Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur l'industrie des technologies médicales et l'homogénéisation des procédures de mise sur le marché (AMM) dans le cadre européen, Paris le 22 juin 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Simone Veil - Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville

Circonstance : Assemblée générale du SNITEM, à Paris le 22 juin 1994

Texte intégral

Madame la Présidente,
Monsieur le Président, 
Mesdames,
Messieurs,

Je suis très heureuse de me trouver aujourd'hui parmi vous à l'occasion de l'Assemblée générale du SNITEM répondant ainsi à l'invitation de votre Président, monsieur Jean-Pierre Ravut. J'aurais d'ailleurs souhaité, comme cela avait été envisagé et si cela avait été possible, de vous rencontrer avec monsieur Gérard Longuet, ministre de l'Industrie, des Postes et des Télécommunications, qui le souhaitait également mais n'a pu se libérer. En effet, le secteur des technologies médicales relève de plusieurs compétences ministérielles : ministère de l'Industrie, ministère de la Santé, sans oublier le ministère de la Recherche et le ministère du Budget, cette liste n'étant d'ailleurs pas exhaustive.

Pourtant, en ayant cité l'ensemble de ces ministères, je constate que je suis déjà au cœur des préoccupations que vous avez exprimées auprès de moi et de mes collaborateurs à maintes reprises, monsieur le Président.

Vous avez souvent regretté, voire même dénoncé, la complexité du système, acteurs et procédures confondues, qui assure l'encadrement des industries des technologies médicales. L'Éditorial du dernier « SNITEM Info » énumère d'ailleurs les procédures qui s'appliquent dans ce domaine. Elles vont de la normalisation aux marchés publics en passant par l'homologation, le marquage CE, les démarches plus ou moins formelles d'évaluation sanitaire et la tarification.

Le même éditorial ne conteste cependant pas l'existence de ces procédures, ni leur légitimité. Il exprime simplement le souhait que les actions entreprises par les acteurs publics soient coordonnées et concertées avec les organismes professionnels représentatifs des industries des technologies médicales.

Vous m'avez donné l'occasion aujourd'hui de répondre devant l'ensemble de vos adhérents et même de façon plus élargie puisque l'assistance regroupe aussi des journalistes et des institutionnels.

Je ferai bien volontiers. Mais tout d'abord, je souhaite rappeler les responsabilités du ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville en matière de technologies médicales.

Ce rappel est nécessaire pour bien comprendre que les dispositifs médicaux, comme les médicaments, ne sont pas des produits comme les autres et que leur usage nécessite des précautions particulières dès lors qu'il s'agit de la santé, voire de la vie, d'êtres humains.

Le ministère de la Santé a pour mission de garantir aux patients l'efficacité diagnostique et thérapeutique des produits utilisés dans leur prise en charge médicale, leur non dangerosité et leur tarification et le cas échéant, selon des conditions justes pour les constructeurs et compatibles avec les possibilités des caisses d'assurance maladie.

Ainsi, pourrait-on résumer jusqu'à présent les responsabilités qui sont celles de mon ministère. Cependant, il a fallu évoluer le cadre juridique dans lequel elles s'exerçaient depuis longtemps et qui n'était plus adapté aux progrès rapides les techniques utilisées dans le domaine médical; surtout, il a fallu tenir compte des démarches engagées au sein de l'Union Européenne qui ont abouti à des directives, en 1990 et en 1993, Dans le même temps, le Gouvernement a eu également le souci de placer les entreprises présentes sur le marché français dans meilleures conditions de vie et de développement.

Je souhaite m'arrêter quelques minutes sur ces deux points essentiels pour l'avenir de la santé et de l'industrie des technologies médicales.

L'environnement juridique est en cours de mutation profonde, Quelques exemples suffisent pour le démontrer. D'une part, si la procédure d'homologation s'est avérée efficace au cours de ces dernières années, elle a désormais atteint ses limites ; en effet, elle ne couvre que partiellement le champ dos dispositifs médicaux et laisse des pans entiers de produits hors procédure d'autorisation de mise sur le marché. Cette situation s'est avérée potentiellement pénalisante pour les patients comme en témoignent les graves difficultés rencontrées dans le domaine des prothèses mammaires ou les produits utilisés en chirurgie esthétique et réparatrice. Il fallait combler cette lacune. D'autre part, les industriels ont été jusqu'à présent dans l'obligation de respecter séparément les procédures spécifiques à chaque État de l'Union Européenne et d'y souscrire pour chaque produit avec des contraintes très différentes d'un État à l'autre.

Les directives européennes relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs de 1990 et à tous les dispositifs médicaux de juin 1993 vont répondre, à terme, à l'ensemble de ces questions. Les procédures de mise sur le marché seront désormais homogènes au terme des périodes transitoires et l'ensemble des dispositifs seront soumis à des modes de preuves d'efficacité et de non dangerosité conduisant à leur mise sur le marché.

Je tiens à souligner les efforts récents accomplis à mon initiative dans ce domaine. S'il faut déplacer le retard pris par la France dans la première directive applicable depuis le 1er janvier 1993, en revanche, notre pays est opérationnel pour l'application de la deuxième directive que les textes prévoient au 1er janvier 1995.

Deux actions ont permis d'atteindre ce résultat : le vote de la loi du 18 janvier 1994 pourtant transposition des deux directives relatives aux dispositifs médicaux en même temps ; la création, la première en Europe, de l'organisme notifié français : le G-MED (Groupement pour l'Évaluation des Dispositifs Médicaux) opérationnel depuis le 1er mai 1994.

Ce Groupement d'Intérêt Économique est la voie originale qu'a retenue le Gouvernement pour l'application des directives européennes. Il présente les caractéristiques suivantes :

Il a été créé par regroupement de moyens existants au sein de ses quatre membres fondateurs : le ministère de l'industrie, le Laboratoire National d'Essais, le Laboratoire Central des Industries Electriques et le ministère de la Santé. Le choix de ces différents acteurs, déjà largement associés aux procédures antérieures, a été dicté par un souci de rapidité et d'efficacité de mettre en œuvre des directives.

La conséquence naturelle est de définir le cadre d'association à proposer aux autres organismes qui effectuaient des essais. C'est le travail qui est actuellement engagé et qui doit aboutir d'ici la fin de l'année.

Il est dirigé par une équipe déjà rodée, qui travaillait déjà sur ces questions au ministère de la Santé, au Bureau de l'Homologation.

Il reçoit, chaque année, une subvention de 7 millions de Francs du ministère de la Santé pour gérer la fin de la procédure de l'homologation, la participation à des travaux de normalisation requis par les procédures européennes et répondre aux demandes d'expertises techniques, voire cliniques, qui pourront lui être demandées par les pouvoirs publics.

Enfin, il connaîtra la concurrence directe des organismes notifiés étrangers ; cette concurrence est un véritable défi en même temps qu'une garantie d'efficacité pour les industriels français. Elle constitue une modification fondamentale pour les professionnels de santé. J'ai bon espoir que ce défi sera relevé avec succès pour le plus grand bénéfice de chacun.

La création du G-MeD a plusieurs conséquences directes.

Le choix d'un Groupement d'Intérêt Économique impliquant les pouvoirs publics interdit la notification d'autres organismes même si des besoins de spécialisation d'essais peuvent apparaître : dans ce cas, les laboratoires concernés doivent s'adresser au Groupement pour étudier avec lui les conditions de participation à de tels essais dans un cadre de partenariat qui reste à définir.

De même, les missions du ministère de la Santé sont en cours de redéfinition : il lui appartient, en effet, de recentrer son action sur les missions dévolues à l'autorité compétente nationale. Elles sont nombreuses et lourdes puisqu'elles vont du contrôle du marché et des marquages CE délivrés dans des conditions d'égale rigueur, quel que soit le pays qui le délivre, jusqu'à la vigilance en matière de dispositifs médicaux en passant par les négociations à Bruxelles, les travaux de normalisation et les contentieux européens...

Je tiens à souligner devant votre assemblée générale, monsieur le Président Ravut, la qualité des travaux qui ont été conduits pour aboutir à une telle situation et l'apport qui a été celui du SNITEM puisque vous avez accepté d'être associé à l'ensemble des réflexions depuis 1992.

En ce qui concerne l'avenir de l'industrie des technologies médicales, tout le monde est aujourd'hui convaincu qu'il existe un lien fort entre la qualité de la médecine française et l'existence d'entreprises de proximité de tailles d'ailleurs très variables. Les deux logiques, qualité des soins et développement de l'industrie des technologies médicales, se rejoignent donc sur ce point.

Cette conviction peut parfois apparaître insuffisamment exprimée. C'est en tout cas ce que vous m'avez dit. Elle n'en existe pas moins et correspond à une réalité tangible. Les conséquences doivent en être tirées sans doute plus encore que par le passé. Le ministre de la Santé et le ministre de l'Industrie ont demandé, en avril 1994, à leurs services respectifs, et en collaboration avec le SNITEM, que des réflexions soient engagées dans ce sens. Les premières conclusions peuvent en être tirées même si les travaux doivent encore être approfondis et poursuivis avec d'autres acteurs parties prenantes au débat.

La première de ces conclusions porte sur la nécessaire coordination entre les professionnels de santé, les industriels des technologies médicales et les représentants des pouvoirs publics. J'ai déjà rappelé que des concertations existaient dans le cadre des procédures d'autorisation de mise sur le marché, de tarification, de normalisation ou de modification structurelle liée aux directives européennes, par exemple. Elles doivent être poursuivies et amplifiées puisque, en l'état, elles ne permettent pas de surmonter efficacement l'ensemble des problèmes qui sont posés.

À terme, les propositions qui m'ont été remises contiennent un projet de constitution d'une instance consultative auprès des pouvoirs publics dont les compétences s'étendraient de l'analyse des questions d'ordre général aux problèmes ponctuels rencontrés dans le cadre de procédures particulières.

Sur ce point, des réflexions complémentaires doivent être engagées dès septembre 1994 afin de préciser les contours, le fonctionnement, le positionnement et les missions d'une telle instance. Pour sa part, le ministère de la Santé a déjà répondu en partie à cette préoccupation en créant, au sein de la Direction des Hôpitaux, une division chargée des relations avec les industriels dès 1993. Il convient de poursuivre la réflexion afin d'imaginer une formule, si cela est possible, visant à élargir davantage encore la concertation entre ministères.

C'est l'objectif dont je charge aujourd'hui mes services auxquels je demande de se rapprocher de ceux de monsieur Longuet.

Le champ des dispositifs médicaux est très hétérogène compte tenu des réglementations qui s'y appliquent. Ceci concerne les procédures de mise sur le marché, les tarifications ou les acteurs concernés.

Je souhaite qu'il soit tenu compte de ces spécificités dans les réflexions qui seront conduites dès la rentrée de septembre prochain pour aboutir à des propositions pragmatiques qui puissent rapidement être mises en œuvre.

Voilà, monsieur le Président, les réflexions dont je voulais vous faire part aujourd'hui. Vous m'avez invitée lors de votre assemblée générale et je vous en remercie. Je souhaite que vos travaux apportent à l'ensemble de vos adhérents la satisfaction qu'ils en attendent.

Pour ma part, je resterai sensible aux observations dont vous souhaiterez me faire part. Vous savez par ailleurs que vous trouverez toujours en mes collaborateurs l'écoute attentive aux questions que vous voudrez bien leur soumettre. Ma présence aujourd'hui, parmi vous, au milieu d'une semaine chargée de lourdes obligations parlementaires, se veut un témoignage de l'intérêt et de la considération que les pouvoirs publics portent à votre profession.