Texte intégral
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mes chers collègues,
Nous voici arrivés au terme, ou presque, de la première session de la XIe législature, même si un certain « complément » de séances est prévu dans les jours qui viennent, que ce soit ici ou à Versailles.
Nous avons siégé, depuis juin dernier, environ 1 000 heures dans l’hémicycle, c’est-à-dire à peu près le même temps que d’habitude, et pourtant cette première année a paru à la fois particulièrement riche et assez lourde pour notre assemblée : c’est la règle lorsqu’une nouvelle majorité accède aux responsabilités. Cela tient aussi à la nature des textes examinés, qui ont été souvent majeurs.
J’avais souhaité, en juin 1997, davantage d’initiative, davantage de contrôle, davantage d’ouverture de la part de notre assemblée. Un an après, même s’il reste beaucoup de progrès à accomplir, je pense que nous avons avancé dans cette direction et je voudrais formuler à cet égard quelques brèves remarques, après avoir remercié chacune et chacun de vous de son action et de sa bienveillance constante envers la présidence, remercié la presse qui suit attentivement nos travaux, et remercié particulièrement, en notre nom à tous, pour sa compétence et son dévouement, tout le personnel de notre assemblée.
La nouvelle majorité a, comme il est normal, défini ses priorités d’action à partir du discours de politique générale du Premier ministre. Les principaux thèmes ont trouvé depuis lors une traduction dans la loi : le social a constitué un aspect central de notre activité. Deux des premiers textes, et des plus marquants, que nous avons examinés ont porté sur l’emploi et sur le travail, le dernier sur les exclusions. Les lois votées ont été diverses et souvent très importantes, mais c’est, je crois, une première session principalement sociale que nous avons connue.
Pour autant, en élargissant mon propos et en me faisant l’écho de beaucoup d’entre vous, je considère que notre pays a des lois trop nombreuses et souvent trop longues. Même s’il peut paraître paradoxal d’affirmer cela dans cette enceinte, il serait bon, à mon sens, que pour l’avenir nous nous mettions en situation de légiférer peut-être un peu moins, et de vérifier un peu plus la bonne application de nos lois.
Ma deuxième remarque, c’est que, comme cela est d’ailleurs la règle dans toute démocratie, notre assemblée s’est divisée sur beaucoup de textes. Néanmoins, la discussion n’est pas le déchirement. L’humour, voire le sourire, ne sont pas totalement interdits par nos règlements.
Ne serait-il pas possible que, nous qui agissons en direction du public vers lequel nous nous ouvrons utilement de plus en plus, nous qui multiplions le recours aux technologies nouvelles – je vous signale, chiffre impressionnant, que le nombre de pages consultées sur le site Web, qui était de 200 000 en avril 1997, s’élève maintenant à 1 300 000 par mois – nous essayions de changer aussi certains de nos comportements ? En disant cela, je me garde évidemment de donner la moindre leçon, mais je songe en particulier à nos séances du mardi et du mercredi, déroutantes pour beaucoup de ceux qui nous regardent, parce qu’il s’y introduit parfois, ai-je cru remarquer, une certaine dose de chahut. Nous savons que ce n’est pas toujours un bon exemple, en particulier pour nos jeunes concitoyens. Est-il possible d’améliorer cela ? Je pense que oui, mais cela dépend de nous tous.
Ces douze mois ont incontestablement – et je viens là à l’essentiel – replacé l’Assemblée nationale au cœur de la vie publique. Les circonstances politiques nous y ont aidés : en période de cohabitation, nous savons par expérience que la République se redécouvre volontiers parlementaire.
Le caractère pluriel de la majorité y a contribué ainsi que l’action de l’opposition.
Cette situation provient également de la disponibilité du Premier ministre et du Gouvernement, que je remercie d’avoir « joué le jeu » parlementaire.
Ce retour vers l’Assemblée s’est accompagné d’une session unique aménagée pour mieux fonctionner. Ainsi, toutes statistiques faites, les mardis, mercredis et jeudis ont représenté plus de 80 % de nos jours de séance, les neuf vendredis réservés aux initiatives parlementaires constituant une large part du reste. Les moyens des commissions et des offices ont été renforcés, mais, à mon sens, encore trop peu. Un doublement de l’initiative parlementaire a été opéré qui a abouti, ce qui est tout de même appréciable, à ce que, sur 51 textes adoptés, 23 aient été des propositions de loi, donc des textes d’origine parlementaire, dont 16 sont devenues des lois de la République, 7 autres étant votées conjointement avec des textes qui portaient sur un sujet identique. J’ajoute à cela la création d’un droit de tirage automatique de chaque groupe pour les commissions d’enquête, qui me paraît tout à fait légitime, de même que le nombre et l’importance de nos commissions d’enquête et de nos missions d’information. Enfin, je souligne le changement très utile apporté par les procédures d’examen simplifiées. Cette procédure valorise le travail en commission. Nous l’avons appliquée, je le souligne, à 31 occasions.
Cela étant dit, si nous voulons une assemblée pratiquant davantage l’initiative, le contrôle et l’ouverture, nous devons aller plus loin. Cela passe par la poursuite des actions que nous avons entreprises, au niveau national et international. À la lumière de cette première année, et reprenant des thèmes souvent évoqués ici et là, je formulerai, sur le plan de l’organisation de notre travail notamment, trois propositions complémentaires pour l’année qui vient.
Premièrement, la question de l’efficacité des dépenses de l’État et du contrôle parlementaire sur ces dépenses doit évidemment être creusée. Les conditions d’examen et de suivi de la loi de finances ne sont pas satisfaisantes. L’ordonnance du 2 janvier 1959 elle-même doit sans doute être réexaminée. C’est pourquoi, dès l’automne, je prendrai l’initiative d’engager, avec vous tous, une réflexion sur ce point pour présenter des dispositions précises.
Ensuite, parallèlement aux progrès engagés pour qu’une plus grande place soit faite aux femmes, je crois qu’il serait utile, comme cela existe dans tous les pays européens, sauf chez nos amis de Grèce, que notre assemblée se dote d’une délégation parlementaire aux droits des femmes ainsi que nous l’avons fait dans le passé sur un tout autre terrain avec notre délégation aux affaires européennes.
Enfin, ii me paraîtrait raisonnable, au moins pour ce qui concerne notre assemblée, d’augmenter un peu le nombre de nos commissions permanentes afin de les rendre moins lourdes et plus opératoires. Malheureusement, cela passe, vous le savez, par une légère modification du texte de la Constitution qui pourrait, par exemple, ne plus fixer expressément le nombre des commissions et renvoyer cette décision aux règles de nos deux assemblées. Je pense que cette modification raisonnable offrirait un outil de meilleur contrôle, un moyen de mieux travailler sur le plan législatif, en même temps qu’une occasion de nouvelles responsabilités pour les députés. Nous aurons l’occasion d’en reparler avec M. le président de la République, avec M. le Premier ministre, ainsi évidemment qu’avec vous tous.
Mes chers collègues, le Gouvernement nous proposera pour les mois qui viennent, outre le projet de budget, un calendrier parlementaire chargé. Nous sommes ici, par définition, très divers, mais nous sommes animés d’un même amour de notre pays et d’un même souhait qu’à travers les réformes indispensables, il réussisse.
Je veux vous remercier du travail engagé par chacune et chacun de vous, parce qu’il est conforme, je crois, au mandat que nous avons, les uns et les autres, reçu de nos électeurs. Je vous souhaite, même si elles ne sont pas pour tout de suite, de bonnes vacances et, dans l’immédiat – chacun le comprendra –, sur tous les plans, je souhaite de très bons résultats à la France.