Texte intégral
Mesdames, mesdemoiselles, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous ce matin. C'est l'occasion pour moi de mieux vous connaître ce milieu si divers, si vivace, si turbulent que constitue aujourd'hui la radio en France. Je vois parmi vous des militants associatifs, des professionnels du service public, des responsables et des représentants de groupes dont certains sont largement multimédia et internationaux.
La radio est d'abord pour moi un outil précieux, celui de toute femme ou homme politique, en prise sur l'actualité, le débat d'idée. Elle est aussi une merveilleuse compagne des moments d'évasion ou de détente. Elle est par ailleurs un lieu de création et de transition des oeuvres, de la culture, sous sa forme « cultivée », allais-je dire, comme sous sa forme populaire. En un mot j'aime la radio comme auditrice, comme femme engagée, et comme ministre de la culture. J'aime la radio parce qu'il s'agit d'un média de masse par excellence, le plus répandu à l'échelle de la planète.
Les problèmes de l'heure :
En moins de deux décennies les structures, les programmes et la pratique de la radio se sont totalement transformés. Un solide secteur privé cohabite désormais avec un service public dynamique et diversifié, sans que ne s'altère l'élan de centaines de radios associatives. L'audience de la radio est forte puisque plus de 80 % des français l'écoutent chaque jour, pour une durée moyenne de près d'une heure et demi.
Cependant la vitalité de la radio n'empêche pas les zones d'ombres, avec en premier lieu la stagnation, un léger recul, même, des ressources publicitaires. Le phénomène est d'autant plus marquant qu'il se produit alors que la télévision continue sa progression, et que la presse écrite connaît une vraie reprise. Il est d'autant plus durement ressenti, qu'il se produit dans un marché très atomisé et très concurrentiel.
La profonde mutation des formats et des comportements des auditeurs amène cette année, pour la première fois, les ressources publicitaires des thématiques à dépasser celles des généralistes. Ce phénomène intervient d'ailleurs alors que ces dernières ne recueillent qu'un peu plus de 40 % d'audience.
Ces tensions se reportent sur la question des fréquences, ressources rares, dont la répartition frise le casse-tête dans un certain nombre de métropoles.
Face à ces difficultés qu'avons-nous fait et quel est mon programme ?
Audit et appel à fréquences :
Deux dossiers brûlants m'attendaient lors de mon arrivée au ministère. Un appel à fréquences engagé depuis des mois et un audit des fréquences suspendu à une question de financement.
Pour l'appel à fréquence j'ai tenu à assurer le Conseil supérieur de l'audiovisuel, de mon attention et de mon soutien à une démarche qui devait clairement marquer l'indépendance du travail des (CTR), ainsi qu'exprimer largement une volonté d'assurer le pluralisme, la diversité et l'équité dans le traitement des différentes formes de radios. Je sais que certains d'entre vous émettent des réserves quant aux résultats de cet appel de fréquence. Il me paraît plutôt équilibré, aux regards des contraintes auxquelles devait faire face à l'autorité de régulation.
J'ai dès le mois de juin obtenu le déblocage d'un million de francs qui permettait d'engager la phrase de préfiguration de l'audit des fréquences sur la région Rhône-Alpes. Je souhaitais que les résultats de l'audit ne puissent souffrir d'une quelconque suspicion liée à son mode de financement. Les résultats de cette première étape permettront d'apprécier l'intérêt de poursuivre dans cette voie. Pour lever toute ambiguïté, j'ai souhaité que soient clairement traitées distinctement les fréquences du service public et les fréquences utilisées par les radios associatives ou les radios commerciales.
La modernisation du Fonds de soutien à l'expression radiophonique :
A l'automne 1997 le décret du Fonds de soutien à l'expression radiophonique arrivait à échéance. J'ai pu ainsi en moderniser le contenu afin qu'il accompagne mieux le développement des associations, sans pénaliser les plus dynamiques par une formule de subvention dégressive. Le nouveau décret répond aussi à la demande des associations qui souhaitaient une aide spécifique à leur modernisation technique. Enfin l'introduction du critère « d'efforts accomplis dans les domaines de la communication sociale de proximité et de l'intégration » pour l'attribution de la subvention majorée, marque la volonté d'appréhender les associations par leurs missions et non leur taux de ressources publicitaires.
L'audit du Mouv' et la stratégie de Radio France :
Face au souhait du Président de Radio France, de maintenir le lancement de sa station jeune, dès le mois de juin, j'ai accepté le principe d'une période d'expérimentation de quelques mois. Celle-ci devait se conclure par un audit. Le service juridique et technique de l'information et de la communication (SJTIC) m'a remis ses conclusions au début du mois.
Il s'agit d'un travail sérieux et très complet qui constitue, pour moi, une excellence base travail pour nourrir la réflexion, tant vis-à-vis du développement du Mouv', que vis-à-vis de l'orientation stratégique de Radio France.
Ce rapport me conforte en effet dans l'idée de la légitimité d'une radio jeune du service public.
Il appelle en revanche des aménagements sensibles dans les contenus et la conduite de l'équipe qui réalise cette radio. Il faudra alors rapidement trouver les réseaux et les moyens permettant de sortir d'une configuration « expérimentale ». Radio France trouvera ces fréquences dans la mesure où sa stratégie sera précisée et centrée.
Le développement du Mouv' doit s'inscrire selon moi dans une démarche d'ensemble qui prends en compte le rajeunissement des principales stations (Inter, Info, Culture), qui n'hésite pas non plus à ouvrir des perspectives de développement par exemple pour les locales diffusant sur les grandes métropoles ou pour un programme comme Urgence.
Je serai favorable par exemple à des expériences qui fédéreraient sur des objectifs renouvelés, la notion de radio de métropole et de radio en direction des populations les plus fragilisées ?
La cession de RMC :
Autant mon ambition est forte pour la radio de service public, autant il me paraît que l'Etat a tout intérêt à se retirer d'entreprises à vocation commerciale, comme c'est le cas avec RMC, Nostalgie et Montmartre. Aucune ambiguïté ne devait donc planer sur notre refus, l'été dernier, de laisser s'opérer la fusion entre Sud Radio et RMC.
Le projet d'antenne présenté par les deux sociétés nous paraissait insuffisamment porteur, alors même que les conditions financières semblaient déséquilibrées.
L'arrêt de cette procédure ouvrait en fait une nouvelle période au cours de laquelle la SOFIRAD et l'Etat, allaient adopter une méthode visant à créer les conditions d'une cession. Deux banques conseil furent appelées pour étudier les conditions du marché, la valeur des différents actifs des groupes, les éventuels repreneurs. Après deux mois d'une procédure d'appel à candidature formalisée, nous sommes entrés depuis le début de la semaine dans l'étude d'offres précises et chiffrées. Nous avons la satisfaction de constater qu'il y a plusieurs candidats, portant des projets très différents. Il y aura donc une vraie possibilité de choix. Celui-ci devant intervenir d'ici une huitaine de jours.
Nos projets :
Pour les généralistes :
L'érosion des radios généralistes et la dégradation de leurs comptes ne sauraient laisser indifférent la ministre de la culture et de la communication, alors que celles-ci jouent un rôle fort en matière de pluralisme, de débat d'idée ou de traitement de l'actualité. J'entends donc dans les mois qui viennent engager une série d'initiatives en faveur de cette forme de radio.
Je pense à l'engagement d'une réflexion sur l'avenir de cette forme de radio avec l'engagement de recherches sur ce sujet, ainsi que l'organisation de journées d'études.
Il faut aussi discuter dans le cadre de la concertation qui va s'ouvrir sur la future loi, de dispositions qui pourraient conforter l'économie des radios. Il pourrait s'agir d'une priorité s'imposant à l'instance de régulation, lors de l'attribution de fréquences.
Développement des relations DRAC/associations :
Culture et communication, la double vocation de mon ministère doit conduire dans mon esprit de rechercher des convergences entre ces deux domaines. Les radios associatives dont le projet concerne l'expression de cultures, le soutien aux nouveaux courants musicaux, la diffusion de différentes formes de spectacles vivants doivent trouver naturellement des formes de collaboration avec les DRAC. Ces collaborations sont engagées dans certaines régions. Dans d'autres la connaissance et la reconnaissance des radios associatives restent insuffisantes.
Croyez bien que je n'emploierai dans les mois qui viennent à amplifier cette approche, d'autant qu'elle participe complètement de ma volonté de développer une culture pour les gens.
Des médiateurs dans les radios publiques :
La radio est un média chaud par excellence. L'apparition de stations « tout info » qui n'hésitent pas à traiter les évènements les plus forts en direct, en « live » comme disent les anglo-saxon, multiplient les interrogations d'ordre déontologique. Des études récentes montrent qu'il devient fréquent de ne s'appuyer que sur une source, de ne pas prendre le temps de vérifier un chiffre, sans parler de la place qu'occupe désormais le fait divers dans un climat très concurrentiel. Le respect de la vie privée ou de la présomption d'innocence s'en trouvent trop souvent bafoués.
Il est du devoir de chacun de s'interroger sur le sort de ces « blessés de l'information », tout comme de ce scepticisme qui conduit un français sur deux à considérer que les choses ne se sont pas passées comme le disent les médias. Vous savez que sur ces sujets je n'ai pas varié, considérant que les solutions ne peuvent venir que de la formation et du sens de la responsabilité des journalistes. J'ai donc engagé un travail de réflexion sur la formation des journalistes, avec des tables rondes, un rapport confié à Claude SALES.
J'ai simultanément demandé aux responsables des radios publiques de nommer les médiateurs, des « ombudsmen » auprès de leurs rédactions.
Ces journalistes, choisis dans les rédactions ou à l'extérieur de celles-ci, chaque responsable devra trouver la formule la plus adaptée à son entreprise, sont les interlocuteurs des auditeurs. Lorsque ces derniers mettent en cause le mode traitement d'une information, la hiérarchie de l'actualité, des commentaires, des montagnes, etc., il leur revient d'aller voir auprès des journalistes concernés comment ils ont travaillé. Dans certains cas il faudra peut-être quasiment refaire un travail d'enquête ou d'analyse d'un dossier… Les conclusions du médiateur doivent être restituées au public comme aux journalistes. Il va falloir trouver le mode restitution le plus adapté pour la radio. Les présidents de Radio France, de RFI et RFO m'ont assuré que leurs médiateurs seront choisis dans les tout prochains jours.
La nouvelle loi :
Je sais que ma communication sur la nouvelle loi a laissé certains d'entre vous sur leur faim. Il n'y aura rien sur la radio. Ce n'est pas mon sentiment puisque les dispositions concernant l'entreprise audiovisuelle s'appliqueront pleinement aux radios, qu'il s'agisse du principe du cantonnement, de la séparation entre dirigeant d'un groupe ayant des activités hors des médias et dirigeant de la filiale média, des modalités permettant de garantir une certaine indépendance rédactionnelle et éditoriale ou encore de l'examen des conditions de la concurrence.
Le renforcement des prérogatives du CSA joueront un rôle important pour les radios. Je ne citerai que quelques dispositions très importantes.
Le CSA devra respecter de conditions plus précises lors de la reconduction des autorisations de fréquence, notamment l'impossibilité de la reconduction pour les radios ayant fait l'objet de deux sanctions, la prise en compte de l'impératif d'indépendance de l'information, l'examen de la situation financière du titulaire.
Il devra publier et motiver ses décisions.
L'action de régulation du CSA devrait d'ailleurs se trouver facilitée, puisque la nouvelle loi précisera que la répartition des fréquences se fera en tenant compte de la place reconnue à trois grands secteurs de la radio : public, associatif, commercial. Une partie significative des fréquences devra être réservé aux radios associatives et qui ont pour mission la communication sociale de proximité. Chacun se trouve défini d'abord par ses missions et secondairement par ses modes de financement.
En outre, tout projet de modification du format et des caractéristiques du programme, des actionnaires ou de la direction d'une radio devra être notifié au CSA qui pourra s'y opposer.
Une mission sur les nouvelles technologies :
Multimédia, DAB, nouveaux services associés à la radio, je me réjouis de voir Radio France prendre position sur ce chapitre avec le Mouv'. Je sais que des réalisations intéressantes se mettent en place dans le privé.
Je souhaite être en mesure de prendre des initiatives dans ce domaine dès la fin de l'année, c'est pourquoi je confierai une mission un expert dans les prochaines semaines. J'attends de lui qu'il nous fasse des propositions très opérationnelles.
Voilà en quelques mots ce que sont les principes de mon action dans le domaine de la radio. Ils sont animés par trois motivations : rechercher des équilibres qui permettent aux principes formes de radios de se développer harmonieusement ; garantir des conditions favorisant le pluralisme et la diversité des contenus et tout particulièrement de l'information ; se garder de figer dans la loi, comme dans un excès de réglementation un média par essence extrêmement évolutif et flexible.