Interviews de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, dans "La Voix du Nord" du 26 août 1998, sur le recyclage et l'élimination des déchets.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - La Tribune Le Progrès - La Voix du Nord - Le Progrès - RTL

Texte intégral

La Voix du Nord : Vous venez dans la région présenter les nouvelles orientations en matière de déchets. Qu’est-ce qui va changer ?

Dominique Voynet : Les trois quarts des déchets partent en décharge ou en incinération. C’est une situation préhistorique ! Je souhaite passer à une nouvelle approche : la prévention de la production de déchets (les déchets les plus simples et les moins coûteux à éliminer sont ceux qu’on ne produit pas !) et la valorisation au maximum des déchets qu’on a malgré tout produits. C’est une politique qui doit s’adapter à chaque situation locale, cela concerne la collecte séparée, le tri ou le compostage. Il faut pour cela que tout le monde s’implique et se concerte.
J’ai déjà rappelé tout cela aux préfets en avril lors de l’élaboration des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers. J’ai aussi tenu à fixer un objectif national équilibré de valorisation des déchets désormais, la moitié des déchets devront être compactés en vue de la récupération des matériaux et de la valorisation biologique, par compostage essentiellement (NDLR : comme à Bapaume). Enfin, j’adresse très prochainement aux préfets les résultats départementaux de chacun des plans. À eux d’en tirer les conséquences, la série de mesures que j’annoncerai aujourd’hui consolidera cette politique.

La Voix du Nord : Décharges et incinérateurs sont incriminés ?

Dominique Voynet : Les décharges sauvages, par exemple, ont causé de nombreuses pollutions. Mais il faut lever une ambiguïté. L’échéance de 2002 ne fixe pas la fin des décharges, comme cela a souvent été dit. Celles qui sont réglementaires et qui n’acceptent que des déchets qu’on ne peut plus réutiliser, par exemple, ont leur place.
Les incinérateurs qui sont dans notre collimateur sont ceux qui se trouvent en infraction avec la réglementation en vigueur et qui rejettent beaucoup de polluants, dont les dioxines. C’est aussi ceux qui ne permettent pas de récupérer l’énergie des déchets brûlés. Mon attention se porte aussi sur les projets d’installations trop importantes, surdimensionnées, allant à l’encontre de la politique de prévention et de valorisation que nous voulons développer. Il ne faut pas passer du « tout décharge » des années 80 au « tout incinération » aujourd’hui. Ces deux types de traitement doivent avoir leur place…

La Voix du Nord : Concrètement, cette politique se traduit comment ? Des mesures fiscales ?

Dominique Voynet : Entre autres, oui, cette modernisation de l’élimination des déchets a un coût qu’il convient de maîtriser pour ne pas alourdir la facture du citoyen. À côté de ces coûts, il faut encourager les filières les plus efficaces en matière d’environnement. L’aménagement de la fiscalité du service public d’élimination des déchets, passage du taux de TVA de 20,6 à 5,5 % pour la collecte sélective et la valorisation, mais aussi augmentation des taux d’aides de l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) ou la refonte des conditions de soutien à la valorisation des déchets d’emballages.

La Voix du Nord : Vous avez chiffré le coût de ces mesures ?

Dominique Voynet : Nous sommes aujourd’hui sur un scénario, avec la fin du « tout incinération » d’un coût de l’ordre de 35-40 milliards en termes d’investissements d’ici 8 à 10 ans. Certains investissements concernent également des installations trop vieilles et dont le remplacement à court terme était devenu inéluctable. C’est notamment le cas du parc d’incinérateurs qu’il faudra remplacer… Il faut aussi compter sur l’emploi. La filière déchets est déjà un gisement important avec 71 000 emplois directs. On estime que la simple application de la TVA minorée permettra à moyen terme la création de plus de 3 000 emplois…

La Voix du Nord : Et le Nord – Pas-de-Calais dans tout ça ?

Dominique Voynet : La situation est assez contrastée… Dans le Pas-de-Calais, le département est doté d’un plan qui manque sans doute un peu d’ambition avec un objectif de récupération à 17 % et un objectif de valorisation biologique de 9 %, éloigné de l’objectif national : il faudra donc l’améliorer. Dans le Nord, le plan est en cours d’élaboration, mais toutes les difficultés à l’origine de ce retard semblent levées et tout le monde adhère désormais à la démarche. Tout devrait aller très vite…