Texte intégral
J’ai le privilège de me rendre, une nouvelle fois, dans l’Île de La Réunion, département pour lequel mon attachement est ancien et fort, qui se trouve aujourd’hui confronté à de considérables difficultés, mais dont la vitalité et le dynamisme frappent toujours le visiteur. Je voudrais en profiter pour soumettre aux Réunionnais, et plus généralement à tous les Français, quelques réflexions et quelques propositions pour l’avenir de cette région.
Les Français d’outre-mer sont sensibles à la démarche qui consiste à aller vers eux, à reconnaître et à apprécier leur personnalité propre, à montrer que l’on comprend la particularité des problèmes qu’ils rencontrent, enfin à proposer des objectifs et des directions correspondant à leurs propres attentes.
C’est cette démarche qui s’efforcera de guider la présente réflexion, dans laquelle on retrouvera un certain nombre d’observations concernant l’ensemble des départements d’outre-mer, tandis que d’autres sont plus spécifiquement consacrées à La Réunion et à la présence de notre pays dans l’océan Indien.
I. – Les éléments d’un malaise
Les DOM ont connu au cours des dernières années un processus de déstabilisation à la fois institutionnelle, morale et économique.
L’incertitude institutionnelle
Les domiens avaient vécu en 1946 la départementalisation comme une formidable avancée, politique, sociale, mais surtout morale. C’est pourquoi, la loi avait été soutenue aussi bien par Aimé Césaire en Martinique que par Paul Vergès à La Réunion. Il ne faut pas oublier que ces territoires passaient ainsi brutalement, presque sans transition, d’un statut de colonies à une situation d’égalité juridique avec la métropole. Cette réforme, voulue par le général de Gaulle, a constitué la première marque de reconnaissance par la France de la dignité des habitants de l’outre-mer.
C’est au fil des années qui ont suivi que le centralisme républicain a progressivement rendu perceptibles les inconvénients et les excès d’une politique que certains ont qualifié, non sans raison « d’assimilation » et dont la caricature bien connue se résume dans l’histoire de Vercingétorix enseignée aux petits enfants créoles.
Cet alignement sur le droit commun métropolitain a été d’autant plus mal ressenti qu’à partir des années 1960, il s’est situé dans un contexte d’accession à l’indépendance de très nombreux pays, y compris dans le Sud de l’océan Indien : Madagascar en 1960, Maurice, les Seychelles, et plus récemment les Comores et Djibouti. Dès lors, la dignité a cessé de se trouver dans l’assimilation à la France pour s’incarner au contraire dans une autonomie toujours accrue, prélude aux yeux de certains d’une véritable indépendance. Ainsi est née à La Réunion comme aux Antilles, une revendication institutionnelle que les gouvernements socialistes ont cherché à satisfaire à partir de 1981.
C’est pourquoi, depuis maintenant près de 16 ans, les départements d’outre-mer ont vécu dans une incertitude quasi-permanente sur leur avenir institutionnel.
D’abord chargée d’un contenu idéologique et conçue comme l’expression d’une volonté de détacher l’outre-mer de la métropole, la revendication institutionnelle s’est, au fil des années, transformée en un moyen commode d’esquiver les problèmes que le gouvernement était impuissant à régler. Pour s’être appauvri, le discours n’en n’est pas moins demeuré pernicieux.
Après le projet d’assemblée unique, déclaré non conforme à la Constitution, les socialistes n’ont jamais vraiment accepté de clore ce débat, et ont même affirmé, à plusieurs reprises, que la solution des problèmes de l’outre-mer résidait dans une évolution institutionnelle « à la carte », dans laquelle chaque DOM recevrait le statut particulier qui lui conviendrait.
Ainsi s’est établi chez certains le sentiment diffus que les difficultés que rencontrent les habitants de l’outre-mer, lorsqu’elles ne peuvent trouver une solution dans des mesures économiques ou sociales, pourraient être réglées par le miracle d’une réforme institutionnelle. Ce sentiment sous-tend en particulier à La Réunion la revendication d’un second département. Elle exprime une préoccupation tout à fait légitime : mettre un frein au déséquilibre de l’île au profit de la région dionysienne et assurer une meilleure répartition des hommes et des activités sur l’ensemble du département, notamment dans le Sud. Mais la véritable réponse ne se trouve-t-elle pas d’abord dans la mise en œuvre d’une véritable politique d’aménagement du territoire au niveau de l’ensemble de l’île ?
Différent est le malaise des Mahorais en matière institutionnelle. Une histoire multiséculaire a appris à ce peuple, d’origine africaine et malgache, à se méfier des invasions venues des pays arabes, qui ont fortement marqué les autres îles de l’archipel des Comores. C’est spontanément qu’en 1841, les Mahorais se placèrent sous la protection de la France, puis qu’en 1975, ils refusèrent de suivre les Comores dans l’indépendance. Ce passé explique à lui seul la force de la revendication départementaliste à Mayotte : pour ses habitants, il s’agit à la fois d’une question de dignité – c’est la logique de 1946 – et d’une garantie indispensable pour l’avenir. C’est parce que ce sentiment est à la fois respectable et incontournable que j’avais engagé, à partir de 1986, le processus devant permettre à ce territoire de réaliser sa vocation à accéder au statut de département. Depuis lors, d’importants progrès ont été accomplis : il conviendra de poursuivre et de parachever cette évolution souhaitée par les Mahorais.
L’incertitude identitaire
Les Réunionnais ont aujourd’hui conscience de leur appartenance à trois cercles concentriques que sont l’océan Indien, la France et l’ensemble francophone, enfin l’Union européenne. À ces trois cercles « objectifs » s’ajoutent les racines très diversifiées de la population réunionnaise. Sur cette île inhabitée lors de sa découverte, indiens, malabars, musulmans, noirs de la côte des Cafres, chinois, côtoient les « petits » et parfois « grands » blancs descendants des premières migrations européennes des XVIIe et XVIIIe siècles, auxquels s’ajoutent aujourd’hui les nombreux métropolitains travaillant dans les services publics et les entreprises locales.
De cette diversité est née une population qui a souvent été citée en exemple pour sa capacité à surmonter les différences d’origine et à intégrer chacune de ses composantes. Pourtant, les particularismes n’ont pas disparu : avivé sans doute par la crise économique, la poussée du chômage et le malaise social qui en résultent, le vieux démon du communalisme resurgit périodiquement et menace le ciment même de la société réunionnaise.
Le conflit entre ces différentes racines et appartenances explique pour partie le « malaise » réunionnais. La méconnaissance ou l’insuffisante prise en compte de la spécificité et de l’identité créole par les administrations centrales explique, d’autre part, beaucoup de réactions et de discours jugés parfois un peu trop vite anti-français alors qu’ils sont d’abord anti-parisiens. La crainte d’un alignement encore plus aveugle au niveau de Bruxelles explique largement les réticences qui existent encore à l’égard de l’Europe.
Ce débat, loin d’être limité aux questions politiques et administratives, concerne l’ensemble de la société et de la vie quotidienne les banques, les compagnies aériennes, les chaînes hôtelières, les groupes de distribution, etc. sont régulièrement taxés d’attitudes « néocoloniales », c’est-à-dire en réalité d’insuffisante compréhension des données particulières du département.
De même, les relations des Réunionnais avec leur environnement régional ne sont pas dépourvues d’ambiguïtés. D’abord enviés parce qu’ils sont maîtres de leur destin, ensuite méprisés parce qu’ils sont plus pauvres, les États indépendants de la région sont aujourd’hui jalousés parce que leur dynamisme industriel et commercial leur confère de grands avantages à l’exportation, cependant que l’Union européenne leur accorde des aides au développement qui paraissent d’autant plus considérables qu’elles sont individualisées.
Ainsi se nourrit un doute insidieux : l’Europe ne fait-elle pas, en définitive, plus pour les États voisins indépendants que pour ses propres régions d’outre-mer ? Même si la réponse est clairement négative, le problème psychologique demeure.
Les difficultés que notre pays a rencontrées pour faire comprendre et accepter, à partir de 1986, sa présence dans la commission de l’océan Indien soulignent cette ambiguïté quant à la place de La Réunion dans le concert régional.
Les difficultés économiques
Les DOM souffrent de la crise générale qu’a connue la France, mais elle prend à La Réunion une acuité très particulière, pour trois raisons.
En premier lieu, les tendances démographiques propres à l’outremer confèrent à la montée du chômage un caractère quasiment structurel. Pour les quatre départements d’outre-mer, en 8 ans, de 1982 à 1990, la population active a augmenté de 150 000 personnes, alors que les créations nettes d’emploi ne s’élevaient qu’à 78 000, soit pratiquement la moitié de ce qui est nécessaire. C’est une pente qui devient aujourd’hui insupportable.
Premier département d’outre-mer, La Réunion est passée de 515 000 habitants en 1982 à plus de 650 000 aujourd’hui : elle approchera normalement le million d’habitants dans le premier quart du XXIe siècle. L’indice de fécondité ne baisse que lentement et il faudra encore au moins une génération pour qu’un début d’équilibre soit trouvé. Actuellement, en tenant compte de l’arrêt et même de l’inversion des flux migratoires avec la métropole, ce sont près de 7 500 jeunes qui se présentent chaque année sur le marché du travail, alors que le nombre des emplois crées dans le même temps ne peut guère dépasser 3 000 ou 3 600. La Réunion doit donc faire face à au moins 4 000 chômeurs supplémentaires chaque année, en majorité bien sûr, des adolescents : si le taux de chômage global est de 35 %, il est de plus de 50 % chez les jeunes de moins de 25 ans.
Comment une société peut-elle résister à de tels facteurs de déstructuration ?
En second lieu, les DOM constituent individuellement des marchés étroits et cloisonnés. C’est pourquoi, la crise financière de nombreuses collectivités locales et la baisse des commandes publiques qui en résulte sont ressenties de manière plus brutale et douloureuse qu’en métropole.
Troisième observation : la crise s’est traduite par une aggravation des phénomènes de dépendance et d’assistanat par rapport à la métropole. Aujourd’hui, outre-mer, un individu sur 7 est inscrit au RMI : la proportion est de 1 pour 35 en métropole. Elle est de 1 pour 5 à La Réunion, où les 47 000 bénéficiaires du RMI représentent 7 % de la population totale. Cette situation n’est évidemment pas conforme à la dignité des Réunionnais et elle contribue à nourrir la crise morale et identitaire évoquée précédemment.
Pourtant, la société et l’économie réunionnaises sont très probablement plus stables qu’il n’y paraît. Le tissu industriel et commercial repose sur des entreprises le plus souvent dynamiques et performantes, gérées par des dirigeants bien formés et compétents. Les élus, et notamment les plus jeunes d’entre eux, ont pris conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans le développement économique et l’équilibre social du département. Au-delà des clivages politiques naturels, les assemblées départementale et régionale ont adopté des modes de fonctionnement qui privilégient la recherche d’un consensus : cette démarche tend à renforcer une cohésion sociale dont la plupart des grands partis mesurent aujourd’hui la nécessité.
Les atouts de La Réunion sont réels : il revient à l’État d’aider les Réunionnais à les mettre pleinement en valeur.
II. – Éléments d’un projet pour La Réunion
La formation des hommes
La Réunion se distingue à la fois par la grande jeunesse de sa population et par le déficit d’éducation et de culture de sa jeunesse, déficit qui se traduit de manière inéluctable au niveau de la qualification professionnelle. Les taux d’échec scolaire, le pourcentage d’analphabétisme sont supérieurs à ceux observés en métropole : 60 % des jeunes de moins de 24 ans ne possèdent aucun diplôme. Parmi eux, on l’a vu, 60 % sont chômeurs.
La première forme d’égalité entre les hommes, qui est celle des chances, n’est pas réalisée à La Réunion, comme elle ne l’est pas, d’une manière générale, dans les départements d’outre-mer.
Depuis le transfert des compétences en matière d’éducation, le conseil général et le conseil régional ont pourtant consacré des efforts très importants à la construction et la rénovation des collèges et des lycées afin de rattraper le retard accumulé, malgré des dotations d’État sans rapport avec l’acuité du problème ou avec le dynamisme de la démographie locale.
Mais dans l’ensemble, l’État n’a pas accompagné ce mouvement au niveau de la formation des maîtres et des effectifs enseignants du primaire et du secondaire. En ce domaine, la problématique particulière des DOM justifie des critères d’encadrement pédagogiques différents de ceux de la métropole, et un effort particulier au niveau du soutien pédagogique et du rattrapage pour les enfants en situation de difficulté scolaire. L’égalité en matière d’éducation et de formation ne consiste pas à faire autant qu’en métropole, mais à faire plus.
Cet effort devra être organisé sous forme de conventions d’objectifs entre l’État et les conseils généraux ou les conseils régionaux, selon le cas, sur la base de financements conjoints.
Les filières d’enseignement secondaire technologique et professionnel devront être fortement développées en tenant compte des besoins des marchés locaux de l’emploi.
La formation professionnelle devra être repensée et réorientée en profondeur. Une structure de concertation et de coordination devrait réunir, dans chaque département, les responsables des filières scolaires et de formation et les partenaires socio-professionnels. Elle serait chargée de définir les priorités, d’agréer les organismes de formation et de répartir les financements.
Les sommes consacrées par les entreprises à la formation professionnelle devraient pouvoir bénéficier, au moins en partie, de la défiscalisation.
Enfin, il est essentiel que La Réunion achève de rattraper son retard en matière universitaire et qu’elle contribue davantage au rayonnement intellectuel et scientifique français dans cette région du monde.
Ceci suppose à la fois une diversification des premiers cycles offerts aux étudiants et un renforcement de l’encadrement des seconds cycles existants. C’est en effet dans ce domaine de l’encadrement que les insuffisances les plus flagrantes sont observées : il est grand temps que l’État accorde à l’université de La Réunion des conditions de fonctionnement au moins égales à celles des universités de métropole.
Cet effort devra se situer dans le contexte d’un transfert partiel de l’université vers le Sud, où une partie des futurs équipements doit être installée. C’est une décision positive, qui contribuera certainement à créer dans la région du Tampon et de Saint-Pierre une dynamique nouvelle.
Enfin, les formations supérieures courtes, débouchant sur des possibilités d’embauche immédiate, du type IUT ou BTS, devront être favorisées, ainsi que les classes préparatoires aux établissements supérieurs et les premiers cycles universitaires. Pour les seconds cycles et les filières longues, un meilleur partenariat devra être établi entre l’université locale et ses homologues métropolitaines, afin de faciliter l’insertion des étudiants réunionnais dans des formations de très haut niveau.
L’identité culturelle
À partir de la diversité de leur origine, les Réunionnais ont développé une culture et des traditions qui les unissent et qui constituent leur originalité au sein de l’ensemble national et européen. Ils aspirent à les conserver et à les mettre en valeur : nous devons comprendre, respecter et soutenir cette volonté.
Les traditions culturelles propres à chaque département ne font pas obstacle à l’appartenance à une culture nationale qu’elles contribuent au contraire à enrichir. À l’inverse, s’affirmer Français et francophone ne conduit pas à nier sa créolité. Dans des sociétés domiennes apaisées et réconciliées avec elles-mêmes, l’affirmation culturelle devra exprimer un épanouissement naturel plus qu’une revendication d’identité.
Entendu au sens le plus large du terme, le patrimoine culturel devra être préservé et mis en valeur. Il constitue d’ailleurs un élément concourant à la promotion et au développement économique et notamment touristique. Le département et la Région l’ont compris et consentent des efforts importants : l’État doit les accompagner.
L’État devra également encourager la créativité artistique dans les DOM. C’est à notre initiative que les investissements immobiliers destinés à la production et à la diffusion d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ont été inclus dans le champ de la défiscalisation à partir de 1992.
Mais, les DOM devront aussi, à l’avenir, bénéficier des aides de l’État en faveur des productions cinématographiques et des exploitants de salles, ce qui suppose que l’action du Centre national de la cinématographie leur soit étendue.
L’environnement et le patrimoine naturel
Le milieu naturel des départements d’outre-mer constitue pour eux un capital irremplaçable. Aux plages exceptionnelles des Antilles répond à La Réunion la multiplicité des sites montagneux grandioses de l’intérieur, qu’il s’agisse des trois cirques entourant le Piton des Neiges ou du volcan de la Fournaise.
Mais ce capital est fragile : il est temps d’en prendre conscience et de mettre en place une véritable politique de préservation de la nature.
Dès 1987, mon gouvernement avait créé, en Guadeloupe, le premier parc naturel régional de l’outre-mer. Demain, il faudra aller plus loin dans cette voie.
Pour cela, il conviendra d’abord de réconcilier et de lier étroitement tourisme et protection de l’environnement. Au cours des dernières années, de réels efforts ont été faits en matière d’architecture et d’insertion des projets touristiques et hôteliers dans leurs sites. Il est impératif de les poursuivre, de mieux associer les responsables locaux à la gestation des projets, et de faire en sorte que ceux-ci soient perçus comme des moyens de mise en valeur de l’environnement, plutôt que comme des risques pour celui-ci.
Simultanément, un effort important devra être consenti dans les départements d’outre-mer pour lutter contre la pollution. Dans chaque département devront être établis et mis en œuvre un programme d’épuration et de traitement des eaux usées ainsi que des moyens modernes de traitement des ordures ménagères, avec pour objectif de préserver la richesse que constitue pour ces îles leur environnement naturel, terrestre comme maritime.
Les industries de protection de l’environnement devraient être incluses dans le champ d’application de la défiscalisation.
L’État devra intervenir pour favoriser la suppression des décharges, des cimetières automobiles, et la restauration de certains sites aujourd’hui laissés à l’abandon. Cette action pourrait notamment être conduite par des bénéficiaires du RMI dans le cadre associatif du dispositif d’insertion prévu par la loi Perben.
L’économie et l’emploi
La création du nombre le plus élevé possible d’emplois nouveaux constitue une priorité absolue à La Réunion. De nombreux instruments économiques peuvent concourir à cet objectif.
La défiscalisation des investissements instituée en 1986 a montré qu’elle constituait un instrument très efficace de développement et de lutte contre le chômage, tout en entraînant d’ailleurs une progression du produit de la fiscalité.
C’est pourquoi, j’ai insisté dès le printemps 1993, malgré les réticences du ministère du budget, pour que le collectif budgétaire rétablisse le dispositif de 1986 (loi Pons) qui avait été réduit par les gouvernements socialistes.
Mais il faudra sans doute, en ce domaine, aller plus loin et faire preuve d’audace :
- en ouvrant largement le bénéfice de la défiscalisation aux classes les plus modestes ;
- en élargissant la défiscalisation des emplois à domicile ;
- en étendant la mesure aux investissements qui préparent l’avenir : la formation professionnelle et la recherche et à ceux qui contribuent à protéger l’environnement.
La création de zones franches, rendue possible par la loi programme du 31 décembre 1986, qui n’avait pas reçu d’application jusqu’à présent, va faire l’objet d’une première expérimentation à proximité de l’aéroport, sur la commune de Sainte-Marie. Cette tentative, qui peut contribuer à améliorer les capacités du département à l’exportation, mérite en tous points d’être encouragée.
Le secteur artisanal, très vivant à La Réunion, doit bénéficier des aides nécessaires à sa modernisation et à son développement, notamment dans la mesure où il contribue activement à absorber une partie des jeunes qui se présentent sur le marché du travail. La situation souvent difficile des entreprises artisanales en matière de cotisations sociales et fiscales devrait faire l’objet d’un examen attentif.
Enfin, des emplois pourraient être libérés en faveur des jeunes générations, notamment dans le BTP et dans le secteur de la canne, si des mesures de préretraite étaient proposées à des travailleurs âgés de 55 ans ou plus, sans formation, qui accepteraient de cesser leur activité. Un tel dispositif serait sans doute coûteux au départ, mais il se traduirait aussi par des gains de productivité bénéfiques à l’économie réunionnaise, et donc à l’emploi.
Car celui-ci, une fois encore, doit constituer notre priorité.
Le développement touristique
Le tourisme représente à La Réunion une activité importante et en progression régulière.
Créateur d’emplois sur place, générateur de dépenses, souvent en devises, venant de l’extérieur, adapté aux conditions géographiques, il constitue l’un des moyens de rompre le cercle vicieux du chômage, de l’assistance et du déséquilibre des échanges.
Mais d’autres pays de la région développent depuis quelques années leurs capacités d’accueil, dans des conditions généralement très concurrentielles, et qui menacent La Réunion.
Le tourisme réunionnais doit donc être encouragé et aidé pour faire face à cette concurrence.
D’abord, il faut éviter une simple stratégie de l’offre qui conduirait à développer aveuglément le parc hôtelier existant. L’évolution contrastée des taux d’occupation doit conduire à une démarche plus réfléchie. Le développement de la capacité d’accueil doit être étroitement lié à celui de la capacité de transport, c’est-à-dire à l’augmentation du nombre de sièges offerts par les compagnies aériennes.
Celle-ci résultera notamment de la possibilité, pour toutes les compagnies européennes, de desservir La Réunion. Cette possibilité devra être ouverte rapidement.
Il faudra également diversifier l’offre touristique et définir des « produits » touristiques spécifiques, tenant compte des caractéristiques propres et des potentialités du département. La variété des reliefs et des paysages permet, en particulier, de coupler un tourisme balnéaire classique avec un tourisme de découverte à l’intérieur, pour lequel La Réunion se montre particulièrement compétitive.
Le modèle du « ghetto hôtelier » devra être exclu au profit de combinaisons faisant une place importante à la découverte d’un « pays » et d’une « culture » qui devront eux-mêmes, à l’avenir, être conçus et traités en termes de produits créateurs de ressources. Des séjours « à thème » qui correspondent de manière croissante à l’attente de la clientèle, devront être conçus et proposés.
L’effort de promotion et de prospection, trop concentré sur la France, devra être étendu vers la CEE mais aussi le marché sud-africain, qui pourraient assurer un meilleur remplissage aux périodes délaissées par la clientèle nationale. L’État devra soutenir cet effort qui implique une démarche commune des autorités locales, des responsables hôteliers et des transporteurs français et européens.
Il devra également favoriser la formation aux métiers du tourisme et de l’accueil, dans une approche plus large que le concept trop restrictif des « métiers de l’hôtellerie » encore en vigueur aujourd’hui.
Le tourisme peut devenir l’une des principales sources de richesse des DOM. Il ne le sera toutefois réellement que s’il est accepté par leurs habitants et non subi comme une pression venue de l’extérieur. Un effort pédagogique permanent est donc nécessaire de la part des responsables économiques et politiques.
L’agriculture
En dépit d’une diminution relative, l’agriculture demeure un secteur d’activité très important pour l’économie des départements d’outre-mer, en particulier par sa contribution à l’emploi et aux exportations. Sa part dans la formation de la richesse (10 à 12 %) y est sensiblement plus élevée qu’en métropole.
Cependant, leur agriculture est confrontée à de nombreux handicaps et difficultés, parmi lesquels on peut citer :
- l’isolement, qui augmente très sensiblement le coût des produits importés et le fret à l’exportation ;
- la concurrence, sur les marchés européens et mondiaux de producteurs bénéficiant de coûts de main-d’œuvre infiniment moins élevés.
Malgré les efforts de diversification, la filière canne-sucre-rhum constitue aujourd’hui encore l’ossature de l’économie agricole de La Réunion.
Son maintien et son développement, qui sont essentiels à l’équilibre de l’île, supposent que soient engagés des efforts de modernisation et de restructuration de l’appareil de production déjà entamé dans le programme Poésidom.
Il sera également indispensable d’obtenir, pour les producteurs de sucre des DOM une aide compensatoire égale à la perte de recettes résultant de la réduction du prix du sucre prévue dans le cadre de la révision de l’organisation commune de marché.
Pour le rhum, la révision du protocole annexée à la convention de Lomé et la perspective d’une suppression du contingent appliqué aux rhums des pays ACP justifient que nous exigions le maintien d’une garantie d’écoulement des rhums domiens sur le marché communautaire. C’est à la lumière des résultats obtenus à Bruxelles que pourra être revue l’organisation du marché français.
Simultanément, il appartiendra à l’État de favoriser les cultures de diversification, notamment fruitière et légumière, afin de couvrir au moins la consommation locale, ainsi que l’élevage. Enfin, les cultures spécialisées traditionnelles que sont la vanille, le géranium et le vétiver doivent être aidées à s’adapter et à se moderniser. Elles constituent un élément du patrimoine réunionnais. En particulier, il conviendrait d’intervenir rapidement pour éviter la disparition de la culture du vétiver, qui connaît d’importantes difficultés.
Égalité et dignité
Depuis que la loi du 19 mars 1946 a fait de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane des départements français, le débat sur les mérites respectifs de l’assimilation et de la dérogation n’a jamais véritablement cessé. C’est bien celui qui apparaît en toile de fond de la querelle entre les tenants de l’égalité sociale et ceux de la parité.
Ce débat a pris un relief particulier à La Réunion à la fin des années 1980 mais les termes n’en ont en réalité jamais été tout à fait clairs. Tout en défendant, de 1986 à 1988, le concept de « parité sociale globale » qui me semblait mieux répondre, à l’époque, à la situation particulière des départements d’outre-mer, j’ai étendu à ces départements certaines prestations sociales dans les conditions exactes où elles étaient versées en métropole, ce qui relevait de la notion d’égalité. À l’inverse, ceux, qui à l’époque, prônaient l’égalité ont inventé en 1989, pour appliquer le RMI outre-mer, une notion de « proratisation » qui relève très exactement du principe de parité globale… Le moment n’est-il pas venu, à la veille d’une échéance majeure et dans le cadre du débat national qui va le précéder, de sortir d’une querelle sémantique devenue quelque peu dérisoire ?
Le temps a passé depuis 1986, et il nous apporte plusieurs enseignements.
D’abord, les mesures de rattrapage du Smic des DOM – en particulier à La Réunion – par rapport à celui versé en métropole, n’ont pas entraîné les catastrophes économiques que les experts avaient annoncées. Elles n’ont pas entraîné de licenciements significatifs et elles n’ont pas empêché les DOM de connaître un rythme de créations d’emplois double, en proportion, du rythme national. De même, le rattrapage du niveau des allocations familiales n’a pas eu les effets négatifs que certains craignaient et a plutôt soutenu le niveau de l’activité économique.
Le second enseignement est que, à La Réunion, la revendication d’égalité sociale est demeurée jusqu’à ce jour tout aussi forte et insistante. C’est qu’au travers de l’égalité, c’est bien le problème de la dignité et du respect des domiens qui se trouve posé. Nous ne pouvons plus admettre aujourd’hui que les habitants de l’outre-mer soient, à conditions égales, traités différemment de ceux de la métropole. Nous ne pouvons pas conduire en métropole, particulièrement à Paris, un difficile combat contre la marginalité et l’exclusion, et admettre qu’il y ait dans les départements d’outre-mer des Français de seconde catégorie.
L’égalité aujourd’hui n’est ni un slogan, ni un objectif, elle constitue une obligation morale que nul ne pourra éluder.
C’est donc dans les formes et pour les montants appliqués en métropole qu’il faut étendre aux DOM les prestations qui ne l’ont pas encore été, plutôt que de se livrer, pour justifier un combat d’arrière-garde, à des acrobaties comptables.
C’est également sans arrière-pensée qu’il faudra, aussi rapidement que possible, effacer l’écart – aujourd’hui modeste – qui sépare encore le salaire minimum des DOM et celui de la métropole.
La charge supplémentaire qui en résultera pour les entreprises doit être compensée par les allègements de cotisations sociales prévues par la loi Perben et celles qui pourraient être décidées par la suite, ainsi que par les gains de productivité que peut dégager une politique plus ambitieuse de formation professionnelle.
Naturellement, il faut être conscient que les disparités avec la métropole ne concernent pas seulement le Smic, le RMI ou les allocations familiales. La proportion de logements précaires ou insalubres outre-mer est de l’ordre de 30 %, le tiers au moins des familles vit dans la promiscuité. Les taux d’alcoolisme, de toxicomanie, de séropositivité ou de sida sont sans rapport avec ceux de la métropole. La proportion d’analphabètes augmente, le retard scolaire moyen est de l’ordre de 2 ans…
Pour beaucoup d’habitants des DOM, l’égalité ne consiste pas seulement à aligner une prestation sociale par la signature d’un décret : elle réside d’abord dans la possibilité d’accéder à une égale dignité humaine dans les conditions de vie et la possibilité de travailler, ensuite dans l’institution d’une véritable égalité des chances pour les générations montantes. Ce sera le combat essentiel de cette fin de siècle.
La loi Perben s’efforce de répondre à cette situation et d’offrir aux domiens une perspective d’insertion par le travail. C’est une loi courageuse, imaginative, et qui constitue un progrès indéniable. En particulier, elle met en place, à partir des crédits consacrés au RMI, un véritable secteur d’activités d’utilité sociale, ce qui correspond bien aux problèmes et à la situation particulière de La Réunion.
Le gouvernement a voulu faire du retour à l’emploi le levier essentiel de l’insertion dans les DOM : on ne peut que s’en réjouir car c’est une politique qui va dans le sens de la dignité des hommes de ces départements.
Tout au plus peut-on formuler une crainte et un regret :
- crainte que les entreprises n’utilisent pas immédiatement et au maximum les avantages très importants que la loi leur accorde en matière d’exonération des charges sociales : une grande vigilance s’impose pour que le texte trouve très vite son plein effet ;
- regret que des mesures plus audacieuses n’aient pas été retenues en matière de retraite anticipée : c’est l’un des moyens de dégager des emplois pour les jeunes, et il faudra dans l’avenir l’utiliser plus largement outremer, pour tenir compte de la jeunesse de la population active.
Tels sont les principaux axes selon lesquels peut s’organiser, pour les années à venir, une véritable politique de redressement, non seulement économique, mais surtout social et moral à La Réunion. C’est à partir de ces axes et de cette politique que pourra également être redéfinie la place que doit tenir notre pays dans cette partie du monde.
III. – Une ambition pour la France dans l’océan Indien
Longtemps maintenus dans l’isolement par l’histoire et par les structures politiques et économiques qu’elle leur a léguées, les DOM sont appelés aujourd’hui à développer des liens de plus en plus étroits avec les régions dont ils font partie.
Les acteurs locaux souhaitent une meilleure insertion de leurs départements dans leur environnement géographique, parce qu’ils y recherchent des solidarités politiques et culturelles, et parce qu’ils veulent élargir leurs marchés et abaisser leurs coûts de production. Pour de très nombreux habitants des DOM, leur identité trouve son prolongement naturel et son épanouissement dans une identité régionale plus large (océan Indien, Caraïbe…).
La France doit encourager cette évolution qui constitue pour elle un atout. Elle peut lui permettre de se rapprocher des peuples de ces régions, tant au plan politique qu’à celui de la culture et rendre plus efficace sa politique de coopération scientifique, technique et culturelle, en lui offrant une base opérationnelle dans la région. Elle contribuera ainsi au développement économique et à la stabilité politique, dans l’océan Indien comme dans les Antilles-Guyane.
Une France respectée à La Réunion
La valorisation de l’image de la France dans la zone Sud de l’océan Indien suppose qu’un certain nombre de préalables soient levés.
Ainsi, les inconvénients de l’incertitude institutionnelle ont été évoqués plus haut. Aujourd’hui, le moment est venu de prendre conscience que les termes dans lesquels le débat statutaire est posé depuis 15 ans – pour ou contre l’assemblée unique – sont dépassés. La Réunion, comme d’autres DOM, donne l’exemple d’une coexistence globalement satisfaisante des deux collectivités et de leurs assemblées. La politique à suivre en ce domaine doit donc d’abord viser à consolider la stabilité institutionnelle en donnant au Sud de l’île les infrastructures administratives et techniques qu’il attend à juste titre.
En second lieu devra être engagé, avec prudence et progressivité, le renforcement des liens et de la solidarité entre La Réunion et Mayotte. La création, le moment venu, d’une région Française de l’océan Indien demeure à mes yeux une ambition conforme à l’intérêt des deux îles et que notre pays se doit de poursuivre.
Mais l’État doit surtout, à La Réunion comme dans d’autres DOM, mieux exercer son autorité.
Ceci suppose que soit réaffirmé le droit à la tranquillité et à la sécurité. Les départements d’outre-mer se trouvent confrontés à une montée inquiétante de la délinquance et de l’insécurité, liée à la crise économique, mais aussi dans de nombreux cas, à l’abus d’alcool et à la consommation de drogue.
Une politique simplement répressive ne saurait naturellement suffire à répondre à un phénomène dont les causes sont multiples et souvent profondément ancrées dans la crise que connaissent les sociétés d’outre-mer. Mais on ne peut assister sans réagir à la multiplication des agressions de tous ordres, particulièrement lorsqu’elles concernent des adolescents ou des personnes âgées ou lorsqu’elles revêtent, comme c’est trop souvent le cas à La Réunion, un caractère sexuel.
Un effort particulier devra être consenti en faveur de la lutte contre l’immigration clandestine, qui, à partir de Mayotte, prend des proportions préoccupantes à La Réunion elle-même. La décision récemment arrêtée de rétablir pour les Comoriens un visa à l’entrée à Mayotte va dans ce sens. Il convient maintenant que des contrôles efficaces garantissent sa bonne application.
Ces actions supposent une mise à niveau des effectifs de police et de gendarmerie, qui sont aujourd’hui encore, en proportion de la population et des risques, parmi les plus faibles des départements d’outremer. En particulier, les moyens et les structures de la police judiciaire doivent être reconsidérés à La Réunion.
Il faut enfin rappeler le rôle essentiel que jouent, dans l’affirmation de la place de la France, les forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien, dans leurs composantes terrestre, aérienne et maritime. Cette présence est naturellement appelée à être confirmée pour l’avenir.
Faire progresser, Mayotte
J’ai évoqué plus haut l’attachement des Mahorais à la France et leur attente d’un statut départemental. Je n’oublie pas l’accueil chaleureux et enthousiaste qu’ils m’avaient réservé à l’automne de 1986, lorsque j’avais annoncé le lancement d’un plan destiné à créer les conditions de cette départementalisation. Ce plan a été mis en œuvre sur la base d’une convention entre l’État et le conseil général : il a permis de nombreuses avancées dans les domaines juridique, économique et social.
Ainsi a été engagé un processus, qui s’est poursuivi, de mise à niveau des institutions mahoraises afin de les rapprocher du droit commun des départements d’outre-mer. Les Mahorais ont désormais la garantie tangible que leur appartenance à la France ne sera plus remise en cause contre leur avis.
Aujourd’hui, reste à conduire l’action délicate consistant à amener Mayotte aux conditions économiques modernes sans déstabiliser son tissu social traditionnel. Société presque complètement islamique, matriarcale, polygame, marquée par la force des traditions coutumières, Mayotte possède de considérables atouts pour affronter la compétition économique. Bien qu’insuffisamment mis en valeur, son potentiel agricole est considérable. Il concerne non seulement les cultures spécialisés et exportées (ylang-ylang, vanille et café), mais aussi le rit, les bananes et le manioc. Une restructuration foncière, la mise en place d’un véritable outil de formation agricole et d’assistance technique aux producteurs permettraient de relancer ces productions, de réduire le déficit alimentaire, et même sans doute de le faire disparaître.
La pêche, à l’intérieur comme à l’extérieur du lagon, peut être modernisée et développée.
Enfin, les potentialités de développement touristique sont considérables et encore largement inexploitées.
L’essor économique de Mayotte passe par une modernisation des infrastructures de transport : l’allongement de la piste de Pamandzi, qui est en cours et l’achèvement du port en eau profonde de Longoni. Le développement économique et notamment touristique suppose un désenclavement maritime et surtout aérien et une baisse significative des tarifs des liaisons desservant Mayotte.
Le progrès devra aussi respecter les valeurs traditionnelles de la société mahoraise, qui est appelée à vivre en peu d’années, une évolution rapide et profonde, non exempte de risques de déstabilisation. L’action de l’État, des collectivités locales et des partenaires économiques devra, pour limiter ces risques, être empreinte de prudence et reposer sur une étroite concertation.
C’est dans cet esprit que les Mahorais, rassurés sur leur appartenance à la France, intégrés dans l’ensemble français de l’océan Indien, admis par les autres pays de la zone, pourront être invités à confirmer leur choix de 1974 et 1976.
Accroître le rayonnement français
L’île de La Réunion se trouve au cœur de la zone Sud de l’océan Indien, environnée de pays ayant en commun des relations anciennes et souvent profondes avec notre pays : l’Île Maurice et les Seychelles, françaises jusqu’en 1814, Djibouti, les Comores, enfin Madagascar.
Dans tous ces pays, la culture française est demeurée présente, notre langue est très largement employée, l’attachement à notre pays et à ses valeurs reste forte. La francophonie demeure vivante et dynamique : la langue de travail de la commission de l’océan Indien est le français. Puissance riveraine reconnue à travers La Réunion comme membre à part entière de cette commission, acteur important de la coopération régionale, la France constitue dans cette zone un facteur de stabilité et de rapprochement entre les peuples.
Il nous appartient, face au dynamisme dont fait preuve l’Afrique du Sud, de mieux développer cette vocation régionale. De très nombreux projets de coopération existent, notamment avec Maurice et Madagascar. Avec cette dernière, la mission d’étude que conduit le député-maire du Tampon, André Thien Ah Koon, devrait déboucher sur un renforcement souhaitable des liens de solidarité et de coopération. La Réunion a beaucoup à apporter aux 12 millions de malgaches qui vivent aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, dans des conditions de dénuement dramatiques. Face à cette situation, au malheur de ce pays dont nous sommes restés si proches, cette démarche doit être avant tout un élan du cœur.
Le rayonnement de notre pays, de sa culture, de ses techniques, devrait trouver sa concrétisation dans la naissance d’une grande université francophone de l’océan Indien. Je suis à l’origine de la création de l’université française du Pacifique Sud, implantée à Nouméa et Papeete, longtemps contestée, et qui constitue aujourd’hui un indéniable succès. C’est selon un schéma analogue que devrait être conçu et réalisé, dans le Sud de l’océan Indien, ce pôle de rayonnement francophone. Il constituera un puissant levier de développement pour les États de cette région qui ont su conserver vivantes notre culture et notre langue. En développant la coopération entre eux et avec la France, il apportera sa contribution à l’équilibre de cette zone du monde, conformément à ce qui constitue la vocation historique de notre pays.
Les différentes propositions qui précèdent visent à constituer les composantes d’une ambition globale qui consisterait à développer à partir de La Réunion un pôle de prospérité, de rayonnement culturel et de stabilité politique dans cette partie du monde, en s’appuyant sur les capacités de la société réunionnaise.
Au-delà de ces propositions, La Réunion, comme l’ensemble des DOM, a d’abord besoin d’une politique volontariste, ambitieuse et audacieuse, libérée d’un certain nombre de contraintes administratives ou technocratiques traditionnelles.
Cette politique, l’histoire récente l’a montré, ne peut exister que si elle procède du plus haut niveau de l’État et Si elle est voulue, pensée et imposée par quelqu’un qui aime les départements d’outre-mer, les connaît et les comprend.
Je souhaite, pour ma part, que ces quelques réflexions contribuent à enrichir le grand débat qui s’ouvre, auquel les Réunionnais et les Mahorais entendent légitimement prendre toute leur part.