Les plans de financement se bouclent aujourd'hui plus difficilement qu'hier, et les loyers apparaissent souvent bien lourds par rapport aux revenus des demandeurs de logement.
En termes budgétaires, la précarisation croissante de la population a entraîné une explosion des aides à la personne au moment où les aides à la pierre se réduisaient à la suite de la réforme de 1977.
Dans le domaine de l'habitat, nous héritons d'une urbanisation de tours et de barres, dont on mesure aujourd'hui l'absence d'urbanité, d'autant que la situation sociale s'est dégradée.
Enfin, nous assistons à une érosion continue du parc de logements à bas loyers tant privés que sociaux, qui se traduit par des difficultés croissantes d'accès au logement pour les ménages les plus démunis. Dans une société globalement riche, force est de constater que le droit au logement n'est pas encore une réalité pour tous.
Dans ce contexte particulièrement difficile, quelle a été notre démarche depuis un an ?
Vous la connaissez: j'ai eu l'occasion de l'exposer à de nombreuses reprises. En quelques mots, je dirais que notre démarche vise à donner à chacun la possibilité de se loger quelle que soit sa situation sociale et financière. C'est faire en sorte que le droit au logement puisse trouver une meilleure traduction concrète.
Pour cela nous nous sommes fixé trois objectifs :
1 - adapter l'offre de logements locatifs sociaux à la diversité des besoins,
2 - consolider l'accession sociale et l'investissement locatif,
3 - lutter contre l'exclusion par des dispositifs pérennes au-delà des solutions d'urgence.
Les moyens que nous avons mis en œuvre pour atteindre ces objectifs, vous les trouvez dans le budget pour 1998 et dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui vient d'être adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale.
Je ne citerai que les principales dispositions:
- un retour de l'aide à la pierre pour 35 000 des 80 000 PLA budgétés pour 1998, de façon à mieux adapter les loyers de sottie aux niveaux de ressources de locataires ;
- la relance des réhabilitations des logements sociaux, grâce à la baisse du taux de TV A sur les travaux de réhabilitation de ces logements, associée au maintien de subventions modulées ; le parc privé bénéficiant quant à lui d'une augmentation des crédits de l'ANAH et de la PAH.
- la revalorisation des aides à la personne qui se chiffre en milliards de francs, et le renforcement des crédits du Fonds de Solidarité Logement afin de mieux solvabiliser les familles les plus modestes face à leurs dépenses de logement...
L'effort de l'État s'est ainsi accru de 10% par rapport à 1997.
Par ailleurs d'autres mesures, plus ponctuelles dans leur objet mais très importantes par le nombre de familles concernées, sont intervenues afin de résoudre des situations bloquées jusqu'à l'arrivée du gouvernement. Je pense en particulier au réaménagement des prêts aidés à l'accession à la propriété (PAP), dont les charges de remboursement ont été stabilisées et dont les taux ont été plafonnés à 7 %, ce qui permettra de redonner des perspectives à des familles asphyxiées par le surendettement.
Enfin, le gros chantier sur lequel nous avons travaillé ces derniers mois, est celui de la préparation de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, actuellement en cours d'examen au Parlement.
Notre ambition à travers les dispositions de la loi est d'avancer sur la voie de solutions de fond, qui dépassent les réponses d'urgence à des situations d'urgence. Il s'agit de faciliter, pour des personnes défavorisées, l'accès à un logement stable et décent, qu'il soit du parc privé ou du parc social, cet accès pouvant dans certains cas intervenir après un processus d'insertion. La création des PLA d'intégration dans le budget pour 1998 relevait déjà de cette démarche.
Les mesures figurant dans le projet de loi ont ce fil conducteur. C'est le sens des dispositions concernant les attributions de logements sociaux. C'est le cas aussi des dispositions relatives à la prévention des expulsions pour les personnes de bonne foi, car il vaut mieux prévenir les ruptures par des mesures sociales adoptées à temps, que laisser des familles fragiles basculer dans la précarité totale.
Il faut lire également la taxation des logements restés vacants de façon durable et délibérée, dans ce contexte, et la comprendre comme une incitation supplémentaire pour les propriétaires à remettre leurs biens immobiliers sur le marché, dans des villes où le décalage entre la demande et l'offre de logements est criant.
Voilà les grandes lignes d'un an de travail ; mais de nombreux chantiers sont devant nous afin de répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de logement.
Pour cela, il nous faut poursuivre dans la voie de la diversification de l'offre et adopter une vision globale de l'économie du logement qui intègre la location et l'accession, le parc privé et le parc public, le neuf et l'ancien. Notre dispositif d'aide publique au logement doit prendre en compte cette exigence de pluralité de l’offre, tout en se fixant des priorités.
Plutôt que de décrire de façon détaillée les chantiers ouverts, je préfère évoquer les préoccupations auxquelles ils répondent, les questions de fond qu'ils soulèvent à mes yeux, dans la perspective des débats de cette journée.
Notre première préoccupation est celle d'une meilleure mobilisation du parc privé pour faire face aux besoins de logement dans leur diversité, y compris sociale.
Je pense à ce titre d'abord au chantier de l'accession sociale. Globalement chacun s'accorde à reconnaître la nécessité d'une aide publique permettant de satisfaire cette demande sociale. Se pose alors le problème de son financement dans la durée puisque le dispositif actuel n'a pas de financement prévu au-delà du 31 décembre 1998. Se pose également la question de fond de l'adaptation de nos aider à un contexte socio-économique difficile qui rend le problème de la sécurisation aussi important que celui de la solvabilisation. C'est sur ces bases que nous travaillons. Des expériences innovantes existent en ce domaine ; j'espère que les travaux de ce jour permettront d'en tirer des enseignements.
Le second enjeu du parc privé est celui de la reconnaissance de la fonction économique et sociale du bailleur. Quels types d'incitation peuvent correspondre à cet objectif ? Quel équilibre entre objectifs économiques et objectifs sociaux ?
Comme vous le savez, l'option sur laquelle nous travaillons est celle d'un statut du bailleur privé, pérenne et équilibré, soucieux d'une bonne fin sociale. Je ne doute pas que les débats de l'atelier consacré au parc privé seront animés sur ces questions de fond.
Notre deuxième série de préoccupations porte sur le parc public. Avec près de quatre millions de logements, nous disposons là d'un outil majeur pour répondre à la demande sociale.
Assurer le droit au logement dans la mixité, comme l'a affirmé l'Union des HLM à son congrès de Montpellier, telle est la vocation du logement social pour aujourd'hui et pour demain. Comment à travers l'ensemble des outils d'intervention publique, qu'il s'agisse des aides financières, de la réglementation, du conventionnement, contribuer à cet objectif ?
C'est le sens des actions que nous avons engagées dans le budget pour 1998, et aussi dans le cadre de l'accord signé fin décembre avec l'UNFOHLM sur le nouveau conventionnement et la remise en ordre des loyers
C'est le sens également des dispositions du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions que j'évoquais tout à l'heure ainsi que des mesures en matière de plafonds de ressources et de surloyers qui ont été annoncées ou votées lors de la première lecture de la loi.
Je pense qu'il y a en ce domaine des réflexions de fond à avoir sur nos outils d'intervention, sur le rôle majeur qui peut être celui des collectivités locales et d'autres acteurs, sur les moyens de faire baisser la quittance pour les ménages les plus modestes, sur les conditions dans la durée d'une mixité sociale et urbaine.
Sur ce dentier point, je suis heureux de la présence de Claude Bartolone à notre table ronde de l'après-midi car je suis persuadé que la politique de la ville peut nous aider à apporter des réponses de fond à ces questions de mixité qui ne se limitent pas à une affaire de niveau de ressources.
C'est par des politiques fines de l'habitat, des démarches de requalification urbaine, un travail sur le lien social et surtout par des actions concrètes permettant d'améliorer la vie au quotidien que nous parviendrons à faire reculer des comportements de rejet et de repli qui menacent notre démocratie.
L'amélioration réelle des conditions de vie au quotidien passe par une meilleure écoute des besoins et des attentes de nos concitoyens. C'est en répondant mieux à leurs aspirations que nous ferons reculer ceux qui cherchent des boucs émissaires à toutes leurs difficultés. Je pense que c'est l'un des enjeux majeurs de la participation des habitants qui sera évoquée dans le troisième atelier de celle matinée.
Voici les questions fondamentales qui guident notre action et je ne doute pas que les débats de la Rencontre nationale seront de nature à nous apporter matière à réflexion et action.
Avant de vous laisser à vos travaux, permettez-moi de remercier encore le Conseil National de l'Habitat et son président, et tous ceux qui ont accepté de participer à cette journée.