Texte intégral
C’est avec un réel plaisir que j’ai accepté à la demande de votre Directeur, Monsieur DUBREUIL, de venir ouvrir cette journée d’information et d’échange consacrée au dispositif relatif à la réduction du temps de travail.
Les chefs des services de l’Inspection du Travail, de l’Emploi et de la Politique sociale agricole n’ont pas été réunis depuis un certain temps. Et il y a plus longtemps encore qu’un ministre de l’Agriculture ne s’était pas adressé directement à eux puisque, je crois, c’est Michel ROCARD qui l’avait fait en 1984, pour expliquer la réforme des services déconcentrés qu’il mettait en place.
Vous appartenez au corps interministériel plus que centenaire de l’Inspection du Travail, et vous exercez vos fonctions au sein de la communauté de travail du ministère de l’Agriculture et de la Pêche.
En votre qualité d’inspecteurs du Travail vous êtes chargés de faire respecter le droit, de contribuer à l’amélioration des relations de travail, d’encourager la concertation, de stimuler le droit d’expression des salariés, de jouer les médiateurs dans les différents conflits.
Vous contribuez à la pérennité du lien social, en veillant au respect des règles relatives aux conditions de santé et de sécurité des salariés ainsi qu’au respect de la législation du travail et de la protection sociale.
Les missions de prévention, de contrôle, mais également de conseil et d’information que vous exercez auprès des salariés et des employeurs sont donc essentielles. Elles évoluent en fonction des dispositions communautaires nouvelles applicables dans notre pays et pour tenir compte du rôle désormais déterminant de la négociation entre partenaires sociaux dans la mise en œuvre de mesures législatives générales.
Le secteur agricole, que m’a confié le Premier ministre, participe à ce mouvement. La réglementation sociale agricole accompagne dorénavant les grandes évolutions du régime général même si dans quelques domaines, nous gardons des particularités.
Je suis très satisfait de l’existence au sein du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, de fonctionnaires et de services chargés des tâches d’inspection du Travail, d’Emploi et de la Politique sociale. En effet, la règle de droit en elle-même est importante mais son application particulière, à un secteur socio-économique déterminé l’est tout autant et constitue, par ailleurs, pour ceux qui en ont la charge, une source d’enrichissement.
Vos Services ont tout juste 60 ans et ils sont intégrés depuis 1984 dans les DDAF et les DRAF. Cette réforme voulue par Michel ROCARD s’explique par la volonté d’avoir au plan départemental ou régional, un seul interlocuteur représentant le ministère de l’Agriculture.
Je sais que certains d’entre vous ont pu considérer et considèrent peut-être encore qu’il est difficile de faire cohabiter au sein d’une même direction des services ayant des objectifs de développement économique, d’aménagement des structures et d’environnement avec des services chargés de missions régaliennes en matière de droit social. Je voudrais vous dire que cette organisation doit être un atout, étant bien entendu que l’indépendance de vos missions en matière de droit du travail ne peut être mise en cause.
Cette indépendance est d’ailleurs complètement garantie par des textes nationaux et internationaux.
Vous pouvez, ainsi, bénéficier au sein des DDAF et des DRAF de données d’ordre économique ou statistique qui sont du plus grand intérêt dans l’exercice de vos attributions.
Réciproquement, dans le respect des règles de confidentialité et de discrétion auxquelles vous êtes tenus, vous procurez aux autres services des DDAF et des DRAF des informations sociales précieuses. Le ministère de l’Agriculture a, de ce fait, le privilège de pouvoir appréhender l’entreprise sous tous ses aspects : économiques, structurels, environnementaux et sociaux.
Je vous invite à travailler en étroite collaboration et en parfaite synergie avec les directeurs départementaux et régionaux, cette collaboration s’inscrivant, bien entendu, dans le respect de vos missions spécifiques. Je demande, par ailleurs aux directeurs, de veiller à ce que soient mis à votre disposition, dans la limite des contraintes qui sont les nôtres, les moyens matériels et humains qui vous permettront d’exercer vos fonctions dans les meilleures conditions possibles.
Pour ce qui est du fonctionnement de vos services, je souhaite pourvoir faire évoluer la situation des personnels mis à disposition par la Mutualité Sociale Agricole. C’est un problème récurrent Les discussions en cours avec le ministère du Budget ont pour objectif de trouver une solution allant dans le sens d’une amélioration du service public sauvegardant l’intérêt des agents concernés.
Si, comme je l’ai rappelé, l’évolution du monde agricole depuis une vingtaine d’années a réduit les spécificités sociales qui le séparaient des autres secteurs d’activité, il n’empêche que certaines particularités demeurent :
- le nombre important d’entreprises de petites tailles, dans les exploitations de culture et d’élevage mais également dans les exploitations forestières et les scieries ;
- leur dispersion sur l’ensemble du territoire ;
- la faible syndicalisation de ce secteur ;
- la multiplicité d’accords conventionnels au champ d’application territorial limité.
Toutes ces raisons justifient l’existence d’une politique sociale agricole et vous jouez un rôle déterminant dans le contrôle de la protection sociale et la tutelle des caisses de Mutualité Sociale Agricole.
Outil majeur de solidarité et de cohésion sociale, notre régime de protection sociale doit être préservé,-tout particulièrement, parce que les situations d’insécurité sociale et économique sont nombreuses. Ce régime mutualiste, qui couvre l'ensemble des risques : maladie, famille, retraite, et géré avec la participation étroite de ses ressortissants, est en effet particulièrement adapté.
L’attachement du secteur agricole au maintien de son régime de protection demande l’exercice d’une tutelle performante. Et, à cet égard, je sais pouvoir compter sur vous.
Vous œuvrez aussi pour le maintien et le développement de l’emploi dans le milieu agricole et rural. C’est, à mon sens, une belle mission. L’emploi, au cœur de la préoccupation gouvernementale, va donc constituer le fil conducteur de votre journée.
Le Gouvernement, conformément à ses engagements, a mis en œuvre le programme emplois-jeunes, a fixé un cadre législatif pour la réduction du temps de travail et complétera prochainement son action avec le volet emploi du projet de loi de lutte contre l’exclusion.
J’ai souhaité que le ministère de l’Agriculture et de la Pêche s’engage résolument en faveur de l’emploi des jeunes. Ainsi, j’ai signé avec Martine AUBRY et, pour certains, avec Dominique VOYNET, douze accords-cadres prévus par le programme « nouveaux services-nouveaux emplois » qui portent sur un objectif total de 3 200 emplois pour les jeunes dans le secteur agricole et rural. Offrir des perspectives d’emplois dans le milieu rural pour les jeunes, qualifiés ou non, concourt activement à une politique d’occupation équilibrée de l’espace rural.
Je vous demande de continuer à vous impliquer fortement dans la mise en œuvre de ce programme. Vos compétences et votre connaissance du milieu agricole et rural doivent contribuer à l’émergence, au développement et à la finalisation des projets en vous attachant à la professionnalisation des emplois et à leur pérennisation.
J’en viens maintenant au thème principal de votre journée.
Le Gouvernement a proposé au Parlement le projet de loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail parce qu’il est convaincu que le retour à la croissance est insuffisant à lui seul pour réduire durablement le chômage.
La venue parmi vous de Madame Rose-Marie VAN LERBERGHE, déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, et de Monsieur MARIMBERT, directeur des relations du travail, montre bien que Martine AUBRY et moi-même sommes persuadés que le secteur agricole prendra toute sa place dans ce dispositif. Mais cette place dépendra de l’animation que vous assurerez sur le terrain.
La loi, actuellement déférée à l’examen du Conseil constitutionnel, fixe en effet un cadre et a un rôle d’impulsion et d’encouragement à la négociation sociale. L’objectif du Gouvernement est d’inciter à une diminution de la durée du travail qui débouche sur des réorganisations et des créations d’emploi, les entreprises pouvant choisir d’aller vers les 35 heures selon les modalités et le rythme qui leur conviennent. Ainsi, ce sera dans le cadre des négociations menées par branches et, surtout, au plus près du terrain, dans les entreprises et les établissements, que seront fixées l’ampleur et le rythme des réductions d’horaires et prévues les modalités d’organisation de la production et du temps de travail.
Je ne vous demande pas de vous transformer en « VRP de la loi sur la réduction du temps de travail », mais bien de jouer un rôle de facilitateur dans sa mise en œuvre. Il convient de favoriser son adaptation à la grande diversité des contextes économiques locaux qui caractérisent notamment le secteur agricole et rural.
Ce secteur a déjà montré sa capacité d’innovation sociale et d’appropriation des réglementations du travail. Ainsi :
- l’accord du 23 décembre 1981 concernant la durée du travail dans les entreprises agricoles a instauré un système de modulation. Un avenant du 24 janvier 1997 l’a complété par un accord d’annualisation permettant aux salariés de conserver leur rémunération bien que la durée du travail soit réduite à 37h30 ou 38 h par semaine selon les formules ;
- les partenaires sociaux de la coopération agricole ont signé quatre accords de branche de mise en œuvre de la loi de Robien.
L’ensemble du secteur agricole a utilisé ce dispositif. Environ 10 % des salariés couverts par un accord de Robien sont, en effet, dans le secteur agricole alors que les salariés agricoles ne représentent que 6 % du salariat total. Et ce pourcentage est bien supérieur si l’on ajoute les industries agro-alimentaires relevant du régime général.
La négociation d’entreprise a profité du dispositif. A titre d’exemple, la Fédération nationale de la coopération laitière a signé une convention avec l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) afin d’accompagner la réduction du temps par une nouvelle organisation de la production.
C’est pourquoi, je suis optimiste sur la capacité du secteur agricole à s’approprier pleinement les instruments que la loi et ses décrets d’application vont mettre à sa disposition.
Les particularités de l’agriculture, toutefois, marqueront nécessairement les négociations et les solutions retenues.
La très petite taille des entreprises, 85 % ayant moins de dix salariés, explique l’absence de représentation syndicale et de représentants élus du personnel. Certes, le mandatement prévu par la loi est une réponse à cette situation mais il faut aussi souligner le rôle spécifique en agriculture de la négociation de branche au plan national concernant la durée et l’aménagement du temps de travail.
La prise en compte de l’emploi saisonnier, important chez nous, pourra également conduire les partenaires sociaux à adopter diverses formes d’aménagement du temps de travail répondant à la situation des entreprises : annualisation, formules de modulation ou jours de repos supplémentaires sur l’année.
Le Gouvernement a voulu mettre en place des incitations financières très significatives : les accords signés d’ici la fin du premier semestre 1999 ouvriront droit, la première année, pour les rémunérations proches du SMIC,- à une aide couvrant le coût des nouvelles embauches. Des majorations sont prévues-, qui intéressent les petites entreprises de main-d’œuvre, nombreuses en agriculture.
Le rôle fondamental des partenaires sociaux doit être accompagné d’une mobilisation de tous les services de l’État.
Il importe que ces derniers s’impliquent, sous l’égide des Préfets, pour assurer la diffusion de l’information sur la loi et créer les conditions favorables à l’enclenchement du processus de négociation. Tous les services doivent contribuer à traiter le thème de la réduction du temps de travail dans les contacts qu’ils sont amenés à entretenir avec les entreprises et les partenaires sociaux.
Je demande aux directeurs régionaux et départementaux de l’agriculture et de la forêt de se mobiliser, avec vous, sur cet objectif, auprès des Préfets.
Les services de l’ITEPSA ont, à l’instar des services déconcentrés du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, un rôle particulier à jouer pour stimuler et faciliter le processus de négociation.
Ce rôle passe simultanément par plusieurs types d’actions : la participation à l’information et à l’animation autour du contenu de la loi, l’incitation à la négociation, l’appui aux entreprises, aux syndicats et aux salariés, le contrôle de la réglementation, et la gestion des dispositifs d’incitation financière et d’aide au conseil.
Ces points seront développés au cours des échanges de cet après-midi.
Je compte sur votre action.
Elle viendra s’ajouter à ce que j’ai souhaité entreprendre et défendre depuis un an, à la tête de ce ministère, pour développer l’emploi salarié ou non salarié :
- une politique volontariste d’installation des jeunes agriculteurs, avec la dotation d’installation et les aides à la transmission des exploitations,
- des actions renouvelées en faveur de la qualité et de la valorisation des produits agricoles et agro-alimentaires,
- des actions spécifiques en faveur de l’emploi salarié avec, par exemple, les mesures permettant le développement des groupements d’employeurs, formule dont vous avez largement assuré la promotion avec le succès que l’on sait,
- le développement de la pluriactivité en zone rurale pour lequel un groupe de travail DEPSE - Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle a été constituée.
- Mais aussi, bien évidemment, le projet de loi d’orientation agricole, présenté hier en conseil des ministres, fondateur d’une agriculture multifonctionnelle et durable qui préserve et crée des emplois. En effet, la convergence, à travers les contrats territoriaux d’exploitation, entre les objectifs poursuivis par l’État en matière agricole et les projets individuels et collectifs des agriculteurs et des citoyens, favorisera incontestablement la politique en faveur du développement de l’emploi.
Il me faut maintenant conclure.
Les chantiers qui nous attendent sont nombreux et parfois difficiles mais toujours exaltants car au service d’une cause incontestable. Je sais que vous saurez les mener à bien.
Je vais vous mettre une dernière fois à contribution. Je demande à Christian DUBREUIL de vous associer à la réflexion que je souhaite voir conduite, dans les mois qui viennent, en étroite relation avec les partenaires sociaux, sur une opération de promotion de l’emploi salarié, qui viserait à améliorer la condition des salariés les plus fragilisés et à accroître leurs qualifications.
Merci de votre attention !