Interview de M. Alain Carignon, ministre de la communication, à la revue de la "Société des acteurs et compositeurs dramatiques" de mars 1994, sur la contribution française au Livre vert de la Commission européenne sur l'audiovisuel et la participation aux programmes communautaires de développement de ce secteur.

Prononcé le 1er mars 1994

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation du Livre vert de la Commission européenne sur l'audiovisuel à Bruxelles le 7 mars 1994

Média : Société des acteurs et compositeurs dramatiques

Texte intégral

SACD : Dans la perspective du Livre vert, quelles sont les mesures juridiques envisagées pour le paysage audiovisuel européen ?

Alain Carignon : J'ai eu l'occasion de présenter, le 19 janvier dernier, à l'ensemble des acteurs économiques de l'audiovisuel – diffuseurs, distributeurs, producteurs, câblo-opérateurs – et à des représentants des syndicats professionnels, le calendrier européen et la démarche proposée par le gouvernement pour aboutir à une contribution française pour la rédaction du Livre vert que la commission européenne doit publier d'ici le mois de juin. L'idée principale de la contribution française est de privilégier l'adaptation de la directive Télévision sans frontières aux évolutions prévisibles du secteur audiovisuel européen. Il s'agit notamment des nouvelles technologies, comme la compression numérique et des nouveaux services comme le "pay perview".

Je rappelle d'ailleurs que, depuis la conclusion des résultats de la négociation du GATT où l'Europe a obtenu l'exclusion des services audiovisuels, la Communauté européenne est parfaitement libre de réglementer les services audiovisuels. À ce stade, il est difficile d'en dire plus sur le détail de la contribution française puisque celle-ci est en préparation avec l'aide des professionnels qui ont été invités à s'organiser pour présenter des propositions sur les thèmes de la distribution, de la production de la diffusion et des nouvelles technologies. Ces propositions seront soumises à un groupe de travail interministériel (ministère de l'industrie, des postes et des télécommunications et du commerce extérieur ; ministère de la culture et de la francophonie ; ministère de la communication) dont le secrétariat est assuré par le service juridique et technique et de l'information. Enfin, outre les adaptations de la directive, je peux vous indiquer que nous travaillons à préciser plusieurs éléments de la directive dont l'interprétation est aujourd'hui ambigüe, c'est notamment le cas pour la délimitation des compétences de chaque État membre sur des chaînes de télévision à vocation paneuropéenne, ou encore des modalités d'application des quotas de diffusion prévus dans la direction.

SACD : Peut-ont d'ores et déjà évoquer les mesures budgétaires qui sont à l'étude ?

A. C. : Parmi les sujets à l'étude, figure bien évidemment un renforcement du soutien de la France aux initiatives communautaires d'aide à la production, telles que les programmes Eurimages ou Média, dont le montant actuel est de 200 millions d'écus sur cinq ans.

Je considère que les sommes allouées à ces programmes communautaires ne sont pas à la hauteur des enjeux du secteur audiovisuel européen, dont la taille don doubler d'ici l'an 2000, conformément au Livre blanc de la commission sur la croissance en Europe. Je souhaite donc que des moyens plus importants soient alloués à l'industrie des programmes, sous réserve toutefois que les mécanismes d'attribution soient réellement incitatifs et n'éparpillent pas les sommes allouées sur des objectifs non prioritaires. Bien évidemment, une aide spécifique devrait être allouée au secteur de la distribution, car l'amélioration de la circulation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques est un préalable indispensable à une stratégie de renforcement des exportations des programmes français.

SACD : Quelle sera la nouvelle définition de l'auteur ? L'informaticien, notamment, sera-t-il un jour considéré comme un auteur ?

A. C. : Je crois quel malheureusement la réflexion n'est pas assez avancée pour pouvoir apporter une réponse correcte à votre question. D'une part, de plus en plus d'œuvres audiovisuelles seront diffusées sur CD, qu'il s'agisse d'ailleurs d'œuvres intégrales ou d'extraits d'œuvres, même extrêmement brefs. D'autre part, de plus en plus d'informaticiens, d'une part, participent à la production d'œuvres audiovisuelles, comme pour Jurassik Park aux États-Unis, tout le monde le sait, mais aussi en Europe, et d'autre part réalisent des CD dont le contenu artistique et culturel est évident.

SACD : Vers quelle définition de l'œuvre européenne s'achemine-t-on ?

A. C. : Ce point fait également partie de la concertation engagée avec les professionnels dans le cadre de la préparation de la contribution française au Livre vert. Une définition beaucoup trop large de l'œuvre européenne limite l'efficacité des quotas de diffusion d'œuvres européennes. Nous devrons en tenir compte dans nos propositions.

SACD : Doit-on s'attendre à un renforcement des quotas ?

A. C. : Le texte de la direction Télévision sans frontières de 1989 comporte certes des insuffisances mais il représentait, à l'époque, un comportement entre les thèses françaises et des thèses plus libérales. Le principe des quotas de 51 % d'œuvres européennes a finalement été retenu et a été adopté avec succès chez tous nos partenaires. Aucun d'entre eux ne souhaite actuellement le remettre en cause. Je crois qu'il est plus important, pour recueillir le soutien des autres États membres, de procéder à des adaptations de la directive, de s'assurer du respect effectif des quotas avec des dispositifs de contrôle, et de préciser certaines ambiguïtés du texte que de chercher un renforcement des quotas.

Propos recueillis par Laurent Neumann