Articles de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, dans "L'Hebdo des socialistes" du 4 septembre 1998, sur le bilan de l'Université d'été de la Rochelle et sur le rapport entre les socialistes et le gouvernement, intitulés "Continuer" et "Il est bon que les plus jeunes soient les plus ardents".

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Circonstance : Université d'été du PS à La Rochelle du 28 au 30 août 1998

Média : L'Hebdo des socialistes

Texte intégral

Hebdo des socialistes - 4 septembre 1998

L’université d’été de La Rochelle aura été, une nouvelle fois, un succès par le nombre record de participants, par la convivialité de ces journées et par la qualité de nos travaux.
Lorsque nous avions fixé, à l’occasion du congrès de Brest, le rôle que devait jouer le Parti dans cette période, nous avions insisté sur la nécessité d’anticiper, de préparer les choix de demain et d’animer le débat d’idées. Nous avons respecté ce mandat à La Rochelle. Militants, responsables du Parti et membres du Gouvernement ont débattu, échangé et dialogué de manière constructive.
Ces tables rondes auront également été l’occasion pour nous d’amorcer une discussion autour de notre prochaine Convention nationale sur l’entreprise. Nous y préciserons notre approche sur des sujets aussi fondamentaux que la place du secteur public, le système de prélèvement ou la manière de donner davantage de pouvoir aux salariés dans l’entreprise. Cette Convention nationale nous permettra de tracer les fondements d’un nouveau contrat que la société doit passer avec l’entreprise, qui crée certes des richesses mais doit être aussi un lieu de création d’emplois et de citoyenneté.
Cette université d’été fut également le cadre d’une réflexion sur notre conception du socialisme. En cette fin de siècle, nos valeurs fondées sur la maîtrise du destin collectif, l’épanouissement des chances et la solidarité n’ont jamais été aussi essentielles dans le contexte de la mondialisation. Nombreux sont les intervenants qui ont rappelé le cœur de notre projet : la solidarité est le résultat d’une régulation publique et les choix essentiels qui fondent l’avenir ne doivent pas être le fruit de l’arbitrage de quelques-uns, mais bien les choix exprimés par les citoyens.

Nous avons également rappelé notre extrême vigilance face à la tentation d’une banalisation du FN dans le système politique français. Nous devons rester mobilisés dans les quatre régions devenues tristement célèbres, ainsi qu’à Toulon à l’occasion de l’élection législative partielle. Le succès d’Odette Casanova, au printemps dernier, nous avait prouvé qu’il était possible de faire reculer l’extrémisme, là où il était le plus fort. Il nous faudra confirmer à nouveau ce résultat. Nous y travailleront avec acharnement.
François Hollande

François Hollande, premier secrétaire du PS, à l’université du MJS

« Il est bon que les plus jeunes soient les plus ardents »

Le rapport entre les socialistes et le Gouvernement

L’an dernier, nous étions face à un risque majeur, celui de reproduire les schémas antérieurs de la soumission ou de la distanciation. Cela rendait peu intelligible, l’attitude du Parti, peu crédible l’action gouvernementale et ne pouvait remporter l’adhésion de nos concitoyens aux décisions prises par les gouvernements précédents.

Nous n’avions pas envie d’exister comme si nous n’étions pas au pouvoir, aux responsabilités, et puisque nous ne devions pas reproduire les schémas antérieurs, il nous fallait inventer.

Nous avons joué un rôle et pesé dans les décisions du Gouvernement durant ces quatorze mois. D’abord parce que Lionel Jospin a souhaité que le Gouvernement fonctionne en délibération collective. Pour autant, cela n’aurait pas suffi à nous satisfaire car, en tant que parti, nous n’avons pas notre place ; c’est pourquoi il a veillé à ce que sur les principales décisions et, en amont, sur les principaux choix, le Parti soit consulté et associé.

Ces bonnes dispositions du Gouvernement Jospin n’auraient pas suffi si nous-mêmes en tant que socialistes nous n’avions pas voulu jouer un rôle d’anticipation, c’est-à-dire avoir une capacité de propositions autonome, ce qui suppose une capacité d’expertise, d’analyse sur les questions de la société. Chaque fois qu’il y a eu un débat, nous avons voulu prendre notre part dans l’élaboration de ce qui a été en définitive le choix du Gouvernement, plutôt que de donner notre commentaire sur ce qui avait été décidé.

Mais, la troisième condition pour que ce rôle puisse être compris est que le Parti socialiste fasse des propositions de nature à pouvoir être reprises par le Gouvernement et non en opposition, en contradiction, en rupture avec ce qu’il voulait construire.

Nous avons donc, les uns et les autres, essayé de faire ces propositions avec cet esprit-là : l’esprit de faire la proposition la plus pertinente possible pour qu’elle soit celle retenue par le Gouvernement.

Toutes nos propositions n’ont pas été retenues. Cela veut donc dire qu’il nous faut à la fois continuer à peser sur les choix avec l’insistance nécessaire, car tout ne se joue pas sur une loi de finance ou sur un texte de loi ou sur une négociation, et continuer à multiplier les lieux de réflexion collective.

Nos attentes

Sur l’emploi, et notamment l’emploi des jeunes nous avons vu les premiers résultats : 80 000 emplois-jeunes ont été créés et il nous faudra amplifier le processus ces prochains mois. Mais nous devons aussi étendre les emplois-jeunes au secteur privé, c’est une de nos exigences puisque nous avions dit 700 000 emplois pour les jeunes. Dans cette perspective, le Parti socialiste suivra avec beaucoup d’attention, et mettra toute l’énergie nécessaire pour que la formule du départ à la retraite de ceux qui ont cotisé pendant 40 ans afin que la place soit donnée à des jeunes, trouve son extension à travers ce que l’on appelle le dispositif de l’ARPE.

Nous avions souhaité les 35 heures. Vous avez vu comment le patronat réagit. Il y a une lutte, qui est dans l’ordre des choses, entre ceux qui veulent détourner l’esprit de la loi et ceux qui veulent la faire vivre pour créer des emplois. Là aussi, en tant que formation politique, nous exercerons toute la pression nécessaire sur les acteurs sociaux – et notamment sur le patronat – pour que ces 35 heures puissent être conçues comme nous l’avions imaginé dès le départ.

En ce qui concerne le financement de la Sécurité sociale, nous avons toujours considéré qu’il n’était pas normal, pas juste, que les cotisations patronales, notamment pour la maladie, soient assises sur le seul facteur « travail », et qu’il fallait réfléchir à d’autres formes de contribution. Nous savons que c’est difficile. Nous souhaitons seulement que ce débat soit ouvert en transparence. Et nous souhaitons bien évidemment qu’il y ait des baisses de cotisations sociales pour les salariés les moins qualifiés, mais que cela ne se traduise pas par de nouveaux transferts aux entreprises et que cela soit réparti différemment au sein même des entreprises.

La lutte contre les inégalités passe par la réforme fiscale. Là aussi, nous n’avons jamais voulu que soit engagé tout de suite l’ensemble des réformes que nous avions souhaitées au moment de la campagne électorale. Mais nous avons toujours dit que nous avons et vous aussi, deux priorités :
– la répartition différente entre fiscalité du travail et fiscalité du capital. Beaucoup reste à faire encore pour mieux appréhender les enrichissements et les plus-values ;
– une meilleure répartition entre la fiscalité directe et la fiscalité indirecte. En tant que socialistes, nous sommes favorables à la baisse de la fiscalité indirecte.

J’entends que beaucoup souhaitent, et c’est normal, appeler à la baisse des impôts avec la croissance. Nous partageons cet objectif, même si nous pensons aussi qu’il faut qu’il y ait un niveau de prélèvement qui permette le financement des dépenses publiques et collectives. S’il doit y avoir baisse des impôts, ce doit être celle des impôts indirects, et donc d’abord de la fiscalité indirecte.

La réforme de la justice sera poursuivie, et Elisabeth Guigou entreprend ce que nous avons souhaité : que les juges soient à la fois autonomes dans leurs investigations, notamment ceux du Parquet, et en même temps responsables de leurs actes parce que c’est la règle dans une démocratie.

Il y a d’autres réformes, celle de la vie politique française. Sur la limitation du cumul des mandats, il faut se faire entendre car je suis sûr que d’autres le feront dans un sens opposé à nos objectifs.

Enfin, il y a d’autres réformes comme celle du Pacte d’union sociale. Nous avions voulu, alors que nous étions dans l’opposition qu’il y ait une nouvelle législation ; qu’il puisse y avoir, pour ceux qui ont un projet de vie commune, un cadre juridique donnant les protections nécessaires. Nous n’avons pas changé d’avis, et il n’y a pas là-dessus de timidité du Parti socialiste, même s’il est toujours bon que les plus jeunes puissent être encore plus ardents.

C’est donc en fonction de ces objectifs, de ces exigences, que nous pourrons certes jouer notre rôle, mais aussi que nous pourrons faire réussir le Gouvernement.

La clef, pour le moment, de la réussite de ce Gouvernement, c’est qu’il incarne un pôle de stabilité. Il incarne ce pôle de stabilité aussi parce qu’il y a la confiance. Mais cette stabilité n’est possible que parce qu’il y a la volonté toujours de rester sur un rythme de changement.

Faisons autant de mouvements que nécessaire afin d’être en conformité avec nos engagements et gardons cette stabilité qui nous permet d’aller le plus loin possible.