Texte intégral
Avoir une ambition pour l'agriculture française, c'est d'abord la reconnaître comme l'un des fondements de notre société et partant de notre économie.
Je l'affirme, l'agriculture n'est pas une activité en déclin condamnée par la modernité, elle n'est pas une activité de loisirs, de subsistance, elle n'est pas une activité de jardinier.
Elle est une activité économique à part entière qui aujourd'hui et demain, encore plus qu'hier, sera l'un des principaux fers de lance de notre économie nationale.
À cette condition et à cette condition seule elle continuera à faire de la France un pays d'exception par la diversité et la beauté de ses paysages, son art de vivre, la qualité de son environnement. L'équilibre de ses territoires, la richesse de son patrimoine.
Telle est ma conviction, une conviction enracinée également dans mon expérience d'élu local. Telle est mon ambition, celle que je me suis forgée depuis un an dans l'observation des formidables capacités de notre agriculture, de nos entreprises agro-alimentaires, de notre agro-industrie, de notre enseignement, de notre recherche.
La question n'est pas de savoir combien il y aura d'exploitants demain, ni combien il en faudrait théoriquement demain pour nourrir la France ou l'Europe.
Si elles permettent de l'éclairer, ni la démographie, ni la prévision économique ne fondent à elles seules une politique. Seule la question « que voulons-nous ? » est importante ?
Après y avoir répondu et seulement après, nous pourrons savoir par la confrontation avec les réalités si notre volonté peut être une ambition réaliste ou non.
Peut-on imaginer pour les 15 ans à venir le maintien d'une agriculture aussi diversifiée qu'aujourd'hui et enracinée dans des terroirs régionaux bien typés ? Je le crois.
Peut-on imaginer une agriculture conciliant performance économique et gestion de l'espace ? J'en suis convaincu. Peut-on imaginer une agriculture économe, compétitive et non productiviste ? J'en suis persuadé.
Peut-on croire à une agriculture présente sur tous les marchés, conquérante et à la fois respectueuse, soucieuse de sauvegarder ce que représente le patrimoine national du goût, de la gastronomie française ? J'en suis sûr.
Ce débat doit être l'affirmation de cette ambition.
Il le sera car il a été préparé avec le plus grand soin.
Dans chaque organisation professionnelle un débat interne s'est instauré, passionné et passionnant. Je veux saluer ici la lucidité dont elles ont fait preuve pour aborder de manière prospective les difficiles problèmes de l'agriculture de demain.
Vous avez conduit vous-même, dans chacun de vos groupes parlementaires, à l'écoute des agriculteurs que vous côtoyez comme des représentants professionnels un travail de réflexion et de proposition dont je vous suis extrêmement reconnaissant.
Ce débat est donc d'abord le vôtre. Sachez que le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture et de la Pêche en attendent vraiment beaucoup.
Comment faire en sorte que notre agriculture soit la plus performante d'Europe secteur par secteur et constitue le socle de toute politique de gestion de l'espace ?
Être performante et tenir le territoire : comment faire en sorte que chaque exploitation, chaque entreprise soient en mesure, en capacité de remplir cette double mission ? L'objet de ce débat est bien de nous éclairer sur les voies et les moyens d'y parvenir.
1ère partie. – Des exploitations et des entreprises performantes
Tel doit être notre premier objectif : l'efficacité économique ne peut et ne doit pas être l'apanage d'une minorité d'exploitations. Elle doit être recherchée par toutes. Il nous appartient non seulement d'accompagner, mais aussi d'orienter cette démarche, afin que chaque entreprise, chaque exploitation puisse trouver le marché qui est naturellement le sien, s'adapter à son évolution et en conquérir de nouveaux.
Dans cette perspective, une politique différenciée des soutiens et des prix, la recherche systématique de la valeur ajoutée, l'allègement des charges seront les trois axes de ma réflexion aujourd'hui devant vous.
A. – Des préalables
Trois préalables sont cependant nécessaires au succès de toutes nos entreprises.
1.1. Maintenir et renforcer la cohésion politique de l'Union Européenne. Sans cette cohésion rien ne sera possible
La Présidence allemande et la Présidence française qui suivra à partir du 1er janvier 1995, seront essentielles à cet égard. Je n'hésite pas à dire que l'agriculture européenne et française y jouera son avenir.
Ce débat s'inscrit ainsi dans cette perspective et constitue l'une des étapes principales de la préparation de ces échéances que le Gouvernement a d'ores et déjà engagée.
1.2. Savoir anticiper sur les évolutions futures de l'environnement International
Certes l'horizon s'est bien dégagé.
Les règles du jeu sont, sinon totalement satisfaisantes du moins fixées pour une période minimum de neuf ans, après la signature des accords du GATT et l'aménagement de la réforme de la PAC.
Mais de nombreux éléments d'incertitude subsistent encore :
– les conséquences effectives de l'élargissement actuel et les interrogations résultant de nouvelles candidatures ;
– l'évolution économique des pays de l'Est et plus généralement des grands ensembles régionaux des pays tiers ;
– l'évolution des parités monétaires.
La réforme de la PAC avait été mal conclue en mai 1992, les négociations du GATT mal engagées avec le pré-accord de Blair House en Novembre 1992, car la France n'avait pas su anticiper.
Plus le monde est mouvant, plus notre effort de discernement doit être important.
Notre capacité d'observation, d'analyse, de prospective doit être impérativement renforcée.
À l'initiative du Premier ministre nous avons mis en place le Comité de suivi du volet agricole du GATT.
Je propose donc qu'au prix de quelques ajustements dans sa composition pour y associer le secteur aval notamment, il soit désormais cet observatoire permanent de l'actualité et des évolutions Internationales dans le secteur agricole et agro-alimentaire.
Dans le même esprit, au sein du ministère, je vais installer d'ici l'été un Comité scientifique de prospective réunissant experts et directions de mon administration.
Une telle instance technique devra avoir notamment pour mission de constituer l'une des forces d'expertise et de prospective du Comité de suivi agricole du GATT.
1.3. Consolider l'œuvre accomplie en un an dans le cadre de l'achèvement et de l'aménagement de la réforme de la Politique Agricole Commune d'une part, des accords de Marrakech d'autre part
1.3.1. Sur le plan international
Sur ce dernier aspect de notre politique Internationale nos orientations ont été clairement et nettement définies par le Premier Ministre, et mes collègues, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l'Industrie et du Commerce et le ministre des Affaires européennes à l'occasion de la signature des accords du GATT.
Il importe sans doute d'en rappeler deux éléments, sans doute par trop passés inaperçus, essentiels au regard des enjeux agricoles :
– La mise en place de l'organisation mondiale du Commerce ;
– la mise à l'étude dans ce cadre d'une « clause sociale ».
1.3.2. Au sein de l'Union Européenne
Un travail considérable est encore nécessaire pour parachever et aménager la réforme de la Politique Agricole Commune.
Ce travail doit se faire dans le respect des principes essentiels qui ont fondé la construction de notre Politique Agricole Commune : préférence communautaire et solidarité financière.
Je souhaiterais voir se développer au sein de l'Union Européenne pour les deux années 1994-1995 les axes forts suivants :
Trois chantiers prioritaires
En premier lieu, trois chantiers revêtent une particulière importance :
– l'Organisation Commune du Marché des vins ;
– l'OCM des fruits et légumes ;
– l'OCM de la viande bovine.
Le calendrier de négociation de ces réformes doit maintenant être arrêté.
J'entends qu'il soit respecté. Mais j'entends aussi que les efforts de la France pour anticiper sur les évolutions souhaitables soient reconnus. J'ai récemment exprimé ma détermination à l'occasion des premières propositions de la France sur l'OCM Viticole. Nous serons très fermes à cet égard.
La cohérence des politiques européennes
La mise en cohérence de la Politique Agricole Commune et de la politique structurelle et régionale est nécessaire.
Cette cohérence était implicitement recherchée dans les travaux des instances européennes qui ont préparé tant la réforme de la PAC que celle des fonds structurels.
Elle a été perdue souvent de vue tant sur le plan de la réflexion que de notre action. Nous avons peut-être par trop négligé l'importance pour notre agriculture des politiques définies et mises en œuvre dans le cadre par exemple de l'objectif 5a. Il faut s'interroger sur l'adéquation entre certaines mesures existantes depuis de nombreuses années et les objectifs poursuivis.
Un tel examen pourrait avoir des conséquences sur l'équilibre budgétaire actuel entre la section garantie et la section orientation du FEOGA.
Pérennité et Subsidiarité : deux principes essentiels pour la gestion de la Politique Agricole Commune : la gestion quotidienne de la Politique Agricole Commune doit être inspirée par les deux principes suivants. : pérennité et subsidiarité.
Pérennité de notre politique : Les compléments au revenu que représentent les aides directes instituées par la réforme de la PAC constituent pour l'avenir, c'est évident, l'un des piliers de l'équilibre financier des exploitations. En conséquence la France sera très attentive à ce que les moyens budgétaires nécessaires assurent effectivement la pérennité de cette politique, conformément aux engagements réitérés lors du Sommet Européen, de Bruxelles en Décembre dernier.
Subsidiarité : Par ailleurs, l'ampleur des redistributions de crédits, notamment à travers les aides compensatoires, nécessite à l'évidence des procédures de contrôle efficaces et surtout équitables.
Elle n'exige pas forcément quarante pages de circulaire de la commission pour gérer l'instruction (dans les moindres détails) de chaque dossier, surtout lorsque l'on sait pertinemment que certains pays ignorent parfois délibérément ces mêmes règles. Notre mot d'ordre en ce domaine doit être plus d'équité dans les contrôles, plus de liberté d'administration et de gestion aux pays membres en un mot plus de subsidiarité.
B. – Des leviers
Le combat de nos entreprises pour gagner des parts de marché doit être mené sur plusieurs fronts à la fois international, européen et national selon des politiques différenciées par secteur en utilisant de façon combinée ou spécifique les trois leviers suivants :
– développer nos parts de marché ;
– avoir le réflexe de la valeur ajoutée ;
– alléger les charges.
I. –Développer nos parts de marché
Cet impératif nous conduit à explorer l'ensemble des voies et moyens qui nous permettront de surmonter les contraintes des accords agricoles du GATT ou de la PAC réformée, et d'exploiter toutes les marges de croissance qui nous sont ouvertes.
Formidable réussite de ces trente dernières années, levier économique indispensable à la survie d'une entreprise agricole sur quatre, l'exportation est devenue plus que jamais un des fondements de notre politique agricole et alimentaire.
Nous devons, à cet égard, avoir l'ambition, pour les dix années à venir, de permettre à la France, deuxième puissance exportatrice mondiale, de conquérir de nouveaux marchés et de doubler notre excédent.
Parler d'évolution des modes de gestion de la PAC, c'est notamment traiter de cette question qui met en jeu tout à la fois :
– la maîtrise des productions ;
– leur compétitivité ;
– leur localisation sur le territoire et bien entendu en dernier ressort le revenu réel des agriculteurs.
Or la gestion actuelle de la PAC ne traite que du premier aspect évoqué, car il s'agissait pour les gestionnaires de la Commission de limiter impérativement les dépenses agricoles et fa dérive budgétaire.
Les nouvelles règles du jeu fixées par le GATT vont nous obliger à faire évoluer de façon significative un système de gestion conçu de façon monolithique.
En ce domaine extrêmement sensible, je privilégierai pour ma part une approche pragmatique, globale et différenciée. Parmi les politiques que nous aurons à développer trois d'entre elles me paraissent mériter une attention particulière :
1. Consolider et augmenter nos parts de marché dans l'Union Européenne
La consolidation et l'augmentation de nos parts de marché dans l'Union Européenne doivent constituer bien évidemment une priorité. En effet, vous le savez nos exportations intra-communautaires représentent 70 % des exportations globales françaises, soit 130 milliards de francs.
2. Affirmer une volonté commerciale nouvelle
Il convient bien sûr d'utiliser toutes possibilités d'exportation normales avec restitution, sur les pays tiers, qui nous sont offertes par la PAC réformée et compatibles avec les accords du GATT, je dis bien toutes les possibilités.
En outre, les accords du GATT doivent nous ouvrir des nouveaux marchés jusqu'ici fermés.
Sans parler des États-Unis, nous devons faire porter nos efforts sur des zones géographiques nouvelles à fort potentiel et sur des pays solvables, notamment en Asie du Sud-Est, au Japon, en Amérique du Sud, et dans les Pays de l'Est…
Cette nouvelle politique commerciale doit faire l'objet d'une coordination renforcée entre les différents ministères et les principaux acteurs concernés. Il nous faut donc mettre en œuvre une politique commerciale offensive.
Cette politique doit bien entendu respecter strictement nos engagements internationaux mais elle doit mettre en place les Instruments nécessaires pour à la fois faire respecter véritablement la préférence communautaire et permettre la conquête de nouveaux marchés.
3. Exporter aussi sans restitution sur le marché mondial
Est-il possible d'accroître nos exportations sur les pays tiers qui représentent déjà plus de 50 milliards de francs ?
À ce propos, il faut souligner que 70 % d'entre-elles bénéficient d'aides à l'exportation pour une valeur d'environ 40 Milliards de Francs. Nous exportons donc sur les pays tiers pour une valeur de 17 milliards de francs sans restitution et sans aide.
Afin d'exploiter toutes nos chances d'améliorer notre compétitivité sur le marché mondial, est-il possible au-delà des contraintes du GATT de développer encore nos possibilités d'exportation sans restitution ? Cette démarche, est déjà courante. : en effet cela est déjà le cas pour de nombreux produits transformés (fromage, vin, spiritueux…). Ce champ peut-il être élargi à des secteurs comme les volailles, certains produits laitiers ou des productions de masse, notamment les céréales ?
Je le crois, et j'y suis personnellement favorable.
Mais nous ne pourrons le faire qu'en adaptant à chaque secteur concerné, nos politiques intra-communautaires de soutien des prix et des revenus.
Cela revient en fait à permettre à nos agriculteurs de développer des productions supplémentaires qui pourraient être écoulées à des prix inférieurs compte tenu de leur coût marginal de production. Avec toute la prudence nécessaire, nous devons pouvoir trouver des solutions fondées sur l'introduction de systèmes de prix différenciés.
Il est cependant important de faire les trois observations suivantes :
Exporter « sans restitution » ne concernera encore pendant de longues années qu'une part relativement faible – de la production – même si dans le secteur céréalier cette proportion n'est pas négligeable. Cela doit permettre une adaptation progressive et mesurée entre politique commerciale, qui doit impérativement monter en puissance, et politique d'aides et de soutien.
Ces procédures doivent être adaptées à chaque secteur.
Notamment certaines d'entre elles ne sont envisageables que dans le cadre d'une organisation qui intègre des passages obligés « de transformation » (à l'exemple du sucre) ou de stockage permettant de contrôler les flux et de procéder à leur orientation en fonction du marché considéré.
Enfin, il convient d'éviter les effets pervers de substitution d'un fournisseur à l'autre ou ceux que pourrait avoir sur une autre filière telle ou telle procédure.
Un mémorandum français
Pour conclure sur ce chapitre, la France déposera un mémorandum auprès de la Commission d'ici la fin de l'année. Ce mémorandum traitera certainement des préalables que je viens d'évoquer :
Réforme des OCM VINS, FRUITS ET LEGUMES et VIANDE BOVINE. Il s'agit d'une nécessité absolue.
Gestion quotidienne de la PAC.
Le deuxième chapitre de ce mémorandum devra traiter des politiques à mettre en œuvre pour améliorer les performances commerciales de notre agriculture sur les marchés extérieurs.
Je suis tout à fait décidé à faire d'ici l'automne des propositions précises à nos partenaires européens.
II. – Avoir le « réflexe de la valeur ajoutée »
Nous l'avons déjà : les résultats, les chiffres en témoignent. Les IAA pèsent 638 milliards de francs dans les comptes de la Nation. Première branche Industrielle, elles emploient 364 000 emplois. Premier exportateur mondial dans leur secteur, elles contribuent pour les 2/3 à notre excédent commercial agricole et agro-alimentaire.
Ce réflexe, nous devons l'avoir encore plus. Nous devons surtout maîtriser parfaitement les évolutions futures afin d'exploiter au mieux toutes les « niches » de valeur ajoutée.
Dans cette perspective les priorités sont les suivantes.
2.1. Soutenir l'investissement pour permettre l'accès aux technologies agro-alimentaires ou agro-industrielles les plus performantes
2.2. Maintenir et développer notre avance technologique ce qui passe notamment par la recherche
2.3. Établir un Juste équilibre entre distribution et transformation
2.4. Développer une politique de qualité
2.5. Valoriser l'usage non alimentaire de nos produits
2.1. Soutenir l'investissement
Le soutien que nous apportons actuellement aux entreprises transite en fait par plusieurs canaux (ministère de l'Agriculture, DATAR, Offices, CODEX AGRO…) et à travers plusieurs outils (primes d'orientation agricole, fonds d'aides aux investissements immatériels notamment). Au total sont mobilisés plus de 420 millions de francs au bénéfice des entreprises agroalimentaires. Ces crédits font l'objet d'une contractualisation partielle avec les Régions dans le cadre du Plan.
Cet effort, certes important, est modeste si on le compare aux investissements annuels de la branche (20 milliards de francs hors stockage et conditionnement).
Je n'hésite pas à dire aujourd'hui à cette tribune qu'il faut Impérativement le poursuivre et améliorer encore son efficacité.
Cette politique industrielle a deux raisons d'être qui dans le contexte international nouveau du GATT et de la PAC réformée prennent une importance accrue :
Elle constitue un instrument souple d'orientation, fondamental dans cette période d'adaptation de notre agriculture. En conséquence et dans un souci d'efficacité, il faut veiller à une double cohérence de notre politique nationale d'une part avec la politique communautaire, avec celle des collectivités d'autre part.
Elle nous permet de faire jouer au bénéfice de nos entreprises alimentaires, lorsqu'elles entreprennent des investissements physiques éligibles à Bruxelles, un effet de levier de 1 à 3, qui bien évidemment doit être mis à profit, compte tenu de l'intervention du FEOGA et des collectivités.
Dans ce cadre, nous pouvons ainsi et nous devrons accompagner :
D'une part les efforts de restructuration dans les secteurs touchés par la politique de la maîtrise de la production.
Il faut à cet égard clairement indiquer que notre politique industrielle doit cesser, sinon exceptionnellement, d'être une politique de soutien permanent à des entreprises difficilement viables à terme. Elle l'a trop été dans les années passées.
D'autre part et surtout l'exploitation des niches de « valeur ajoutée » dans des secteurs nouveaux et porteurs : (produits élaborés dans le domaine de la viande, fruits et légumes transformés …)
Il convient ainsi de permettre l'accès des entreprises aux technologies agro-alimentaires ou agro-industrielles les plus performantes.
Cette politique industrielle doit être le premier piller de la valorisation de nos productions. Le second, c'est l'effort d'innovation, et donc de recherche et de recherche-développement.
2.2. Maintenir et développer notre avance technologique
Cette avance, le Sénateur Pierre Laffitte, répondant à ma demande d'expertise de notre dispositif d'enseignement supérieur et de recherche, l'a bien mise en évidence.
Je citerai un seul chiffre 5 000 chercheurs, enseignants – chercheurs, ingénieurs dans l'enseignement supérieur et la recherche agronomique et vétérinaires, sous tutelle de mon ministère.
Mais le Sénateur Pierre Laffitte en a aussi décelé les faiblesses et les insuffisances :
– manque de lisibilité ;
– cloisonnement des différents acteurs ;
– faiblesse patentes dans certains secteurs, notamment au regard de l'ensemble de la filière agro-alimentaire et agro-industrielle, dans le secteur de l'hygiène et de la sécurité alimentaire.
Ce diagnostic concerne de la même façon la recherche développement et le développement agricole lui-même.
Valoriser encore mieux ces atouts que constitue cet investissement immatériel – 9 milliards de francs dont près de 6 milliards d'argent public – doit être dans les années à venir le second pilier de notre politique d'orientation, d'adaptation et de compétitivité.
Ce Gouvernement n'en verra sans doute pas les résultats mais il faillirait à sa responsabilité que d'en négliger l'importance pour l'avenir.
Je ne l'ai pas fait et en deux ans avec le concours actif du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, j'espère réussir à jeter les fondements d'une politique d'innovation cohérente, ambitieuse, avec la collaboration des chercheurs, des professionnels agricoles, des industriels :
1) Définir les axes prioritaires dans les trois domaines de la recherche qui sont à la source de toute valeur ajoutée : IAA - Agro-industrie – Sécurité et Hygiène alimentaire.
2) Mettre en œuvre une interactivité forte entre réseaux d'enseignement et réseaux de recherche par la définition de fonctions communes, par la constitution de pôles régionaux regroupant établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
3) Mettre en œuvre une politique de contractualisation initiée par le ministère de l'Enseignement et de la Recherche avec l'INRA notamment, tenant compte des orientations stratégiques définies par ce prestigieux établissement.
4) Procéder à une évaluation stratégique et territoriale de notre dispositif de recherche-développement, accompagner les restructurations nécessaires et renforcer des moyens financiers de ce maillon.
5) Accompagner la réforme du développement agricole qui doit être conduite par la Profession afin de parachever la réforme du financement de l'ANDA qui vient d'être décidée.
Pour parler concret, en termes budgétaires, si je plaide pour un accroissement de la part consacrée à la recherche-développement, je crois qu'il nous, faudra procéder à certains redéploiements indispensables tant dans nos budgets de recherche, que dans ceux des offices ou dans ceux du développement.
Tous les protagonistes de la « filière du progrès » en sont conscients. Cela ne peut se faire que progressivement mais cela se fera.
Réalisme et ambition doivent dans ce domaine être nos deux règles d'action.
2.3. Equilibrer les relations entre production-transformation et distribution
2.3.1. Développer une logique de filière
L'agriculture est de plus en plus tirée par son aval, 70 % des produits faisant désormais l'objet d'une transformation.
De son côté l'industrie alimentaire, pour être performante, doit bénéficier d'approvisionnement sûr et régulier. La Filière agro-alimentaire a besoin de règles de mises en marché ou d'accords interprofessionnels.
Je suis déterminé à défendre et à donner un nouvel élan à ces orientations dont la mise en œuvre est encore plus justifiée aujourd'hui et demain qu'hier.
2.3.2. Plus délicat encore est le dossier relatif aux relations entre Industriels et distribution
Le déséquilibre dans ses relations est devenu patent au point qu'il convient de rechercher les solutions qui permettent de lutter contre les abus de positions dominantes et certaines pratiques déloyales. Certes des progrès importants ont été réalisés dans un cadre législatif récemment modifié et amplifié sur des bases contractuelles concernant les délais de paiement.
Il faut étendre ce type d'accord st avancer dans le domaine de la transparence des comptes, l'affichage des conditions générales de vente, l'ouverture de droits de saisine devant le juge des référés en cas de déréférencement abusif.
Faut-il ainsi modifier l'ordonnance de 1946, faut-il progresser sur des bases contractuelles ?
Notre réflexion commune sur ces sujets pourra être utilement alimentée par une analyse comparée des pratiques et du droit existants dans les principaux pays industrialisés. Cette analyse va être menée à l'initiative du Gouvernement dans le cadre d'une mission spécifique confiée à une personnalité qualifiée. Et cet expert s'attachera également à évaluer si la concentration de la puissance d'achat a atteint en France un niveau supérieur à celui constaté dans ces pays européens.
Je pense d'ailleurs qu'il convient de ne pas négliger dans l'examen de cette question la dimension de l'Aménagement du Territoire pour permettre à de nombreuses entreprises régionales de vivre et de se développer.
2.4. Développer une politique de qualité
Le développement des « signes de qualité » sera poursuivi. Il s'agit d'une exigence. bien sûr pour nos productions de terroir, mais aussi et surtout pour nos productions de masse. Cette recherche de qualité doit nous permettre de nous adapter à chaque type de marché.
Elle permet, vous le savez, de fixer les productions, de les identifier, d'équilibrer le partage de la valeur ajoutée. Enfin, nous aurons avantage à utiliser nos signes de qualité dans un sens plus offensif et commercial : les logos des labels et des AOC doivent être identifiés et promus, notamment à l'étranger comme un véritable passeport pour nos produite.
2.5. Valoriser les utilisations non alimentaires de nos produits
Nous ne devons pas oublier que les biotechnologies constituent l'un des débouchés d'avenir de l'agriculture. La plate que peuvent prendre par ailleurs les usages énergétiques ou chimiques est également importante. Dans tous ces domaines les initiatives qu'a déjà prises le Gouvernement seront poursuivies et amplifiées. Il en sera de même dans le domaine des biocarburants où l'effort sans précédent conduit par le Gouvernement va être prochainement relayé dans le domaine de la recherche.
Nous mettons tout en œuvre pour que, dans les trois prochaines années, le quart de la contrainte jachère soit, soustrait à l'obligation de gel.
III. – Alléger les charges
À juste raison ce thème est prioritaire pour la Profession Agricole, comme pour beaucoup d'entre vous. Savoir et pouvoir relever ce défi est bien sûr essentiel dans la course à la compétitivité dans laquelle nous sommes engagés.
Je tiens à faire deux observations préalables :
Cette préoccupation anime l'action du Gouvernement depuis son entrée en fonction et son effort ne s'est pas relâché dans le contexte économique et budgétaire difficile que vous connaissez.
Ainsi vous le savez, près de 3,4 milliards de francs ont été dégagés par le Gouvernement dès le 7 mai 1993 puis le 15 novembre dernier pour permettre notamment la baisse des taux bonifiés, la consolidation de la dette de nombreux agriculteurs et l'allègement de la taxe sur le foncier non bâti.
Alléger les charges c'est faire porter nos efforts sur toutes les charges sans exclusive et cet effort concerne non seulement l'Etat, mais aussi l'ensemble des acteurs.
Je distinguerai dans mon propos deux catégories de charges :
– les charges fiscales, sociales, financières qui pèsent directement sur les exploitations ;
– les charges de structures très liées aux problèmes d'adaptation des structures amont et aval.
3.1. Diminuer les charges de structures
J'en dis un mot, car cet aspect est souvent négligé. Or les efforts entrepris sont déjà significatifs et nous devons impérativement les encourager.
En effet les mutations de l'agriculture ont des conséquences inéluctables sur l'organisation des structures amont et aval de l'agriculture, qu'elles soient professionnelles, économiques ou administratives.
Politique de restructuration, de rationalisation doivent permettre d'alléger les coûts directs des services aux exploitations et d'en améliorer l'efficacité.
Les organisations professionnelles en charge, dans la plupart des cas, de ces structures seront amenées à réaliser des efforts importants, provoquant parfois des remises en cause difficiles.
Je souhaite que nous puissions les encourager et les accompagner.
3.2. Poursuivre nos efforts d'allégement des charges
3.2.1. Moderniser le statut de l'entreprise
Traiter cette question sous ces trois aspects : fiscal, social et financier, revient d'abord à s'interroger sur les évolutions souhaitables du « statut juridique de l'exploitation agricole ». En effet l'ensemble des questions posées ou des propositions faites est sous-tendu par une interrogation fondamentale :
L'entreprise agricole est-elle une entreprise comme les autres, ou conserve-t-elle une spécificité telle que cela justifie la pérennité de statuts particuliers ?
Faut-il favoriser l'évolution progressive de toute entreprise agricole vers un statut de forme sociétaire ?
N'y-a-t-il pas ce faisant, un risque de banalisation ou de rupture culturelle pour beaucoup d'agriculteurs ?
Mais alors, comment mieux prendre en compte sous les trois aspects précités la distinction souhaitable entre patrimoine professionnel et patrimoine privé, ou entre revenus du travail et revenus du capital ?
Dans la situation actuelle de l'Agriculture, des statuts diversifiés doivent pouvoir coexister.
Mais cette approche pragmatique ne doit pas empêcher la modernisation du statut Juridique de l'exploitation, laquelle me paraît être l'une des conditions essentielles de la performance économique recherchée.
Nombre de questions posées trouvent d'ores et déjà leur réponse dans le passage de la forme exploitation personnelle à une forme sociétaire de type civil (EARL) ou commercial (SARL - SA).
Mais il nous faut tenir compte de la réalité : si la forme sociétaire, notamment civile (les GAEC, les EARL), se développe sensiblement depuis quelques années (plus d'une installation sur deux, en particulier), elle demeure minoritaire en agriculture, et pour de longues années encore.
Favoriser une telle évolution me semble cependant une orientation nécessaire mais cela doit se faire dans les conditions suivantes :
Cette évolution doit s'inscrire dans la durée.
Elle doit prendre en compte les spécificités de l'entreprise agricole.
Elle doit respecter la notion fondamentale de responsabilité individuelle de l'exploitant.
3.2.2. En matière sociale
J'ai bien entendu la demande particulièrement insistante visant à mieux différencier dans l'assiette des cotisations sociales les revenus du capital de ceux du travail.
Oui, on doit s'interroger sur les raisons qui font qu'aujourd'hui, un agriculteur cotise souvent, pour ses charges sociales, sur la totalité de ses revenus, y compris ceux qui viennent directement ou indirectement rémunérer son capital, alors qu'un salarié ne cotise que sur le revenu de son travail.
Oui, on doit s'interroger sur les distorsions de traitement entre l'exploitant en faire valoir direct et l'exploitant fermier, qui, lui, peut déduire le fermage de son revenu.
Oui, on doit s'interroger sur les distorsions de traitement entre l'exploitant individuel et l'exploitant en société qui, lui, ne cotise que sur le salaire qu'il a décidé de se verser.
Oui, Je pense qu'il s'agit là d'un sujet capital, car aujourd'hui, pour l'agriculteur, le choix d'un mode de faire valoir, risque de plus en plus de résulter d'un calcul à court terme pour payer moins de charges, alors que cela devrait être la conséquence d'une décision mûrement réfléchie sur l'orientation à long terme de son exploitation.
Je pense que notre expertise doit porter sur la question des revenus fonciers pour les exploitants en faire-valoir direct, voire sur les éléments du capital d'exploitation non amortissables.
Il faut progresser sur cette question et Je suis prêt à ce que nous avancions ensemble, de façon à ce que le Gouvernement puisse faire des propositions pour la prochaine session parlementaire.
3.2.3. En matière fiscale
Notre préoccupation première doit être d'encourager la relance de l'investissement en agriculture, condition essentielle de la performance.
Toute une série d'idées fort intéressantes a été avancée.
En particulier, pour contribuer à cette relance de l'investissement productif, ne serait-il pas utile que nous cherchions à évaluer l'impact réel des systèmes d'amortissement des investissements en agriculture ?
Par ailleurs, plusieurs autres propositions méritent attention :
– la mise en œuvre d'un mécanisme d'exonération progressive des plus-values professionnelles ;
– l'amélioration des règles de traitement fiscal des plus-values latentes sur les stocks à rotation lente ;
– la modernisation du régime simplifié de la TVA agricole grâce à l'abaissement progressif du seuil d'assujettissement ;
– le renforcement de l'incitation à l'assurance pour certains risques agricoles.
3.2.4. En matière financière
Notre dispositif de prêts bonifiés à l'agriculture contribue efficacement à l'allègement des charges financières des exploitations. Je poursuivrai l'effort engagé pour améliorer l'adaptation de ce dispositif. L'assouplissement des critères d'octroi des prêts bonifiés aux formes sociétaire, l'adaptation des ratios d'endettement me paraissent en particulier souhaitables.
Dans le même esprit, je crois nécessaire de maintenir l'effort déjà considérable réalisé par l'État pour contribuer à la consolidation de la dette des agriculteurs dont la situation est la plus fragile.
Sur ce point et plus généralement à propos de l'évolution de la dette, il convient d'observer que l'État ne maîtrise pas seul cette évolution.
Je pense que nous avons encore avec la Profession un important chemin à faire ensemble en ce domaine.
Car nous ne pourrons rien faire sans poursuivre et renforcer un véritable partenariat avec le secteur bancaire au premier rang duquel se situe le Crédit Agricole, dans le respect des responsabilités de chacun.
L'efficacité et les succès de sa gestion, sa spécificité mutualiste sont des atouts précieux pour y parvenir.
3.2.5. Pour assurer enfin une meilleure protection du patrimoine privé de l'exploitant individuel, je vous propose de travailler à des procédures s'inspirant des dispositions de la loi sur l'initiative individuelle Définition d'un ordre des créanciers, institution de procédures de caution proposée de façon optionnelle à l'octroi de tout ou partie de la Dotation Jeunes Agriculteurs…
Toutes ces propositions constituent sans aucun doute une contribution significative à la poursuite de la modernisation de notre agriculture.
Dans le contexte économique et budgétaire, Il convient de définir nos priorités à court terme comme à moyen terme. Dans cette perspective notre travail commun devrait consister à déterminer parmi celles qui ont un rapport « coût-efficacité » maximum ; c'est à dire celles qui seront techniquement efficaces et financièrement supportables.
Le débat d'aujourd'hui ne manquera pas de nous éclairer sur ce point.
Telles sont Mesdames et Messieurs les députés, les orientations que je soumets au débat pour relever le défi de la performance :
– développer nos parts de marché ;
– avoir le réflexe de la valeur ajoutée ;
– alléger nos charges.
IIe Partie. – Tenir le territoire
Ces efforts, cette politique seront-ils suffisants pour permettre à chaque exploitation de remplir la deuxième mission qui lui est impartie : celle de tenir le territoire.
Cette mission, je souhaite qu'elle soit clairement reconnue dans le cadre du débat sur l'Aménagement du territoire et traduite en conséquence dans les textes qui vous seront soumis dans les prochaines semaines.
1. Elle a besoin surtout et avant tout d'hommes et de femmes convaincus de l'avenir de leur métier et je dirais de leur vocation. Assurer l'installation d'une nouvelle génération d'agriculteurs, est certainement l'objectif premier de notre politique. C'est à l'évolution du nombre d'installations que l'on mesurera dans quelques années les effets des politiques que nous avons engagées.
2. Pour remplir cette mission, l'agriculture a besoin d'un tissu rural vivant et actif.
3. Elle a aussi besoin que la cohérence soit assurée entre performance économique et enjeu de l'occupation et de la gestion de l'espace.
I. – L'installation
Faciliter le financement de l'installation et encourager l'accès au métier sont nos deux priorités.
1. Le financement de l'installation
Un effort substantiel a déjà été accompli dans le sens d'une globalisation du financement.
Il faut aller plus loin en ce qui concerne les aspects suivants :
– les conditions d'octroi de la DJA ;
– la globalisation du financement ;
– la restructuration des exploitations.
Les conditions d'octroi de la DJA
Nous avons notamment à nous pencher sur :
– l'amélioration des critères de versement de la DJA ;
– l'élargissement de l'accès de la DJA aux pluriactifs.
La globalisation du financement
La démarche que nous avons engagée devrait pouvoir être poursuivie avec notamment : l'élargissement aux formes sociétaires des prêts bonifiés sont parmi les propositions dont nous avons à débattre.
La restructuration des exploitations
Nous disposons actuellement du puissant instrument de restructuration qu'est la pré-retraite agricole. Ce système a été mis en place pour trois ans et son terme vient à la fin de 1994. Au cours de la période, il aura concerné 48 000 pré-retraites, pour un coût annuel de 600 MF. Il me paraît important que nous puissions en envisager la poursuite au-delà de 1994, pour amplifier le mouvement d'installation et de restructuration qu'il a jusqu'à présent permis.
2. Faciliter l'accès au métier
Les conditions actuelles imposées pour l'accès aux aides publiques sont-elles trop drastiques et découragent-elles les candidats à l'installation ?
L'expertise de cette question importante est en cours, en liaison étroite avec les représentants professionnels.
Je souhaite pouvoir arrêter notre politique en ce domaine avant l'été. Vos avis aujourd'hui sont donc importants. Sans présumer des résultats de la concertation lancée, je voudrais verser au débat quelques pistes de réflexion.
Les obligations actuelles, précisées par un décret de 1988 en vigueur depuis début 1992, sont pour l'essentiel correctement adaptées à un public de jeunes candidats à l'installation, fils d'agriculteurs autour de 20 à 25 ans.
Elles posent de réelles difficultés lorsque l'on s'éloigne de cette catégorie, candidats plus âgés ou issus de milieux différents.
Or, je crois nécessaire d'élargir le champ de recrutement en facilitant l'installation de candidats plus Âgés ou Issus d'horizons divers.
Les assouplissements nécessaires pourraient dans cette perspective porter sur les points suivants :
Conditions d'âge : Faut-il maintenir l'âge de 35 ans, ou l'assouplir sensiblement ?
Le niveau de qualification : il convient très certainement de maintenir l'exigence de formation, sachant d'ailleurs que le champ des équivalences des diplômes a été élargi de façon significative par un arrêté du 14 février dernier ; par contre nous pouvons nous interroger sur les modalités de validation des acquis professionnels.
Le « stage 6 mois » est bien accepté et connaît un succès certain. Mais à l'exemple de tous les autres secteurs, il est adapté à des jeunes sortant de formation initiale. Il ne l'est plus pour un public en charge de famille, ayant une autre expérience professionnelle… À l'inverse le stage 40 heures est insuffisant pour un public jeune. Il est donc nécessaire de trouver une véritable complémentarité entre ces deux dispositifs de préparation à l'installation.
Enfin et en tout état de cause, il me paraît nécessaire de reporter la date butoir de 1996 en ce qui concerne la pleine application des dispositions du décret n° 88-176 du 23 février 1988, relatif aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs.
Ainsi et sur l'ensemble de ces questions, des réponses concrètes devront être apportées dans les tous prochains mois.
II – Un tissu rural vivant et actif
Nous en traiterons dès le 20 juin prochain au cours d'un Comité interministériel sur le développement et l'aménagement rural, présidé par le Premier ministre qui se tiendra dans la Meuse.
Nous y traiterons de la diversification des activités économiques et notamment de la pluriactivité, du logement en milieu rural, du développement des services publics.
Enfin nous arrêterons les missions et les modalités de fonctionnement et de financement du Fonds de gestion de l'espace dont le gouvernement doit décider de la création.
Le CIDAR constituera une première étape se situant dans la perspective des décisions plus importantes qui vous seront proposées par le Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur. Je voudrais insister à ce propos pour ce qui concerne le monde rural sur quelques points.
1. Relancer l'emploi
À ce propos, parmi toutes les actions qui peuvent et devront être mises en œuvre, j'en retiendrai quatre :
– l'entretien de l'espace et du patrimoine rural : ce sera la mission du fonds de gestion que permettre l'exploitation de nouveaux gisements d'emplois en milieu rural tout en offrant une possibilité de diversification aux agriculteurs ;
– le développement du tourisme rural ;
– la croissance du secteur agro-alimentaire. Je l'ai déjà évoquée ;
– le développement de la pluriactivité : des propositions seront faites sur ce point à la suite des conclusions de la mission confiée par le Premier ministre à monsieur le Député Gaymard.
Afin de favoriser cette diversification des activités, je plaide personnellement pour la reconnaissance d'un droit à la différence pour certaines zones très défavorisées en matière fiscale, sociale et financière. Je souhaite que de telles orientations, si elles étaient retenues, puissent également bien entendu bénéficier aux agriculteurs et surtout aux jeunes.
2. Aménager la fiscalité locale
On peut à cet égard s'interroger sur l'évolution de la taxe sur le foncier non bâti, qui demeure en vigueur pour sa part communale.
Pour l'agriculture l'évolution de la fiscalité locale a un effet direct et significatif. Seule une réforme prudente, réaliste et dans une certaine mesure
Globale peut permettre d'envisager une évolution de la TFNB. Je sais qu'elle est souhaitée par la Profession et par beaucoup d'entre vous.
De telles réflexions seront certainement évoquées dans le cadre du débat sur la loi d'orientation pour le développement du Territoire.
3. Conforter l'enseignement technique agricole. Son rôle est essentiel dans l'accompagnement des mutations du monde agricole et rural
Vous êtes tous très attachés à notre enseignement agricole, à son implantation territoriale, à son caractère professionnel, à sa pluralité, à son ouverture sur le monde rural, à son rôle dans l'animation du milieu.
Vous avez raison. J'attache personnellement la plus grande importance à son développement, à sa performance. À cette fin, j'avais confiée au mois d'octobre damier au Professeur René Rémond une mission d'évaluation de notre enseignement technique. Il vient de me rendre ses conclusions.
Si certains avalent des doutes sur la performance de notre enseignement ou l'opportunité d'en maintenir la spécificité, Ils devraient être levés. Je retiens de ce travail remarquable que je tiens à votre disposition, quelques observations essentielles :
a) Le rôle promotionnel et social que joue l'enseignement agricole est essentiel.
L'intégration sur le marché de l'emploi se fait sans difficultés – quasiment à 90 %.
b) Il convient de souligner la qualité exemplaire de la double coexistence pacifique public/privé et temps plein/alternance.
c) Par ailleurs, la taille raisonnable des établissements, leur implantation territoriale leur permettent d'assurer un rôle tout à fait significatif dans le développement et l'animation rurale, dans l'accès des entreprises à l'innovation.
Je considère que notre enseignement a joué et devra jouer un rôle tout à fait fondamental dans la politique d'adaptation de notre agriculture et dans l'aménagement du territoire. J'arrêterai mes décisions à l'automne en vue des résultats de la concertation que j'ai lancée avec l'ensemble des partenaires.
4. Développer l'apprentissage
Il est souhaitable de développer l'apprentissage qui peut jouer un rôle moteur dans une dynamique d'aménagement des territoires ruraux.
À ce sujet une adaptation des mesures d'aides publiques est nécessaire afin de tenir compte de la faible capacité contributrice des collectivités communales. Mais un partenariat peut certainement s'établir avec elles.
5. Encourager les acteurs de l'animation rurale et de la vie sociale
Le monde associatif
Je salue à cette occasion l'action remarquable menée par les associations et leurs membres dans le monde rural. Leurs réseaux, leurs services sont autant d'éléments constitutifs du tissu social. Je souhaite amplifier avec elles la politique contractuelle de soutien que j'ai déjà engagée.
Je considère en effet que leur présence est une condition nécessaire et première de l'installation des jeunes. Je remercie le Parlement de l'attention qu'il a toujours porté au développement du mouvement associatif en milieu rural.
Les agriculteurs retraités
Dans ce cadre, nos anciens jouent un rôle essentiel dans la vie sociale du monde rural. Assurer une vie décente à ceux et celles qui quittent le métier d'agriculteurs est un devoir de solidarité nationale. Ce devoir constitue pour nous une exigence prioritaire à l'égard des femmes d'exploitants qui tiennent leur place dans l'exploitation avec une énergie, une compétence et un désintéressement tout à fait remarquables. Je souhaite que leur situation sociale face aux épreuves de la vie puisse continuer à être améliorée. Voilà pourquoi, en toute priorité, après l'amélioration des petites retraites agricoles, que vous avez décidée au mois de janvier, j'estime que nous devrions poursuivre nos efforts en direction des veuves, en examinant la possibilité pour elles de cumuler pensions de réversion et droits propres dans les mêmes conditions que les autres régimes sociaux.
Je suis très attaché à une telle réforme car Il s'agit d'une mesure de justice sociale. Le coût en est très élevé, mais le Gouvernement a su, dans d'autres occasions récentes, marquer l'importance qu'il attachait à de telles mesures de solidarité.
C'est pourquoi, je crois que nous devons enfin progresser dans cette direction même si l'application devait en être échelonnée sur plusieurs années.
III. – Localisation des productions et occupation de l'espace
Je souhaite évoquer devant vous un seul dossier particulièrement sensible, celui des droits à primes et des droits à produire.
La réglementation communautaire nous fournit une qualification juridique de ces droits qui s'inscrit mal dans notre droit, français. À cet égard les notions de valeur patrimoniale et de valeur économique de ces droits restent à définir.
Ces deux questions ne pourront pas être éludées car elles touchent directement au statut juridique et fiscal de l'entreprise.
Elles devront être traitées si l'on veut se préoccuper de la transmission des exploitations. Enfin toute rénovation du statut du fermage ne pourra éviter de prendre en compte cet aspect des relations bailleurs-preneurs.
Or la notion de « droits à produire » recouvre des réalités juridiques et pratiques très différentes ce qui explique les positions parfois contradictoires prises. Par exemple, certains préconisent à la fois une gestion administrée et la reconnaissance des valeurs incorporelles dans l'évaluation soit du foncier, soit de l'exploitation.
Pour ma part, mon principal souci a été d'une part d'éviter que le système de gestion de ces « droits » n'engendre des charges supplémentaires pour les exploitants et qu'il ne contribue d'autre part à provoquer certaines délocalisations de productions sur une grande échelle.
Une telle orientation, vous le pressentez, implique de facto que l'on exclut à priori de conférer une valeur financière à ces droits – si ce n'est symbolique – même si on est amené à leur reconnaître une valeur juridique.
Elle implique également que ces droits soient attachés sinon au foncier, du moins à un territoire. Cette conception qu'il conviendra d'approfondir doit permettre d'éviter, et j'y suis attaché, que l'on personnalise l'attribution de ces droits et qu'ils soient un élément constitutif de l'accès au métier.
Attacher ces droits à un territoire donné, pour l'instant au territoire départemental comme nous l'avons fait dans le secteur ovin et dans celui des bovins allaitants, me parait répondre en tout état de cause à l'objectif de notre politique qui doit lier localisation souple des productions et gestion de l'espace.
Vos avis me seront précieux sur ce dossier.
J'ai conscience sur ce chapitre d'être très incomplet. En effet l'évolution de notre politique foncière, de notre politique des structures est une nécessité économique pour tous.
Faut-il s'engager dans une adaptation profonde de notre code rural ou faut-il laisser la réalité et la jurisprudence s'imposer face aux querelles idéologiques ? Pourtant l'accès au foncier, reste l'une des plus grandes difficultés à laquelle tout agriculteur est confronté. Faut-il ouvrir ce chantier ?
Sur cette simple question, je serais heureux d'avoir le sentiment de la représentation nationale.
Conclusion
Mesdames et Messieurs les députés, la réponse aux difficultés des agriculteurs réside dans leur capacité à affronter tous les marchés, dans le dynamisme toujours renouvelé de l'ensemble de nos entreprises d'aval, dans la politique commerciale et l'organisation économique que nous saurons mettre en place, dans l'avance technologique qu'il faut conforter, dans la diversification de nos activités, dans les nouvelles missions de gestion de l'espace confiées à chaque exploitation.
Aujourd'hui, nous allons réaffirmer ensemble cette volonté et préciser non seulement les orientations de notre action politique pour les prochains mois, mais aussi pour les prochaines années.
Ainsi ce débat et celui qui aura lieu au Sénat le 9 juin sont essentiels pour nous permettre d'engager les politiques et les actions nécessaires à leur mise en œuvre.
Dès le 20 juin nous aurons un relevé de décisions du CIDAR, qui verra notamment la création du Fonds de Gestion de l'Espace.
Le débat sur l'Aménagement du Territoire confirmera la prise en compte du rôle Joué par l'Agriculture et le monde rural dans les équilibres économiques et sociaux de notre pays.
Une série de mesures législatives et réglementaires seront prises, traduisant les orientations qu'il sera possible dès l'automne de concrétiser dans le domaine notamment de l'allègement des charges, de l'installation et du financement des exploitations.
Notamment, mes priorités concernent la distinction entre revenus du capital et revenus du travail et sa prise en compte dans le domaine social, l'amélioration des conditions d'accès aux aides pour l'installation, l'élargissement des conditions d'octroi des prêts bonifiés, la poursuite du régime de pré-retraites et enfin l'amélioration de la situation des veuves d'exploitants.
Un Mémorandum français traitant en particulier de la Réforme des OCM, des nouveaux modes de gestion de la Politique Agricole Commune et d'une nouvelle politique commerciale sera déposé par la France d'ici la fin de l'année 1994.
Nos orientations politiques sur cinq ans pour notre enseignement technique et supérieur et pour notre recherche seront précisées et arrêtées afin d'assurer notre avance technologique.
Les chantiers exploratoires nécessaires à une adaptation plus fondamentale de notre droit rural seront ouverts.
Ce programme ambitieux et réaliste sera tenu.
Nous aurons ainsi Jeté les fondements d'une nouvelle politique agricole et rurale. L'œuvre de réforme aura été engagée.
Mais surtout nous aurons contribué à ouvrir pour chaque exploitation une vole d'avenir, un chemin à tracer, le sien propre, spécifique, adapté à ses capacités, à son terrain.
Nous aurons contribué à redonner à chaque agriculteur des raisons d'être, de vivre, et d'entreprendre.
Je vous remercie.