Texte intégral
Le Figaro
Comment jugez-vous l’initiative d’Alain Madelin qui propose une nouvelle procédure de désignation des candidats pour les futures élections, et cela dès la législative partielle de Toulon ?
Jean-Pierre Raffarin
Dans la nécessaire rénovation de l’opposition, la désignation des candidats doit être une priorité. Il faut que les candidats soient légitimement désignés. Nos structures sont beaucoup trop notabilisées. Il faut que les structures politiques puissent s’exprimer démocratiquement sur le terrain. Je pense qu’une élection partielle est une bonne circonstance pour roder une procédure de désignation des candidats plus moderne.
Le Figaro
Êtes-vous favorable à ce que les sortants remettent leur investiture en jeu ?
Jean-Pierre Raffarin
Bien entendu. Il faut en finir avec cette image d’une vie politique faite uniquement de cooptation. Les procédures doivent être les plus ouvertes possible. Et, de toute façon, les sortants qui font bien leur travail n’ont pas d’inquiétude à se faire pour l’obtention des investitures.
Le Figaro
Que pensez-vous de la lettre de Gérard Longuet qui critique l’action d’Alain Madelin à la tête de Démocratie Libérale ?
Jean-Pierre Raffarin
Je n’ai pas été destinataire de cette lettre. Je n’en ai entendu parler que par la presse. Mais tous les leaders de l’opposition devraient avoir pour éthique personnelle de ne pas attaquer ou critiquer les autres. C’est très important que l’opposition sache se rassembler. Et qu’elle le montre. Dans quelques semaines, nous aurons l’occasion de le montrer à l’occasion de l’élection du président du Sénat. René Monory a engagé en profondeur une rénovation et une modernisation du Sénat : les querelles doivent être dépassées, l’opposition doit être unie.
Le Figaro
Dans l’affaire du financement du Parti Républicain, vous estimez qu’Alain Madelin a eu raison de se constituer partie civile ?
Jean-Pierre Raffarin
Je peux difficilement m’exprimer sur ce sujet parce que je ne connais pas du tout le dossier. J’avais quitté le PR, avec quelques autres, à cette période.
Le Figaro
L’Alliance devait être le moteur de la rénovation de l’opposition. Elle ne semble pas avoir tenu ses promesses…
Jean-Pierre Raffarin
Dans sa dynamique de lancement, l’Alliance a été un pétard mouillé. La stratégie reste bonne, mais les méthodes sont à revoir.
Le Figaro
Pourquoi est-ce que la fusée n’a pas décollé ?
Jean-Pierre Raffarin
L’Alliance a tout de suite été asphyxiée par des jeux d’appareil qui ont limité la formidable impulsion de rénovation qui était contenue dans le message initial. Le cap doit-être maintenu.
Le Figaro
Est-ce que, dans un réflexe de survie, les appareils parisiens ne freinent la constitution de l’Alliance à l’échelle locale ?
Jean-Pierre Raffarin
Les appareils nationaux sont victimes des stratégie présidentielles. Ils sont dévorés par cette question. Alors qu’il y a, dans les régions, une véritable dynamique, des énergies qui ne demandent qu’à se mobiliser et qui se fichent de la question de l’élection présidentielle. Pour beaucoup d’acteurs régionaux, la question n’est pas le remplacement de Jacques Chirac, mais celui de Lionel Jospin !
Le Figaro
Est-ce que le RPR n’a pas eu tendance à avancer à reculons en interdisant à ses troupes de rejoindre des Alliances départementales ?
Jean-Pierre Raffarin
Dans la phase de lancement, il y a eu de très nombreuses hésitations qui ont fragilisé la démarche. Mais tout cela n’a pas beaucoup d’importance dans la mesure où les appareils n’ont plus les ressorts nécessaires pour maîtriser l’ensemble de la vie politique nationale. La virtualité des structures doit conduire à une véritable réorganisation de ce cas appareils avec des modes de fonctionnement beaucoup plus décentralisés. L’Alliance doit-être fertilisée.
Le Figaro
Comment ?
Jean-Pierre Raffarin
C’est en travaillant sur le terrain avec des débats nationaux et locaux, avec des élections, avec une organisation et avec des projets, que nous pourrons stimuler l’organisation de l’Alliance.
Le Figaro
Au début du mois d’août, Lionel Jospin a adressé aux membres du gouvernement une circulaire fixant le cadre des prochains contrats de plan État-Région pour la période 2000-2006. En tant que président de la région Poitou-Charentes, comment réagissez-vous ?
Jean-Pierre Raffarin
Ma première réaction est une réaction de surprise, parce qu’il est surprenant que le Premier ministre adresse au gouvernement des directives sans qu’une quelconque concertation ait été engagée. Il s’agit d’une démarche contractuelle, qui devra être signée par les différents partenaires. La concertation en amont est donc indispensable. Le président de la région Île-de-France (NDLR : le socialiste Jean-Paul Huchon) a invité récemment le gouvernement à ne pas considérer les régions comme des caisses-enregistreuses. Je crois en effet que les régions souhaitent qu’un dialogue soit organisé avec Matignon pour que les procédures des prochains contrats soient discutées équitablement.
Le Figaro
Plus précisément qu’est-ce que vous craignez ?
Jean-Pierre Raffarin
Que la contractualisation renforce la centralisation. Les contrats, dans leur esprit, étaient de très bons outils de décentralisation. Or, de plus en plus, on voit les grandes administrations retourner à des attitudes dirigistes et se servir des contrats comme moyen pour imposer leur propre politique. À l’origine, l’État cherchait à partager les responsabilités, maintenant l’État fait la manche. L’État dans les contrats, vient chercher de l’argent dans les territoires. La décentralisation n’est plus conduite. On lance des partenariats au fur et mesure des besoins financiers de l’État. Un jour, on souhaite que les régions s’impliquent plus dans la SNCF, ensuite on veut les taxer un peu sur les emplois-jeunes, enfin on les entraîne dans des politiques pour lesquelles elles n’ont pas de compétence.
Le Figaro
Comment se matérialise cette centralisation ?
Jean-Pierre Raffarin
Nous avons des indices réels. Par exemple, parmi les réformes fiscales annoncées par le gouvernement, figurent des exonérations sur les impôts régionaux compensées par le budget de l’État. Ce qui veut dire que progressivement, nous allons vers une budgétisation de la fiscalité locale. C’est à dire que nous serons de plus en plus dépendants, non pas de l’impôt, mais du budget. C’est à dire de la politique centralisée.
Le Figaro
Que pensez-vous de l’initiative de Roger Karoutchi, qui vient de créer une formation rassemblant les élus régionaux d’opposition (FNER) ?
Jean-Pierre Raffarin
Une coordination nationale des élus régionaux, notamment minoritaires, est une chose utile pour l’Alliance. Mais il ne faut cependant pas confondre l’expression des conseillers régionaux organisés en association, comme la FNER et celle des régions représentées par leur exécutif. Il faut veiller à une complète séparation des rôles. J’ai d’ailleurs écrit à Roger Karoutchi afin que les choses soient bien claires. L’Association Nationale des Élus Régionaux (ANER), elle, dépasse les clivages politiques.